JORF n°0187 du 14 août 2009

Délibération du

Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Maurice MÉDA, vice-président, M. Jean-Paul AGHETTI, M. Eric DYEVRE, M. Hugues HOURDIN, M. Pascal LOROT et M. Jean-Christophe LE DUIGOU, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, pour avis, le 4 août 2009, par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie d'un projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, conformément à l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, pour une entrée en vigueur le 15 août 2009.
Le projet d'arrêté fixe les barèmes des tarifs réglementés de vente hors taxes de l'électricité applicables par Electricité de France (EDF) et les distributeurs non nationalisés (DNN). Les barèmes envisagés résultent d'une évolution en structure et en niveau des barèmes en vigueur.
Le niveau des tarifs envisagés par le Gouvernement augmenterait en moyenne de 1,9 % pour les tarifs bleus, 4 % pour les tarifs jaunes et 5 % pour les tarifs verts.
Pour élaborer son avis, la CRE a consulté les différents acteurs concernés et auditionné, le 10 août 2009, EDF, les fédérations de DNN, la CGPME, des fournisseurs alternatifs et les administrations compétentes.

  1. Contexte
    1.1. Cadre législatif et réglementaire

La loi du 10 février 2000 dispose, en son article 4, que les tarifs réglementés de vente « couvrent l'ensemble des coûts supportés à ce titre par Electricité de France et par les distributeurs non nationalisés » et que « les avis de la Commission de régulation de l'énergie sont fondés sur l'analyse des coûts techniques et de la comptabilité générale des opérateurs ».
La CRE a rendu, le 23 juillet 2009, un avis sur un projet de décret relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité. La saisine de la CRE du 4 août 2009 est accompagnée de la version du décret qui devrait être publiée au Journal officiel du 13 août 2009. Le projet d'arrêté, objet du présent avis, est fondé sur cette version du décret.
Celle-ci prévoit en son article 3 que :
« La part fixe et la part proportionnelle de chaque option ou version tarifaire sont chacune l'addition d'une part correspondant à l'acheminement et d'une part correspondant à la fourniture qui sont établies de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d'approvisionnement, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation, que supportent pour fournir leurs clients Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946.
La part correspondant à l'acheminement est déterminée en fonction du tarif d'utilisation des réseaux publics en vigueur applicable à l'option ou à la version concernée. La part correspondant à la fourniture couvre les coûts de production, d'approvisionnement et de commercialisation supportés par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés pour fournir les clients ayant souscrit à cette option ou version. »
Depuis le 1er août 2009, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité en vigueur est TURPE 3.
La CRE est par ailleurs saisie d'un projet d'arrêté fixant les tarifs de cession de l'électricité appliqués par EDF aux DNN. Les tarifs de cession envisagés évoluent en structure et en niveau par rapport aux tarifs en vigueur.

1.2. Rappel

Le 15 août 2008, le Gouvernement a décidé une hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité, différenciée par catégorie tarifaire : + 2 % sur les tarifs bleus, + 6 % sur les tarifs jaunes et + 8 % sur les tarifs verts.
Dans son avis du 11 août 2008, la CRE avait approuvé l'évolution des tarifs réglementés différenciée entre les tarifs bleu, jaune et vert A, qui s'appliquent respectivement aux clients résidentiels et aux petits professionnels, aux PME-PMI et aux grandes entreprises.
L'analyse menée par la CRE montrait que les hausses de tarifs auraient dû être plus élevées que celles proposées. Considérant toutefois que les hausses envisagées constituaient une première étape importante vers la couverture des coûts prévue par la loi, la CRE avait émis un avis favorable sur celles-ci.
La CRE avait demandé, afin que les tarifs reflètent les coûts comme l'exige la loi, que la structure et le niveau des tarifs soient réévalués dès l'entrée en vigueur du nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE 3), soit à compter du 1er août 2009.

1.3. Panorama des sites fournis aux tarifs réglementés de vente

Au 31 mars 2009, 99,6 % des sites résidentiels (99,6 % en volume) et 83,1 % des sites non résidentiels (54 % en volume) étaient fournis aux tarifs réglementés de vente.
Le nombre de sites par tarif et les volumes correspondants sur 2008 sont donnés dans le tableau ci-dessous pour les sites fournis par EDF aux tarifs réglementés de vente :

| TARIF | TYPE DE CONSOMMATEURS |NOMBRE DE SITES
à fin 2008|VOLUMES CONSOMMÉS
en 2008 (TWh)| |------------------------------|-----------------------------------------|--------------------------------|-------------------------------------| | Bleu résidentiel | Résidentiels | 28 000 000 | 136,3 | | Bleu professionnel |Petits professionnels
Ps (1) 36 kVA| 3 500 000 | 35,8 | | Jaune | PME-PMI
36 kVA ¸ Ps 250 kVA | 299 000 | 36,0 | | Vert | Grandes entreprises
Ps ¹ 250 kVA | 104 850 | 79,2 | | (1) Ps : Puissance souscrite.| | | |

  1. Barèmes tarifaires envisagés

Conformément au projet de décret mentionné au paragraphe 1.1 du présent avis, les tarifs réglementés de vente envisagés ont été construits par addition d'une part acheminement et d'une part fourniture. La part acheminement a été calculée en fonction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité en vigueur depuis le 1er août 2009 (TURPE 3). La part fourniture a été établie pour couvrir les coûts de production (2) de l'électricité et les coûts de commercialisation (3) qui sont supportés par EDF pour fournir ses clients aux tarifs réglementés.
Conformément à l'article 50 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, la contribution tarifaire d'acheminement (CTA), qui figurait jusqu'alors dans les barèmes tarifaires, en a été extraite. Cette contribution permet de financer les droits spécifiques du régime spécial d'assurance vieillesse des industries électriques et gazières. Elle devra apparaître dorénavant sur la facture des clients fournis aux tarifs réglementés.
Par rapport aux tarifs réglementés de vente en vigueur, les tarifs résultant de cette construction présentent une évolution en structure, qui consiste en une variation différenciée des éléments constitutifs des tarifs (abonnement, prix variables de l'énergie) d'une même catégorie tarifaire (4), et une évolution en niveau par catégorie.
Evolution en structure :
La non-prise en compte du TURPE dans les tarifs réglementés de vente avait jusqu'à présent mécaniquement occasionné l'apparition de trappes tarifaires, c'est-à-dire de situations où la part production d'un tarif, obtenue par déduction de ces tarifs intégrés du tarif d'utilisation des réseaux publics en vigueur et des coûts de commercialisation, est significativement inférieure à la part production permettant de couvrir les coûts de production. L'évolution en structure envisagée doit permettre d'éliminer la plupart des trappes tarifaires profondes (correspondant à une part production inférieure à 20 €/MWh) et des situations où la part production est négative (5).
Evolution en niveau :
Le mouvement tarifaire envisagé correspond à une augmentation moyenne des tarifs réglementés de vente, hors taxes et hors CTA, de 1,6 €/MWh pour les tarifs bleus, 3,0 €/MWh pour les tarifs jaunes et 2,8 €/MWh pour les tarifs verts.

| |TARIF RÉGLEMENTÉ DE VENTE MOYEN
hors taxes et hors CTA (€/MWh)| | |-----|--------------------------------------------------------------------|--------| | | En vigueur |Envisagé| |Bleu | 88,2 | 89,8 | |Jaune| 72,8 | 75,8 | |Vert | 55,3 | 58,1 |

Source : calculs CRE sur la base de données EDF.

La hausse envisagée permet de répercuter intégralement dans tous les tarifs réglementés de vente la hausse du TURPE au 1er août 2009, qui s'élève en moyenne à 1,2 €/MWh.

|TARIF|HAUSSE MOYENNE DU TURPE (€/MWh)|HAUSSE MOYENNE DU TARIF RÉGLEMENTÉ
de vente (hors CTA) (€/MWh)| |-----|-------------------------------|--------------------------------------------------------------------| |Bleu | 1,2 | 1,6 | |Jaune| 1,7 | 3,0 | |Vert | 0,6 | 2,8 | |Moyen| 1,2 | 2,2 |

Source : calculs CRE sur la base de données EDF.

(2) Les coûts de production incluent les coûts d'approvisionnement d'EDF sur les marchés. (3) Les coûts de commercialisation incluent les coûts de marketing et les coûts de gestion de la clientèle. (4) Tarifs bleu, jaune, vert. Chaque catégorie comporte des options (base, heures creuses, EJP, etc.), elles-mêmes pouvant comporter des versions (courte utilisation, moyenne utilisation, etc.). (5) Prix tarif intégré ― TURPE ― CTA ― coûts de commercialisation ¸ 0.

  1. Analyse de l'évolution en structure des tarifs réglementés de vente

La part acheminement des tarifs réglementés de vente envisagés a été établie en fonction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité en vigueur (TURPE 3).
La part production des tarifs résulte de la construction d'une nouvelle structure des coûts de production sous-jacents.

3.1. Observations relatives à la méthodologie de construction de la structure de la part production
3.1.1. La notion de parc adapté et de coûts de référence

La logique de tarification appliquée pour déterminer la structure de la part production des tarifs est qualifiée de « méthode historique ». Elle se fonde sur la notion de « parc adapté » à un horizon de quinze ans (6).
Le parc adapté, ou parc « optimal », satisfait par construction à la demande française en électricité au moindre coût à cette échéance temporelle. Il est défini à partir :
― des hypothèses actuelles de coûts de développement (7) des moyens de production d'électricité, établies sur la base des coûts de référence de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ;
― des hypothèses d'évolution de la demande nationale d'électricité à un horizon de quinze ans.
Du parc adapté ainsi constitué se déduit la structure des coûts marginaux de court terme (8) correspondante, à partir de laquelle toute la gamme tarifaire est construite, par affectation des chroniques de coûts aux profils de consommation.
Selon EDF, les avantages de la méthode fondée sur un parc adapté sont les suivants :
― elle permet de donner un signal incitant à des comportements vertueux, en raison de la propriété d'optimum économique du parc adapté ;
― elle garantit un signal prix stable dans le temps, le parc optimal évoluant lentement en termes de structure ;
― elle favorise l'investissement dans des moyens permettant d'optimiser le parc ;
― elle assure la continuité avec la méthode actuellement employée, de surcroît bien maîtrisée par EDF.
Toutefois, compte tenu du nouveau cadre concurrentiel dans lequel évolue désormais le marché de l'électricité, et dans la mesure où la CRE estime nécessaire d'accroître les qualités de transparence et d'auditabilité des méthodes de construction des tarifs réglementés, elle souligne les inconvénients de cette méthodologie :
― la structure du parc adapté dépend quasi exclusivement des hypothèses de coûts de développement retenues dans le modèle (par définition non auditables), ce qui implique, notamment, de choisir un scénario de prix des combustibles à l'horizon de quinze ans. De plus, cette méthodologie nécessite d'estimer la demande nationale à ce même horizon ;
― compte tenu des incertitudes importantes qui pèsent sur les coûts de développement, et donc sur la structure du parc adapté, le signal tarifaire qui s'en déduit ne pourra inciter à des comportements vertueux que dans l'hypothèse où ce parc adapté reflète bien un scénario prévisionnel économiquement valable à l'échéance temporelle envisagée, en termes de choix technologiques, de prix des combustibles et d'hypothèses financières. Dans le cas contraire, ce parc ne constitue pas un « optimum économique » ;
― la DGEC publie désormais des coûts de référence en valeurs relatives, et non plus en valeurs absolues, ce qui ajoute des incertitudes sur les coûts de développement et réduit le niveau de transparence de la méthode ;
― surtout, cette méthode repose sur l'hypothèse selon laquelle chacun des pays de la plaque européenne interconnectée dispose d'un parc adapté à sa demande nationale. Par conséquent, elle ne tient pas compte de l'impact des échanges transfrontaliers qui sont par construction, dans cette méthode, inexistants.

(6) La tarification au coût marginal, sur la base d'un parc adapté, est historiquement utilisée par EDF pour déterminer la structure de ses tarifs réglementés de vente, sur le fondement des travaux de M. Boiteux. (7) Le coût de développement d'un moyen de production est égal à son coût complet, c'est-à-dire la somme de ses coûts fixes et de ses coûts variables. (8) La structure des coûts marginaux de court terme est déterminée à partir des coûts marginaux du parc optimal à chaque instant, égaux par définition au coût variable de l'unité de production qui fonctionne dont le coût variable est le plus élevé.

3.1.2. Le parc réel

Compte tenu de ce qui précède, la CRE recommande une méthode qui repose sur une anticipation de la structure du marché interconnecté, à partir du parc de production réel aujourd'hui en fonctionnement, des hypothèses d'investissements et des prévisions d'évolution de la demande (9) sur un horizon de trois à cinq ans.
La méthode s'appuie, pour l'essentiel, sur des références de cotation existantes pour les prix des combustibles et le prix du CO2. Les autres hypothèses nécessaires à la modélisation, pour lesquelles il n'existe pas de référence objective et publique (par exemple l'impact des interconnexions), pourraient faire l'objet d'un examen par le régulateur.
De ce modèle prévisionnel du parc de production interconnecté se déduit une structure de coûts marginaux de court terme, à partir de laquelle est construite la grille tarifaire selon des principes similaires à ceux utilisés pour le parc adapté.
Une méthode fondée sur un parc réel présente les avantages suivants :
― la structure du parc est connue. Son évolution sur une période de trois à cinq ans génère peu d'incertitudes et peut se déduire de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) ;
― l'évaluation des coûts marginaux de court terme d'un « parc réel » à horizon trois-cinq ans repose, pour l'essentiel, sur des références publiques de marché ne nécessitant aucun calcul économique, ce qui accroît l'auditabilité et la transparence de la construction tarifaire ;
― le signal tarifaire reflète une vision à moyen terme, fondée sur une évolution probable du parc de production et de la demande, et permet d'envoyer aux consommateurs finals un signal stable et révélateur de la réalité économique du parc de production en fonctionnement dans un contexte d'ouverture du marché à la concurrence. Il incite donc à une maîtrise de la consommation électrique aux heures où l'unité marginale de production est une unité fonctionnant au charbon, au fuel ou au gaz, par opposition au nucléaire et aux énergies renouvelables (hydraulique fil de l'eau, éolien, etc.), c'est-à-dire aux heures marginalement les plus coûteuses et les plus polluantes, à l'échelle de la plaque interconnectée ;
― compte tenu de la transparence intrinsèque à cette méthodologie, un ajustement des variables qui définissent la structure des coûts marginaux peut être appliqué pour tenir compte de nouvelles contraintes que les pouvoirs publics souhaiteraient voir être prises en compte dans la structure tarifaire : taxe carbone, prix du CO2, etc.
L'utilisation d'une méthode fondée sur le parc réel nécessite toutefois une modélisation fine :
― du fonctionnement technico-économique du parc de production, et en particulier de ses contraintes de disponibilité ;
― de l'évolution de la demande d'électricité ;
― de l'environnement européen, en particulier sur la question du comportement des interconnexions.

(9) Disponibles, par exemple, dans les exercices de prévision de la demande conduits par RTE.

3.1.3. Conclusion

La méthode fondée sur le parc réel de production français permet d'envoyer aux consommateurs finals un signal stable et révélateur de la réalité économique du parc de production en fonctionnement, tout en tenant compte des interconnexions. Elle utilise par ailleurs des prévisions publiques d'investissements et des références de marché en matière de coûts de combustibles, ce qui en fait une méthode économiquement pertinente, auditable et transparente.
En conséquence, la CRE recommande qu'elle soit appliquée dès le prochain mouvement tarifaire modifiant la structure des tarifs réglementés.

3.2. Répartition des coûts entre part fixe et part variable

Pour les clients fournis aux tarifs bleus, contrairement à ce qui était pratiqué jusqu'à présent, la part production des barèmes envisagés, qui doit couvrir les coûts de production, se présente désormais uniquement sous la forme d'un prix de l'énergie en €/MWh ; l'abonnement (en €/an) du tarif réglementé reflète exclusivement la part fixe du TURPE et les coûts fixes de commercialisation.
La CRE estime qu'une tarification exclusivement variable de la part production diminue l'autosélectivité des tarifs (10).
Par ailleurs, elle considère que cette logique tarifaire pourrait accroître, à moyen terme, les problèmes de rémunération des moyens d'extrême pointe, dans la mesure où les recettes destinées à couvrir les coûts fixes de ces moyens dépendraient exclusivement de la consommation des clients.
Enfin, elle considère de manière générale qu'une tarification de la part production sous forme d'un abonnement fixe en €/an, destiné à rémunérer la puissance, et de parts variables, destinées à couvrir le coût de l'énergie produite, permet d'approcher l'optimum économique.

(10) L'autosélectivité est une propriété recherchée dans toute tarification. Le tarif qui minimise la facture de chaque client est aussi celui qui minimise les coûts du système dans son ensemble.

3.3. Caractérisation du mouvement
3.3.1. Arbitrages entre options tarifaires

L'analyse a porté sur les clients fournis aux tarifs bleus. Elle a consisté à quantifier et à comparer, sur la base des profils de consommation, l'évolution des flux de clientèle entre les différentes options du tarif réglementé actuellement en vigueur et du tarif envisagé.
Transfert de clientèle d'un tarif « base » vers un tarif « HP/HC » :
Sur l'ensemble de la gamme tarifaire proposée, l'incitation globale à passer d'un tarif « base » à un tarif « heure pleine/heure creuse » progresse de 6,3 %. Deux singularités, dont les effets se compensent, sont à remarquer :
― une réduction très forte de l'incitation, de près de 30 %, pour des clients résidentiels en petite puissance (6 kVA) dont les consommations sont supérieures à 3 500 kWh (ce qui représente 30 % de la clientèle), en raison de la correction des trappes opérée sur cette gamme de puissance (cf. paragraphe 5) ;
― une augmentation très forte de l'incitation pour les clients professionnels en petite puissance (6 kVA).
Dans ce dernier cas, le montant de l'abonnement en base, égal à 83,52 €/an, est très voisin de l'abonnement HP/HC équivalent, qui s'élève à 83,76 €/an, et le prix de l'énergie, de 8,05 c€/kWh, est quasiment égal au prix de l'énergie en heures pleines équivalent, soit 8,04 c€/kWh. En conséquence, la quasi-totalité des 760 000 clients aurait intérêt à souscrire, en dépit du coût du changement d'index de relève du compteur, un tarif HP/HC.
En conséquence, la CRE recommande de procéder à un rééquilibrage des tarifs bleus professionnels 6 kVA base et HP/HC à l'occasion du prochain mouvement tarifaire en structure.
Transfert de clientèle d'un tarif « HP/HC » vers un tarif « base » :
Sur l'ensemble de la gamme tarifaire proposée, l'incitation globale à passer d'un tarif « HP/HC » à un tarif « base » se réduit très fortement, de plus de 40 %. Les clients concernés par la plus forte diminution d'incitation (de l'ordre de 35 %) sont essentiellement les petites puissances souscrites, pour des consommations inférieures à 2 500 kWh, avec un ratio heures creuses/heures pleines proche de 40 %.
Transfert de clientèle des tarifs résidentiels « base » et « HP/HC » vers le tarif TEMPO :
L'incitation à choisir un tarif TEMPO pour un client actuellement au tarif base ou HP/HC reste très importante, bien qu'en diminution sensible (de l'ordre de 10 %). Ce phénomène illustre la quasi-suppression des trappes pour ce type de tarif et, corrélativement, la suppression des effets d'aubaine observés pour les tarifs à effacement.
Conclusion :
Au regard des flux de clientèle identifiés ci-dessus, la CRE estime que la structure du tarif bleu proposé évolue globalement vers une plus grande cohérence, à l'exception des tarifs bleus professionnels 6 kVA base - HP/HC.

3.3.2. Principales évolutions et tendances

Ce paragraphe a pour objet de caractériser les évolutions tarifaires résultant du double mouvement en structure et en niveau du barème actuel.
Tarifs bleus :
L'une des principales évolutions de la grille tarifaire envisagée est la différenciation des tarifs bleus entre clients domestiques et clients professionnels, eux-mêmes subdivisés en « clients domestiques collectifs et agricoles », « clients professionnels et services publics non communaux » et « services publics communaux et intercommunaux ». Chacun de ces barèmes dispose d'abonnements et de prix variables différenciés.
Même si des arbitrages tarifaires entre catégories de clients (domestiques ou professionnels par exemple) sont a priori impossibles pour des raisons légales, il est toutefois à noter que, sur certaines puissances souscrites, certaines catégories de clients pourraient y avoir économiquement intérêt.
Tarifs bleus en « base » :
Du fait de la résorption des trappes tarifaires, les tarifs bleus résidentiels de petites puissances (3 et 6 kVA) connaissent des augmentations de facture d'autant plus élevées que la consommation du site est faible (plus de 10 % sur des consommations inférieures à 1 000 kWh). Le phénomène s'inverse sur l'ensemble des autres tarifs de la gamme, avec des baisses de facture particulièrement élevées sur les petites consommations en 9 kVA, notamment en raison du report de la part production fixe de ces tarifs sur la part variable.
Les tarifs bleus professionnels évoluent de façon similaire ; il est à noter que les trois premières puissances souscrites (3, 6 et 9 kVA) sont concernées par des augmentations de facture d'autant plus élevées que la consommation du site est faible.
Les tarifs en « base » sont globalement à la hausse pour les clients résidentiels (+ 2,0 %) et pour les clients professionnels (+ 2,2 %).
Tarifs bleus en « HP/HC » :
Sur l'ensemble des tarifs HP/HC, toutes catégories confondues, la facture augmente d'autant plus, ou baisse d'autant moins (selon le cas), que la consommation totale augmente. Par ailleurs, en fonction du tarif, la facture augmente d'autant plus, ou baisse d'autant moins, que la consommation en heures creuses est importante. Ce phénomène est dû au resserrement de l'écart entre les prix variables en heures pleines et en heures creuses.
Les tarifs en « HP/HC » sont globalement à la hausse pour les clients résidentiels (+ 1,2 %) et globalement à la baisse pour les clients professionnels (― 1,9 %), les plus fortes baisses portant sur les puissances souscrites les plus élevées (plus de 18 kVA). Un tel mouvement n'est pas sans conséquence pour les fournisseurs alternatifs. La CRE avait montré en effet, lors de précédentes analyses concurrentielles, que les clients les plus accessibles à la concurrence étaient les clients bleus professionnels ayant souscrit des tarifs HP/HC.

  1. Analyse du mouvement en niveau
    4.1. Couverture des coûts du fournisseur EDF

La CRE a élaboré, sur la base des données transmises par EDF, le compte de résultat de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés pour chacune des catégories tarifaires bleu, jaune et vert.
Les coûts de production sont ventilés entre les différentes catégories au moyen de clés de répartition. Ces clés sont calculées à partir des courbes de charges des catégories tarifaires et des coûts de production sous-jacents à la structure de la part production des tarifs de vente. Pour chaque catégorie, la part fourniture des tarifs de vente est obtenue en retranchant du tarif de vente moyen de la catégorie la moyenne du tarif d'utilisation des réseaux publics applicable depuis le 1er août 2009 (TURPE 3) aux clients de cette catégorie.
Pour 2009, le modèle financier prend en compte des hypothèses économiques sur les facteurs d'évolution des charges. Environ 50 % des charges d'exploitation dépendent des achats de combustibles et d'énergie, dont une partie est fortement volatile. En conséquence, seuls les ordres de grandeur des estimations obtenues sont à considérer.
Sur la base de la valeur historique des actifs pour la détermination des capitaux engagés, et en tenant compte du taux de rémunération des capitaux d'EDF, la part fourniture des tarifs réglementés de vente envisagés permet pour la première fois de couvrir les coûts de fourniture sur chacune des catégories tarifaires bleu, jaune et vert.
Compte tenu des hausses différenciées selon les tarifs, les parts « ruban » (11) des différentes catégories sont très proches (écart maximal entre deux catégories égal à 0,5 €/MWh).

(11) La part « ruban » de la part production d'un tarif évalue les recettes « production » devant couvrir les coûts de production imputables à la consommation d'un client théorique qui consommerait la même quantité d'électricité à chaque instant pendant une année entière. En théorie, les parts « ruban » doivent être identiques sur tous les tarifs.

4.2. Couverture des coûts des DNN

Pour fournir leurs clients aux tarifs réglementés de vente, les DNN s'approvisionnent auprès d'EDF aux tarifs de cession. La CRE a vérifié si la marge nette théorique de l'activité de fourniture des DNN, dégagée par les tarifs réglementés de vente envisagés, était suffisante pour assurer la continuité de leur mission de fourniture, quelles que soient les particularités de leur fourniture.
La marge nette théorique est calculée par différence entre la moyenne du tarif réglementé de vente et la somme des moyennes des tarifs de cession, du TURPE, de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) le cas échéant, et du coût standard de commercialisation. La CRE a retenu le coût de commercialisation d'EDF comme coût standard de référence, considéré comme supérieur ou égal aux coûts de commercialisation des DNN. Les éléments de coûts dont elle dispose pour quelques DNN sont conformes à cette hypothèse.
La marge a été calculée pour deux catégories extrêmes de DNN : la première correspond aux DNN dont la répartition des clients aux tarifs réglementés de vente est proche de la répartition nationale ; la deuxième correspond à ceux fournissant uniquement des clients résidentiels au tarif de vente bleu. Les résultats sont présentés ci-dessous pour les tarifs de cession en vigueur et ceux envisagés.

Marge nette théorique de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés de vente (en €/MWh)

| |À L'ORIGINE DU DÉCRET
tarif de cession|AU 31 JUILLET 2009 (12)|APRÈS HAUSSES ENVISAGÉES
des tarifs de vente et de cession| |------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|--------------------------------------------|-----------------------|----------------------------------------------------------------| | DNN de 1re catégorie (répartition nationale de la clientèle) | 2,9 | 8,9 | 8,4 | | DNN de 2e catégorie (clientèle résidentielle) | 3,7 | 9,7 | 9,0 | | (12) Part production calculée à partir des tarifs réglementés de vente en vigueur au 1er juillet 2009, en tenant compte de TURPE 2.| | | |

Les évolutions simultanées des tarifs de cession et des tarifs réglementés de vente ont pour effet de diminuer les marges des DNN par rapport à la situation au 31 juillet 2009 (tarifs réglementés en vigueur et TURPE 2). Toutefois, la marge de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés de vente des DNN reste le plus souvent trop élevée.

  1. Impacts sur les trappes tarifaires et les hausses de facture
    5.1. Impacts sur les trappes

Trois types de trappes sont visés par la restructuration tarifaire : les petites puissances des tarifs bleus (3 et 6 kVA), les tarifs à effacement pour toutes les catégories tarifaires, et enfin les sites à consommation estivale aux tarifs jaunes et verts (hors effacement).
Le tableau ci-dessous synthétise l'impact du mouvement tarifaire sur les sites et consommations en trappe.

| | | TARIF ACTUEL | TARIF ENVISAGÉ | | | |------------------------------|--------------------|---------------|------------------------|---------------|------------------------| | | |Nombre de sites|Consommation
(GWh)|Nombre de sites|Consommation
(GWh)| |Tarifs bleus petite puissance | Trappe profonde | 3 300 000 | 1 800 | 486 000 | 40 | | |Part production < 0| 1 860 000 | 469 | 182 000 | 10 | | Tarifs à effacement | Trappe profonde | 222 000 | 2 200 | 42 600 | 340 | | |Part production ¸ 0 | 44 500 | 55 | 6 300 | 8 | |Sites en consommation estivale| Trappe profonde | 22 000 | 1 200 | 9 200 | 200 | | |Part production ¸ 0 | 5 700 | 88 | 2 500 | 15 |

Source : EDF.
La grille tarifaire proposée permet de réduire les trappes profondes de 82 % en sites et en volume. Sur les tarifs en parts production négatives, la réduction est de 87 % en nombre de sites et de 83 % en volume.

5.2. Impacts sur les factures

Si les tarifs réglementés de vente augmentent en moyenne de 1,9 % pour les tarifs bleus, 4 % pour les tarifs jaunes et 5 % pour les tarifs verts, on constate une dispersion significative des variations des factures au sein de chacune des catégories de clients.
L'analyse des impacts du mouvement tarifaire envisagé sur les factures des clients, calculés à partir d'une base de clients 2005 réévaluée pour 2009, donne les résultats suivants.

5.2.1. Tarifs bleus pour les clients résidentiels et professionnels

Les deux graphiques ci-dessous présentent la répartition des baisses et des hausses de facture, en variation et en montant (TVA et CTA incluses, hors taxes locales).

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 14/08/2009 texte numéro 64

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 14/08/2009 texte numéro 64

Les variations moyennes sur les tarifs à effacement sont les suivantes :

| | | TEMPO | EJP | | | |-----------------------------------------------------|-------|-----------|-----------------------------------|---------------------------------|-----------------------------------| | | |Résidentiel|Professionnel
(en extinction)|Résidentiel
(en extinction)|Professionnel
(en extinction)| |Variation moyenne de la facture (CTA et TVA incluses)| En % | 4,7 | 9,5 | 9,8 | 8,5 | | |En €/an| 36 | 168 | 60 | 108 |

5.2.2. Tarifs jaunes

Les deux graphiques ci-dessous présentent la répartition des baisses et des hausses de facture, en variation et en montant (hors taxes et hors CTA).

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 14/08/2009 texte numéro 64

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 14/08/2009 texte numéro 64

Près de 90 % des clients fournis aux tarifs jaunes voient une hausse de facture, la plupart des hausses n'excédant pas 600 €/an.
Les baisses de facture les plus importantes sont concentrées sur les sites ayant de fortes consommations. Les hausses de facture les plus importantes concernent essentiellement les clients à faible consommation.
Les tarifs à effacement subissent une hausse moyenne de l'ordre de 10 %.

5.2.3. Tarifs verts A

Les deux graphiques ci-dessous présentent la répartition des baisses et des hausses de facture, en variation et en montant (hors taxes et hors CTA).

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 14/08/2009 texte numéro 64

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Plus de 90 % des sites voient une hausse de facture. Les deux tiers des hausses de facture n'excèdent pas 2 000 €/an.
Les tarifs à effacement subissent une hausse moyenne de l'ordre de 6 %.

  1. Mise en œuvre des barèmes envisagés

Par rapport aux barèmes en vigueur, les barèmes envisagés présentent des différences notables de structure qui nécessitent pour certains DNN de modifier leur système d'information (différenciation des tarifs bleus résidentiels et bleus professionnels, tarif bleu 6 kVA Base spécifique, etc.).
Quand bien même les DNN disposent depuis le 4 août des barèmes envisagés, il n'est pas possible pour certains d'entre eux de mettre à jour leur système d'information dans des délais compatibles avec la date d'entrée en vigueur des nouveaux tarifs envisagée, le 15 août 2009. Ils seraient alors obligés de facturer sur la base des anciens tarifs. Une régularisation a posteriori pourrait s'avérer très complexe, voire impossible. Certains tarifs envisagés étant plus bas que les tarifs en vigueur, une telle situation est source de contentieux de la part des consommateurs qui pourraient être lésés.
Les fournisseurs alternatifs dont les offres sont indexées sur les tarifs réglementés de vente connaîtront des difficultés similaires pour ce qui concerne la CTA.
Aussi, la CRE considère indispensable que l'arrêté prévoie une entrée en vigueur différée de deux mois en faveur des DNN.

  1. Avis de la CRE

7.1. La structure tarifaire envisagée est, dans l'ensemble, plus cohérente que celle des tarifs actuels et atteint son objectif principal : la plupart des trappes tarifaires sont résorbées et les clients demeurent incités à des comportements rationnels en termes de choix tarifaire.
La CRE émet toutefois deux réserves :
― sur la méthodologie utilisée pour élaborer la structure des coûts de production, fondement de la structure tarifaire : elle préconise, lors de la prochaine évolution de la structure des tarifs, de se baser sur le parc réel à trois-cinq ans et non sur le parc adapté à un horizon de quinze ans ;
― sur la part production des tarifs : la prise en compte d'une part fixe pour établir la part production du tarif, qui permet notamment de rémunérer les coûts fixes des moyens d'extrême pointe, améliorerait encore la cohérence de l'édifice tarifaire.
7.2. La hausse en niveau envisagée, à nouveau plus importante sur les tarifs jaunes et verts que sur les tarifs bleus, permet pour la première fois de couvrir les coûts de fourniture sur chacune des catégories tarifaires bleu, jaune et vert, en tenant compte de la valeur historique des actifs pour la détermination des capitaux engagés et du taux de rémunération des capitaux d'EDF.
7.3. Sur la base de ces éléments, la CRE émet un avis favorable au projet d'arrêté qui lui est soumis.
7.4. Pour permettre aux DNN d'adapter leur système d'information aux nouveaux tarifs, elle considère indispensable que l'arrêté prévoie une entrée en vigueur différée de deux mois en leur faveur.
Fait à Paris, le 10 août 2009.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette