JORF n°0181 du 6 août 2022

Délibération n°2022-82 du 17 mars 2022

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Décision de la CRE du 2 mars 2022 relative au projet Linky d'Enedis

Résumé La CRE a publié une décision le 2 mars 2022 sur les compteurs Linky d'Enedis. Elle modifie les tarifs et les incitations pour 2022-2024. Les utilisateurs sans Linky paieront plus cher.

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX, Jean-Laurent LASTELLE et Valérie PLAGNOL, commissaires.
L'article L. 341-4 du code de l'énergie dispose que les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) doivent mettre en œuvre des dispositifs de comptage permettant aux fournisseurs de « proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs de réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée ».
Le projet de comptage évolué d'Enedis, dit projet Linky, a été initié dès 2007. Après plusieurs expérimentations, la phase de déploiement massif a débuté fin 2015 pour une durée de 6 ans et a pris fin comme prévu en décembre 2021. Elle visait à équiper 90 % du parc dans le domaine de la basse tension ≤ 36 kVA. A la fin de décembre 2021, plus de 34 millions de compteurs ont été posés (sur un parc total de 37,7 millions), soit un taux de déploiement de 90,1 % : l'objectif fixé à Enedis en début de projet a donc été tenu.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) dresse un bilan positif à l'issue de cette phase de déploiement massif et considère que le projet Linky est un succès industriel pour notre pays. En ce qui concerne le déploiement physique des compteurs, la performance d'Enedis est excellente, tant en termes de coûts, que de tenue des délais et de performance du système. Les coûts d'investissements sont inférieurs d'environ 15 % par rapport au plan d'affaires initial, soit 0,7 Md€, et représentent ainsi un investissement d'un peu moins de 4 milliards d'euros. Les délais de déploiement ont été respectés malgré la crise sanitaire. Enfin, la chaîne communicante fonctionne globalement bien (plus de 98 % de télérelevés journaliers réussis depuis 2018).
Il convient désormais de s'assurer que les gains attendus durant la phase d'exploitation du projet Linky se concrétisent bien. Ces gains sont constitués :

- de gains économiques à l'échelle du distributeur Enedis, principalement liés à une diminution des coûts de relève et de réalisation des petites interventions sur site, ainsi qu'à des gains sur les pertes non techniques (inter-contrats à la suite de déménagement, fraudes…) ;
- de gains à l'échelle de la collectivité. Il s'agit notamment du développement de la télé-opération qui facilite un certain nombre de prestations et en réduit le coût directement au bénéfice des consommateurs et de l'accès à de nouvelles fonctionnalités qui permettent aux fournisseurs de proposer des offres tarifaires innovantes adaptées aux besoins spécifiques des consommateurs. Par ailleurs, l'existence et la transmission d'informations plus précises et enrichies sur la consommation réelle sont un préalable indispensable pour développer de façon massive la maîtrise de la demande en énergie.

La CRE dresse un bilan de la concrétisation de ces gains. A l'échelle du distributeur, en dehors des gains relatifs à la diminution des pertes non techniques (PNT), dont la mise en œuvre est simplement différée, l'ensemble des gains prévus sont atteints ou dépassés. Ces gains, qui représentent près de 1 Md€ sur 4 ans, ont été intégrés dans les trajectoires tarifaires du TURPE 6 HTA-BT (1) et seront donc bien restitués aux consommateurs. Les gains pour la collectivité quant à eux commencent à se matérialiser, en particulier la mise en place des télé-opérations sur les prestations réalisées par Enedis. En revanche certains gains attendus liés à l'exploitation des données fines de consommation, tels que le développement d'offres de fourniture innovantes ou la maîtrise de la demande en énergie, se sont encore insuffisamment matérialisés.
Les articles L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du code de l'énergie donnent compétence à la CRE pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE). La CRE procède aux modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs, de l'évolution prévisible de leurs charges de fonctionnement et d'investissements ou encore de l'évolution des usages des réseaux.
L'article L. 341-3 du code de l'énergie dispose que la CRE peut prévoir « des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu'à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution à améliorer leurs performances, notamment en ce qui concerne la qualité de l'électricité, à favoriser l'intégration du marché intérieur de l'électricité et la sécurité de l'approvisionnement et à rechercher des efforts de productivité ».
La délibération de la CRE du 17 juillet 2014 (2) a fixé le cadre de régulation incitative du projet Linky pour la période de déploiement massif. Ce cadre est organisé autour de trois enjeux (respect du calendrier de déploiement, maîtrise des coûts, performance de la chaîne communicante) et a bien fonctionné.
La fin de la phase de déploiement massif ne signifie pas la fin du déploiement de Linky. Un déploiement diffus va se poursuivre pendant plusieurs années pour les 10 % de clients non encore équipés de compteurs Linky à la date de la publication de la présente délibération. Par ailleurs, la chaîne communicante (du compteur jusqu'à l'utilisateur final) doit rester performante sur la durée et les prestations réalisées par Enedis doivent pouvoir évoluer en fonction des besoins des utilisateurs, afin de tirer parti au mieux de toutes les fonctionnalités de Linky. Enfin, se pose la question de la relève résiduelle, pour les consommateurs qui malgré les diverses tentatives d'Enedis, continueraient à empêcher la pose du compteur Linky
La CRE a publié une consultation publique le 25 novembre 2021 pour, d'une part, présenter le bilan de la phase de déploiement du compteur Linky et, d'autre part, proposer le traitement tarifaire de la relève résiduelle et un cadre de régulation spécifique au projet de comptage évolué Linky après la fin du déploiement en masse (3). La consultation a recueilli 320 réponses, dont une grande part de réponses de particuliers.
La présente délibération fixe le cadre de régulation pour le projet Linky pour la période 2022-2024 et les modalités de facturation de la relève résiduelle pour la fin de la période TURPE 6.

Traitement de la relève résiduelle

La CRE considère qu'Enedis devra pouvoir poursuivre sa mission de service public de relève pour la facturation des utilisateurs non équipés de compteurs Linky. Si la période de déploiement diffus qui s'étend de 2022 jusqu'à 2024 devrait permettre de régulariser la majorité des situations, la CRE considère que l'ensemble des clients qui empêcheraient encore la pose d'un compteur Linky durant cette phase de déploiement diffus doivent supporter les surcoûts générés.
A court terme, durant cette phase de déploiement diffus, la CRE est favorable à ce que seuls les clients non équipés d'un compteur Linky et muets (ne communiquant pas leurs index lors des campagnes d'auto-relève et ne permettant pas la pose d'un compteur Linky) supportent les coûts générés par ce comportement.
En conséquence, la CRE modifie la délibération du 21 janvier 2021 (TURPE 6 HTA-BT [4]) afin d'introduire une composante de comptage spécifique qui sera facturée aux utilisateurs BT ≤ 36 kVA non équipés d'un compteur Linky, qui n'ont pas permis à Enedis de poser un compteur Linky et n'ayant pas mis à disposition d'Enedis leurs index de consommation durant une année à compter du 1er janvier 2022. Cette composante qui vient s'ajouter à la composante de comptage des utilisateurs BT ≤ 36 kVA est appliquée tous les 2 mois par Enedis pour un montant de 8,30 €.

Régulation incitative

La performance du système Linky d'Enedis sur la période 2016-2021 est globalement satisfaisante. Pour la période 2022-2024, la CRE adapte le cadre de régulation en poursuivant deux enjeux principaux : assurer un haut niveau de performance de la chaîne communicante et faciliter les gains à l'échelle de la collectivité.
Afin de maintenir le bon niveau de performance, la CRE renforce le cadre de régulation incitative notamment en triplant le montant des pénalités associées aux indicateurs de qualité de service.
Par ailleurs, la CRE étend le périmètre de régulation incitative en encadrant le délai de mise en place des calendriers spécifiques fournisseurs par Enedis dans le but de faciliter le développement d'offres innovantes permises par le compteur Linky.
En outre, les acteurs ont confirmé le constat d'un décalage entre l'indicateur relatif à la transmission des courbes de charge mis en place par la CRE sur la période TURPE 6 et la qualité effectivement perçue par les acteurs. Les réponses à la consultation publique n'ont pas permis de définir un indicateur permettant de traiter cette problématique complexe. A ce titre, la CRE fixe un calendrier à Enedis afin de déterminer un indicateur fiable à fin 2022.
Enfin, pour traiter les situations les plus complexes, telles que la non-communication durable de certains compteurs Linky ou la non-réalisation de prestations télé-opérables, la CRE met en place un système d'indemnités versées par Enedis aux consommateurs concernés.
A la suite de la consultation publique, la présente délibération a pour objet de :

- fixer les indicateurs incités financièrement, dans le cadre du suivi de la performance du système de comptage Linky d'Enedis pour la période 2022-2024 ;
- modifier la délibération n° 2021-13 du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT) afin d'intégrer une composante de comptage spécifique à la relève résiduelle.

Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 3 mars 2022.

Sommaire

  1. Contexte
    1.1. Bilan de la phase de déploiement du compteur Linky
    1.1.1. Un déploiement massif réalisé dans les délais prévus
    1.1.2. Des coûts en deçà des prévisions
    1.1.3. Un système de comptage déjà performant
    1.1.4. Des gains au rendez-vous
    1.2. Objet de la présente délibération

  2. Consultation publique

  3. Organisation et traitement tarifaire de la relève résiduelle

  4. Régulation incitative spécifique du projet Linky pour la période 2022-2024
    4.1. Adaptation du cadre de régulation existant
    4.1.1. Indicateurs relatifs au déploiement en masse
    4.1.2. Indicateurs relatifs à la qualité du système de comptage
    4.1.3. Indicateurs relatifs aux télé-opérations
    4.2. Extension du mécanisme de régulation incitative
    4.2.1. Délais de mise en place des calendriers fournisseurs
    4.2.2. Mise en place d'indemnités versées par Enedis en cas de défaillance du système de comptage Linky
    Décision de la CRE
    ANNEXE 1 : BILAN DE LA PHASE DE DÉPLOIEMENT EN MASSE DE LINKY
    ANNEXE 2 : RAPPEL DU FONCTIONNEMENT DE LA RÉGULATION INCITATIVE DE LA PERFORMANCE DU SYSTÈME DE COMPTAGE LINKY
    ANNEXE 3 : RÉGULATION INCITATIVE DE LA PERFORMANCE DU SYSTÈME DE COMPTAGE POUR LA PÉRIODE 2022-2024

  5. Contexte
    1.1. Bilan de la phase de déploiement du compteur Linky
    1.1.1. Un déploiement massif réalisé dans les délais prévus

Le taux cible de déploiement a été initialement fixé à 90 % de compteurs Linky posés à fin 2021. Le modèle d'affaires initial prévoyait une phase de montée en charge sur la période 2015-2017 suivie d'une phase de déploiement soutenu sur la période 2018-2020 avec une accélération de la pose jusqu'à 8 millions de compteurs par an. L'année 2021 était la dernière année du déploiement massif. Elle sera suivie d'une phase de déploiement diffus, caractérisée par un volume de pose plus réduit (environ 850 000 poses par an) et la plus grande internalisation de la pose par les équipes Enedis. Cette phase de déploiement diffus doit permettre le déploiement de compteurs Linky sur le reste du parc d'ici la fin de l'année 2024.
En 2020, le confinement du printemps lié à la crise sanitaire COVID a ralenti le programme Linky et entraîné un retard de pose d'environ un million de compteurs. A l'issue du confinement, Enedis a renforcé sa reprise d'activité ce qui a permis de rattraper ce retard de moitié sur le second semestre 2020, et complètement en 2021. Ainsi, au 31 décembre 2021, Enedis a atteint le taux de déploiement cible de 90 %, soit un peu plus de 34 millions de compteurs posés.
S'agissant de la répartition de la pose sur le territoire d'Enedis, le taux d'équipement des utilisateurs en compteurs Linky est globalement homogène entre les régions (entre 88,8 % et 91,3 %). Néanmoins des écarts plus importants peuvent subsister à des mailles plus locales.

1.1.2. Des coûts en deçà des prévisions

Au global, fin 2021, Enedis a moins dépensé que prévu. Le montant d'investissement de référence (5) pour le projet Linky était de 4,7 Md€. La bonne performance d'Enedis sur le projet lui a permis de ne dépenser que 4 Md€ soit une économie de près de 15 %.
Ce résultat est porté par une très bonne performance à la fois sur le coût unitaire des compteurs et sur les coûts de pose des compteurs et concentrateurs. Toutefois, les coûts d'investissements liés au système d'information (SI) sont plus élevés que prévu (450 M€ au lieu de 273 M€), mais ils ont un impact limité sur le coût total du projet.

1.1.3. Un système de comptage déjà performant

La performance du système de comptage Linky est un élément essentiel du projet, notamment pour la concrétisation des gains initialement prévus.
Le suivi de la performance du système Linky par la CRE s'articule autour de trois groupes d'indicateurs :

- des indicateurs relatifs à la phase de déploiement massif, permettant de mesurer la performance de la pose ;
- des indicateurs permettant de s'assurer du bon fonctionnement de la chaîne communicante, de la mesure de la consommation jusqu'à la mise à disposition des données aux utilisateurs ;
- des indicateurs relatifs aux télé-opérations, nouveaux services rendus possibles grâce aux compteurs Linky.

Enedis a été globalement performant sur l'ensemble des indicateurs incités. Ainsi, le bilan financier de la régulation incitative de la qualité de service du projet Linky est positif.

1.1.4. Des gains au rendez-vous

Le modèle économique du projet Linky prévoit un équilibre économique grâce à la concrétisation constituée de gains à l'échelle du distributeur (principalement liés à une diminution des coûts de relève et de réalisation des petites interventions sur site, ainsi qu'à des gains sur les pertes non techniques) et de gains à l'échelle de la collectivité (notamment le développement de la télé-opération, la mise en place d'offres de fourniture innovantes ainsi que la maîtrise de l'énergie).
A l'échelle du distributeur, en dehors des gains relatifs à la diminution des pertes non techniques (PNT), dont la mise en œuvre est simplement différée, l'ensemble des gains prévus sont atteints ou dépassés. Ces gains, qui représentent près de 1 Md€ sur la période TURPE 6, ont été intégrés dans les trajectoires tarifaires du TURPE 6 HTA-BT et seront donc bien restitués aux consommateurs. Les gains pour la collectivité commencent à se matérialiser, en particulier par la mise en place des télé-opérations sur les prestations réalisées par Enedis. En revanche certains gains attendus liés à l'exploitation des données fines de consommation, tels que le développement d'offres de fourniture innovantes ou la maîtrise de la demande en énergie se sont encore insuffisamment matérialisés.
Un bilan plus complet du déploiement est présenté en annexe 1.

1.2. Objet de la présente délibération

Les délibérations des 17 juillet 2017 et 23 janvier 2020 fixaient le cadre de régulation pour la période de déploiement massif du projet Linky, soit pour les années 2016 à 2021.
Les bons résultats d'Enedis, constatés sur la période 2016-2021, en matière de qualité de la pose et de performance du système Linky, sont essentiels pour la réussite de ce projet industriel majeur et permettent de garantir que les gains associés au projet pourront effectivement se concrétiser. La CRE se réjouit de cette performance.
Pour autant, au regard des enjeux du projet, des niveaux d'investissements associés et des résultats atteints par Enedis sur les premières années du projet et des nouveaux enjeux pour la phase d'exploitation du compteur Linky, il convient de renforcer et d'étendre la régulation incitative pour la période 2022-2024. La présente délibération a pour objet de fixer le cadre de régulation incitative de la qualité de service associée à Linky pour la période 2022-2024.
En outre, un déploiement diffus va se poursuivre pendant plusieurs années, pour les 10 % de clients non encore équipés de compteurs Linky à la date de publication de la présente délibération. La présente délibération porte également sur les règles mises en place pour encadrer ce déploiement et prendre en compte les coûts générés par la relève résiduelle des utilisateurs non équipés d'un compteur Linky.

  1. Consultation publique

La CRE a organisé une consultation publique qui s'est déroulée du 25 novembre 2021 au 5 janvier 2022. Elle y a dressé le bilan du déploiement des compteurs Linky, ainsi qu'un premier bilan des gains observés à la suite de ce déploiement. La consultation publique s'intéressait ensuite au cadre de régulation du programme Linky pour la période faisant suite au déploiement en masse, ainsi qu'à la façon de traiter la relève résiduelle des clients non équipés de Linky.
La CRE a reçu 320 contributions, dont une part importante de contributions de particuliers (près de 300). Ces réponses, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sont publiées en même temps que la présente délibération sur le site de la CRE.
La quasi-totalité des réponses des particuliers provient de personnes opposées au déploiement massif du compteur Linky. Certains évoquent des arguments économiques portant pour la plupart sur le coût du projet, jugé trop important pour des gains qui seraient principalement au bénéfice d'Enedis. D'autres évoquent des problèmes lors de la pose des compteurs Linky et s'interrogent sur le bilan environnemental du projet. Enfin, ils s'opposent majoritairement à la facturation de la relève à pied pour les clients non équipés de Linky, évoquant pour certains des refus de pose liés aux craintes sur des conséquences négatives sur les personnes. Globalement, les particuliers ont assez peu répondu aux questions portant sur le cadre de régulation du projet.
Les autres réponses (fournisseurs, AODE, GRD, autres) sont majoritairement en accord avec le bilan du déploiement du compteur Linky dressé par la CRE, et sont favorables aux propositions de la CRE sur le cadre de régulation. La majorité des acteurs invitent Enedis à poursuivre ses efforts pour concrétiser les gains attendus, en particulier sur la réduction des PNT. Ces acteurs sont aussi majoritairement favorables à la facturation de la relève résiduelle aux clients non équipés d'un compteur Linky. Cependant, plusieurs d'entre eux souhaitent qu'une attention particulière soit portée à la distinction des raisons qui expliquent que certains points de livraison ne soient pas équipés de compteurs Linky. S'agissant du cadre de régulation, les réponses sont en majorité favorables aux propositions de la CRE sur la cadre de régulation mais s'inquiètent de la suppression de certains indicateurs de suivis de la pose ou de la disponibilité du portail client d'Enedis. Enedis appelle à la vigilance quant à la définition d'une indemnité en cas de défaillance du système de comptage Linky et indique craindre des effets d'aubaine ou le versement d'indemnités au titre de défaillances qui ne seraient pas du fait d'Enedis.
Enfin, certains fournisseurs ont alerté la CRE sur la nécessité de modifier le tarif de certaines prestations annexes compte tenu de leur caractère téléopérable.

  1. Organisation et traitement tarifaire de la relève résiduelle

Dans sa consultation publique du 25 novembre 2021, la CRE a indiqué qu'une partie importante des gains du projet Linky est liée à la baisse des coûts de relève, permise par la fin de la relève à pied et de son remplacement par la relève à distance (télérelève).
Au terme de la phase de déploiement massif atteignant plus de 90 % de compteurs posés, une population résiduelle non encore équipée de Linky correspondant à près de 3,8 millions d'utilisateurs reste à équiper.
Pour ces utilisateurs, Enedis doit :

- d'une part, maintenir une activité de relève résiduelle ;
- d'autre part, mettre en œuvre des moyens pour proposer de la manière le plus souple et la plus efficace possible l'installation du compteur Linky.

Les coûts unitaires de relève résiduelle pour les clients n'ayant pas de compteur Linky seront en forte augmentation du fait de la désoptimisation des tournées de relève résiduelles et du fait qu'Enedis estime que 80 % des points de connexion concernés ont des compteurs « inaccessibles ».
La CRE constate par ailleurs que les raisons du non-équipement des 3,8 millions d'utilisateurs en compteurs Linky sont diverses (difficultés de contact, problèmes techniques, refus explicites…). La période de déploiement diffus qui s'étalera de 2022 à 2024 permettra de régulariser la majorité de ces situations.
La CRE estime que les clients empêchant encore la pose d'un compteur Linky durant cette phase de déploiement diffus devront supporter les coûts générés par ce comportement. La CRE avait déjà affirmé cette position dans sa délibération du 3 mars 2016 (6), où elle indiquait qu'il était justifié « que les consommateurs qui n'ont pas laissé l'accès au compteur se voient facturer une prestation de relève à pied résiduelle, compensant les surcoûts occasionnés » et dans sa délibération portant sur le TURPE 6 HTA-BT (7), en indiquant que « tout client ayant refusé la pose d'un compteur évolué dégradera les gains attendus du projet » et « qu'il sera dès lors nécessaire de faire supporter les coûts de la relève résiduelle à ces seuls clients ».
A cet égard, la CRE avait demandé à Enedis, dans la délibération du 3 mars 2016, un suivi des surcoûts occasionnés par cette relève afin de permettre « la mise en place de cette prestation, facturée aux consommateurs qui ne seront pas équipés de compteurs évolués de leur fait […], et après plusieurs relances de la part du GRD ». Par ailleurs, dans ce cadre, et dans un contexte de fin de la relève à pied systématique à partir de 2022, la CRE et Enedis ont mené des réflexions durant le 1er semestre 2021 afin d'encourager les utilisateurs ayant jusque-là refusé la pose d'un compteur Linky à l'accepter et, ainsi, à exploiter au mieux la période de déploiement diffus débutant en 2022.
Rappel du dispositif envisagé dans la consultation publique
Dans ce contexte, la CRE a proposé dans sa consultation publique une approche graduée et progressive de la facturation de la relève résiduelle en deux temps :

- une phase transitoire (2022-2024), durant laquelle seuls les utilisateurs « muets » (i.e. non équipés de compteur Linky, n'ayant pas permis à Enedis l'accès à leur compteur et n'ayant pas mis à disposition d'Enedis leurs index de consommation durant un an), seraient facturés d'un coût supplémentaire correspondant à un montant 4,16 €/mois à partir du mois suivant la notification par Enedis (via l'envoi d'un courrier envoyé par Enedis en application de l'article L. 224-11 du code de la consommation, ci-après « courrier LTE » [8]). Cette phase aurait pour objectif d'exploiter au mieux la phase de déploiement diffus par Enedis et permettrait à ce que les utilisateurs non équipés de compteur Linky pour diverses raisons et souhaitant en être équipés, puissent l'être facilement.
- à partir de 2025, une seconde phase dans laquelle l'ensemble des clients non équipés de Linky seraient facturés du coût de la relève résiduelle correspondant à un montant de 5,33 €/mois dans un contexte de renforcement des interventions d'Enedis sur le terrain. A cette date, Enedis sera en mesure d'assurer que tous les clients ayant transmis leur souhait de se voir équipés d'un compteur Linky auront été équipés (sauf quelques rares impossibilités techniques qui seront tracées et non concernées par la facturation).

Etant donné que l'activité de relève fait partie des missions de service public d'Enedis au titre de l'article L. 322-8 7° du code de l'énergie, la CRE a proposé d'introduire une composante de comptage additionnelle dans le TURPE 6 HTA-BT pour les clients concernés par la facturation due à la relève résiduelle. Enedis a indiqué pouvoir transmettre isolément cette facturation (par l'intermédiaire du fournisseur, sous la forme de frais) afin qu'elle puisse être visible sur la facture du client concerné.
Par ailleurs, afin que les utilisateurs souhaitant être équipés de Linky puissent l'être facilement, la CRE a demandé à Enedis de mettre en place une plateforme de prise de rendez-vous permettant au client de choisir une date de pose selon les disponibilités des équipes d'Enedis.
Retour des acteurs
La majorité des particuliers ayant répondu à la thématique de la relève résiduelle est défavorable au principe de faire porter les coûts de la relève résiduelle aux seuls consommateurs générant ces coûts. En effet, au-delà du principe d'équité mis en avant par certains contributeurs ainsi que les craintes exprimées vis-à-vis du projet Linky dans son ensemble (protection des données, santé publique, impact écologique), les répondants considèrent que le coût de la relève fait déjà partie de la facture d'électricité, à travers la composante de comptage du TURPE et que la facturation envisagée créerait une double facturation. Par ailleurs, certains contributeurs s'interrogent sur la pertinence d'une telle facturation dans la mesure où ils estiment que le recours à l'autorelevé semble être une solution peu coûteuse pour Enedis.
S'agissant des autres réponses (fournisseurs, AODE, GRD, autres), les acteurs se sont majoritairement exprimés en faveur de la mise en œuvre de cette facturation.
Certains acteurs alertent toutefois la CRE sur le fait que le coût de ce système de relève devrait être uniquement supporté par les utilisateurs ayant explicitement refusé la pose d'un compteur évolué, ce qui exclurait les utilisateurs n'étant pas encore équipés de Linky pour des problèmes techniques, des difficultés de contact ou bien des utilisateurs n'ayant pas encore eu une proposition de pose par Enedis durant la phase de déploiement massif.
Par ailleurs, certains acteurs (dont Enedis) s'interrogent sur l'utilité d'un renforcement de la relève à pied à partir de la seconde phase (2025) dans la mesure où ils estiment que le taux d'inaccessibilité des compteurs non communicants (estimé à plus de 80 % par Enedis) accentuera le risque de déplacements vains. A l'inverse, certains acteurs estiment qu'un recours renforcé à la relève à pied dès 2022 permettrait d'accroître les chances de convaincre l'utilisateur de la pose d'un compteur évolué.
En outre, un acteur s'interroge sur la pertinence de faire supporter aux seuls clients n'ayant pas fourni d'index de consommation durant 12 mois l'ensemble des coûts du dispositif de relève résiduelle.
Enfin, Enedis indique ne pas être favorable à une facturation mensuelle de cette composante tarifaire au fournisseur et estime plus pertinent de retenir une facturation annuelle. En effet, Enedis estime qu'une facturation annuelle serait plus lisible, le coût facturé couvrant une période d'un an sans index, plus simple, notamment en cas de mobilité du client dans l'année, et moins coûteux, le SI n'étant actuellement pas dimensionné pour envoyer 12 facturations dans une année pour les compteurs qui ne sont pas des compteurs Linky.
Analyse de la CRE
Organisation de la relève résiduelle
S'agissant des interventions de relève sur le terrain par Enedis, la CRE estime que le recours à l'auto-relevé couplé à des interventions/contrôles ciblés, notamment dans un contexte de fin de la relève à pied systématique, est un moyen transitoire pertinent, tant que le déploiement diffus ne sera pas achevé.
En revanche, la CRE considère qu'Enedis devra, à terme, reprendre une activité plus systématique de relève à pied afin de remplir au mieux sa mission de service public vis-à-vis de ces utilisateurs. Afin d'assurer l'efficacité de cette relève et d'en limiter les coûts, compte tenu du taux d'inaccessibilité des compteurs non Linky et du risque de déplacements vains associés, la CRE estime que la mise en place d'un système de prise de rendez-vous par Enedis avec le client pourrait être pertinent et demande à Enedis de lui présenter d'ici fin 2023 les modalités précises de relève envisagées pour la période postérieure au déploiement diffus.
Surcoûts engendrés par la relève résiduelle sur la période 2022-2024
S'agissant des montants proposés pour la facturation de la relève résiduelle ainsi que leur articulation avec les coûts déjà compris dans la composante de comptage du TURPE, il convient tout d'abord de rappeler que la composante de comptage du TURPE 6 HTA-BT (fixée à 18,24 €/an pour les utilisateurs BT ≤ 36 kVA en application des règles définies dans la délibération TURPE 6 HTA-BT) inclut uniquement les coûts de relève d'un parc entièrement constitué de compteurs Linky.
A ce titre, les coûts spécifiques liés à la relève résiduelle des utilisateurs non encore équipés de compteurs Linky n'ont pas été pris en compte dans l'actuelle composante de comptage du TURPE 6 HTA-BT. La CRE maintient donc sa volonté d'introduire une composante tarifaire spécifique pour prendre en compte les coûts liés à cette relève résiduelle.
Durant la phase de déploiement diffus (2022-2024), les actions envisagées par Enedis pour gérer la relève résiduelle des utilisateurs non encore équipés de Linky répondent à un double objectif. Elles doivent permettre :

- à Enedis de poursuive sa mission de service public de relève pour les utilisateurs non équipés de compteur Linky à travers la facilitation du processus de transmission d'un index autorelevé ainsi que de la prise de rendez-vous ponctuelle avec le client pour la réalisation de relève physique ;
- aux utilisateurs encore non équipés d'un compteur Linky de pouvoir s'approcher facilement d'Enedis afin de convenir d'une prise de rendez-vous pour la pose du compteur Linky.

Enedis estime un surcoût moyen d'environ 26 M€/an sur la période 2022-2024 pour le traitement de la relève résiduelle pour environ 500 000 clients muets (courrier LTE). Ce surcoût inclut notamment :

- des coûts liés aux notifications des clients (courriels, SMS, appels sortants, prises de rendez-vous, envoi « courrier LTE ») afin d'inviter le client à demander la pose d'un compteur évolué et/ou réaliser et transmettre un index de consommation autorelevé ;
- des coûts de contrôle relatifs à la tentative de réalisation d'interventions chez l'utilisateur ;
- des coûts liés aux travaux sur le système d'information (SI).

La CRE considère qu'il est pertinent que, dans un premier temps, seuls les clients ne permettant pas la pose du compteur Linky par Enedis et ne transmettant aucun index pendant plus de 12 mois supportent ce surcoût dans la mesure où ils entravent l'atteinte des objectifs de la phase de déploiement diffus. Ainsi les utilisateurs n'ayant pas Linky, y compris ceux se déclarant électrosensibles, pourront éviter une facturation durant cette période en transmettant leur index.
Concernant l'identification des utilisateurs ayant explicitement refusé la pose d'un compteur Linky, Enedis n'est actuellement pas en mesure de distinguer ceux qui ne sont pas équipés de compteur Linky de leur fait des autres. La période de déploiement diffus permettra à Enedis de s'assurer que tous les utilisateurs ne s'étant pas opposés à la pose d'un compteur Linky auront été équipés d'ici la fin de la période du déploiement diffus, sauf impossibilités techniques.
La période 2022-2024 prévoit la mise en place d'une communication régulière entre Enedis et l'utilisateur et restreint la facturation de la relève résiduelle aux seuls clients n'ayant pas mis à disposition d'index de consommation à Enedis pendant plus d'un an. Dès lors, la CRE considère que les conditions de facturation proposées sont de nature à ne facturer la composante tarifaire spécifique prenant en compte les coûts liés à la relève résiduelle qu'aux utilisateurs ayant refusé Linky. La CRE décide donc de maintenir sa proposition faite en consultation publique.
Pour la deuxième phase, à partir de 2025, la CRE estime qu'il est pertinent de facturer tous les utilisateurs sans compteur Linky sauf si l'installation n'a pas pu être réalisée pour des raisons d'impossibilités techniques. La CRE demande donc à Enedis de se donner les moyens d'identifier précisément ces cas d'ici fin 2024, en présentant notamment une typologie des cas particuliers auprès des acteurs en groupe de concertation et en communiquant de façon claire et régulière aux fournisseurs la liste des points de livraison concernés par cette facturation.
Fréquence de facturation
Enfin, concernant la fréquence de facturation, la CRE estime qu'une facturation annuelle n'enverrait pas un bon signal à l'utilisateur pour l'encourager à la pose d'un Linky. Toutefois, la CRE estime qu'au vu du volume de client restant, la mise en œuvre d'aménagements du SI coûteux pour la collectivité n'est pas appropriée. A ce titre, la CRE estime qu'une facturation bimestrielle, qui est techniquement réalisable par le SI d'Enedis à la date de la publication de la présente délibération, est pertinente.
Dispositif retenu
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la CRE décide d'introduire, jusqu'à la fin de la période TURPE 6 (soit jusqu'au 31 juillet 2025) une composante tarifaire supplémentaire venant s'ajouter à la composante de comptage du TURPE 6 HTA-BT.
La facturation de cette composante sera transmise à l'utilisateur, le cas échéant via le fournisseur, qui réunit les conditions cumulatives suivantes :

- le point de livraison de l'utilisateur se situe sur le territoire de desserte d'Enedis et n'est pas équipé de compteur évolué ;
- l'utilisateur n'a pas mis à disposition, à compter du 1er janvier 2022, son index de consommation à Enedis durant plus de 12 mois.

Dans ces conditions, Enedis déclenchera la facturation après identification de l'absence d'une mise à disposition d'index depuis plus de 12 mois et l'envoi d'un « courrier LTE » à l'utilisateur.
Ainsi, dès réception de ce courrier, la composante de relève résiduelle sera appliquée à l'utilisateur tous les deux mois (9) et ce jusqu'à l'installation d'un compteur Linky.
Au 1er janvier 2022, le montant de cette composante est fixé à 8,30 € par échéance de deux mois. Cette composante évoluera de la même manière que les autres composantes du TURPE 6 HTA-BT.
Pour la période TURPE 7, une facturation de la relève résiduelle sera introduite pour l'ensemble des utilisateurs non équipés de Linky (sauf impossibilités techniques). Les modalités précises ainsi que les montants seront fixés en se basant notamment sur l'organisation précise de cette relève proposée par Enedis à cette échéance.

  1. Régulation incitative spécifique du projet Linky pour la période 2022-2024

Le cadre de régulation incitative mis en place par la CRE a permis d'assurer un déploiement de qualité et un bon niveau de performance du système de comptage lors de la phase de déploiement en masse.
La CRE estime qu'Enedis doit maintenir un haut niveau global de performance de la chaîne communicante de Linky tout au long du projet. Ainsi, la CRE considère qu'à compter de 2022, la régulation incitative du projet Linky devra viser un double enjeu : maintenir la performance du système de comptage, mais aussi faciliter la matérialisation des gains à l'échelle de la collectivité lors de la conception du projet.
Par conséquent, la CRE maintient une partie des indicateurs existants sur la période 2016-2021, en adaptant la liste de ces indicateurs et les modalités d'incitation aux caractéristiques de la phase d'exploitation du projet Linky.

4.1. Adaptation du cadre de régulation existant
4.1.1. Indicateurs relatifs au déploiement en masse

La fin du déploiement en masse des compteurs Linky au 31 décembre 2021 rend en partie obsolètes les indicateurs dédiés spécifiquement au suivi et à l'incitation d'Enedis sur la bonne réalisation des opérations de pose des compteurs et de migration des points depuis le SI historique vers le nouveau SI de facturation. En effet, bien qu'Enedis continue à poser des compteurs durant la phase de déploiement diffus, le volume de compteurs posés sera bien moindre et les opérations de pose seront, dans une plus grande mesure, réalisées par des équipes d'Enedis, et moins par des prestataires externes à Enedis.
Dans la consultation publique du 25 novembre 2021, la CRE a proposé de supprimer l'ensemble des indicateurs relatifs à la qualité de la pose. Plusieurs acteurs ont demandé le maintien de certains de ces indicateurs pour permettre de suivre la qualité du déploiement diffus réalisé par Enedis.
Tenant compte de ces retours, et pour recentrer l'incitation faite à Enedis sur les fonctionnalités essentielles du système de comptage évolué, la CRE adapte sa proposition.
Elle supprime à compter de 2022 les deux indicateurs de suivi de la qualité de la pose, spécifiques aux modalités de déploiement massif :

- taux de réinterventions suite à la pose ;
- nombre de compteurs Linky communicants présents dans Disco (10) plus de 6 mois après la pose.

Elle maintient en revanche l'indicateur mesurant le nombre de compteurs Linky communicants non ouverts à l'ensemble des services plus de 6 mois après la pose du compteur Linky, qui restera suivi mais ne sera plus incité financièrement. Le suivi de cet indicateur vise à s'assurer qu'Enedis continuera, pendant la phase de déploiement diffus, à s'assurer que les utilisateurs pourront utiliser rapidement l'ensemble des services permis par le compteur Linky.

4.1.2. Indicateurs relatifs à la qualité du système de comptage

Remontée et publication des index
Les trois indicateurs relatifs à la qualité du système de comptage, mis en place pour le déploiement, ont montré leur efficacité pour mesurer et inciter la capacité du système Linky à remonter efficacement les index nécessaires à la facturation. Dans la consultation publique, la CRE a proposé de les maintenir pour la période post-déploiement massif, considérant que ces indicateurs permettent de mesurer la performance de chacune des briques de la chaîne de remontée d'index jusqu'aux fournisseurs. La majorité des répondants à la consultation publique est favorable au maintien de ces indicateurs.
En continuité avec le cadre de régulation mis en place sur la période 2016-2021 et pour conserver un niveau élevé de qualité de service, la CRE maintient le suivi des indicateurs figurant ci-dessous et renforce le niveau des incitations associées en cohérence avec le niveau de performance atteint par Enedis :

- taux de télé-relevés journaliers réussis ;
- taux de publication par Ginko (11) des index réels mensuels ;
- taux de compteurs Linky sans index télé-relevé au cours des deux derniers mois.

Le détail de la définition des indicateurs, des objectifs et des niveaux d'incitation est présenté en annexe 3.
Disponibilité du portail Enedis
Dans sa consultation publique, la CRE a proposé de supprimer l'indicateur relatif à la disponibilité du portail client Enedis. En effet, celui-ci est utilisé par un peu plus de 2,2 millions de particuliers qui ont ouvert un espace client sur le portail Enedis, soit moins de 7 % des clients équipés d'un compteur Linky. Ainsi le portail client d'Enedis n'est pas la solution privilégiée par les utilisateurs pour consulter leurs données de consommation, ceux-ci lui préférant les portails mis à disposition par les fournisseurs ou tiers.
Plusieurs acteurs ont indiqué dans leur réponse à la consultation publique que cette faible utilisation pouvait être due à des difficultés d'ouverture d'un espace utilisateur sur ce portail. En particulier, certains fournisseurs de services et collectivités qui utilisent la plateforme Data Connect (12) (service qui nécessite la création préalable d'un espace client sur le portail Enedis) soulignent le risque d'abandon par le client du fait de la longueur et de la complexité du processus de création de l'espace client.
Enedis explique qu'une partie de la procédure d'inscription est liée à des contrôles visant à s'assurer de l'identité des usagers et à garantir la confidentialité des données. La CRE encourage Enedis à mettre en œuvre les solutions les plus pratiques possible pour garantir l'accès à son portail. Cependant, elle considère que la sécurité des données personnelles associées aux compteurs est un enjeu majeur, et les évolutions envisagées doivent la préserver.
Au regard du retour des acteurs, la CRE adapte en partie sa proposition : à compter de 2022, l'indicateur relatif à la disponibilité du portail Enedis ne sera plus incité mais fera toujours l'objet d'un suivi.
Qualité des courbes de charge transmises par Enedis
Enfin, le sujet de la qualité des courbes de charges transmises par Enedis a été abordé dans la consultation publique. En effet, la CRE constatait une décorrélation entre l'indicateur mis en place dans le cadre du TURPE 6 HTA-BT mesurant la performance d'Enedis sur la transmission des données de courbes de charges et la vision des fournisseurs qui constataient une qualité moindre (en termes de complétude et de justesse des valeurs) des données reçues par Enedis.
Les réponses apportées confirment que ce sujet est central vis-à-vis des acteurs du marché et que les attentes sont en accord avec celles partagées dans la consultation publique : des fichiers de données complets et envoyés dans les délais prévus. L'indicateur existant, qui mesure la présence des courbes de charge dans les bases de données Enedis ne semble pas suffisant pour répondre aux attentes des utilisateurs, puisqu'il ne traite que l'existence d'une donnée, mais pas sa qualité ou de sa présence lors de l'envoi du fichier de données au fournisseur comme à l'entreprise de services tiers.
Aucun indicateur ne permettant de traiter la complexité de cette problématique n'est à ce stade dégagé. La CRE considère que des échanges approfondis entre Enedis, les fournisseurs et les acteurs tiers sont nécessaires pour faire émerger une solution répondant effectivement aux besoins des utilisateurs. En conséquence, elle demande à Enedis d'inscrire ce sujet au programme des travaux des instances de concertations du groupe de travail Electricité d'ici à la fin durant l'année 2022, et de présenter à la CRE une proposition d'indicateur, concertée avec les utilisateurs, d'ici à la fin de l'année 2022.

4.1.3. Indicateurs relatifs aux télé-opérations

Les indicateurs mesurant l'efficacité des télé-opérations réalisées par Enedis montrent que les prestations sont majoritairement réalisées dans les délais demandés par les clients, ce qui est une des réussites majeures du projet Linky. Dans la consultation publique la CRE a proposé de maintenir les deux indicateurs existants pour la période d'exploitation. Les réponses à la consultation publique sont majoritairement favorables à ce maintien. Ainsi la CRE maintient l'incitation des indicateurs figurant ci-dessous et ajuste le niveau des objectifs et des incitations aux performances d'Enedis et aux bonus perçus par Enedis :

- le taux de télé-prestations réalisées le jour demandé par les fournisseurs ;
- le taux de compteurs activés dans les délais à la suite d'un ordre de pointe mobile.

Pour l'ensemble des indicateurs cités dans cette partie, la CRE maintient les niveaux des objectifs fixés pour la période 2020-2021. Par ailleurs, la CRE renforce le niveau des incitations en triplant le niveau des montants des pénalités associées à chaque indicateur par rapport aux niveaux fixés sur la période 2020-2021. Le détail des niveaux d'objectif et des incitations financières est présenté en annexe 3.

4.2. Extension du mécanisme de régulation incitative
4.2.1. Délais de mise en place des calendriers fournisseurs

La CRE considère que la régulation incitative du projet Linky doit être renforcée afin de faciliter la matérialisation des gains attendus à l'échelle de la collectivité, notamment en matière de maîtrise de la demande en énergie.
Les échanges menés en amont de la consultation publique, notamment avec des fournisseurs, ont souligné l'importance de disposer bien plus rapidement des « calendriers fournisseurs » (13) spécifiques nécessaires pour pouvoir proposer de manière efficace des nouvelles offres. Cela permet aux consommateurs de choisir l'offre qui correspond le mieux à leurs habitudes de consommation. Le délai concerté actuel pour la mise en place, par Enedis, d'un calendrier spécifique fournisseur est de 3 mois pour les cas nécessitant des interactions avec les fournisseurs. La majorité des fournisseurs rencontrés a indiqué que le délai souhaitable était de 1 mois. La CRE a ainsi proposé, dans la consultation publique, de créer un indicateur, incité financièrement, sur le délai de mise en place d'un calendrier fournisseur par Enedis et de fixer l'objectif de cet indicateur à 1 mois.
La majorité des acteurs ayant répondu sur ce point est favorable à l'introduction de cet indicateur. Enedis, dans sa réponse, fait la distinction entre les calendriers créés par recopie d'un calendrier fournisseur générique (présent dans la bibliothèque d'Enedis, et dont la faisabilité technique a été confirmée), pour lesquels le délai d'un mois est réalisable et réalisé, et les calendriers personnalisés. Pour ces derniers, une étude visant à vérifier la faisabilité technique du calendrier est nécessaire, ne permettant pas, selon Enedis, de respecter un délai d'un mois.
La CRE retient cette distinction, et introduit, à compter du 1er janvier 2022, un indicateur mesurant le délai de mise en place des calendriers fournisseurs. Le délai de mise en place cible est fixé à 1 mois pour les calendriers créés par recopie, et à 2 mois pour les calendriers fournisseurs personnalisés, afin de prendre en compte le délai de réalisation de l'étude de faisabilité technique. Par ailleurs, Enedis disposera d'un délai de cinq jours ouvrés à la suite de la réception de la demande pour notifier au fournisseur que sa demande est complète.
La définition de l'indicateur ainsi que les modalités d'incitation sont précisées au titre 1.f. de l'annexe 3.

4.2.2. Mise en place d'indemnités versées par Enedis en cas de défaillance du système de comptage Linky

Les échanges menés par la CRE avec les acteurs durant le 4e trimestre 2021 ont mis en évidence que le calcul des indicateurs de la régulation incitative, basée sur le calcul de taux nationaux sur les sujets prioritaires, laisse de côté un certain nombre de consommateurs dont la situation individuelle peut mettre plusieurs mois à être traitée.
Ainsi, si le taux de compteurs non communicants pendant plus de deux mois est limité à 0,7 %, légèrement au-dessus de l'objectif fixé à 0,5 %, la CRE observe que 0,4 % des compteurs sont non communicants sur une durée supérieure à 6 mois, ce taux étant stable depuis début 2020. Fin juin 2021 cela représente près de 130 000 clients qui, bien que disposant d'un compteur Linky, n'ont accès à aucune des fonctionnalités offertes par ce compteur.
Pour traiter ces situations, la CRE a proposé dans la consultation publique d'introduire un mécanisme d'indemnisation des clients concernés.
Les réponses à la consultation publique sont très largement favorables à la proposition de la CRE. Enedis appelle à la vigilance quant à la mise en place de ces indemnités et craint des effets d'aubaine et des versements d'indemnités pour des situations ou les défauts qui ne seraient pas de sa responsabilité.
Par ailleurs, certains acteurs, favorables à la proposition, demandent que ce mécanisme soit similaire à celui déjà existant dans le TURPE 6 consistant à indemniser l'utilisateur en cas d‘interruption de l'électricité pour une durée consécutive supérieure à 5 heures (indemnités pour coupures longues), en matière d'automaticité du versement et les modalités d'indemnisation (versement du GRD via le fournisseur).
Compte tenu de ces éléments, la CRE introduit, à compter du 1er janvier 2023, une indemnité versée par Enedis au client, à la suite du dépôt d'une réclamation par l'utilisateur concerné, pour les deux situations suivantes :

- pour les compteurs Linky non communicants de manière prolongée (plus de 6 mois). Le montant de l'indemnité est fixé à 20 € ;
- pour les télé-opérations réalisées dans un délai strictement supérieur au délai standard de réalisation ou après la date de réalisation demandée par le client, les prestations concernées sont :
- la prestation de modification de puissance souscrite pour les clients BT ≤ 36 kVA, dans les cas où celle-ci est téléopérable. Le montant de l'indemnité est fixé à 20 € ;
- la prestation de mise en service sur raccordement existant, dans les cas où celle-ci est téléopérable. Le montant de l'indemnité est fixé à 30 €.

Afin d'éviter des potentiels effets d'aubaine, ces indemnités ne pourront être versées qu'une fois par an et par point de livraison.
Le détail de fonctionnement de ces indemnités est détaillé dans l'annexe 3.

Décision de la CRE

En application des dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), par ses délibérations du 17 juillet 2014 et du 23 janvier 2020, a mis en place un cadre de régulation incitative pour le projet de comptage évolué d'Enedis dans le domaine de tension BT ≤ 36 kVA (Linky).
Ces délibérations fixent la régulation incitative relative au projet de comptage évolué Linky. Ce cadre de régulation porte sur les coûts d'investissement, les délais de déploiements et le niveau de performance attendu du système de comptage Linky au travers d'indicateurs de qualité de service spécifiques au projet Linky.
Les régulations incitatives des coûts d'investissement et de respect du calendrier de déploiement des compteurs portaient sur la période entière du déploiement des compteurs Linky, soit les années 2014 à 2021.
La régulation de la performance du système Linky a en revanche vocation à perdurer pendant toute la durée de vie des compteurs. Pour la période 2022-2024, la CRE décide de fixer les indicateurs incités financièrement, dans le cadre du suivi de la performance du système de comptage évolué d'Enedis Linky, selon la méthode, les objectifs et les modalités de calcul des incitations financières associées définis dans l'annexe 3 de la présente délibération.
Par ailleurs, la CRE modifie la partie 5.2.1.2 de la délibération n° 2021-13 du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT) afin d'intégrer une composante de comptage spécifique à la relève résiduelle.
Ainsi, la délibération n° 2021-13 du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT) est modifiée comme suit :

- à la fin du point 5.2.1.2 intitulé « Composante annuelle de comptage », sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :

« Au sein de la zone de desserte exclusive concédée à Enedis, lorsqu'un utilisateur raccordé au domaine BT ≤ 36 kVA n'est pas équipé d'un compteur évolué et n'a pas mis à disposition d'index de consommation à Enedis depuis plus de 12 mois, à partir du 1er janvier 2022, une composante supplémentaire au titre du traitement tarifaire de la relève résiduelle lui est appliquée à partir du mois suivant ce délai de 12 mois, tous les deux mois, jusqu'à l'installation d'un compteur évolué. »
« Le montant de la composante au titre du traitement tarifaire de la relève résiduelle applicable du 1er janvier 2022 au 31 juillet 2022 est de 49,80 €/an, soit 8,30 € tous les deux mois. Cette composante s'ajoute aux montants présentés dans le tableau 39 ci-dessus. A partir du 1er août 2022, cette composante évoluera selon les modalités décrites dans la partie 5.2.2. »
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 3 mars 2022.
La présente délibération sera publiée sur le site internet de la CRE et transmise à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré à Paris, le 17 mars 2022.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J.-F. Carenco

(1) Délibération n° 2021-13 de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT).

(2) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 juillet 2014 portant décision sur le cadre de régulation incitative du système de comptage évolué d'ERDF dans le domaine de tension BT ≤ 36 kVA.

(3) Consultation publique n° 2021-13 du 25 novembre 2021 relative au bilan du projet Linky sur la période 2016-2021 et au futur cadre de régulation incitative.

(4) Délibération n° 2021-13 de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT).

(5) Montant défini dans la délibération du 17 juillet 2014 et calculé à partir d'une chronique de coûts unitaires de référence des compteurs Linky et du nombre de compteurs effectivement posés.

(6) Délibération de la CRE du 3 mars 2016 portant décision sur la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité.

(7) Délibération n° 2021-13 de la CRE du 21 janvier 2021 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (TURPE 6 HTA-BT).

(8) Courrier faisant suite à l'article L. 224-11 du code de la consommation qui dispose que « Le fournisseur d'électricité ou de gaz naturel facture, au moins une fois par an, en fonction de l'énergie consommée. Aucune consommation d'électricité ou de gaz naturel antérieure de plus de quatorze mois au dernier relevé ou autorelevé ne peut être facturée, sauf en cas de défaut d'accès au compteur, d'absence de transmission par le consommateur d'un index relatif à sa consommation réelle, après un courrier adressé au client par le gestionnaire de réseau par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou de fraude ».

(9) Cette composante sera facturée par Enedis à un rythme bimestriel et, le cas échéant, le fournisseur la répercutera au client concerné.

(10) Ancien système d'information d'Enedis.

(11) Système d'information d'Enedis à même de gérer les fonctionnalités avancées des compteurs Linky.

(12) Data Connect est une plateforme mise en service par Enedis en 2018 qui permet la mise à disposition des données de consommation à des services tiers (bailleurs d'immeubles, sociétés de conseil, collectivités…) ainsi que la gestion des consentements des consommateurs finals par le GRD.

(13) Calendrier tarifaire proposé par un fournisseur qui dispose de 10 index qui diffère du calendrier tarifaire TURPE d'Enedis, disposant de 4 index.