Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN BELVAL, Frédéric GONAND et Jean-Christophe LE DUIGOU, commissaires.
Vu le code de l'énergie, notamment son article L. 134-2,
La présente délibération a pour objet de définir les règles de commercialisation des capacités de transport disponibles à la liaison entre les zones Nord et Sud de GRTgaz, dans le sens Nord vers Sud, à compter du 1er avril 2013.
- Contexte
Par décision du 4 octobre 2012 (1), la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a défini les règles de commercialisation des capacités de transport disponibles à compter du 1er avril 2013 à la liaison entre les zones Nord et Sud de GRTgaz et à l'interface entre les réseaux de GRTgaz et TIGF.
Le 11 octobre 2012, la société GDF Suez a transmis à la CRE un recours gracieux à l'encontre de la délibération précitée.
Par décision du 23 octobre 2012 (2), la CRE a rapporté partiellement sa décision du 4 octobre 2012 en tant qu'elle fixe les règles de commercialisation des capacités annuelles à la liaison Nord-Sud, dans le sens Nord vers Sud, à partir du 1er avril 2013.
Du 23 octobre au 6 novembre 2012, la CRE a soumis à consultation publique un projet de règles d'allocation de ces capacités prenant en compte les engagements de livraison physique des demandeurs.
- Synthèse de la consultation publique
Trente et un contributeurs ont répondu à la consultation publique organisée par la CRE, dix-neuf expéditeurs, huit clients ou associations de clients finaux et quatre gestionnaires d'infrastructures. Les réponses non confidentielles sont publiées sur le site internet de la CRE en même temps que la présente délibération.
La majorité des contributeurs considère que le recours gracieux introduit par GDF Suez conduit à limiter la visibilité du processus d'allocation, notamment du fait de l'incertitude créée quant aux règles d'allocations et au calendrier. A ce titre, la majorité des contributeurs demande que l'allocation des capacités à la liaison Nord-Sud soit effectuée dans les meilleurs délais.
Sur le fond, une large majorité de contributeurs se déclare favorable aux principes d'allocation proposés pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014. Toutefois, de nombreux contributeurs formulent des demandes d'évolution des modalités de mise en œuvre.
Une minorité des contributeurs est défavorable aux nouvelles règles proposées et aurait préféré le maintien des dispositions de la décision du 4 octobre 2012.
Compte tenu de ces réponses, la CRE estime préférable de retenir le principe d'allocation prenant en compte les engagements de livraison physique dans le sud de la France.
- Analyse des évolutions proposées par les contributeurs
3.1. Phase 1 « allocation garantie »
La majorité des contributeurs est favorable au maintien de la phase d'allocation « garantie ». Certains contributeurs souhaitent que le volant de capacités dédié à cette phase soit porté à la moitié de la capacité commercialisable (soit 49,4 GWh/j pour les capacités fermes). D'autres contributeurs considèrent, au contraire, que les règles proposées conduisent à favoriser les expéditeurs directement raccordés aux réseaux de transport. Quelques contributeurs ne remplissant pas les critères de première priorité pour cette phase souhaitent pouvoir participer aux deux phases d'allocation des capacités. Un contributeur demande que le volant maximum de capacité demandé par expéditeur lors de cette phase soit ramené à 1,5 GWh/j au lieu de 2,5 GWh/j.
La CRE considère que, pour la phase d'allocation garantie, le maintien d'un volant de capacités de 23 GWh/j conjugué à un niveau maximal d'allocation garantie par expéditeur fixé à 2,5 GWh/j constitue un juste équilibre entre les différentes catégories d'utilisateurs des réseaux. Ces dispositions sont destinées à s'appliquer pour les capacités fermes, d'une part, et les capacités interruptibles, d'autre part.
En outre, certains contributeurs demandent que le périmètre d'application du premier rang de priorité soit précisé en particulier pour ce qui concerne le régime de détention des capacités de livraison. Ces contributeurs considèrent que l'ensemble des capacités de livraison réservées par un client raccordé doit bénéficier du premier rang de priorité que leur droit d'usage ait été ou non cédé à un tiers.
La CRE est favorable à cette proposition : les expéditeurs raccordés directement au réseau de transport sont éligibles au premier rang de priorité de la phase 1 « allocation garantie », dans la limite des capacités de livraison physique de leurs sites raccordés aux réseaux de transport. Ni le régime de souscription de ces capacités (souscription pleine et entière de la capacité ou détention des droits d'usage) ni l'identité du souscripteur de ces capacités n'entrent en compte.
3.2. Phase 2 « allocation prenant en compte
les engagements de livraison physique »
a) Calcul des engagements de livraison physique :
De nombreux contributeurs considèrent que le calcul des engagements de livraison physique doit être complété, d'une façon ou d'une autre, par la prise en compte d'autres ressources : capacités d'importation de gaz ou de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le sud de la France, capacités de soutirage des stockages du Sud, engagements de livraison et d'achat conclus aux points d'échanges de gaz (PEG) GRTgaz Sud et PEG TIGF. Toutefois, les contributeurs ne proposent généralement que la prise en compte ciblée de certaines de ces ressources.
La CRE n'est pas favorable à une prise en compte partielle des ressources de gaz dans le Sud qui conduirait nécessairement à une discrimination entre les expéditeurs en fonction des ressources effectives dont ils disposent.
En conséquence, la CRE considère qu'une prise en compte des ressources devrait nécessairement être complète. L'approche qui consiste à prendre en compte le bilan global constitué non seulement des engagements de livraison physiques mais également de l'ensemble des ressources mobilisables déjà souscrites conduirait alors à effectuer une allocation des capacités en fonction des besoins spécifiques à chaque expéditeur.
Une telle approche a fait l'objet de travaux approfondis en concertation gaz en 2010, complétés par une consultation publique. Ces travaux ont mis en évidence une position majoritaire des acteurs défavorable à la mise en œuvre d'une allocation aux besoins, qui présente les inconvénients majeurs suivants :
― cette méthode est en pratique très difficile à mettre en œuvre par le gestionnaire de réseau de transport (GRT), compte tenu de sa complexité ;
― cette méthode n'incite pas à la réservation de capacités sur les autres points d'entrée des zones Sud et TIGF ou à des achats aux PEG Sud et TIGF, elle ne concourt donc ni à la sécurité d'approvisionnement ni à la liquidité des marchés de gros dans le sud de la France.
La CRE considère que les analyses menées en 2010 demeurent pertinentes. En outre, la difficulté de mise en œuvre de cette méthode serait renforcée du fait de la nécessité d'allouer ces capacités dans les meilleurs délais.
Compte tenu de ces éléments, la CRE n'est pas favorable à la mise en œuvre d'une allocation fondée sur une appréciation des besoins qui intégrerait, au-delà des engagements de livraison physique, les capacités déjà souscrites ou contrats d'achat ou de vente conclus sur les marchés de gros.
La CRE rappelle que le plafonnement des demandes individuelles à 76 GWh/j pour les capacités fermes et à 114 GWh/j pour les capacités interruptibles conduit, de fait, à limiter de façon significative les demandes des expéditeurs dont les engagements physiques de livraison sont les plus importants.
b) Coefficient de développement à 1,2 :
Certains contributeurs considèrent que l'application d'un même coefficient de développement à l'ensemble des demandeurs est arbitraire et qu'il serait, en conséquence, préférable d'appliquer, à chaque expéditeur ou catégorie d'expéditeur, un coefficient représentatif de son développement effectivement observé ou anticipé.
La CRE considère que l'application d'un coefficient normatif de développement permet de ne pas limiter la dynamique concurrentielle dans le sud de la France. En outre, la prise en compte de coefficients différenciés ne pourrait qu'être fondée sur des critères subjectifs.
c) Organisation de la phase 2 en trois tours successifs :
Afin d'augmenter la prévisibilité des capacités allouées, certains contributeurs proposent de scinder cette phase en trois tours successifs conformément aux usages déjà en vigueur. La CRE est favorable à cette proposition. A chaque tour un tiers de la capacité mise à disposition est proposé, auquel s'ajoute, le cas échéant, la capacité invendue au tour précédent. Pour chacun des tours, la demande exprimée par l'expéditeur est limitée au minimum entre :
― le tiers du volant de capacité proposé à la commercialisation au titre de la phase 2 ;
― le maximum entre le tiers de l'engagement de livraison physique de l'expéditeur multiplié par 1,2 et le tiers de 2,5 GWh/j.
d) Date de prise en compte des engagements de livraison physique :
Certains contributeurs souhaitent que la date de prise en compte des engagements de livraison soit la plus récente possible. La CRE est favorable à cette proposition. Les engagements pris en compte sont donc les suivants :
― capacités de livraison détenues au 1er novembre 2012 aux points d'interface consommateur GRTgaz Sud et TIGF (clients industriels) ;
― capacités de livraison détenues au 1er octobre 2012 aux points d'interface transport distribution (PITD) GRTgaz Sud et TIGF (distributions publiques), les GRT ayant indiqué que les données du 1er novembre 2012 aux PITD ne seront pas disponibles ;
― capacités de transport détenues au 1er novembre 2012 aux points d'interconnexion réseau régional (PIRR) Savoie, Monaco et au point d'interconnexion réseau (PIR) Jura ;
― capacités de sortie vers l'Espagne (Larrau, Biriatou) détenues au 1er novembre 2012 pour la période démarrant au 1er avril 2013 ;
― capacités d'injection détenues au 1er novembre 2012 dans les stockages de TIGF et de Storengy situés en zone GRTgaz Sud.
e) Organisation de la prochaine commercialisation des capacités :
TIGF propose que la CRE mène la prochaine commercialisation de capacités annuelles à la liaison Nord vers Sud afin d'éviter toute communication à un GRT de données relevant potentiellement d'informations commercialement sensibles spécifiques à un autre GRT.
La CRE rappelle qu'en application de l'article L. 111-77 du code de l'énergie les GRT sont tenus de préserver la confidentialité de toutes informations « dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles de concurrence libre et loyale et de non-discrimination ».
Certains contributeurs demandent que les GRT leur communiquent l'état de leurs engagements de livraison physique pouvant être pris en compte lors de l'allocation. La CRE considère que cette demande ne peut être mise en œuvre dans les délais impartis.
La CRE est donc favorable au processus suivant :
― les expéditeurs communiquent à GRTgaz, de bonne foi, leurs engagements de livraison physique tels que décrits ci-dessus ;
― GRTgaz vérifie ces demandes au regard des données en sa possession ;
― GRTgaz transmet à TIGF les données le concernant pour vérification ;
― GRTgaz procède à l'allocation en fonction des résultats de ces vérifications.
A titre de précision, les dispositions décrites ci-avant s'appliquent de façon indépendante aux commercialisations de capacités fermes et de capacités interruptibles. L'expéditeur est libre de choisir de participer à l'une ou à l'autre des phases, de façon indépendante, pour chaque nature de capacités, ferme ou interruptible.
- Décision de la CRE
Dans l'attente de la mise en œuvre d'enchères à compter du 1er avril 2014, seules les capacités disponibles du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 seront commercialisées par GRTgaz lors de la prochaine fenêtre de commercialisation.
En outre, la CRE rappelle que, conformément à sa délibération du 4 octobre 2012, 30 GWh/j de capacités annuelles interruptibles seront réservées pour une affectation au couplage de marché pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014.
Les commercialisations des capacités fermes et interruptibles sont organisées, chacune, en deux phases distinctes : une première phase d'allocation garantie et une seconde phase d'allocation au prorata avec plafonnement des demandes prenant en compte les engagements de livraison physique.
Phase 1 « allocation garantie » :
Les principes retenus, tant pour les capacités fermes qu'interruptibles, sont les suivants :
― phase ouverte à l'ensemble des expéditeurs, toutefois les expéditeurs ayant participé à la phase 1 ne pourront pas participer à la phase 2 ;
― volume de capacités proposé : 23 GWh/j de capacités annuelles fermes et interruptibles ;
― limitation de la demande par expéditeur à 2,5 GWh/j ;
― en cas de demande supérieure à l'offre, les capacités sont allouées au prorata des demandes en appliquant la règle de priorité suivante : les demandes des expéditeurs raccordés directement au réseau de transport sont allouées en priorité 1, dans la limite des capacités de livraison des sites concernés au 1er novembre 2012 majorées de 20 % ; ni le régime de souscription de ces capacités (souscription pleine et entière de la capacité ou détention des droits d'usage) ni l'identité du souscripteur de ces capacités n'entrent en compte ;
― les autres demandes sont allouées en priorité 2 ;
― les capacités éventuellement invendues à l'issue de cette phase sont commercialisées dans la phase suivante.
Phase 2 « allocation prenant en compte les engagements de livraison physique » :
Les principes retenus pour cette phase sont les suivants :
― ouverte à l'ensemble des expéditeurs (à l'exception de ceux ayant fait le choix de participer à la phase 1) ;
― volant de capacités proposé : 76 GWh/j de capacités annuelles fermes et 114 GWh/j de capacités annuelles interruptibles ;
― limitation de la demande par expéditeur à ses engagements de livraison physique tels que définis ci-après, dans la limite du volant de capacités proposé ;
― en cas de demande supérieure à l'offre : les capacités sont allouées au prorata des demandes ;
― cette phase se déroule en trois tours successifs ;
A chaque tour, un tiers de la capacité mise à disposition est proposé, auquel s'ajoute, le cas échéant, la capacité invendue au tour précédent. Pour chacun des tours, la demande exprimée par l'expéditeur est limitée au minimum entre :
― le tiers du volant de capacité proposé à la commercialisation au titre de la phase 2 ;
― le maximum entre le tiers de l'engagement de livraison physique de l'expéditeur multiplié par 1,2 et le tiers de 2,5 GWh/j.
Modalités de détermination de l'engagement de livraison physique
et du plafond de la demande de chaque expéditeur
Les demandes de chaque expéditeur sont plafonnées en fonction de leurs engagements de livraison physique.
L'engagement de livraison physique de chaque expéditeur est défini comme le maximum des deux termes suivants (A) et (B) :
(A) La somme des réservations effectives concernant :
― les capacités de livraison détenues au 1er novembre 2012 aux points d'interface consommateur GRTgaz Sud et TIGF (clients industriels) ;
― les capacités de livraison détenues au 1er octobre 2012 aux PITD GRTgaz Sud et TIGF (distributions publiques) ;
― les capacités de transport détenues au 1er novembre 2012 aux PIRR Savoie et Monaco et au PIR Jura ;
― les capacités de sortie vers l'Espagne (Larrau, Biriatou) détenues au 1er novembre 2012 pour la période démarrant au 1er avril 2013 ;
(B) La somme des capacités d'injection détenues au 1er novembre 2012 dans les stockages de TIGF et de Storengy situés en zone GRTgaz Sud.
De façon à préserver le potentiel de développement de la concurrence, la demande de chaque expéditeur est plafonnée à son engagement de livraison physique multiplié par 1,2. Cette demande ne peut excéder le volume total de capacités proposé à la commercialisation (soit 76 GWh/j pour les capacités fermes ou 114 GWh/j pour les capacités interruptibles) auquel s'ajoutent les éventuelles capacités invendues à l'issue de la phase 1.
Tout expéditeur a la possibilité de faire une demande de 2,5 GWh, si son engagement de livraison physique tel que calculé ci-dessus conduit à plafonner sa demande à une valeur inférieure à 2,5 GWh/j.
Le processus d'allocation se déroule de la manière suivante :
― les expéditeurs communiquent à GRTgaz, de bonne foi, leurs engagements de livraison physique tels que décrits ci-dessus ;
― GRTgaz vérifie ces demandes au regard des données en sa possession ;
― GRTgaz transmet à TIGF les données le concernant pour vérification ;
― GRTgaz procède à l'allocation en fonction des résultats de ces vérifications.
En outre, la CRE demande à GRTgaz de communiquer aux expéditeurs le calendrier de l'allocation des capacités Nord-Sud dans les meilleurs délais.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 15 novembre 2012.
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