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Modifications réglementaires concernant le Dossier Médical Partagé (DMP) et l'Espace Numérique de Santé (ENS)
Après avoir entendu le rapport de Mme Valérie PEUGEOT, commissaire, et les observations de M. Benjamin TOUZANNE, commissaire du Gouvernement,
Emet l'avis suivant :
Le projet de décret vise à modifier les dispositions réglementaires applicables au dossier médical partagé (DMP) afin de les harmoniser avec les règles de fonctionnement relatives à l'espace numérique de santé (ENS).
Le DMP étant une composante de l'ENS, les deux dispositifs seront, à l'entrée en vigueur des textes réglementaires, indissociables. Les dispositions réglementaires relatives au DMP s'appuient donc sur celles relatives à l'ENS.
Sur le maintien d'un DMP préexistant en cas d'opposition à l'ouverture de l'ENS durant une période transitoire
Le projet d'article R. 1111-40 du code de la santé publique (CSP) prévoit que le DMP sera automatiquement créé lors de l'ouverture d'un ENS. Dans l'hypothèse où une personne dispose déjà d'un DMP et ne s'oppose pas à l'ouverture de son ENS, le DMP y sera automatiquement intégré.
L'article L. 1111-14 du CSP prévoit par ailleurs que l'opposition à l'ouverture de l'ENS n'emporte pas la clôture du DMP existant durant une période transitoire dont les modalités sont définies par décret.
L'article 2 du projet de décret prévoit ainsi que le DMP restera ouvert pendant trois ans à compter du 1er janvier 2022. La Commission relève toutefois que le projet prévoit qu'au cours de cette période, le titulaire ne pourra pas accéder directement à son DMP et que seuls les professionnels dûment habilités conserveront la possibilité d'y intégrer des données et de le consulter.
Selon le ministère, l'inaccessibilité du DMP par le titulaire durant la période transitoire est justifiée par des raisons budgétaires qui ne permettent pas de maintenir une interface « permettant à ce titulaire d'accéder directement à son DMP ». Le titulaire pourra néanmoins accéder au contenu du DMP par l'intermédiaire d'un professionnel de santé.
La Commission estime toutefois qu'un tel fonctionnement, qui ne permettra pas au titulaire d'accéder directement au contenu de son DMP, ni de consulter la liste des professionnels qui y ont accès ni de la modifier, ou encore de prendre connaissance des traces d'accès, est contraire aux dispositions de l'article L. 1111-19 du CSP. Elle demande donc au ministère de modifier le projet de décret afin de maintenir un accès direct du titulaire au contenu du DMP pendant la durée de la période transitoire. A cet égard, elle prend acte de son engagement d'examiner la possibilité de réduire la période transitoire et de maintenir un accès minimal pour le titulaire pendant cette période.
Sur la clôture d'un DMP préexistant à l'issue de la période transitoire, après opposition à l'ouverture de l'ENS
Selon l'article 2 du projet de décret, dans un délai de deux mois précédant la fin de la période transitoire, et au plus tard le 31 décembre 2024, le titulaire du DMP qui s'est opposé à la création de son ENS sera informé que son opposition à la création de son ENS entraînera la clôture de son DMP. Le projet de décret prévoit que, sauf volonté contraire du titulaire exprimée dans le mois qui suit l'envoi du courrier d'information, la clôture de son DMP lui est notifiée et est effective à compter de cette notification. La Commission comprend que l'opposition initiale à l'ouverture de l'ENS et le silence gardé par le titulaire après la période transitoire permettraient de clôturer un DMP préexistant.
La Commission relève toutefois que ce dispositif n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 1111-14 du CSP qui prévoient qu'« à l'issue de cette période transitoire, l'espace numérique de santé est ouvert automatiquement, sauf confirmation de l'opposition de la personne ou de son représentant légal. Cette nouvelle opposition donne lieu à la clôture du dossier médical partagé ». Il en résulte qu'en l'absence de confirmation de l'opposition à l'ouverture de l'ENS, celui-ci sera automatiquement ouvert, entraînant ainsi le maintien du DMP préexistant. La Commission demande donc que le projet de décret soit modifié afin de prévoir que la clôture du DMP n'interviendra qu'en cas de nouvelle opposition à l'ouverture de l'ENS.
Elle invite en outre le ministère à informer très clairement les personnes concernées de ces modalités d'exercice du droit d'opposition et à prévoir un dispositif permettant de les rappeler dans un délai suffisant précédant la fin de la période transitoire.
Sur l'information des personnes relativement à la création du DMP-ENS
Selon le projet d'article R. 1111-40 du CSP « le titulaire est informé de la création de son dossier médical et de son articulation avec son espace numérique de santé à l'occasion de l'information individuelle prévue à l'article R. 1111-28 ». La Commission relève donc qu'une information unique sera communiquée aux personnes concernées, portant à la fois sur le DMP et sur l'ENS.
La Commission comprend que, si l'ensemble des composants de l'ENS sera ouvert automatiquement, le titulaire ne sera pas tenu d'en utiliser tous les services. A cet égard, elle relève que le DMP et la messagerie sécurisée sont les seuls services automatiquement activés qui pourront être utilisés à l'initiative des professionnels de santé ou des titulaires de l'ENS. La Commission rappelle qu'il incombe au responsable de traitement de transmettre, avant la création de l'ENS, les informations nécessaires aux titulaires de DMP préexistants afin qu'ils puissent le configurer et bénéficier des fonctionnalités quasi similaires au DMP existant. La Commission demande en outre que les personnes soient informées très clairement des modalités de fonctionnement et des possibilités de configuration de l'ENS afin que celui-ci ne donne accès qu'aux services dont le titulaire entend bénéficier, en plus du DMP et de la messagerie sécurisée.
Le projet de décret supprime l'article R. 1111-32 du CSP relatif aux modalités d'information des titulaires du DMP qui prévoyait notamment que le titulaire était informé des modalités d'accès par lui-même et par les professionnels de santé, ainsi que de ses droits sur les données contenues et les droits particuliers dont bénéficie le médecin traitant. A cet égard, le projet d'article R. 1111-40 du CSP renvoie à l'information individuelle prévue dans le cadre de l'ENS, qui sera détaillée dans un nouvel article R. 1111-28 non modifié par le présent projet. La Commission, comme elle l'avait précisé dans sa délibération n° 2016-147 du 12 mai 2016, considère que tout bénéficiaire doit être clairement informé du rôle et des prérogatives de son médecin traitant dans le cadre du DMP. La Commission prend acte de ce que le ministère s'est engagé à modifier le projet de décret sur ce point.
Sur le masquage de données à la demande de mineurs
Le projet d'article R. 1111-45 du CSP prévoit, pour le mineur titulaire d'un DMP, la possibilité de demander au professionnel alimentant celui-ci de masquer les données le concernant afin qu'elles ne soient pas accessibles par son ou ses représentants légaux. La Commission attire l'attention du ministère sur le fait que ce masquage ne devra pas se limiter au DMP et devra être possible pour les autres services de l'ENS susceptibles de révéler des informations relatives à des éléments masqués dans le DMP (messagerie sécurisée, agenda, etc.). La Commission rappelle que l'accès par les titulaires de l'autorité parentale aux informations couvertes par le secret devra, en outre, respecter les conditions prévues à l'article L. 1111-7 du CSP.
Sur la responsabilité de traitement du DMP
La Commission relève que le projet de décret ne mentionne pas le responsable de traitement du DMP. En effet, le contenu de l'article R. 1111-27 du CSP qui désigne la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) comme responsable de traitement du DMP ne figure plus dans les dispositions modifiées par le projet. La Commission estime nécessaire qu'il soit complété afin d'indiquer que la CNAM est responsable de traitement du DMP ou qu'il renvoie aux dispositions applicables à l'ENS précisant ce point.
Sur l'accès et la clôture du DMP
Selon le projet d'article R. 1111-48 du CSP, le titulaire accède à son DMP par voie électronique depuis son ENS. La Commission invite le ministère à ajouter un renvoi à l'article relatif à l'accès à l'ENS afin de faciliter la lecture des dispositions complémentaires des décrets respectivement relatifs au DMP et à l'ENS.
Le DMP étant indissociable de l'ENS, la fermeture du DMP entraîne la clôture de l'ENS. Le projet d'article R. 1111-48 du CSP précise que les modalités de clôture du « dossier médical » sont celles de l'ENS. La Commission invite le ministère à modifier le projet de décret afin qu'il précise la nature du « dossier médical » auquel il est fait référence et qu'il rappelle que le DMP peut être, à l'instar de l'ENS, clôturé à tout moment.
Sur les mesures de sécurité
La Commission relève que le DMP devenant une composante de l'ENS, les modalités d'accès au DMP et les moyens de leur sécurisation seront principalement transférés à l'ENS.
En l'absence d'informations concernant la mise en œuvre du traitement envisagé et la sécurité des données traitées, la Commission n'est pas en mesure de vérifier la conformité du traitement au RGPD, et prend acte de ce que le ministère a prévu de lui adresser des demandes de conseil sur ces questions.
La Commission prend acte de ce que l'AIPD qui lui sera transmise sera mise à jour au fur et à mesure de l'avancement du projet, et souhaite en être destinataire avant chaque jalon de déploiement.
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