- La semi-liberté est une modalité particulière d'exécution de la peine. Le condamné est placé sous ce régime dans trois hypothèses : ou bien lorsque le juge qui prononce la peine le décide, lorsque celle-ci est inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement (article 132-25 du code pénal) ; ou bien, selon la même condition de durée de la peine à exécuter, lorsque le juge de l'application des peines, saisi du dossier par le parquet, décide que cette exécution doit se faire selon cette modalité (article 723-15 du code de procédure pénale) ; ou bien, enfin, lorsque ce même juge décide, en principe après débat contradictoire, qu'une détention déjà commencée peut se poursuivre sous le régime de la semi-liberté. La majorité des semi-libres proviennent ainsi directement de l'état de liberté ; les personnes précédemment incarcérées selon le droit commun sont minoritaires.
La semi-liberté est accordée à titre probatoire (par ex. Cass. crim. 2 septembre 2009). Ce qui signifie qu'elle peut être révoquée par le juge de l'application des peines lorsque son bénéficiaire n'exécute pas les obligations dont est assorti le régime. Celles-ci sont multiples (voir dans le cas de la semi-liberté exécutée dans le cadre du régime de mise à l'épreuve les articles 132-44 et 132-45 du code pénal). Elles consistent le plus souvent à fixer des horaires pendant lesquels la personne intéressée peut exercer une activité professionnelle ou rechercher du travail, en dehors desquels elle doit être présente dans l'établissement pénitentiaire, c'est-à-dire soit un centre de semi-liberté autonome, soit un quartier de semi-liberté au sein d'une prison ordinaire. Elles prennent aussi la forme d'entretiens avec les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation) et, fréquemment, d'obligation de soins ou de toute autre activité d'insertion destinée à prévenir la récidive. Ces conditions paraissent légères. Elles sont, dans la pratique, très lourdes ; ce pourquoi la semi-liberté ne peut durer de facto que pendant un temps limité (quelques mois). - Les personnes placées dans ce régime par le juge sont donc soumises à contrainte. Elles sont écrouées et privées de leur liberté d'aller et de venir. La circonstance qu'elles disposent de possibilité de sortir à certaines heures de l'établissement ne dispense évidemment pas la puissance publique « de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec la dignité humaine » (Cour européenne des droits de l'homme, Gr. ch., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, n° 30210/96 ; pour une application récente de cette jurisprudence constante : Cour européenne des droits de l'homme, 3e section, 24 juillet 2012, Fülöp c/Roumanie, n° 18999/04).
- Au 1er janvier 2012, 1 857 personnes sont placées sous ce régime. La direction de l'administration pénitentiaire recense onze centres de semi-liberté et sept quartiers de semi-liberté offrant 768 places, soit un taux d'occupation de 241 %, supérieur au taux d'occupation des établissements de droit commun. Ce taux est très vraisemblablement moindre : il existe dans beaucoup d'établissements des cellules où sont affectés des « semi-libres », qui ne sont pas au nombre des sept quartiers dûment recensés. Cette incertitude est d'ailleurs révélatrice de l'intérêt qui y est porté. En tout état de cause, le taux d'occupation est élevé. Pour augmenter les capacités disponibles, des lits ont été ajoutés : dans un centre visité de soixante-quatorze places se trouvaient cent quarante-quatre lits (soit un quasi-doublement). Il est donc banal, comme l'a constaté le contrôle général dans un établissement, de voir disposés trois lits (dont deux superposés) dans 9,14 m². Par conséquent, la semi-liberté se traduit pour beaucoup de ceux qui en bénéficient par des conditions de vie dans lesquelles l'absence d'intimité et la promiscuité sont la règle. Les dimensions des cellules interdisant d'ajouter du mobilier, par exemple, leurs occupants disposent d'une table pour trois et d'un placard, au plus deux, pour trois, d'une ou deux chaises pour trois.
De surcroît, les locaux affectés à la semi-liberté sont souvent anciens, sans avoir été rénovés. A cet égard, certains centres visités encourent des critiques constantes. Le contrôle général a été, ainsi, dans l'obligation de demander (et d'obtenir) la fermeture immédiate d'un dortoir dans lequel des fils électriques dénudés avoisinaient dangereusement l'humidité très forte des cloisons.
S'ajoute enfin la circonstance que, dans beaucoup de centres ou quartiers de semi-liberté, peu de vérifications sont faites de l'état des lieux. Dortoirs et cellules sont fréquemment dans un désordre prononcé, chaque nouveau venu s'installant, comme il le peut, dans un inconfort matériel dont les éléments sont de l'ordre du rapport de forces entre cohabitants. Cette situation s'explique bien souvent, pour les quartiers ou cellules, parce qu'aucun personnel dédié ne leur a été affecté. La semi-liberté est bien souvent laissée pour compte dans les maisons d'arrêt : aucun règlement particulier ne s'y applique et il arrive qu'elle ne soit même pas mentionnée dans le règlement intérieur de l'établissement. Tout se passe comme si aucune attention particulière ne devait y être portée. - Les travailleurs sociaux (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ― CPIP) sont présents dans les centres sous forme de permanence (ce sont alors ceux du milieu « ouvert » le plus souvent, dont le siège départemental peut être éloigné de l'établissement) et dans les quartiers sous forme de rendez-vous dans la détention (ce sont souvent dans ce cas ceux du milieu « fermé » qui sont attachés à l'établissement). Leur nombre est souvent insuffisant. Ainsi, dans un centre pénitentiaire visité en 2011, l'effectif des agents était de onze en théorie, de neuf en pratique, et devait être ramené à huit quelques semaines plus tard. Un seul conseiller avait à sa charge les personnes détenues du quartier de semi-liberté, du quartier dit « sortants » et celles placées sous surveillance électronique. Les horaires de leur présence ne sont pas nécessairement adaptés aux heures pendant lesquelles les semi-libres sont présents : dans un centre étaient assurées des permanences de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Avec le CPIP, il faut donc s'absenter du travail ou manquer aux entretiens.
Alors que les aides des travailleurs sociaux devraient se concentrer sur les effets du travail, ou des soins, ou de la recherche d'emploi et sur la réinsertion, beaucoup d'entretiens ont pour finalité des opérations beaucoup plus impératives, notamment pour obtenir des pièces d'identité dont les semi-libres sont dépourvus. Au moins pour les personnes auparavant incarcérées, ces opérations auraient pu avantageusement se faire pendant la détention antérieure. L'occasion n'a pu s'en trouver, soit du fait des sous-effectifs des travailleurs sociaux, soit du fait de la rigidité de certaines administrations. Il en résulte qu'en semi-liberté le soutien des CPIP porte sur des objets certes décisifs mais indépendants des personnalités et des efforts déployés.
La conséquence en est que certaines démarches d'accompagnement nécessaires sont impossibles à réaliser. Le passage pour les détenus de droit commun à la semi-liberté se traduit, par exemple en matière d'alcool, par le passage de la prohibition absolue à la possibilité de boire. Si les boissons alcoolisées sont interdites dans les quartiers ou centres de semi-liberté, il est possible de consommer pendant les heures de sortie. Un des problèmes quotidiens de ces lieux est la rentrée, le soir, de semi-libres en état d'ébriété. L'accompagnement en la matière est quasi-inexistant. Il devrait se préoccuper des difficultés concrètes des personnes, dès lors que le passage de la détention complète à la semi-liberté en pose. - Les soins constituent une carence importante de la semi-liberté telle qu'elle fonctionne.
S'agissant des constats de l'état de santé et des soins à dispenser pour des pathologies, le semi-libre n'a plus accès aux dispositifs des établissements pénitentiaires. Il lui faut donc trouver les ressources nécessaires (dans une agglomération dont, souvent, il ignore tout). Il lui faut une couverture sociale : certains établissements, mais non la majorité, ont passé des conventions avec la caisse primaire d'assurance-maladie pour accélérer l'établissement des dossiers nécessaires (1). Il faut aussi des soins de proximité : des établissements ont passé convention avec des centres de soins (municipaux, par exemple) ; mais pas tous. Des centres de soins n'admettent pas les semi-libres, parce qu'ils estiment que ces derniers ne sont pas résidents de la commune.
S'agissant des obligations de soins imposées par les magistrats (notamment dans les hypothèses d'addiction), les centres spécialisés sont souvent saturés et les délais d'attente se chiffrent en semaines ou en mois. Comme la semi-liberté ne dépasse pas elle-même quelques mois, les obligations ne sont pas du tout, ou seulement en partie, suivies d'effet.
(1) Voir sur ce point le rapport annuel pour 2011 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, chapitre 3, « L'accès aux droits sociaux pour les personnes privées de liberté ».
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