JORF n°0108 du 10 mai 2014

Annexe

A N N E X E

DÉCISION CONJOINTE DE LA CNMC ET DE LA CRE SUR LE TRAITEMENT DE LA DEMANDE DE RÉPARTITION TRANSFRONTALIÈRE DES COÛTS DE GRTGAZ POUR LE PROJET D'INTÉRÊT COMMUN VAL DE SAÔNE
Dans le cadre des nouvelles orientations pour les réseaux transeuropéens d'énergie, la Commission européenne a adopté le 14 octobre 2013 une liste de 248 projets d'infrastructures énergétiques, considérés comme présentant des bénéfices significatifs pour l'Union européenne, auxquels a été attribué le statut de projet d'intérêt commun (PIC). Si les promoteurs des PIC montrent, à partir d'une analyse coûts/avantages, que leur projet produit des bénéfices au-delà des frontières du (des) Etat(s) membre(s) hôte(s) du projet, ils ont la possibilité de soumettre des demandes de répartition transfrontalière des coûts. Ces demandes doivent être adressées aux autorités de régulation nationales (ARN) des Etats membres concernés. Seuls les PIC qui feront l'objet d'une décision coordonnée de répartition transfrontalière des coûts de la part des ARN sont éligibles au soutien financier de l'Union sous la forme de subventions pour travaux.
Dans ce contexte, GRTgaz a soumis une demande de répartition transfrontalière des coûts pour le projet d'intérêt commun 5.7 (dénommé Val de Saône) à la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (CNMC) et à la Commission de régulation de l'énergie (CRE). La demande a été reçue par la CRE le 31 octobre 2013 et par la CNMC le 6 novembre 2013. En complément, une analyse coûts/avantages a été adressée par courriel le 24 janvier 2014, proposant une valorisation monétaire des bénéfices que le projet Val de Saône apporte à la France et à l'Espagne.
La CNMC et la CRE ont évalué conjointement la demande de GRTgaz, prenant en considération les recommandations publiées par l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) le 25 septembre 2013. Après avoir consulté le porteur de projet, GRTgaz, la CNMC et la CRE ont conclu que le coût du projet Val de Saône devrait être alloué en totalité à la France. Considérant que ce projet ne crée pas de capacité de transport commercialisable, ses coûts devront être intégrés aux tarifs de transport de GRTgaz.
Cette décision conjointe est basée sur l'analyse suivante :

  1. Description du projet
    1.1. Objectif

Le projet Val de Saône comprend la construction d'un gazoduc de 200 kilomètres le long de l'axe Nord-Sud du réseau de GRTgaz dans l'est de la France, la modernisation de trois interconnexions et l'ajout d'une station de compression.
L'objectif du projet est de réduire les contraintes de transport sur le corridor Nord-Sud en Europe de l'Ouest en supprimant la congestion physique au point d'interconnexion entre les zones Nord et Sud de GRTgaz, qui est actuellement l'un des points les plus congestionnés de l'Union européenne, et de permettre la création d'une place de marché unique en France. Cet objectif est atteint avec le développement de Val de Saône, en complément d'autres projets tels qu'Eridan ou Gascogne/Midi.

1.2. Coûts d'investissement

Dans la demande de répartition transfrontalière des coûts, l'analyse coûts/avantages est basée sur les estimations de coûts fournies par GRTgaz. Les coûts d'investissement associés au projet Val de Saône sont évalués à 650 M€ et les coûts d'exploitation actualisés sur vingt ans sont évalués à 299 M€. Les études de coûts détaillées devant être finalisées en juin 2014, GRTgaz estime que les coûts pourraient varier de 20 %, à la hausse ou à la baisse.

1.3. Maturité du projet

Le projet Val de Saône est jugé assez mature pour faire l'objet d'une décision de répartition transfrontalière des coûts. Les études de conception sont suffisamment avancées et le débat public a été conduit du 18 septembre 2013 au 18 décembre 2013.
La CRE a organisé une consultation publique sur la création d'une place de marché unique en France entre le 18 février 2014 et le 21 mars 2014. En fonction des résultats de cette consultation et des études de coûts définitives, la CRE prendra une délibération sur le démarrage du projet Val de Saône au cours du deuxième trimestre 2014.

1.4. Viabilité commerciale du projet

Lorsque la congestion aura été supprimée et une place de marché unique mise en place, le point d'interconnexion Nord-Sud de GRTgaz ne fera plus l'objet de réservations de capacités. Le projet ne génère donc pas de revenus supplémentaires dus à des réservations de capacités, mais entraîne au contraire une diminution des revenus. A titre d'illustration, les revenus générés par les réservations de capacités au point d'interconnexion Nord-Sud s'élevaient à 75 M€ en 2013, soit 4,5% du revenu autorisé global de GRTgaz (1 662,4 M€). Cette diminution devra être compensée par une augmentation des tarifs aux autres points du réseau de GRTgaz. Par conséquent, l'effet cumulé sur les tarifs de GRTgaz, incluant l'intégration des nouveaux investissements dans la base d'actifs de GRTgaz, s'élèverait à 9,5 % en 2018.

  1. Evaluation des bénéfices du projet
    2.1. Bénéfices pour la France

L'analyse coûts/avantages présentée par GRTgaz fournit une évaluation monétisée de l'évolution des mécanismes de formation des prix sur les marchés de gros résultant des nouvelles structures de flux et de la création d'une zone de marché unique en France. Cette analyse montre que, dans le scénario de référence, le projet Val de Saône génère des bénéfices pour la France, tant en termes de diminution du prix d'approvisionnement global que de réduction de la prime de fluctuation, et augmente la liquidité de la place de marché. Le projet permet également une augmentation des gains d'arbitrage sur le GNL, dont 50 % bénéficieraient aux acteurs présents sur le marché français.
Ces bénéfices, calculés sur la période 2018-2038, sont estimés à 1 680 M€, soit un montant significativement plus élevé que les coûts d'investissements. L'analyse de sensibilité indique que les bénéfices pour la France diminueraient dans les scénarios où l'Europe devient plus attractive pour les importations de GNL.
La CRE considère que les résultats de l'analyse sont suffisamment fiables pour conclure que le projet Val de Saône génère une valeur actuelle nette positive pour la France, si les conditions de marchés observées en 2012-2013 se maintiennent. De plus, la CRE souligne que l'analyse coût-bénéfice a été conduite avant l'hiver 2013/2014. Prenant en compte les différentiels de prix bien plus élevés entre le PEG Nord et le PEG Sud entre novembre et janvier 2013 (7,4 €/MWh en moyenne), la profitabilité de l'investissement augmenterait dans le scénario de référence.

2.2 Bénéfices transfrontaliers

La CNMC et la CRE conviennent que la création d'un PEG France unique va dans le sens du modèle cible gazier européen et bénéficiera au marché européen dans son ensemble. La proximité d'un PEG France liquide favorisera le développement du marché de gros dans la péninsule Ibérique et contribuera à la convergence des prix entre les marchés du sud-ouest et du nord-ouest de l'Europe. Plus généralement, la création d'un PEG France unique facilite l'achèvement du marché intérieur européen pour le gaz et l'établissement d'un indice de prix du gaz européen.
En ce qui concerne l'exercice de valorisation, l'analyse coûts/avantages montre que, dans le scénario de référence, la suppression de la congestion Nord-Sud permet d'augmenter les flux par gazoduc depuis le nord-ouest de l'Europe, réduisant d'autant la dépendance de l'Espagne au GNL. Sur la période 2018-2038, le bénéfice en termes de réduction du coût d'approvisionnement pour l'Espagne est estimé à 515 M€. D'autres bénéfices pourraient également être pris en considération, compte tenu des possibilités d'arbitrage supplémentaires des acteurs de marché. Comme pour la France, l'analyse de sensibilité montre que les bénéfices pour l'Espagne diminueraient dans les scénarios où l'Europe devient plus attractive pour les importations de GNL. Dans ces circonstances, avec un prix du GNL inférieur à celui du gaz acheminé par gazoduc, la CNMC considère que ces bénéfices pourraient devenir négatifs pour l'Espagne. La CNMC convient que la péninsule Ibérique pourrait tirer profit d'une augmentation des flux par gazoduc depuis le nord-ouest de l'Europe, qui est la source d'approvisionnement dont le prix est le plus avantageux dans le scénario de référence. Néanmoins, les résultats de la valorisation ne peuvent être garantis dans la mesure où leur calcul repose sur l'hypothèse que les clients Ibériques souscrivent leur contrat d'approvisionnement à un prix de marché. Cette hypothèse n'est pas exacte pour le moment, bien que des réformes soient à l'étude pour favoriser le développement d'un marché de gros espagnol profond et liquide, en conformité avec les orientations européennes. Pour cette même raison, la CNMC doute que les consommateurs Ibériques puissent bénéficier d'une réduction de prix grâce aux possibilités d'arbitrage supplémentaires des acteurs de marché Ibériques sur le marché du GNL. La CNMC ne peut donc en confirmer la valorisation. De plus, étant donné les autres scénarios (abondance de GNL), la CNMC s'inquiète de savoir si le projet Val de Saône seul est bien suffisant. Des flux bidirectionnels devraient être possibles. D'autres renforcements, comme Eridan et MIDCAT, devraient être étudiés.

  1. Répartition des coûts

Dans ses recommandations de septembre 2013, l'ACER estime que les compensations transfrontalières devraient être restreintes aux situations où le pays accueillant le projet pourrait avoir un bénéfice net négatif.
Selon l'analyse coûts/avantages présentée dans la précédente section, le projet Val de Saône devrait générer un bénéfice net positif pour la France.
En conclusion, la CNMC et la CRE ont pris la décision conjointe suivante :
Le projet ne sera pas assujetti aux compensations transfrontalières ; par conséquent, les coûts d'investissement du projet Val de Saône devront être entièrement affectés à la France. Les coûts d'investissement et les coûts d'exploitation correspondant à ceux d'un opérateur efficace devront être financés par les tarifs de transport de GRTgaz.