JORF n°0076 du 31 mars 2016

Avis divers n°2016-01

Saisie par la ministre de la culture et de la communication, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 26 novembre 2015, relative à un tableau attribué possiblement à Michelangelo Merisi dit Le Caravage, Judith et Holopherne, huile sur toile, 1600-1610 ;
La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 17 février 2016,
Après en avoir délibéré :
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé est un remarquable tableau de style caravagesque du début du XVIIe siècle, récemment réapparu et provenant d'une collection privée du Sud-Ouest de la France, où il y serait depuis le milieu du XIXe siècle ; que cette représentation d'un sujet biblique tiré de l'Ancien Testament illustre le moment précis où Judith, veuve juive de Béthulie, décapite, en présence d'une vieille servante chargée de recueillir la tête d'Holopherne, le général assyrien, qui assiège sa ville pour la sauver ; qu'une hypothèse d'identification est possible avec une œuvre de Caravage disparue et connue jusqu'à présent par quelques éléments indirects, notamment par une lettre du 25 septembre 1607 du peintre François Pourbus à Vincent Ier de Gonzague, lui indiquant deux tableaux du Caravage à acheter à Naples, dont un figure Judith et Holopherne « avec des demi-figures » ; que ces tableaux appartenaient alors aux peintres et marchands associés, Louis Finson (1580-1617) et Abraham Vinck (1576/1577-avant 1621), et se retrouvent mentionnés dans le testament de Finson, qui en lègue sa part à Vinck ; que le parcours de ce tableau représentant Judith et Holopherne, distinct de celui peint vers 1598-1600 par Caravage pour Ottavio Costa et aujourd'hui conservé à Rome, n'est pas connu après 1617 ; qu'il existe, par ailleurs, une autre version du tableau, de dimensions proches et comportant quelques variantes, qui s'apparente au style de Finson et pourrait reproduire un original perdu de Caravage ; qu'en outre, le tableau faisant l'objet de la demande d'exportation présente des similitudes avec d'autres compositions attribuées de manière sûre au Caravage, telles que le cadrage à mi-corps des personnages, leur traitement naturaliste et les contrastes d'éclairage ; que, même en l'absence de certitude sur l'attribution au Caravage, il apparaît important, en tout état de cause, de maintenir sur le territoire cette œuvre caravagesque d'une facture magistrale, notamment afin de pouvoir poursuivre l'étude de son itinéraire et de son attribution,
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national,
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.

Pour la commission :

Le président,

E. Honorat