JORF n°0177 du 30 juillet 2017

Avis divers n°2017-09

Saisie par la ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 6 février 2017, relative à un tableau de Salvador DALI, la Pêche au thon, huile sur toile et collage, 1966-1967 ;
La commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 12 juillet 2017 ;
Après en avoir délibéré ;
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé est une œuvre exceptionnelle de grand format de Salvador Dali (1904-1989), artiste majeur du XXe siècle, notamment connu pour son rôle dans le mouvement surréaliste ; que cette toile, se référant à Jean-Louis-Ernest Meissonier, peintre de scènes de batailles du XIXe siècle, et terminée en 1967, marque le point d'achèvement d'un cycle de peintures d'histoire de grande dimension, engagé par Dali en 1958 avec la Bataille de Tétouan ; que cette composition savante et foisonnante est organisée autour de l'image centrale d'un couteau à la lame brillante, avec dans son axe la figure nue de sa femme et muse, Gala, et dont les différentes parties multiplient les références iconographiques, avec un personnage tiré de l'autel de Pergame, un colosse semblable à celui de Rhodes ainsi notamment qu'un portrait contemporain, traité comme un pochoir urbain ; que le sujet de la pêche au thon, traité comme une scène de bataille historique violente, avec de multiples références à l'histoire de l'art et un mélange de nombreuses techniques, illustre les thèmes obsessionnels de l'art et de l'univers intime de Dali ; que cette œuvre manifeste et testamentaire a été qualifiée par Dali lui-même de « définitive », alliant plusieurs styles, du pop art à l'action painting, et qu'il considérait comme le tableau « le plus ambitieux » qu'il ait peint, « une espèce d'apothéose de (s)on art » ; qu'elle témoigne de la rencontre de Dali avec Paul Ricard (1909-1997), entrepreneur de renom et mécène, notamment dans le domaine artistique avec la fondation qui porte son nom, venu dans l'atelier du peintre à Port Lligat en 1967 et qui, séduit par le tableau en cours de réalisation, l'acheta avant même qu'il ne soit terminé afin d'en faire la pièce maîtresse de la galerie d'art de son château, situé sur l'île de Bendor, au large de Bandol, dans une salle réservée à cet effet ; qu'il s'agit d'un tableau magistral, concentré de techniques et d'inspirations caractéristiques de la manière de l'artiste, qui peut être considéré comme le dernier chef-d'œuvre de Dali et reste le seul de cette importance encore conservé en mains privées sur le territoire national ;
Qu'en conséquence cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national,
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.

Pour la commission :

Le président,

E. Honorat