JORF n°0189 du 14 août 2008

Avis du

Participaient à la séance : M. Philippe de Ladoucette, président, M. Michel Lapeyre, vice-président, M. Maurice Meda, vice-président, MM. Jean-Paul Aghetti, Eric Dyèvre, Hugues Hourdin et Jean-Christophe Le Duigou, commissaires.

  1. Contexte

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 8 juillet 2008, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, d'un projet d'arrêté modifiant l'annexe du décret n° 2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme « produit de première nécessité ». La modification de l'annexe par arrêté est prévue par l'article 2 de ce décret.
Le projet d'arrêté aligne le plafond du montant annuel des ressources du foyer ouvrant droit au bénéfice de la tarification spéciale sur celui ouvrant droit à la couverture maladie universelle (CMU). Celui-ci varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge.
Le plafond ouvrant droit à la tarification spéciale, de 5 520 € à ce jour, n'a pas été modifié depuis l'entrée en vigueur du décret du 8 avril 2004, ce qui a entraîné une baisse du nombre d'ayants droit depuis lors.

  1. Observations
    Dénomination du plafond

Le plafond auquel l'arrêté fait référence est celui ouvrant droit à la CMU. L'arrêté devrait préciser qu'il s'agit de celui ouvrant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), qui est la couverture accordée sous conditions de ressources, la CMU de base ne l'étant pas. Ce plafond est de 7 447 € au 1er juillet 2008 pour une personne seule.

Revalorisation périodique du plafond

L'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le plafond ouvrant droit à la protection complémentaire en matière de santé (CMUC) est révisé par décret au 1er juillet de chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix.
Le projet d'arrêté soumis à la CRE prévoit la prise en compte de ce plafond pour l'ouverture du droit à la tarification spéciale de l'électricité comme « produit de première nécessité ». Il rend ainsi automatique la révision annuelle du plafond, ce qui permettra d'éviter une baisse du nombre d'ayants droit.

Impact sur les charges de service public

La modification du plafond de ressources envisagée devrait porter en régime établi à environ 1 600 000 le nombre de foyers ayant droit à la tarification spéciale et demandant à en bénéficier, soit une augmentation de l'ordre de 750 000 par rapport au même nombre estimé à ce jour.
Les charges de service public de l'électricité incluent les charges des fournisseurs résultant de l'application de la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
La modification du plafond devrait entraîner une hausse de ces charges de l'ordre de 45 M€ par an, toutes choses égales par ailleurs. L'impact de cette hausse sur la contribution au service public de l'électricité est de l'ordre de 0,12 €/MWh.

Fournisseurs appliquant la tarification spéciale

En application du III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, EDF et les entreprises locales de distribution sont les fournisseurs en charge de la mise en œuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Or, l'article 3 de la directive n° 2003/54 du 26 juin 2003 sur le marché intérieur de l'électricité prévoit que les obligations de service public mises en place par les Etats membres garantissent aux fournisseurs d'électricité un égal accès aux consommateurs nationaux. Il prévoit aussi que « les Etats membres veillent à ce que le client éligible puisse effectivement changer de fournisseur ».
En conséquence, la CRE préconise que la loi permette à l'ensemble des fournisseurs d'électricité d'appliquer la tarification spéciale, qui devrait alors être définie de la manière la plus appropriée à cette nouvelle situation.
Il est à noter qu'en l'absence de cette possibilité le décret du 8 avril 2004 soulève des difficultés d'application dans le cas d'un client qui a opté pour une offre de marché auprès d'un fournisseur alternatif et qui connaît ultérieurement une situation de précarité. En effet, le décret prévoit qu'une personne ayant droit à la tarification spéciale envoie une attestation complétée à son fournisseur (à tort « distributeur » dans le décret) afin que celui-ci applique la tarification. Or, si ce fournisseur n'est pas un fournisseur historique, il ne peut appliquer la tarification spéciale.
Si la possibilité d'appliquer la tarification spéciale n'était pas offerte à l'ensemble des fournisseurs, le décret devrait prévoir une procédure de transmission de l'attestation précitée, du fournisseur alternatif vers le fournisseur historique concerné, assortie de modalités permettant l'application de la tarification spéciale à brefs délais compte tenu du changement de fournisseur.

  1. Avis de la CRE

La CRE émet un avis favorable sur le projet d'arrêté qui lui est soumis.
Elle juge indispensable que la dénomination du plafond soit précisée pour faire référence au plafond ouvrant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC).
En outre, la CRE préconise que la loi permette à l'ensemble des fournisseurs d'électricité d'appliquer la tarification spéciale. Dans l'attente de cette nouvelle disposition, la CRE recommande que le décret prévoie une procédure de transmission des attestations reçues par les fournisseurs alternatifs vers les fournisseurs historiques concernés, assortie de modalités permettant l'application de la tarification spéciale à brefs délais compte tenu du changement de fournisseur.
Fait à Paris, le 17 juillet 2008.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette