JORF n°0216 du 18 septembre 2015

AVIS DIVERS n°2015-A-5 du 19 mai 2015

La commission,
Vu la lettre en date du 18 mai 2015 par laquelle le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 26 (I, 2°) de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, en vue de la mise en œuvre d'une cession de titres GDF Suez par le biais d'une vente sur le marché au fil de l'eau ;
Vu le code de l'énergie ;
Vu la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, notamment son article 7 ;
Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et le décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de ladite ordonnance ;
Vu le décret n° 2007-1784 du 19 décembre 2007 pris pour l'application de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation ;
Vu le décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l'Etat au capital de Gaz de France SA ;
Vu l'avis de la commission des participations et des transferts n° 2008-AC-2 du 2 juillet 2008 relatif au transfert au secteur privé du contrôle de Gaz de France, la décision n° 2010-D-1 du 8 juillet 2010 relative à une augmentation de capital de GDF Suez réservée aux salariés, les avis n° 2014-A-2 du 23 juin 2014 et 2014-A-3 du 25 juin 2014 relatifs à une cession sur le marché de titres de GDF Suez, les avis n° 2014-A-7 du 12 novembre 2014 et n° 2014-A-9 du 23 décembre 2014 relatifs à des offres de GDF Suez réservée aux salariés ;
Vu les documents d'information financière publiés par GDF Suez et en particulier :

- le communiqué de presse du 26 février 2015 sur les résultats annuels 2014 ;
- le document de référence 2014 incluant le rapport financier annuel déposé le 23 mars 2015 par GDF Suez auprès de l'Autorité des marchés financiers ;
- le communiqué de presse du 27 avril 2015 intitulé « Informations financières au 31 mars 2015 » ;
- le communiqué de presse du 13 mai 2015 relatif à l'ajustement de la fourchette prévisionnelle de résultat net récurrent pour 2015 ;
- le document de présentation intitulé « Engie : A Global Energy Player » rendu public en mai 2015 sur le site internet de la société ;

Vu le dossier transmis par l'Agence des participations de l'Etat à la commission le 15 mai 2015 et comprenant :

  1. Une note de ladite agence.
  2. Un rapport d'évaluation établi par Rise Conseil, conseil de l'APE.
  3. Le projet de mandat de cession programmée avec les banques en charge de la cession.
    Vu les notes remises en séance à la commission le 19 mai 2015 par, d'une part, Goldman Sachs et la Société générale, et, d'autre part, Rise Conseil ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Après avoir entendu :

- le 19 mai 2015 successivement :

  1. Le ministre chargé de l'économie représenté par Mme Astrid MILSAN, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'Etat, et MM. François CHAMPARNAUD et Olivier FROMENT, et assisté par les banques en charge de la cession, Goldman Sachs, représenté par MM. Cyrille PERARD, Managing Director, Renaud GUIDEE et Mathieu CHABOT et la Société générale, représentée par MM. Jean-Baptiste GIROS, Bruno CHEKROUN et Stéphane GUET, Managing Directors ;
  2. Le ministre chargé de l'économie représenté comme ci-dessus et assisté du conseil de l'APE, Rise Conseil, représenté par MM. Alain NOËL, directeur associé, et Yann CHERRIERE ;
  3. Le ministre chargé de l'économie représenté comme ci-dessus,

Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre du 18 mai 2015, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission en vue de la mise en œuvre d'une opération de marché sur le capital de la société GDF Suez, actuellement détenue à hauteur de 33,24 % par l'Etat.
L'opération envisagée consiste dans la cession sur le marché « au fil de l'eau » d'une partie des actions existantes détenues par l'Etat pour un volume d'au maximum 0,9 % du capital de GDF Suez.
Le transfert au secteur privé de Gaz de France a été autorisé par le décret du 19 décembre 2007 susvisé.
Les actions seront cédées sur le marché par la technique dite du « fil de l'eau ». L'Etat étant un actionnaire important de GDF Suez, présent au conseil d'administration de la société, la mise en œuvre de la cession, conformément aux recommandations émises par l'Autorité des marchés financiers, est déléguée de façon irrévocable à deux établissements bancaires, Goldman Sachs et la Société générale, aux termes d'un « mandat de cession programmé » dont le projet a été présenté à la commission.
S'agissant du niveau de la participation de l'Etat, l'opération se fera dans le respect des dispositions combinées du code de l'énergie et de l'article 7 de la loi du 29 mars 2014 susvisée. A l'issue de la cession, l'Etat détiendra au minimum 32,33 % du capital de GDF Suez et il bénéficiera en avril 2016 de droits de vote double.
II. - GDF Suez résulte de la fusion fin juillet 2008 entre Gaz de France (GDF) - qui avait été introduit en Bourse en juillet 2005 - et Suez, opération qui avait entraîné le transfert au secteur privé de la majorité du capital de GDF. Le décret du 20 décembre 2007 susvisé avait préalablement institué une action spécifique dans le capital de Gaz de France conférant à l'Etat le droit de s'opposer à certaines décisions concernant des actifs stratégiques du groupe.
Au moment de la fusion, GDF était essentiellement un distributeur de gaz naturel, propriétaire du réseau de transport de gaz en France et titulaire de concessions de distribution de gaz de la part des collectivités locales, tout en ayant entrepris une diversification vers l'amont, les services et les offres multi-énergies. Suez, de son côté, était présent dans l'énergie (particulièrement en Belgique avec Electrabel), les services et l'environnement (à travers Suez Environnement).
Le nouveau groupe se recentrant sur l'énergie, il décidait de ne conserver dans Suez Environnement qu'une participation minoritaire (aujourd'hui de 33,7 %).
La présence mondiale de GDF Suez dans les activités énergétiques a acquis une nouvelle dimension, spécialement dans les pays à forte croissance de la demande d'électricité, avec l'acquisition en 2011 et 2012 de la totalité du capital du groupe International Power. GDF Suez est par ailleurs associé à Toshiba (Westinghouse) depuis début 2014, dans NuGen pour la construction de trois réacteurs nucléaires dans le nord de l'Angleterre.
L'Etat est le premier actionnaire de GDF Suez. Sont également recensés les actionnaires suivants : les salariés (3,2 %), le groupe Bruxelles Lambert (2,4 %), la CDC (1,9 %), CNP Assurances (1 %) et Sofina (0,4 %). 1,8 % du capital est autodétenu.
III. - GDF Suez est un groupe diversifié dans le secteur énergétique qui organise son activité en cinq divisions opérationnelles décrites comme suit (chiffres après élimination des transactions internes) :

- la branche Energie Europe (47 % du chiffre d'affaires et 12 % du résultat opérationnel courant en 2013) est en charge des activités de production d'électricité, de gestion de l'énergie, de vente d'électricité et de gaz naturel en Europe continentale. Elle est également en charge de la distribution et du stockage de gaz naturel dans une partie de l'Europe ;
- la branche Energy International (19 % du chiffre d'affaires et 37 % du résultat opérationnel courant), outre la production d'électricité, est aussi active dans d'autres secteurs connexes, notamment en aval de la chaîne GNL, la distribution de gaz, le dessalement de l'eau de mer et la vente d'énergie au détail ;
- la branche Global Gaz & GNL (9 % du chiffre d'affaires et 14 % du résultat opérationnel courant) est en charge de l'exploration-production de gaz et de pétrole, de la fourniture, du transport et de la commercialisation de GNL ;
- la branche Infrastructures (4 % du chiffre d'affaires et 27 % du résultat opérationnel courant) rassemble les activités de réseaux et d'infrastructures, principalement en France : transport de gaz naturel, regazéification du GNL, stockage de gaz naturel, distribution de gaz naturel ;
- la branche Energie Services (21 % du chiffre d'affaires et 10 % du résultat opérationnel courant) propose des solutions d'efficacité énergétique dans les domaines de l'ingénierie, de l'installation et des services énergétiques.

A ces cinq branches s'ajoute Suez Environnement Company, dont GDF Suez détient 33,7 % du capital. Le pacte d'actionnaires auquel participait GDF Suez n'ayant pas été reconduit, l'entreprise est considérée depuis le 1er juillet 2013 comme une entreprise associée et mise en équivalence dans les comptes consolidés du groupe.
La répartition géographique du chiffre d'affaires de GDF Suez est la suivante en 2014 : France 37 %, Belgique 11 %, reste de l'Europe 30 %, Amérique du Nord 5 %, Amérique du Sud 6 % Asie, Moyen-Orient et reste du monde 11 %.
Le groupe emploie un effectif moyen total de 236 000 employés (y compris les entreprises associées).
IV. - Les résultats de l'exercice 2014 de GDF Suez ont souffert de plusieurs éléments défavorables : douceur du climat en France qui a impacté les ventes de gaz, baisse des prix sur les marchés de l'électricité en Europe, contexte hydrologique défavorable au Brésil, indisponibilité de deux centrales nucléaires en Belgique (Doel 3 et Tihange 2). De plus, l'année 2013 avait bénéficié d'un rattrapage tarifaire.
Le chiffre d'affaires de l'exercice 2014 s'est ainsi établi à 74,7 milliards d'euros en baisse de 6,6 % par rapport à 2013 (en baisse de 4,4 % hors effets climat et rattrapage). Il a été essentiellement impacté, pour les motifs ci-dessus mentionnés, par l'évolution du chiffre d'affaires de la branche Energie Europe en baisse de près de 18 %. Les autres branches se maintiennent ou progressent (en particulier Global Gaz et Energie Services).
L'EBITDA a été de 12,1 milliards d'euros, soit une baisse de 6,7 % (une hausse de 8,2 % hors effets climat et rattrapage) due essentiellement à la baisse de 30 % de la branche Energie Europe (mais aussi à celle de 8 % de la branche Energy International).
Le résultat opérationnel courant (après quote-part du résultat net des entreprises mises en équivalence) de 7,2 milliards d'euros a été en baisse de 6,6 % (en hausse de 8,2 % hors effets climat et rattrapage) essentiellement affecté par la baisse de 36 % du résultat de la branche Energie Europe. Les branches Global Gaz et Energie Services ont été en progression.
Suez Environnement Company a connu pour sa part une année 2014 caractérisée par des succès commerciaux en France et à l'étranger et, malgré un impact défavorable du change, un chiffre d'affaires stable à 14,3 milliards, un EBITDA en hausse de 4,3 % et un résultat net à nouveau en forte progression (+18,5 %). Les segments Eau Europe et International ont été porteurs alors que le segment Déchets Europe connaissait un contexte plus difficile.
Le résultat net, part du groupe, de GDF Suez pour l'exercice 2014 est bénéficiaire à hauteur de 2,4 milliards d'euros après la perte exceptionnelle de 2013 qui résultait d'importantes corrections de valeur.
Le cash flow opérationnel libre généré en 2014 de 8,8 milliards d'euros est en diminution de 23 % en raison de la baisse des résultats et d'une variation temporaire du besoin en fonds de roulement.
Le bilan consolidé de GDF Suez au 31 décembre 2014 fait apparaître des capitaux propres de 56 milliards d'euros. Le montant de la dette nette s'est inscrit à 27,5 milliards, en baisse de 5 %. Les écarts d'acquisition nets inscrits à l'actif du bilan représentent 21,2 milliards, en augmentation de 4 %,
Le 27 avril 2015, GDF Suez a publié des éléments de résultat du premier trimestre 2015. Le chiffre d'affaires consolidé s'élève à 22,1 milliards d'euros, en baisse de 3 % par rapport à la même période de 2014 en raison tant d'un nouveau recul de la branche Energie Europe (- 6,5 %) que de la forte baisse de la branche Global Gaz & GNL (- 35 %) due à la chute des prix du gaz et du pétrole et au recul de l'activité GNL en volume et en prix. Les autres branches sont en progression. D'un montant de 3,6 milliards, l'EBITDA diminue de 10 % et le résultat opérationnel courant de 17 % à 2,4 milliards. Ces chiffres traduisent l'impact de la baisse des prix et de l'indisponibilité de centrales nucléaires en Belgique.
V. - Lors de l'annonce de ses résultats annuels le 26 février dernier, GDF Suez a confirmé ses deux orientations stratégiques majeures :

- être l'énergéticien de référence dans les pays à forte croissance ;
- être leader de la transition énergétique en Europe.

Compte tenu de l'impact important sur les métiers du groupe de la chute des prix du gaz et du pétrole, GDF Suez a décidé la mise en place d'un plan de réaction opérationnel rapide, en complément du plan Perform 2015, focalisé sur des réductions ciblées de dépenses opérationnelles et s'accompagnant d'un décalage de certains investissements de croissance.
Sur ces bases, le groupe anticipait pour 2015 un résultat net récurrent part du groupe compris entre 3 et 3,3 milliards d'euros à climat moyen en France. Cet objectif reposait sur une estimation d'EBITDA de 11,7 à 12,3 milliards et de résultat opérationnel courant de 6,8 à 7,4 milliards d'euros.
Le groupe confirmait par ailleurs sa politique d'allocation du capital pour la période 2014-2016 :

- des investissements nets compris entre 6 et 7 milliards d'euros par an en moyenne ;
- un ratio dette nette/EBITDA inférieur ou égal à 2,5 et maintien d'une notation de catégorie « A » ;
- une politique de dividende stabilisée avec un taux de distribution de 65-75 % et un minimum d'un euro par action payable en numéraire.

Début avril, GDF Suez, qui a adopté le nom commercial ENGIE, a présenté son nouveau projet d'entreprise afin d'accélérer la mise en œuvre de sa stratégie de développement. Il envisage notamment un nouveau projet d'organisation reposant sur la création de 24 entités opérationnelles géographiques et de cinq lignes de métiers.
Les résultats du premier trimestre 2015 étant en ligne avec la trajectoire attendue, le groupe a confirmé le 27 avril ses objectifs financiers pour l'ensemble de l'année.
Cependant, il est apparu début mai que la durée d'indisponibilité des centrales nucléaires belges de Doel 3 et Tihange 2, arrêtées pour inspection, devrait être prolongée plusieurs mois. Le 13 mai, GDF Suez a annoncé en conséquence réviser ses prévisions de résultats pour 2015 comme suit :

- un EBITDA compris entre 11,55 et 12,15 milliards d'euros ;
- un résultat opérationnel courant compris entre 6,65 et 7,25 milliards ;
- un résultat net récurrent part du groupe compris entre 2,85 et 3,15 milliards.

Les autres objectifs sont inchangés.
VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de GDF Suez en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
a. La commission a disposé à cet effet d'un rapport établi par le conseil de l'APE qui utilise principalement deux méthodes :

- la somme des parties : la valeur d'entreprise est déterminée comme la somme de la valeur des branches du groupe. Chaque branche est évaluée selon la méthode de l'actualisation des flux libres de trésorerie (cash-flows) sur la base d'une trajectoire financière prévisionnelle (EBITDA, CAPEX, cash flows libres). Les valeurs terminales sont calculées selon des cash flows normatifs et un taux de croissance à l'infini ou, pour les infrastructures régulées, selon la méthode usuelle du multiple de la BAR (base d'actifs régulés). Le coût du capital est estimé selon le modèle d'évaluation des actifs financiers, séparément pour chacune des branches. La valeur du groupe est déterminée après ajout à la valeur d'entreprise de la valeur des participations (hormis celles dont l'EBITDA est intégré dans les branches par GDF Suez) et soustraction de la dette nette, des provisions et des minoritaires. Des analyses de la sensibilité de l'évaluation à la variation des principaux paramètres sont présentées. Une approche d'évaluation sur la base d'un scénario moins favorable est également fournie ;
- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été étudiés et appliqués aux agrégats globaux de GDF Suez. Les multiples utilisés sont ceux de revenus par action (P/E), de valeur d'entreprise / EBITDA et de valeur d'entreprise / EBITDA-CAPEX. Les années de référence sont 2015 et 2016. Ont été retenues comme comparables six sociétés cotées : EDF, Endesa, Enel, E.ON, Iberdrola et RWE.

Le conseil a par ailleurs présenté l'évolution du cours de Bourse de GDF Suez et les objectifs des analystes financiers. Il a aussi systématiquement comparé ses évaluations à celles des analystes.
Au total, le conseil présente une fourchette d'évaluation sur la base de ces différentes méthodes.
b. Les banques en charge de la cession ont également présenté à la commission une étude approfondie des éléments de marché relatifs à la valorisation de GDF Suez et à la perception de la société par les analystes financiers.
VII. - La commission constate que les évaluations résultant des différentes méthodes s'avèrent convergentes.
Depuis le précédent avis de la commission du 23 juin 2014, le cours de Bourse de GDF Suez a connu une érosion progressive dans un contexte de volatilité. Il est passé globalement d'un niveau proche de 21 € à 18 €. Au total, alors que le cours de GDF Suez a suivi très étroitement les évolutions des indices CAC 40 et du secteur des « utilities » jusqu'à fin 2014, il n'a pas bénéficié depuis le début de l'année 2015, de façon légèrement plus marquée au demeurant que son secteur, de la forte reprise du marché dans son ensemble traduite par la hausse significative de l'indice CAC 40. Les annonces propres à la société (difficultés sur des réacteurs nucléaires en Belgique, résultats parfois jugés un peu décevants) ont donc eu un impact en général limité.
Les analystes financiers sont nombreux à suivre activement la valeur. Leurs opinions sont unanimement favorables et ils privilégient la valeur dans son secteur. Les objectifs de cours, stables depuis plusieurs mois, recèlent une plus-value implicite importante par rapport aux cours actuels (environ 15 %).
Les principaux facteurs positifs pour GDF Suez généralement relevés résultent du profil de la société vu comme combinant un rendement élevé et des perspectives de croissance La présence géographique diversifiée du groupe avec un positionnement dans des pays où les besoins énergétiques sont en forte croissance (Chine, Inde, Brésil) est ainsi soulignée. La stratégie financière apparaît clarifiée grâce à une politique de dividende offrant une visibilité accrue et à des marges de manœuvres supplémentaires pour saisir des opportunités de croissance externe. La forte génération de trésorerie attendue doit permettre de soutenir les investissements de croissance tout en préservant la solidité financière du groupe. La mise en œuvre rapide d'un plan de réduction ciblé des dépenses, pour atténuer l'impact du déclin des prix du gaz et du pétrole, est par ailleurs appréciée.
La commission a également pris en compte les risques qui affectent l'activité du groupe : poursuite éventuelle de la dégradation des conditions du marché énergétique en Europe avec les incertitudes tarifaires, difficultés rencontrées en Belgique (l'arrêt provisoire de certains réacteurs se prolongeant), niveau effectif de la rentabilité des nouveaux investissements et de la réalisation des programmes ambitieux de réduction des coûts.
La commission a noté que la cession envisagée ne se traduira pas à terme par une diminution significative de la participation de l'Etat en termes de droits de vote, compte tenu de la mise en œuvre par GDF Suez des dispositions de la loi du 29 mars 2014 susvisée sur les droits de vote double. Les dispositions du code de l'énergie instituant l'obligation pour l'Etat de détenir plus du tiers du capital de GDF Suez seront respectées dans les conditions prévues par ladite loi.
VIII. - L'opération présentée à la commission est la première réalisée par l'Etat selon la technique de « cession au fil de l'eau ». La commission observe que cette technique entre dans la catégorie des « procédures des marchés financiers » mentionnée à l'article 26-I de l'ordonnance du 20 août 2014 susvisée.
Une caractéristique importante de cette technique est que l'exécution de la cession, pour la raison mentionnée au point I, est déléguée par mandat de façon irrévocable à des établissements bancaires qui la mettront en œuvre sur une durée déterminée, en l'espèce fixée à trois mois. Le prix minimum de cession pour toute la période sera fixé dans le contrat en conformité avec le présent avis en application de l'article 29, deuxième alinéa, de l'ordonnance du 20 août 2014 susvisée.
La commission, du fait de cette durée et de la délégation irrévocable de l'exécution à des intermédiaires, a estimé devoir examiner les conditions essentielles de l'exécution de la cession. Elle observe que le projet de « mandat de cession programmée » qui lui a été présenté prévoit en particulier :

- une durée d'exécution limitée à trois mois ;
- une limitation des interventions quotidiennes à 25 % du volume d'échange du jour ;
- des dispositions spécifiques en cas de dérèglement de marché ou d'opération significative affectant la société ;
- que les cessions seront exclusivement réalisées via les carnets d'ordre d'Euronext, ou de tout autre système multilatéral de négociation, excluant donc des opérations de gré à gré ou par internalisation chez les intermédiaires ;
- une garantie de cession à un prix au moins égal à la moyenne arithmétique des cours moyens journaliers ajustés par les volumes (sur Euronext Paris) sur la période et un mécanisme incitatif pour les intermédiaires à réaliser une performance supérieure grâce à une participation à la plus-value alors réalisée.

Ces conditions et les autres éléments du contrat ont été présentés à la commission comme comparables aux pratiques usuelles dans des opérations de cession ou de rachat d'actions « au fil de l'eau ».
La procédure de cession choisie paraît être, dans les conditions actuelles du marché, un moyen approprié d'assurer le succès de l'opération pour le volume limité envisagé et d'obtenir un prix satisfaisant pour l'Etat qui, par rapport à d'autres techniques, présentera l'avantage de ne pas supporter de décote par rapport au prix du marché. Elle n'implique pas non plus d'engagement de conservation (« lock-up period »).
IX. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et au vu des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de GDF Suez ne saurait être inférieure à 17,5 euros par action, soit globalement à environ 42,6 milliards d'euros pour 2 435 285 011 actions composant le capital social.
La commission émet un avis favorable à l'exécution de la cession sur une durée de trois mois dans les conditions, en particulier de prix, prévues au projet de mandat et qui spécifient notamment qu'aucune cession ne pourra être réalisée au-dessous d'un prix minimum. Ce prix minimum sera fixé en conformité avec la valeur énoncée à l'alinéa précédent en application de l'article 29 de l'ordonnance du 20 août 2015 susvisée.
Adopté dans la séance du 19 mai 2015, où siégeaient MM. Bertrand SCHNEITER, président, Pierre ACHARD, Daniel DEGUEN, Philippe MARTIN et Mme Inès-Claire MERCEREAU, membres de la commission.

Le président,

B. Schneiter