JORF n°0230 du 2 octobre 2016

Délibération du 7 septembre 2016

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Yann PADOVA et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie le 2 septembre 2016, par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique d'un projet d'arrêté modifiant rétroactivement les tarifs réglementés de vente bleus résidentiels d'électricité pour la période du 1er août 2014 au 31 octobre 2014, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté du 28 juillet 2014 modifiant l'arrêté du 26 juillet 2013 (1), en ce qu'il n'a pas fixé à un niveau plus élevé les tarifs réglementés de vente bleus.

  1. Contexte
    1.1. Contexte juridique encadrant la fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité avant la mise en œuvre de la « tarification par empilement » à partir du 1er novembre 2014

Avant l'entrée en vigueur du décret n° 2014-1250 du 28 octobre 2014 instaurant la tarification « par empilement », le niveau des tarifs réglementés de vente d'électricité était évalué par la CRE sur le fondement du coût comptable de production d'EDF, incluant une rémunération des capitaux investis, en application de l'article L. 337-5 du code de l'énergie et du décret n° 2009-75 du 12 août 2009.
Le Conseil d'Etat a jugé que ces tarifs devaient également inclure une composante de rattrapage, qui venait compenser les écarts constatés entre ces coûts et les recettes issues des tarifs réglementés, au moins au cours de la période tarifaire écoulée. Ainsi, le Conseil d'Etat indiquait, dans sa décision du 11 avril 2014 portant sur les barèmes tarifaires de l'exercice 2012, qu'« il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, pour chaque tarif, premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et troisièmement, d'ajuster le tarif s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarif et coûts, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée » (2).

1.2. Arrêté du 26 juillet 2013

L'arrêté du 26 juillet 2013, qui n'a pas fait l'objet de recours contentieux, a conduit, à compter du 1er août 2013, à une hausse moyenne de 5 % des tarifs réglementés de vente bleus, de 2,7 % des tarifs réglementés jaunes et de 0 % des tarifs réglementés verts.
Cette hausse était toutefois insuffisante pour couvrir les coûts prévisionnels 2013 tels que la CRE les évaluait alors (3).
En outre, l'article 6 de l'arrêté prévoyait, pour l'année suivante, que les tarifs bleus seraient augmentés de 5 % en moyenne à compter du 1er août 2014, ce niveau étant ajusté en fonction de l'évolution effective des coûts.

1.3. Arrêté du 28 juillet 2014

L'arrêté du 28 juillet 2014 a modifié l'arrêté du 26 juillet 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité en supprimant l'article 6 susmentionné. En conséquence, aucune évolution tarifaire n'est intervenue au 1er août 2014.

1.4. Annulation de l'arrêté du 28 juillet 2014 par le Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a annulé par sa décision n° 383722 du 15 juin 2016 l'arrêté du 28 juillet 2014, en ce qu'il ne respecte pas les principes rappelés au paragraphe 1.1 ci-avant et repris dans sa décision, et a enjoint aux ministres de prendre un nouvel arrêté dans un délai de trois mois suivant sa décision.
Les nouveaux barèmes fixés par cet arrêté doivent respecter les principes énoncés par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 383722, à savoir : « permettre au moins la couverture des coûts moyens complets supportés par les fournisseurs historiques à la date du 1er août 2014, prendre en compte l'estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire en cause et, enfin, ajuster les tarifs au titre de la modulation dite de « rattrapage » ; que, s'agissant de cette dernière, eu égard à la durée d'application de cet arrêté rétroactif, il n'appartient aux ministres de faire porter sur la période en cause que le quart de la sous-évaluation des tarifs « bleus » constatée au titre de la période tarifaire précédente, ouverte par l'arrêté tarifaire du 26 juillet 2013 ; que, dans l'hypothèse où l'application de ces principes conduirait à une hausse tarifaire moyenne inférieure à 5 %, les ministres devront fixer le niveau de cette hausse, en moyenne pour l'ensemble des tarifs « bleus », à 5 % ».

  1. Analyse de la CRE

Le niveau des tarifs bleus résidentiels envisagés au titre de la période d'août à octobre 2014 par le projet d'arrêté objet de la présente saisine permet :

- de couvrir le coût comptable de production d'EDF constaté au titre de cette période pour la fourniture aux tarifs bleus, incluant une rémunération des capitaux engagés, tel qu'évalué par la CRE (4) ;
- de procéder au rattrapage du quart des écarts entre les coûts et les recettes pour la fourniture aux tarifs bleus au titre de l'exercice 2013.

Il permet ainsi, d'une part, de rattraper 130 M€ au titre de l'exercice 2013, ce qui correspond au quart des 518 M€ à rattraper au titre de cet exercice pour les tarifs bleus et, d'autre part, du fait de la couverture des coûts comptables pour la période d'août à octobre 2014, de diminuer le rattrapage restant à effectuer au titre de l'exercice 2014 d'un montant de 161 M€, sur un montant total évalué par la CRE à 742 M€ pour les tarifs bleus sur la période du 1er janvier 2014 au 30 octobre 2014 (5).
Le reliquat des rattrapages issus du niveau insuffisant des tarifs bleu résidentiels au titre des exercices 2013 et 2014 est assuré par l'arrêté rétroactif envisagé par les ministres pour la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, qui fait suite à la décision n° 386078 du Conseil d'Etat du 15 juin 2016. La CRE a été saisie concomitamment pour avis de ce projet d'arrêté, qui fait l'objet d'une délibération datée du même jour.
Cette évolution rétroactive sur la période d'août à octobre 2014 représente une hausse moyenne de facture de l'ordre de 10,7 € HT par site au tarif réglementé de vente sur cette période.

  1. Avis de la CRE

Compte-tenu de l'analyse précédemment exposée, la CRE rend un avis favorable sur le projet d'arrêté rétroactif qui lui est soumis.

Fait à Paris, le 7 septembre 2016.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette

(1) Conseil d'Etat, 15 juin 2016, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n° 383722. (2) Conseil d'Etat, 11 avril 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n° 365219. (3) Délibération de la CRE du 25 juillet 2013 portant avis sur le projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité. (4) CRE, Rapport sur les tarifs réglementés de vente d'électricité, juillet 2015. (5) CRE, Rapport sur les tarifs réglementés de vente d'électricité, juillet 2015.