JORF n°0029 du 4 février 2018

Avis divers n°2017-16

Saisie par la ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 5 octobre 2017, relative à une visière de casque romain, bronze ( ?), probablement Ier siècle après JC, découverte à Conflans-en-Jarnisy en 1908 et ayant appartenu à Henry de Montherlant,
La commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 15 novembre 2017 ;
Après en avoir délibéré,
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé est une visière de casque prenant la forme d'un masque humain, d'époque romaine, présentant un grand intérêt patrimonial et historique ; qu'il s'agit de la représentation, désormais fragmentaire, d'un visage imberbe et idéalisé de jeune homme, surmonté de mèches bouclées et d'une couronne végétale, possible marque d'une décoration décernée à son propriétaire, et assorti d'une palmette à décor gravé peu visible sur la joue droite ; que ce « casque à visage », dont 113 exemplaires étaient connus en 2013 pour l'ensemble du monde romain, parmi lesquels moins d'une dizaine se trouve sur le territoire de l'ancienne Gaule, témoigne des casques luxueux, souvent argentés ou dorés, portés par des cavaliers de l'armée romaine, depuis le début du Ier siècle après JC jusqu'au milieu du iiie siècle après JC, lors de parades et de joutes et qui n'étaient pas utilisés pour le combat ; que ce type de casque, dont l'utilisation se trouve mentionnée dans l'Ars Tactica de L. Flavianus Arrianus, datant de 136 après JC, et dont on trouve la trace tout au long des frontières de l'Empire romain, avec une concentration importante sur le Rhin et le Danube, a pu aussi être porté lors de cérémonies du culte impérial et marquait certainement le statut important du militaire qui le possédait ; que cette visière de casque, découverte fortuitement en octobre 1908 près d'une route conduisant de Conflans-en-Jarnisy à Jarny (Meurthe-et-Moselle), faisait probablement partie du mobilier funéraire d'une sépulture à incinération, dont le style d'une cruche l'accompagnant permet de proposer une date d'enfouissement durant la première moitié du Ier siècle après JC ; que le parcours de cet objet après sa découverte est bien documenté ; qu'il a été publié dès 1911 et acquis, à une date indéterminée, par l'écrivain Henry de Montherlant (1895-1972), qui avait déclaré à une émission de télévision en 1954 vouloir se faire enterrer avec lui ; qu'il est important de maintenir sur le territoire, notamment pour permettre son étude et sa présentation, le seul objet de ce type découvert en France encore en mains privées, qui constitue un rare témoin de la présence de l'armée romaine en Gaule à l'époque impériale et bénéficie de l'aura romanesque de Montherlant qui était très attaché à cette pièce de sa collection ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.

Pour la commission :

Le président,

E. Honorat