JORF n°0178 du 3 août 2023

Délibération n°2023-01 du 5 janvier 2023

Participaient à la séance : Emmanuelle WARGON, présidente, Anthony CELLIER, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Valérie PLAGNOL, commissaires.
Par une délibération du 21 janvier 2021 (1) (ci-après la « délibération TURPE 6 HTB »), la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a fixé les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTB applicables à compter du 1er août 2021, pour une durée d'environ 4 ans. Par une délibération du 21 janvier 2021 (2) (ci-après « la délibération TURPE 6 HTA-BT »), la CRE a fixé les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTA et BT applicables à compter du 1er août 2021.
Les délibérations TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT fixent notamment un cadre de régulation incitative qui vise à encourager, respectivement, RTE et Enedis à la maîtrise de leurs dépenses et à l'amélioration de la qualité du service rendu à leurs utilisateurs. Ces cadres limitent en outre le risque financier de RTE et d'Enedis pour certains postes de charges ou de produits préalablement identifiés, qui sont pris en compte au réel par l'intermédiaire d'un compte de régularisation des charges et des produits (CRCP).
La CRE a organisé une consultation publique du 20 octobre au 14 novembre 2022 visant à faire évoluer le cadre de régulation incitative des délibérations TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT (3).
La CRE a reçu 12 contributions qui sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site internet de la CRE.
La présente délibération modifie les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité (TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT), en faisant évoluer le cadre de régulation incitative.
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 13 décembre 2022.
Adapter le cadre de régulation pour prendre en compte l'impact des prix de gros de l'électricité sur l'activité de RTE et d'Enedis
Ces derniers mois ont vu apparaître une situation de crise d'approvisionnement inédite se traduisant par une forte augmentation et une grande volatilité des prix de gros de l'électricité au niveau européen. Ainsi, les hypothèses de prix prises en compte dans l'établissement de certains mécanismes de régulation incitative dans la délibération TURPE 6 HTB s'écartent aujourd'hui significativement des observations et prévisions de prix pour les années 2022, 2023 et 2024.
Dans un courrier du 24 mars 2022, RTE a signalé à la CRE que l'application de la régulation incitative sur certains postes de charges exposerait RTE en 2023, en l'état actuel des prix de gros, à des malus importants indépendants de son action. Il s'agit notamment des coûts de congestion, des coûts de constitution des réserves d'équilibrage, des coûts des services système tension et des coûts des achats pour la compensation des pertes électriques.
La présente délibération révise la régulation incitative de la délibération TURPE 6 HTB pour l'adapter au niveau élevé des prix de gros de l'électricité, notamment en recentrant les incitations sur le volume plutôt que sur les prix. La modification relative aux pertes est également appliquée à la délibération TURPE 6 HTA-BT.
Adapter les moyens de RTE, en corrigeant la trajectoire de charges d'exploitation dédiées aux projets d'investissement
RTE a sollicité la CRE concernant une inadéquation entre la trajectoire de charges de personnel, prise comme hypothèse de construction de la délibération TURPE 6 HTB, et ses besoins réels, en raison notamment d'une erreur dans les prévisions des charges dédiées aux projets d'investissement. La présente délibération corrige cette trajectoire afin que RTE puisse assurer l'ensemble de ses missions, notamment dans un contexte d'accélération de la transition énergétique.
En contrepartie, renforcer l'incitation à la performance de RTE sur les raccordements
Une hausse importante des demandes de raccordement liées à l'insertion des énergies renouvelables sur le réseau public de transport ou à des projets de décarbonation de l'industrie a été observée récemment, se matérialisant notamment par une augmentation importante des demandes d'études. Afin de renforcer l'incitation à la performance de RTE sur les raccordements, la CRE met en œuvre une incitation financière sur les délais de transmission de ces propositions. En outre, la CRE introduit le suivi de cinq nouveaux indicateurs de qualité de service relatifs aux délais de transmission des propositions techniques et financières.
Prendre en charge par le TURPE 6 HTB, sous certaines conditions, les créances irrécouvrables de RTE dues aux défaillances des responsables d'équilibre
RTE ne dispose pas directement de leviers pour éviter la défaillance de responsables d'équilibre, celle-ci étant la conséquence des comportements des acteurs et du contexte de marché. Pour autant, RTE pourrait, dans certains cas, limiter l'importance des créances devenues irrécouvrables par une politique de suivi efficace du risque de contrepartie, l'application proportionnée des mesures prévues par les règles MA-RE et par une politique de recouvrement adaptée.
Les leviers dont RTE dispose étant spécifiques aux situations rencontrées, la présente délibération inclut la possibilité de prendre en charge par le TURPE au CRCP, au cas par cas et sous réserve que RTE ait fait preuve de toutes les diligences requises, les créances irrécouvrables des responsables d'équilibre.
Inciter RTE à tenir les délais sur la mise à disposition des capacités transfrontalières françaises sur la plateforme européenne MARI pour l'échange d'énergie d'équilibrage
Enfin, en application du paragraphe 2.5.4. de la délibération TURPE 6 HTB consacré à l'incitation à l'innovation à l'externe, la présente délibération ajoute une action à la liste d'actions prioritaires concernant la mise à disposition des capacités transfrontalières françaises sur la plateforme européenne MARI pour l'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserve tertiaire rapide.

Sommaire

  1. Contexte sur les marchés de gros de l'électricité

  2. Cadre juridique

  3. Adaptation du cadre de régulation incitative de RTE et Enedis
    3.1. Régulation incitative relative aux coûts de congestions
    3.1.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur
    3.1.2. Coûts de congestions nationales et internationales
    3.2. Régulation incitative relative aux réserves d'équilibrage
    3.2.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur
    3.2.2. Régulation incitative des coûts de constitution des réserves d'équilibrage
    3.2.3. Abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage
    3.3. Régulation incitative relative aux services système tension
    3.3.1. Rappel du dispositif en vigueur
    3.3.2. Coûts de réglage de la tension
    3.4. Régulation incitative des charges relatives à la compensation des pertes
    3.4.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur concernant le TURPE 6 HTB et le TURPE 6 HTA-BT
    3.4.2. Régulation incitative sur le volume des pertes

  4. Adapter les moyens de RTE, en corrigeant la trajectoire de charges de personnel dediées aux projets d'investissement
    4.1. Charges de personnel
    4.1.1. Rappel du dispositif en vigueur
    4.1.2. Adaptation des moyens de RTE en corrigeant sa trajectoire de charges d'exploitation
    4.2. Arbitrages entre charges d'exploitation incitées et dépenses d'investissement
    4.2.1. Rappel du dispositif en vigueur
    4.2.2. Restitution aux utilisateurs du réseau des montants transférés des charges d'exploitation vers les dépenses d'investissements

  5. Renforcer l'incitation a la performance de RTE sur les raccordements
    5.1. Rappel du dispositif en vigueur
    5.2. Retours de la consultation publique et analyse de la CRE
    5.3. Renforcement du suivi de la performance de RTE sur les raccordements

  6. Créances irrécouvrables des responsables d'équilibre
    6.1. Enjeux et cadre de régulation en vigueur
    6.2. Possibilité de prise en charge, au cas par cas, des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre par le TURPE

  7. Inciter RTE à mettre à disposition les capacités transfrontalières françaises sur la plateforme européenne MARI
    7.1. Rappel du dispositif en vigueur
    7.2. Ajout d'une action prioritaire
    Décision de la CRE

  8. Contexte sur les marchés de gros de l'électricité

Le second semestre de l'année 2021 a été marqué par une hausse historique des prix de gros de l'électricité en Europe, qui s'est accentuée en 2022 et est particulièrement marquée en France.
Cette situation reflète la conjonction de deux crises d'une ampleur inédite, qui affectent le secteur énergétique européen et français depuis le second semestre 2021 :

- la première concerne la sécurité européenne pour l'approvisionnement en gaz ;
- la seconde concerne en particulier la France du fait de l'état de son parc nucléaire, affecté par l'arrêt de nombreux réacteurs. La découverte de phénomènes de corrosion sous contrainte fin 2021, qui s'ajoute à un calendrier des maintenances déjà très chargé, a conduit à de nombreuses mises à l'arrêt de réacteurs.

Ce contexte exceptionnel sur les marchés de gros ne pouvait pas être anticipé au moment de l'élaboration des délibérations TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT, adoptées le 21 janvier 2021.
Pour assurer le fonctionnement du système électrique, RTE doit contractualiser de nombreux services sur les marchés de l'énergie au travers, le plus souvent, d'appels d'offres dédiés ou sur la plateforme du mécanisme d'ajustement. Par ailleurs, RTE a aussi la charge de compenser les pertes induites par le transport de l'électricité sur son réseau (le volume de pertes est d'environ 11 TWh en 2021). L'ensemble de ces achats est particulièrement touché par la hausse des prix de gros de l'électricité. Le sujet des pertes concerne également Enedis et la délibération TURPE 6 HTA-BT.
De plus, la tension sur les marchés et les prix élevés pèsent sur la solidité financière de certains fournisseurs et responsables d'équilibre. En conséquence, des créances irrécouvrables pourraient demeurer à la charge de RTE. La CRE souhaite préciser les conditions de prise en charge éventuelle par le TURPE de ces charges.

  1. Cadre juridique

Les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de l'énergie encadrent les compétences de la CRE en matière de tarification de l'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. A ce titre, l'article L. 341-3 dispose que « [l]es méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie ».
En outre, l'article L. 341-2 du code de l'énergie prévoit que « les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution sont calculés de manière transparente et non discriminatoire, afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace ».
Par ailleurs, l'article L. 341-3 du même code dispose que la CRE « peut prévoir un encadrement pluriannuel d'évolution des tarifs et des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu'à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution à améliorer leurs performances, notamment en ce qui concerne la qualité de l'électricité, à favoriser l'intégration du marché intérieur de l'électricité et la sécurité de l'approvisionnement et à rechercher des efforts de productivité ».

  1. Adaptation du cadre de régulation incitative de RTE et Enedis
    3.1. Régulation incitative relative aux coûts de congestions
    3.1.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur

Une congestion correspond à une situation de contraintes physiques sur le réseau. La plupart du temps, la contrainte correspond au risque de dépassement durable de la limite physique d'une ligne électrique en cas de perte d'un autre élément de réseau (dimensionnement en N-1). Deux types de congestions peuvent survenir sur le réseau public de transport :

- les congestions nationales, qui sont des contraintes sur le réseau de RTE qu'il gère seul ;
- les congestions internationales, qui sont des contraintes sur les réseaux de RTE ou des gestionnaires de réseau de transport voisins pour la gestion desquelles les gestionnaires de réseaux de transport concernés ont vocation à se coordonner.

Lorsque RTE ne parvient pas à régler cette contrainte par une parade topologique sur son réseau, il doit entreprendre des actions coûteuses. La résorption des congestions ainsi effectuée au travers d'actions de redispatching et countertrading peut engendrer des coûts importants pour RTE.
La délibération TURPE 6 HTB a mis en place un dispositif incitatif portant sur les coûts de congestions nationales et internationales de RTE, pour les années 2021 à 2024. Ce dispositif prévoit l'application d'une incitation financière à hauteur de 20 % sur les coûts de congestions de RTE. Ces coûts sont inscrits au compte de régularisation des charges et produits (CRCP). Toutefois, RTE conserve 20 % de l'écart entre les charges constatées et la trajectoire de référence fixée par la délibération TURPE 6 HTB.

3.1.2. Coûts de congestions nationales et internationales

Le contexte exceptionnel sur les prix de gros de l'électricité et la situation inédite de l'approvisionnement en électricité française ont des conséquences sur les coûts liés aux congestions nationales et internationales. En effet, une partie des actions mises en œuvre par RTE pour gérer ces congestions repose sur des mécanismes de marché (activation d'offres sur le mécanisme d'ajustement pour les congestions nationales, actions dites de countertrading pour les congestions internationales) et voit son coût unitaire augmenter.
Pour 2022, les coûts de congestions nationales et internationales pourraient s'établir entre 140 M€ et 250 M€, contre 29 M€ en moyenne prévus dans la trajectoire fixée par la délibération TURPE 6 HTB :

Tableau 1. - Trajectoire de coûts de congestions nationales et internationales

| En M€ courants |2019
Réalisé|2021|2022|2023|2024| |-----------------------------|------------------|----|----|----|----| |Charges liées aux congestions| 10 | 22 | 29 | 37 | 42 |

L'essentiel de cette augmentation provient de la hausse des coûts de congestions internationales. En particulier, la hausse et l'écart des prix de gros de l'électricité en France et en Espagne induisent une hausse du coût unitaire de countertrading. Cet effet prix n'est pas maîtrisable par RTE.
Compte tenu de ces éléments, la CRE a proposé, dans sa consultation publique du 20 octobre 2022 :

- de suspendre l'application de la régulation incitative portant sur les coûts de congestions de RTE pour l'année 2022 ;
- de recentrer, pour les années 2023 et 2024, la régulation incitative sur les volumes d'ajustements pour motif congestion et sur les volumes de congestions internationales.

Les répondants à la consultation publique, y compris RTE, sont favorables à la proposition de la CRE d'inclure les coûts de congestions au CRCP dès l'année 2022. Ils considèrent notamment que cette mesure est une réponse adaptée à la rapidité de survenance de la crise. Un répondant indique toutefois que cette disposition doit demeurer transitoire pour ne pas peser sur les utilisateurs du réseau.
La majorité des répondants, y compris RTE, s'est également prononcée en faveur de la proposition concernant les années 2023 et 2024. Toutefois, quelques acteurs, dont RTE, considèrent que le gestionnaire du réseau public de transport possède peu de leviers pour maîtriser les volumes de congestions internationales. Un répondant considère que le fait de fonder la trajectoire de volumes de référence sur l'historique des dernières années pourrait amener à ne pas prendre en compte les actions entreprises par RTE pour remédier aux congestions.
La CRE considère que le taux d'incitation qu'elle propose, limité à 20 %, reflète bien la maîtrise partielle de RTE sur le volume des congestions internationales. Par ailleurs, la trajectoire de référence sur les volumes doit être fondée sur des données objectivables et la CRE retient donc une approche fondée sur le réalisé récent.
En outre, plusieurs acteurs demandent qu'un suivi précis des congestions soit mis en place, notamment au travers d'un bilan qui serait publié par RTE annuellement, présentant en particulier les efforts entrepris concernant la gestion des congestions. Sur ce point, la CRE rappelle que la délibération TURPE 6 HTB prévoit déjà que RTE publie une carte des contraintes sur l'ensemble du réseau public de transport français au plus tard au 1er janvier 2023 (4). Par ailleurs, la cartographie des congestions de chaque région sera mise à jour à l'occasion de la révision de son S3REnR, dans un délai maximal de six mois après la publication de chaque S3REnR révisé. S'agissant d'une régulation incitative, la CRE fera un bilan des volumes de congestions nationales et internationales prévisionnels et réalisés lors des évolutions tarifaires annuelles. Enfin, en ce qui concerne la politique d'investissement de RTE, la CRE a demandé à RTE de présenter dans son prochain Schéma décennal de développement du réseau (SDDR) un bilan de la mise en œuvre du principe de dimensionnement optimal du réseau de transport afin de comparer l'augmentation des coûts de congestions avec ceux des investissements évités. Ces éléments sont de nature à répondre aux interrogations des acteurs de marché quant au suivi des congestions sur le réseau de transport.
Par conséquent, la CRE suspend l'application de la régulation incitative portant sur les coûts de congestions de RTE pour l'année 2022 et recentre l'incitation sur les volumes de congestions nationales et internationales de RTE pour les années 2023 et 2024, selon les modalités suivantes :

- l'incitation porte sur les écarts entre les volumes réalisés et les volumes de référence, valorisés à un prix de référence (fixé à 73,3 €/MWh pour les volumes d'ajustements pour motif congestion et à 7,9 €/MWh pour les volumes de congestions internationales, fondés sur un historique récent) ;
- le taux d'incitation est fixé à 20 %, similairement aux principes prévus dans la délibération TURPE 6 HTB ;
- les volumes de référence sont précisés dans le tableau ci-dessous :
- les volumes d'ajustements pour motif congestion sont fondés sur un volume moyen calculé à partir des données des dernières années. L'année 2020 a été exclue pour ne pas tenir compte des ajustements supplémentaires réalisés par RTE lors des confinements liés à la pandémie de Covid-19. La CRE retient une augmentation cohérente avec les hypothèses sous-jacentes à la trajectoire de coûts de congestions sur le réseau de grand transport de la délibération TURPE 6 HTB ;
- pour les congestions internationales, les volumes retenus sont fondés sur les données des dernières années. L'historique est plus court pour certaines frontières, notamment à la frontière anglaise en raison de la mise en service de l'interconnexion IFA 2 en 2021. Ces volumes tiennent également compte de la hausse constatée des volumes de congestions internationales, notamment liée à l'application du seuil de 70 % pour les échanges transfrontaliers entre pays européens. Pour autant, cette trajectoire n'augmente pas entre 2023 et 2024, en cohérence avec la trajectoire sous-jacente de coûts des congestions internationales de la délibération TURPE 6 HTB.

Tableau 2. - Volumes de référence pour les congestions nationales et internationales

| En GWh |2023|2024| |---------------------------------|----|----| |Ajustements pour motif congestion|152 |175 | | Congestions internationales |1727|1727|

3.2. Régulation incitative relative aux réserves d'équilibrage
3.2.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur

La délibération TURPE 6 HTB a mis en place un dispositif incitatif portant sur les coûts de constitution de l'ensemble des réserves d'équilibrage de RTE : réserves primaire, secondaire, rapide et complémentaire, ajustements pour motif Services Système (SSY) et ajustements pour cause marges, pour les années 2021 à 2024. Ce dispositif prévoit l'application d'une incitation financière à hauteur de 20 % sur les coûts de constitution des réserves de RTE. Le montant à la charge ou au bénéfice de RTE au titre de ce mécanisme est plafonné à 15 M€/an.
La délibération TURPE 6 HTB prévoit en outre une révision annuelle des trajectoires de référence, en fin d'année N pour l'année N+1, afin de tenir compte des évolutions des prix de marché et des modalités de contractualisation sur le marché de l'équilibrage, ainsi que des évolutions du dimensionnement des réserves.
La délibération de la CRE n° 2022-01 du 6 janvier 2022 (5) a suspendu exceptionnellement l'application de la régulation incitative portant sur le coût des réserves d'équilibrage de RTE pour l'année 2022, du fait de l'évolution des prix de gros.
Une incitation à 20 % a été conservée sur les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des services système (ajustements pour reconstituer la réserve primaire ou secondaire, survenant à la suite de la défaillance d'un acteur d'ajustement, et ceux survenant pour cause d'équilibrage générant la perte des services système chez l'acteur activé) et marges (ajustements réalisés par RTE afin de constituer les marges à terme du système électrique).

3.2.2. Régulation incitative des coûts de constitution des réserves d'équilibrage

Le contexte de prix de gros élevés et volatils semble devoir perdurer pour les années 2023 et 2024.
Dès lors, dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, la CRE a proposé de reconduire, pour les années 2023 et 2024, le mécanisme mis en place pour 2022, soit une régulation incitative portant sur les volumes d'ajustements pour motif SSY et sur les volumes d'ajustements pour cause de reconstitution des marges, tout en le faisant évoluer à la marge.
La majorité des acteurs, y compris RTE, a accueilli favorablement cette proposition. Plusieurs acteurs considèrent que RTE a une maîtrise limitée des volumes d'ajustements pour cause de reconstitution des services système et marges. S'agissant de la trajectoire proposée, un répondant demande si l'arrivée de l'activation de la réserve secondaire selon la préséance économique a été prise en compte.
La CRE considère que le taux d'incitation qu'elle propose, limité à 20 %, reflète bien la maîtrise partielle de RTE sur le volume d'ajustements pour cause de reconstitution des services système et marges. Par ailleurs, la CRE maintient le principe selon lequel la trajectoire de référence sur les volumes doit être fondée sur des données objectivables et retient donc une approche fondée sur le réalisé récent en ce qui concerne les ajustements pour cause de reconstitution des services systèmes. Néanmoins, en l'absence d'historique récent représentatif pour les ajustements pour cause de reconstitution des marges, la CRE a retenu les prévisions de RTE.
Par conséquent, pour les années 2023 et 2024, la CRE suspend l'application de la régulation incitative portant sur les coûts des réserves d'équilibrage en conservant une incitation sur les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des services système et les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des marges, s'appuyant sur les principes suivants :

- l'incitation porte sur les écarts entre les volumes réalisés et les volumes de référence, valorisés à un surcoût de référence prévisionnel par rapport au prix marginal d'équilibrage (fixé à 35 €/MWh pour les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des services système, et à 59 €/MWh pour les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des marges, fondés sur un historique récent) ;
- le taux d'incitation est fixé à 20 % et un plafond de 15 M€ s'applique sur le bonus ou malus total, similairement aux principes prévus dans la délibération TURPE 6 HTB. Le taux d'incitation limité à 20 % et le plafond permettent de limiter le risque porté par l'opérateur, puisque les écarts de volumes seront compensés à 80 % par l'intermédiaire du CRCP ;
- les volumes de référence sont précisés dans le tableau ci-dessous :
- les ajustements pour motif de reconstitution des services système sont fondés sur les données des dernières années, incluant notamment les premiers mois de 2022. Les années 2020 et 2021 ont été exclues pour ne pas tenir compte des ajustements supplémentaires réalisés par RTE liés à la recertification de certaines capacités fournissant de la réserve primaire ;
- les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des marges tiennent compte de la révision des règles MA-RE en avril 2021. Les volumes de référence se fondent ainsi sur des prévisions de RTE, remises à jour en intégrant le réalisé des derniers mois. Le volume de référence pour l'année 2024 intègre également l'indisponibilité des offres émanant d'entités d'ajustements étrangères à la frontière franco-allemande. En effet, à cette date, ces capacités d'ajustements supplémentaires devront être offertes sur la plateforme MARI et RTE n'aura plus de garantie sur leur disponibilité dans la fenêtre opérationnelle.

Tableau 3. - Volumes de référence pour les ajustements services système et marges

| En GWh |2023|2024| |-------------------------------------------------------------|----|----| |Ajustements pour motif de reconstitution des services système|600 |600 | | Ajustements pour motif de reconstitution des marges |270 |440 |

3.2.3. Abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage

RTE perçoit des sommes de la part des responsables de réserves dans le cadre des règles services système fréquence.
Les abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage sont pris en compte à 80 % dans le CRCP du TURPE 6 HTB, en cohérence avec la régulation incitative retenue pour les charges de constitution et de reconstitution des réserves d'équilibrage.
Par souci de cohérence avec les évolutions décrites au paragraphe 3.2.2 de la présente délibération concernant les charges de constitution et de reconstitution des réserves d'équilibrage de RTE, la CRE a proposé, dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, d'inclure le poste « abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage » à 100 % au CRCP pour le reste de la période TURPE 6.
La majorité des acteurs, y compris RTE, a accueilli favorablement cette proposition, partageant l'analyse de la CRE. Ils considèrent notamment que si RTE est immunisé face aux conséquences de l'envolée des prix de gros pour ses charges relatives aux réserves d'équilibrage, il est pertinent que, symétriquement, les sommes perçues par RTE de la part des responsables de réserves soient également intégrées à 100 % au CRCP.
La CRE décide donc d'inclure le poste abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage à 100 % au CRCP pour les années 2023 et 2024.

3.3. Régulation incitative relative aux services système tension
3.3.1. Rappel du dispositif en vigueur

Le coût de réglage de la tension correspond à la rémunération, par RTE, des installations raccordées au réseau public de transport qui contribuent à ce réglage tel que défini dans les règles services système tension. Dans le cadre des services système tension, RTE dispose de deux moyens principaux pour effectuer le réglage de la tension :

- la sollicitation des groupes de production démarrés les mieux placés par rapport aux contraintes ;
- le fonctionnement de certains groupes en compensation synchrone. Dans ce mode de fonctionnement, l'installation consomme de l'énergie pour fournir le réglage de la tension.

Dans la délibération TURPE 6 HTB, le poste des achats liés aux services système tension est incité à 100 %, comme la majorité des charges d'exploitation.

3.3.2. Coûts de réglage de la tension

La hausse des prix de gros de l'électricité affecte directement le coût de la rémunération de la compensation synchrone telle que définie dans le paragraphe 5.2 des règles services système tension. En particulier, cette rémunération comprend une part qui couvre le remboursement par RTE de l'énergie consommée par les groupes fonctionnant en compensation synchrone.
Pour une année N, la part variable de la compensation synchrone est ainsi calculée proportionnellement aux prix des produits calendaires de l'année N français publiés par EEX au mois de novembre N-1. Ainsi, pour 2022, les écarts de coûts liés à ce poste demeurent limités, car liés aux prix publiés au mois de novembre 2021. En revanche, pour les années 2023 et 2024, les coûts relatifs à la rémunération de la part variable de la compensation synchrone pourraient s'établir entre 20 M€ et 60 M€, à mettre en regard de la trajectoire d'environ 4 M€/an prévue pour ce poste dans la délibération TURPE 6 HTB. Cette évolution serait uniquement liée aux prix de gros de l'électricité, sur lesquels RTE n'a pas de maîtrise.
Dans ce contexte, la CRE a ainsi proposé d'inclure au CRCP l'écart entre le réalisé et la trajectoire remise à jour de l'inflation sur la part variable de la rémunération de la compensation synchrone pour les années 2023 et 2024. La trajectoire définie dans TURPE 6 HTB (avec la trajectoire d'inflation retenue dans cette même délibération) se décompose de la manière suivante :

Tableau 3. - Trajectoire relative au réglage de la tension pour la période du TURPE 6 HTB (M€courants)

| En M€ courants |2021|2022|2023|2024| |-----------------------------------------------|----|----|----|----| | Réglage de la tension |107 |107 |109 |111 | |dont part variable de la compensation synchrone|3,96|3,96|3,96|3,96|

Toutefois, il est important que RTE reste incité à limiter les coûts de l'énergie valorisée au titre de la compensation synchrone. Dans sa consultation publique, la CRE a donc proposé d'introduire une régulation incitative portant sur les volumes d'énergie valorisée au titre de la compensation synchrone.
Les répondants sont majoritairement favorables à la proposition de la CRE.
Un répondant suggère que soient identifiées les causes du recours à la compensation synchrone, afin d'imputer le coût associé à certaines installations de production qui en seraient responsables. Sur ce point, il convient de rappeler que les capacités de réglage de la tension des unités de production sont définies dans les codes de réseau européens et dans l'arrêté relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement aux réseaux d'électricité du 9 juin 2020 et que ces exigences sont définies de manière à assurer la sûreté du réseau. De plus, les variations d'énergie réactive, principale cause de recours aux capacités de réglage de la tension, font d'ores et déjà l'objet d'une tarification spécifique dans les TURPE 6 HTB et TURPE 6 HTA-BT. Cette tarification vise notamment à refléter les coûts de réglage de la tension aux utilisateurs du réseau qui sont responsables des déséquilibres.
Plusieurs acteurs soulignent l'importance de la participation des installations de production raccordées aux réseaux publics de distribution d'électricité, et notamment des énergies renouvelables, au réglage de la tension. Sur ce point, la CRE précise que des évolutions législatives ou réglementaires sont actuellement envisagées. Les modalités de participation des capacités raccordées au réseau de distribution au réglage de la tension dépendront de ces évolutions et feront, le cas échéant, l'objet d'une concertation avec les utilisateurs de réseau.
Pour les années 2023 et 2024, la CRE remplace l'incitation à 100 % sur les coûts de la part variable de la compensation synchrone par une régulation incitative portant sur les volumes d'énergie valorisée au titre de la compensation synchrone, selon les modalités suivantes :

- l'incitation porte sur les écarts entre les volumes réalisés et les volumes de référence, valorisés à un prix de référence fixé à 53,59 €/MWh (fondé sur un historique récent) ;
- le taux d'incitation est fixé à 100 %, similairement aux principes de la délibération TURPE 6 HTB ;
- les volumes de référence sont fondés sur les données historiques et sont précisés dans le tableau ci-dessous :

Tableau 4. - Volumes de référence pour l'énergie valorisée au titre de la compensation synchrone

| En GWh |2023|2024| |-------------------------------------------------------|----|----| |Energie valorisée au titre de la compensation synchrone| 64 | 64 |

3.4. Régulation incitative des charges relatives à la compensation des pertes
3.4.1. Rappel du dispositif de régulation incitative en vigueur concernant le TURPE 6 HTB et le TURPE 6 HTA-BT

La couverture des coûts de compensation des pertes électriques sur les réseaux publics de transport et de distribution constitue un enjeu financier important pour le TURPE, respectivement, de l'ordre de 0,5 Md€ et 1,2 Md€ par an, soit environ 12 % et 8 % du revenu autorisé de RTE et Enedis.
La régulation incitative repose sur une incitation sur les prix, d'une part, et sur une incitation s'appliquant au volume des pertes, d'autre part. Cette partie en volume consiste à comparer, annuellement et ex post, le volume des pertes constaté par les opérateurs sur leur réseau à un volume de référence.
Le dispositif relatif à l'incitation sur le volume des pertes pour le TURPE 6 HTB repose sur les principes suivants :

- le taux de pertes de référence utilisé dans le calcul du volume de pertes de référence est fixé à 2,20 % du volume des injections totales sur le réseau de transport, en cohérence avec le taux de pertes moyen observé sur le réseau de transport sur les années 2016 à 2019 ;
- RTE est incité sur le volume des pertes sur le réseau de transport à hauteur de 20 % ;
- l'écart entre volume de référence et volume constaté est valorisé au prix moyen d'achat d'énergie et de capacité pour la compensation des pertes de référence. La méthodologie de calcul du prix d'achat de référence pour la compensation des pertes de référence fait l'objet d'une annexe confidentielle à la délibération TURPE 6 HTB.

Pour le TURPE 6 HTA-BT, les principes sont les mêmes.
Le plafond de l'incitation globale sur le volume et le prix des pertes est fixé à 15 M€/an pour RTE et à 40 M€/ an pour Enedis pour la période du TURPE 6, soit environ 0,3 % du revenu autorisé moyen de RTE et Enedis sur cette période.

3.4.2. Régulation incitative sur le volume des pertes

Dans le contexte de marché actuel, le prix d'achat de référence pour les pertes électriques pourrait augmenter fortement au cours des années 2023 et 2024. Les écarts en volume étant valorisés à ce prix de référence, la force de l'incitation augmenterait donc mécaniquement si rien n'était fait. A ce stade, la CRE estime nécessaire que la force de l'incitation reste proportionnée par rapport aux leviers dont RTE et Enedis disposent.
Afin de maintenir le caractère incitatif de la régulation portant sur les volumes et sur les prix, pour les années 2023 et 2024, la CRE a proposé dans sa consultation publique du 20 octobre 2022 de valoriser la seule part relative aux écarts en volume en gelant le prix d'achat unitaire des pertes des opérateurs à la valeur définie au moment de l'élaboration du TURPE 6 HTB et du TURPE 6 HTA-BT.
La majorité des acteurs, y compris RTE et Enedis, a accueilli favorablement cette proposition.
Plusieurs acteurs, dont RTE, considèrent que l'opérateur n'a pas suffisamment de maîtrise sur les volumes de pertes pour que le dispositif d'incitation sur les volumes soit pertinent. La CRE considère à ce titre que le taux d'incitation de la délibération TURPE 6 HTB, limité à 20 %, reflète bien la maîtrise partielle de RTE sur le volume des pertes sur le réseau public de transport.
Enfin, RTE souhaite que la régulation incitative portant sur le prix moyen d'achat de l'énergie pour la compensation des pertes pour les années 2023 et 2024 soit également modifiée. RTE estime que la majoration définie dans la délibération TURPE 6 HTB, fondée sur la prise en compte de coûts et risques inhérents à l'activité de couverture des pertes, doit être réévaluée afin de tenir compte de l'évolution de ces risques dans le contexte actuel. Néanmoins, cette majoration s'appliquant sur le prix de référence, elle intègre déjà la hausse des prix de gros. Par ailleurs, la CRE estime que le calcul de cette majoration doit être fondé sur l'historique des dernières années et souligne la forte incertitude quant à l'évolution de ces coûts et risques dans les années à venir. De plus, le risque encouru par RTE à travers ce mécanisme incitatif est limité, l'incitation totale sur le volume et le prix des pertes étant plafonnée à 15 M€/an.
Par conséquent, la CRE décide de valoriser la seule part relative aux écarts en volume en gelant le prix d'achat unitaire des pertes de RTE et Enedis à la valeur définie au moment de l'élaboration du TURPE 6 HTB et du TURPE 6 HTA-BT. Ce prix s'élève à 50 €/MWh.
La mise en œuvre de cette évolution nécessite une évolution des formules d'incitation pour Enedis et RTE qui, pour les années 2023 et 2024, seront les suivantes :
Incitation sur les prix :

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Avec :

-

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correspondant au volume de pertes constaté de l'opérateur ;
-

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correspondant au prix de référence d'achat des pertes de l'opérateur ;
-

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correspondant au prix constaté d'achat des pertes de l'opérateur.

Incitation sur les volumes :

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Avec :

-

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correspondant au prix unitaire gelé de 50 €/MWh ;
-

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correspondant au volume de pertes de référence de l'opérateur ;
-

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correspondant au volume de pertes constaté de l'opérateur.

L'incitation totale de l'opérateur est calculée comme la somme de ces deux incitations.

  1. Adapter les moyens de RTE, en corrigeant la trajectoire de charges de personnel dediées aux projets d'investissement
    4.1. Charges de personnel
    4.1.1. Rappel du dispositif en vigueur

La production immobilisée est un produit d'exploitation correspondant à la somme des dépenses affectées aux investissements. Elle peut être décomposée en deux catégories :

- la part « main-d'œuvre » qui correspond à l'ensemble des charges de personnel dédiées aux projets d'investissement de RTE ;
- la part « hors main-d'œuvre » qui correspond à l'ensemble des autres dépenses dédiées à ces projets (fournitures, matériels, prestations externes…).

Ce poste de recettes vient en déduction des charges opérationnelles hors exploitation du système électrique et est incité à 100 %. Pour rappel, la trajectoire définie dans la délibération TURPE 6 HTB (avec les hypothèses d'inflation de cette même délibération) est la suivante :

Tableau 5. - Trajectoire relative à la production immobilisée pour la période du TURPE 6 HTB (M€ courants)

| En M€ courants | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | |---------------------------------------|------|------|------|------| | Production immobilisée |- 249|- 267|- 276|- 290| |Dont hypothèse de part « main d'œuvre »|- 196|- 210|- 214|- 225|

4.1.2. Adaptation des moyens de RTE en corrigeant sa trajectoire de charges d'exploitation

RTE considère que la trajectoire de la part « main d'œuvre » de la production immobilisée, telle qu'utilisée comme hypothèse de construction de la production immobilisée dans la délibération TURPE 6 HTB, était largement surévaluée par rapport à l'augmentation anticipée des charges de personnel affectées aux dépenses d'investissement, en raison d'une erreur dans les prévisions de RTE dans le dossier tarifaire. Ce poste venant en déduction de l'ensemble des charges d'exploitation couvertes par le TURPE 6 HTB, RTE estime que la trajectoire définie ne lui donne pas l'ensemble des moyens permettant d'assurer ses missions, notamment dans le contexte actuel d'accélération de la transition énergétique et d'augmentation des demandes de raccordement.
La CRE constate en premier lieu que le niveau de couverture des charges d'exploitation de RTE pour l'année 2021 n'a pas limité l'opérateur dans la réalisation de ses missions, RTE ayant battu la trajectoire totale de charges d'exploitation incitées de 44 M€ l'année écoulée, soit environ 2,1 %. Ces écarts s'expliquent en partie par des effets conjoncturels, dont des reports de dépenses liées aux effets de la pandémie de Covid-19, mais traduisent dans l'ensemble une réduction significative des dépenses contrôlables de RTE.
Pour autant, la CRE partage le fait que le niveau de la production immobilisée, tel que défini dans la délibération TURPE 6 HTB, est surévalué par rapport aux prévisions corrigées de RTE. Cet écart provient notamment d'hypothèses prévisionnelles erronées concernant les charges de personnel affectées à certains projets d'investissements. L'effet de cette erreur s'accentue donc au fur et à mesure des années en passant de 8 M€ en 2021 à 24 M€ en 2024 et vient réduire d'autant l'enveloppe globale de charges nettes d'exploitation accordée à RTE. En parallèle, les besoins de RTE, notamment en termes de main-d'œuvre, devraient être en croissance avec l'accélération des demandes de raccordement, qui génèrent en premier lieu une forte augmentation des demandes d'études.

Tableau 6. - Trajectoire corrigée relative à la production immobilisée pour la période du TURPE 6 HTB (M€ courants)

| En M€ courants | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | |---------------------------------------|------|------|------|------| | Production immobilisée |- 241|- 252|- 258|- 266| |Dont hypothèse de part « main d'œuvre »|- 188|- 195|- 196|- 201|

Dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, la CRE a donc proposé, pour les années 2023 et 2024, d'inclure au CRCP de RTE l'écart entre la trajectoire de production immobilisée de la délibération TURPE 6 HTB et la trajectoire corrigée.
La majeure partie des répondants à la consultation publique, dont RTE, est favorable à cette proposition, notamment car elle partage le besoin identifié par la CRE d'augmenter les moyens accordés à RTE pour faire face à la croissance des demandes de raccordement.
Toutefois, une minorité de répondants considère que la trajectoire proposée par la CRE est fixée à un niveau trop bas, jugeant que les moyens de RTE doivent être davantage renforcés, notamment pour mener à bien les études de raccordement. A l'inverse, un acteur suggère que la correction soit modérée afin d'inciter les gestionnaires de réseaux à veiller à la fiabilité des informations transmises lors de l'établissement des tarifs.
A cet égard, la CRE rappelle que la modification proposée est fondée sur une correction des hypothèses prévisionnelles de charges d'exploitation pour les prochaines années et que celle-ci est justifiée par un besoin bien identifié par RTE. La CRE partage les enjeux soulevés par les acteurs sur l'importance majeure de l'efficacité des processus de raccordement (cf. 5 de la présente délibération).
RTE souhaite que la correction de la trajectoire soit étendue aux années 2021 et 2022. Néanmoins, la CRE a constaté que les moyens accordés à RTE lui avaient permis d'assurer correctement ses missions en 2021, RTE ayant notamment battu la trajectoire de charges d'exploitation incitée cette année-là. La CRE maintient donc qu'il n'est pas nécessaire de procéder à un rattrapage pour les années passées.
Au vu de ces éléments, la CRE décide, pour les années 2023 et 2024, d'inclure au CRCP de RTE l'écart entre la trajectoire de production immobilisée de la délibération TURPE 6 HTB et la trajectoire corrigée :

Tableau 7. - Correction de la trajectoire de la délibération TURPE 6 HTB (M€ courants)

| En M€ courants |2023|2024| |-----------------------|----|----| |Montants inclus au CRCP| 18 | 24 |

4.2. Arbitrages entre charges d'exploitation incitées et dépenses d'investissement
4.2.1. Rappel du dispositif en vigueur

La délibération TURPE 6 HTB distingue globalement deux types de dépenses :

- les charges d'exploitation, incitées à 100 % dès lors que l'opérateur en possède la pleine maîtrise (pour RTE en dehors des achats liés à l'exploitation du système électrique) ;
- les charges de capital, payées à 100 % au réel, via la rémunération du capital (en dehors des investissements « hors réseaux » pour lesquels les charges correspondantes sont incitées), sous réserve que l'opérateur agisse de manière efficace.

La distinction entre les différentes typologies de charges est fondée sur la comptabilité des opérateurs : celle-ci fait l'objet de vérifications rigoureuses par des commissaires aux comptes indépendants. Pour autant, les règles afférentes peuvent évoluer afin de mieux refléter la réalité des activités des opérateurs.
Or, tout transfert de charges d'exploitation incitées vers des dépenses d'investissement couvertes au réel, en cours de période tarifaire, introduit un effet d'aubaine pour l'opérateur : les charges correspondantes sont rémunérées une première fois par la trajectoire incitée et une deuxième fois par les charges de capital payées au réel. Il convient donc que de tels arbitrages ne bénéficient pas à l'opérateur.

4.2.2. Restitution aux utilisateurs du réseau des montants transférés des charges d'exploitation vers les dépenses d'investissements

RTE a informé la CRE de deux modifications notables de sa doctrine comptable, ayant fait l'objet d'échanges avec les commissaires aux comptes :

- une modification de comptabilisation des effectifs affectés aux dépenses d'investissement, visant à mieux comptabiliser le temps passé par des fonctions supports sur les projets d'investissement. RTE estime à environ 15 M€/an le transfert de charges de personnel incitées à 100 % vers des dépenses d'investissement couvertes à 100 % au réel, à partir de l'année 2021 incluse ;
- une granulométrie plus fine du suivi comptable de certains actifs, visant à mieux refléter les durées de vie des différents éléments qui les composent. La mise en œuvre de cette modification entraînera le transfert d'environ 5,5 M€/an de dépenses de maintenance courantes, incitées à 100 %, vers des renouvellements d'actifs, couverts à 100 % au réel.

Conformément à sa doctrine en matière de modifications comptables, la CRE estime que les charges correspondantes ne doivent pas être payées deux fois par les tarifs des réseaux. Dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, la CRE a donc proposé de restituer aux utilisateurs du réseau les montants transférés de charges d'exploitation vers les dépenses d'investissement.
La majorité des répondants, dont RTE, est favorable à la proposition de la CRE.
Par conséquent, la CRE contrôlera en fin de période tarifaire les montants correspondants, qui seront restitués aux utilisateurs du réseau public de transport via le CRCP.

  1. Renforcer l'incitation à la performance de RTE sur les raccordements
    5.1. Rappel du dispositif en vigueur

La délibération TURPE 6 HTB prévoit que la qualité de service de RTE est suivie par quatorze indicateurs, publiés une fois par an sur le site internet de RTE (6). Cinq indicateurs concernent les raccordements :

- respect des délais inscrits dans la PTF ;
- respect des délais inscrits dans la convention de raccordement ;
- écarts entre les coûts inscrits dans la convention de raccordement et les coûts réels ;
- écarts entre les coûts inscrits dans la PTF +/- 15 % et les coûts réels ;
- délais moyens de raccordement par segment (éolien en mer, EnR terrestres, distributeurs et consommateurs).

Pour l'année 2021, ces indicateurs ne font pas apparaître d'écart par rapport aux objectifs fixés et n'appellent donc pas d'intervention de la CRE.

5.2. Retours de la consultation publique et analyse de la CRE

Une forte hausse des demandes de raccordement a été constatée ces dernières années, en lien notamment avec l'intégration des énergies renouvelables sur le réseau et les projets de décarbonation de l'industrie. Cette hausse concerne particulièrement les demandes de propositions techniques et financières préalables à l'établissement des conventions de raccordement. RTE constate que le nombre de ces demandes a d'ores et déjà doublé sur les six premiers mois de 2022 par rapport à 2021.
Le taux de réponse dans les délais convenus avec les demandeurs n'est pas suivi dans le cadre de la régulation incitative actuellement en vigueur mais RTE estime que ce taux moyen a d'ores et déjà diminué de 10 % sur les six premiers mois de 2022 par rapport à 2021.

Tableau 8. - Demandes de propositions techniques et financières (PTF) et taux de réponse de RTE dans les délais convenus avec les demandeurs

| En M€ courants |2019|2020|2021|2022 - 1er semestre| |-----------------------------------------------|----|----|----|-------------------| | Demandes de PTF |149 |227 |277 | 341 | |Taux de PTF transmises dans les délais convenus|78 %|81 %|76 %| 70 % |

En premier lieu, certaines évolutions récentes des procédures de raccordement (7), notamment la justification de droits sur la parcelle devant accueillir le point de raccordement, seront de nature à rationaliser le nombre de demandes formulées à RTE. La CRE continue de travailler avec RTE dans cet objectif et sera attentive aux résultats de la consultation des acteurs lancée par RTE visant à rendre payantes les demandes de propositions techniques et financières. Pour autant, dans le contexte d'accélération de la transition énergétique, l'augmentation des demandes de propositions techniques et financières pourrait se poursuivre dans les prochaines années.
RTE estime à ce stade pouvoir assurer efficacement les missions associées au traitement de ces demandes, grâce d'une part aux moyens prévus par la délibération TURPE 6 HTB, régularisés de l'erreur relative à la part main-d'œuvre de la production immobilisée (cf. 4 de la présente délibération) et d'autre part à des redéploiements internes.
Afin de s'assurer des effets de cette recherche d'efficacité, la CRE a proposé, dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, de compléter le suivi de la qualité de service de RTE sur l'ensemble du processus de raccordement, en introduisant un indicateur spécifique sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans les délais convenus avec les demandeurs, ainsi qu'un mécanisme incitatif. Pour rappel, les procédures de raccordement au réseau public de transport fixent ce délai de réponse à trois mois, celui-ci pouvant être allongé en cas d'accord entre RTE et le demandeur. Dans sa consultation publique, la CRE a également interrogé les acteurs sur l'introduction d'autres indicateurs relatifs au processus de raccordement, notamment sur le délai moyen de transmission des propositions techniques et financières.
La majorité des répondants s'est prononcée en faveur de l'introduction de l'indicateur sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans les délais convenus avec les demandeurs. Une minorité y est défavorable et souhaite reporter ce mécanisme incitatif pour la prochaine période tarifaire démarrant en 2025. Par ailleurs, RTE souhaite que l'incitation financière ne porte que sur les demandes de propositions techniques et financières reçues à partir du 1er janvier 2023.
Plusieurs acteurs proposent que l'incitation porte plutôt sur la transmission des propositions techniques et financières dans un délai fixe de trois mois, notamment pour les installations de production, afin que l'introduction d'une incitation ne conduise pas à une augmentation des délais convenus entre RTE et le demandeur.
S'agissant de l'indicateur sur le délai moyen de transmission des propositions techniques et financières, les avis des acteurs sont partagés. Si plusieurs acteurs sont favorables au suivi du délai moyen de transmission des propositions techniques et financières et souhaitent y assortir une incitation financière, d'autres, dont RTE, considèrent qu'en fixant un objectif de délai moyen, la variété des situations rencontrées et des besoins des clients ne serait pas prise en compte.
S'agissant de l'introduction d'autres indicateurs ou de nouvelles mesures incitatives concernant le processus de raccordement, les répondants y sont majoritairement défavorables, car le suivi et la régulation incitative doivent se focaliser sur les enjeux essentiels. Certains acteurs ont au contraire fait des propositions d'indicateurs. Enfin, certains acteurs ont demandé que l'indicateur « délai moyen de raccordement », déjà suivi par RTE dans le cadre de la qualité de service de la délibération TURPE 6 HTB, soit précisé (périmètre, contexte).
La CRE maintient l'importance d'inciter dès à présent RTE sur la transmission des propositions techniques et financières, au vu des enjeux soulevés par la dégradation récente des délais. Considérant les délais entre la demande et la transmission de la proposition technique et financière, de l'ordre de quelques mois dans la grande majorité des cas, il n'apparaît pas nécessaire de complexifier l'indicateur en le limitant aux demandes reçues par RTE à partir du 1er janvier 2023.
La CRE considère pertinent de fixer l'incitation sur la base d'un délai fixe de trois mois, lorsque les délais moyens diffèrent en général peu de cet objectif, ce qui est notamment le cas pour les producteurs et les gestionnaires de réseau de distribution (GRD). Dans le cas des consommateurs, les délais de transmission de ces propositions techniques et financières peuvent s'éloigner significativement de ce délai de trois mois, en raison de la grande variété des situations rencontrées pour cette catégorie de demandeurs et de la superposition non anticipée de nombreuses demandes dans certaines zones géographiques.
La CRE constate que le taux de transmission des propositions techniques et financières dans un délai inférieur à trois mois pour le segment « producteurs et GRD » est largement insuffisant.

Tableau 9. - Taux de propositions techniques et financières transmises dans un délai inférieur à trois mois, par segment

| En % |2020|2021|2022 - 1er semestre| |------------------|----|----|-------------------| |Producteurs et GRD|52 %|41 %| 38 % | | Consommateurs |46 %|40 %| 8 % |

A la lumière de ces éléments, la CRE estime indispensable de fixer des taux cibles qui permettent d'aboutir à une remise en conformité avec les délais de trois mois dans un horizon de temps resserré. Ces taux cibles pourront être réévalués, le cas échéant, lors de la prochaine période tarifaire.

5.3. Renforcement du suivi de la performance de RTE sur les raccordements

Au vu de ces éléments, la CRE met en place, pour les années 2023 et 2024, une régulation incitative reposant sur les principes suivants :

- afin de calibrer l'incitation au mieux, la régulation incitative est dissociée en fonction des segments d'utilisateurs du réseau :
- pour le segment « producteurs et GRD » : incitation sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans un délai inférieur à 3 mois ;
- pour le segment « consommateurs » : incitation sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans les délais convenus avec le demandeur ;
- un taux cible est fixé afin de revenir progressivement au niveau de performance de la période tarifaire précédente, en tenant compte de la nécessité pour RTE de s'organiser face à l'augmentation des demandes constatée récemment. La CRE retient, respectivement pour les années 2023 et 2024, des taux cibles de 55 % et 70 % de propositions techniques et financières transmises dans un délai inférieur à trois mois pour le segment « producteurs et GRD » et de 75 % et 80 % de propositions techniques et financières transmises dans les délais convenus avec le demandeur pour le segment « consommateurs » ;
- un mécanisme symétrique est retenu, afin d'inciter RTE à améliorer sa performance par rapport à l'historique récent, avec une valorisation de 300 k€ par point de pourcentage en écart au taux cible.

En outre, la CRE complète le dispositif de suivi de la qualité de service prévu par la délibération TURPE 6 HTB, dont les indicateurs sont publiés une fois par an sur le site internet de RTE, par les indicateurs suivants :

- taux de propositions techniques et financières transmises dans les délais convenus avec le demandeur ;
- taux de propositions techniques et financières transmises dans un délai de trois mois ;
- nombre de propositions techniques et financières transmises dans un délai supérieur à six mois ;
- délai convenu moyen de transmission des propositions techniques et financières (en nombre de mois) ;
- délais moyens de transmission des propositions techniques et financières (en nombre de mois).

Ces cinq indicateurs sont décomposés par catégorie d'utilisateurs du réseau (« producteurs et GRD » et « consommateurs »).
Enfin, la CRE souscrit à l'objectif de fournir plus de précisions sur les indicateurs et l'atteinte des objectifs de qualité de service par RTE. Afin d'améliorer la transparence sur ce sujet, la CRE publiera une analyse sur l'atteinte des objectifs de qualité de service lors des évolutions tarifaires annuelles. RTE fournira à cette fin un bilan détaillé des indicateurs et de leur évolution en début d'année.

  1. Créances irrécouvrables des responsables d'équilibre
    6.1. Enjeux et cadre de régulation en vigueur

Par un courrier reçu le 18 janvier 2022, RTE a demandé à la CRE de renforcer les modalités de sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre en raison des impacts financiers de la hausse des prix de gros de l'électricité sur ce dispositif. RTE a également demandé à la CRE de clarifier le portage financier des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre défaillants.
Un responsable d'équilibre est considéré comme défaillant lorsque son encours tel que défini dans l'article C.4.1 de la section 2 des règles MA-RE en vigueur dépasse son encours autorisé. L'encours autorisé correspond à la garantie financière de l'acteur, soit la somme de la garantie bancaire et d'éventuels dépôts de liquidité. Dans sa délibération n° 2022-201 du 7 juillet 2022 modifiant les règles MA-RE, la CRE a réduit les délais dans lesquels un responsable d'équilibre doit régulariser sa situation, de façon à limiter l'exposition financière de RTE (8).
Dans la délibération TURPE 6 HTB, les éventuelles créances irrécouvrables des responsables d'équilibres défaillants ne figurent pas parmi les postes inclus dans le périmètre du CRCP et font donc partie des charges d'exploitation incitées à 100 %. De telles créances étant historiquement extrêmement rares, la trajectoire prévisionnelle prévue pour ce poste dans la délibération TURPE 6 HTB est nulle, ce qui signifie que les éventuelles pertes correspondantes sont à la charge de RTE.

6.2. Possibilité de prise en charge, au cas par cas, des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre par le TURPE

En raison de la hausse inédite des prix de gros de l'électricité, le nombre de responsables d'équilibre défaillants est en augmentation sur les derniers mois. Or, RTE ne dispose pas de leviers pour éviter la faillite des responsables d'équilibre, celle-ci étant en premier le fait des comportements des acteurs et du contexte de marché. Pour autant, RTE peut limiter l'importance des créances irrécouvrables par une politique de suivi efficace du risque de contrepartie et par l'application proportionnée des mesures prévues par les règles MA-RE.
Les leviers dont RTE dispose étant spécifiques aux situations rencontrées, la CRE a proposé, dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, la prise en charge par le TURPE, au cas par cas et sur la base de dossiers argumentés montrant que RTE a effectué toutes les diligences nécessaires, des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre.
La majorité des répondants s'est prononcée en faveur de cette proposition.
Plusieurs répondants soulignent l'importance d'éviter que de telles créances se matérialisent et insistent sur le suivi par RTE de la solidité financière des responsables d'équilibre. Un répondant considère que cette mesure pourrait conduire à limiter la responsabilité financière des responsables d'équilibre. A cet égard, la CRE rappelle que les règles MA-RE ont évolué au 1er septembre 2022 afin de renforcer les modalités de sécurisation financière du dispositif de responsable d'équilibre. En outre, le mécanisme proposé ne concerne que les créances résiduelles résultant de la faillite d'un responsable d'équilibre.
Par ailleurs, RTE est favorable à cette mesure mais préfèrerait que l'inclusion de ces créances au CRCP soit faite de manière automatique. La CRE réaffirme qu'elle s'assurera, grâce à la vérification ex-post, de la bonne gestion par RTE de ces situations et n'intégrera au CRCP que les coûts relevant d'un opérateur efficace.
Enfin, plusieurs acteurs s'interrogent sur la possibilité d'intégrer, selon des modalités similaires à celles proposées pour RTE, les créances irrécouvrables des fournisseurs au CRCP d'Enedis. La CRE considère qu'il s'agit d'un sujet distinct du cas des responsables d'équilibre à traiter de manière séparée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la CRE met en place, pour le reste de la période TURPE 6, la prise en charge par le TURPE, au cas par cas et sur la base de dossiers argumentés montrant que RTE a effectué toutes les diligences nécessaires, des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre.

  1. Inciter RTE à mettre à disposition les capacités transfrontalières françaises sur la plateforme européenne MARI
    7.1. Rappel du dispositif en vigueur

Dans le contexte de la transition énergétique, lors de ses différentes délibérations ou rapports thématiques, la CRE formule un certain nombre de demandes aux gestionnaires de réseaux quant à la mise en place d'évolutions pour faciliter les usages innovants sur leurs réseaux et ainsi s'assurer de la bonne exécution des missions qui leur sont confiées par la loi et les règlements. Or, les délais de mise en œuvre par les gestionnaires de réseaux de certaines des nouvelles actions requises par les textes législatifs et réglementaires ou demandées par la CRE ne sont pas toujours satisfaisants, et même parfois incompatibles avec le rythme de progression des innovations. La CRE considère que la mise en œuvre de ces actions dans les délais impartis est essentielle dans un contexte marqué par des transformations rapides du système électrique et de ses usages.
Ainsi, la délibération TURPE 6 HTB comprend un dispositif de régulation incitative permettant de favoriser l'innovation à l'externe. Ce dispositif porte sur le respect des délais d'exécution par RTE d'actions identifiées comme prioritaires pour favoriser l'innovation des acteurs de marché, et repose sur les principes suivants :

- la définition d'une liste réduite d'actions prioritaires, qui pourra être alimentée pendant la période du TURPE 6 en cohérence avec les évolutions législatives et réglementaires et les chantiers prioritaires identifiés par la CRE et après consultation des acteurs de marché, afin de disposer de la réactivité nécessaire à l'innovation. Les actions prioritaires pourraient porter, notamment, sur l'intégration des flexibilités dans le système électrique ou sur les mécanismes d'équilibrage et permettraient, par exemple, de répondre aux problématiques suivantes : mise en œuvre des plateformes européennes, participation des batteries et autres flexibilités aux mécanismes de marché ;
- la non-réalisation de ces actions prioritaires dans les délais impartis, en ce qu'elle constitue un frein à un accès efficace aux réseaux ou au bon fonctionnement du marché, entraîne le versement d'une pénalité. Calculé de manière mensuelle, le montant de cette pénalité est progressif, afin de pénaliser plus fortement les retards importants. Les montants prévus dans le tarif TURPE 6 HTB sont les suivants :
- pour un projet mis en œuvre dans les 6 mois suivant la date retenue par la CRE, une pénalité de 100 k€/mois de retard est appliquée ;
- pour un projet mis en œuvre dans les 6 à 12 mois suivant la date retenue par la CRE, la pénalité est portée à 200 k€/mois de retard pour les mois au-delà du 6e mois ;
- pour un projet mis en œuvre au-delà de 12 mois suivant la date retenue par la CRE, la pénalité est portée 400 k€/mois de retard pour les mois au-delà du 12e mois ;
- le montant global de l'ensemble des pénalités versées par RTE pendant la période du TURPE 6 HTB est plafonné à 10 M€/an.

7.2. Ajout d'une action prioritaire

Dans la délibération de la CRE n° 2022-210 du 21 juillet 2022 portant décision d'octroi de dérogations pour la connexion de RTE aux plateformes européennes pour l'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserve secondaire et de réserve tertiaire rapide (9), la CRE a octroyé à RTE une dérogation pour se connecter aux plateformes MARI et PICASSO plus tard que la date fixée par le règlement Electricity Balancing (10) (soit le 24 juillet 2024 au lieu du 24 juillet 2022), en raison de difficultés de mise en œuvre liées à son système d'information. La CRE avait alors particulièrement insisté sur la nécessité de tenir les délais associés à la connexion à la plateforme MARI, pour laquelle le retard envisagé était plus important et pourrait avoir des incidences sur le processus d'intégration du marché européen :
« La CRE insiste sur la nécessité de les mettre à disposition avant le 24 juillet 2024, qui correspond à l'échéance de la période de dérogation accordée à RTE dans la présente délibération pour sa connexion à la plateforme MARI, afin de limiter les incidences du retard de RTE sur le processus d'intégration du marché européen. C'est pourquoi la CRE envisage d'ajouter une incitation tarifaire à RTE sur ce point, conformément au point 2.5.4 de sa délibération n° 2021-12 du 21 janvier 2021. »
Dans sa consultation publique du 20 octobre 2022, la CRE a donc proposé d'intégrer à la liste des actions prioritaires du point 2.5.4 de la délibération n° 2021-12 du 21 janvier 2021 l'action « partage des capacités transfrontalières françaises sur la plateforme MARI pour les activations programmées qui ont lieu chaque quart d'heure », au 24 juillet 2024.
La majorité des répondants à la consultation publique, dont RTE, est favorable à cette proposition et partage l'importance de l'enjeu identifié par la CRE.
Une minorité d'acteurs a toutefois émis un avis défavorable à cette proposition, considérant qu'elle n'est pas justifiée par les circonstances, ou qu'il serait préférable de laisser RTE gérer lui-même ses priorités. A cet égard, la CRE réaffirme que dans le contexte de transformation rapide du système électrique et d'intégration du marché européen, la connexion à la plateforme MARI dans les délais impartis est un enjeu essentiel. La CRE rappelle que le décalage de la connexion de RTE à la plateforme retarde temporairement la construction d'un marché européen de l'équilibrage pour la réserve rapide et aura également une incidence sur la capacité des gestionnaires de réseau européens connectés à la plateforme d'échanger des produits de réserve rapide si RTE ne met pas à disposition de la plateforme ses interconnexions.
Un répondant souhaite que le délai de mise en œuvre proposé soit décalé d'un an, conformément à la date de connexion à la plateforme MARI qu'avait annoncée RTE dans sa demande de dérogation faite à la CRE en janvier 2022. A cet égard, la CRE précise que l'action porte uniquement sur le partage des capacités transfrontalières sur la plateforme, afin de ne pas limiter l'intégration du marché européen de l'équilibrage. Sur cette échéance, le calendrier retenu est bien conforme à celui que s'est fixé RTE.
Enfin, un répondant souhaite ajouter de nouvelles actions à la liste des actions prioritaires. La CRE rappelle que les actions retenues dans cette liste doivent avoir un impact identifié sur des acteurs extérieurs et qu'il n'apparaît donc pas pertinent d'inclure des projets spécifiques à l'organisation interne de RTE. Une autre action proposée concerne une action figurant déjà dans la liste établie au moment de la délibération TURPE 6 HTB. La CRE n'estime donc pas pertinent de retenir de nouvelles actions complémentaires à celle proposée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la CRE retient sa proposition d'intégrer à la liste des actions prioritaires du point 2.5.4 de la délibération n° 2021-12 du 21 janvier 2021 l'action suivante et le délai de mise en œuvre associé :

- partage des capacités transfrontalières françaises sur la plateforme MARI pour les activations programmées qui ont lieu chaque quart d'heure, au 24 juillet 2024.

Décision de la CRE

Les dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.
Le tarif actuel d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans le domaine de tension HTB, dit « TURPE 6 HTB », est entré en vigueur le 1er août 2021, en application de la délibération n° 2021-12 du 21 janvier 2021, pour une durée de quatre ans environ. Le tarif actuel d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans le domaine de tension HTA-BT, dit « TURPE 6 HTA-BT », est entré en vigueur le 1er août 2021, en application de la délibération n° 2021-13 du 21 janvier 2021, pour une durée de quatre ans environ.
Par la présente délibération, la CRE modifie la délibération TURPE 6 HTB et la délibération TURPE 6 HTA-BT selon les conditions suivantes.
Concernant l'adaptation du cadre de régulation de RTE et d'Enedis pour certains postes de charges les plus dépendants des prix de gros
La CRE révise la régulation incitative du TURPE 6 HTB pour l'adapter au niveau élevé des prix de gros de l'électricité, notamment en les recentrant sur le volume plutôt que sur les prix :

- la CRE suspend l'application de la régulation incitative portant sur les coûts de congestions de RTE pour l'année 2022 et recentre l'incitation sur les volumes de congestions nationales et internationales de RTE pour les années 2023 et 2024 ;
- la CRE recentre, pour les années 2023 et 2024, la régulation incitative portant sur les coûts de constitution des réserves d'équilibrage sur les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des services système et les volumes d'ajustements pour motif de reconstitution des marges. Par souci de cohérence, la CRE décide également d'inclure le poste abattements, pénalités et indemnités liés aux réserves d'équilibrage à 100 % au CRCP pour les années 2023 et 2024 ;
- la CRE remplace, pour les années 2023 et 2024, l'incitation à 100 % sur les coûts de la part variable de la compensation synchrone par une régulation incitative portant sur les volumes d'énergie valorisée au titre de la compensation synchrone.

Afin de maintenir le caractère incitatif de la régulation portant sur le volume des pertes électriques, pour les années 2023 et 2024, la CRE révise la régulation incitative du TURPE 6 HTB et du TURPE 6 HTA-BT afin de valoriser la part relative aux écarts en volume à la valeur définie au moment de l'élaboration du TURPE 6 HTB et de TURPE 6 HTA-BT. Ce prix s'élève à 50 €/MWh.
Concernant l'adaptation de la régulation incitative de RTE et des moyens dédiés aux raccordements
Afin d'accorder à RTE les moyens d'assurer ses missions dans le contexte d'accélération de la transition énergétique, la CRE, pour les années 2023 et 2024, corrige l'effet d'une erreur dans les hypothèses prévisionnelles prises en compte pour l'élaboration de la trajectoire de la délibération TURPE 6 HTB et inclut au CRCP de RTE l'écart entre la trajectoire de production immobilisée de la délibération TURPE 6 HTB et la trajectoire corrigée.
A la suite de modifications de la doctrine comptable de RTE qui entraînent le transfert de charges d'exploitation vers les dépenses d'investissement, et afin que les charges correspondantes ne soient pas payées deux fois par les tarifs des réseaux, la CRE décide de restituer aux utilisateurs du réseau les montants correspondants. RTE transmettra à la CRE un bilan précis de la mise en œuvre de ces modifications comptables en fin de période tarifaire afin de calculer les montants à intégrer au CRCP.
En contrepartie de la correction de trajectoire, la CRE :

- met en place une régulation incitative portant sur les raccordements pour les années 2023 et 2024 :
- incitation sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans un délai inférieur à trois mois pour le segment « producteurs et GRD », avec un taux cible de 55 % en 2023 et de 70 % en 2024 et avec une valorisation de 300 k€ par point de pourcentage en écart au taux cible ;
- incitation sur le taux de transmission des propositions techniques et financières dans les délais convenus avec le demandeur pour le segment « consommateurs », avec un taux cible de 75 % en 2023 et de 80 % en 2024 et avec une valorisation de 300 k€ par point de pourcentage en écart au taux cible ;
- complète le dispositif de suivi de la qualité de service prévu par la délibération TURPE 6 HTB, dont les indicateurs sont publiés une fois par an sur le site internet de RTE, par les indicateurs suivants :
- taux de propositions techniques et financières transmises dans les délais convenus avec le demandeur ;
- taux de propositions techniques et financières transmises dans un délai de trois mois ;
- nombre de propositions techniques et financières transmises dans un délai supérieur à six mois ;
- délai convenu moyen de transmission des propositions techniques et financières (en nombre de mois) ;
- délais moyens de transmission des propositions techniques et financières (en nombre de mois).

Ces cinq indicateurs seront décomposés par catégories d'utilisateurs (« producteurs et GRD » et « consommateurs »).
RTE fournira à la CRE en début d'année un bilan détaillé des indicateurs et de leur évolution, en vue de l'analyse par la CRE de l'atteinte des objectifs de qualité de service lors de l'évolution tarifaire annuelle.
Concernant la modification de la couverture des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre
La CRE met en place, pour le reste de la période TURPE 6, la prise en charge au CRCP des créances irrécouvrables des responsables d'équilibre au cas par cas et sur la base de dossiers argumentés démontrant que RTE a effectué une gestion adaptée de la situation des responsables d'équilibre défaillants.
Concernant l'ajout d'une action prioritaire pour RTE dans le cadre de la régulation incitative sur l'innovation
La CRE intègre à la liste des actions prioritaires du point 2.5.4 de la délibération n° 2021-12 du 21 janvier 2021 l'action suivante : partage des capacités transfrontalières françaises sur la plateforme MARI pour les activations programmées qui ont lieu chaque quart d'heure, au 24 juillet 2024.
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 13 décembre 2022.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française et sur le site internet de la CRE. Elle sera transmise à la ministre de la transition énergétique, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi qu'à RTE et Enedis.

Délibéré à Paris, le 5 janvier 2023.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

La présidente,

E. Wargon

(1) Délibération de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport d'électricité (TURPE 6 HTB) - CRE.

(2) Délibération de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT) - CRE.

(3) Consultation publique n° 2022-11 du 20 octobre 2022 relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité (TURPE 6 HTB et HTA-BT).

(4)

https://www.contraintes-reseau-s3renr-rte.com/

.

(5) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 6 janvier 2022 relative à la régulation incitative portant sur les coûts de constitution des réserves d'équilibrage de RTE pour l'année 2022.

(6) Les indicateurs relatifs à l'année 2021 peuvent être trouvés ici :

https://www.services-rte.com/fr/qualite-de-service-de-rte-indicateurs-2021.html

.

(7) Délibération n° 2022-260 de la Commission de régulation de l'énergie du 20 octobre 2022 portant décision d'approbation de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de consommation au réseau public de transport d'électricité.

(8) Délibération de la CRE du 7 juillet 2022 portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre.

(9) Délibération de la CRE n° 2022-210 du 21 juillet 2022 portant décision d'octroi de dérogations pour la connexion de RTE aux plateformes européennes pour l'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserve secondaire et de réserve tertiaire rapide.

(10) Règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique.