JORF n°0028 du 3 février 2016

Décision

Le comité de règlement des différends et des sanctions statuant en matière de mesures conservatoires,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 7 avril 2015, sous le numéro 04-38-15, présentée, par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, demeurant 323 A, route de Leveau, 38200 Chuzelles, de nationalité portugaise, ayant pour avocat Me Thibault SOLEILHAC, 6, rue du Plat, 69002 Lyon.
M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de mesures conservatoires et du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), s'agissant du raccordement d'une construction au réseau public de distribution d'électricité.
Il ressort des pièces du dossier que M. Auguste GONCALVES MONTEIRO est propriétaire d'un terrain, situé 323 B, route de Leveau, sur la commune de Chuzelles (Isère), dont la parcelle cadastrée est enregistrée sous la référence 802 A. La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 23 juin 2014, M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a communiqué à la société ERDF une demande de raccordement au réseau public d'électricité, pour une construction existante située 323 B, route de Leveau à Chuzelles, pour une puissance maximale de 12 kVA en monophasé.
Le 25 juin 2014, la société ERDF a indiqué à M. Auguste GONCALVES MONTEIRO que sa demande de raccordement était en cours de traitement.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à M. Auguste GONCALVES MONTEIRO que sa demande de raccordement était complète et qu'il recevrait très prochainement une proposition de raccordement.
Le même jour, la société ERDF a, également, informé la mairie de Chuzelles qu'à défaut d'opposition de sa part au projet de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, elle procéderait au raccordement du projet au réseau électrique.
Le 3 juillet 2014, le maire de la commune de Chuzelles a indiqué à la société ERDF que la commune ne prendra pas de décision dans l'immédiat en raison d'un contentieux en cours avec M. Auguste GONCALVES MONTEIRO et dans l'attente du jugement qui est actuellement en délibéré.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à M. Auguste GONCALVES MONTEIRO que son dossier était bloqué en attente de réponse de la mairie.
Le 3 septembre 2014, le conseil de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a indiqué à la société ERDF que le contentieux avec la mairie était terminé et lui a demandé de bien vouloir terminer l'instruction de son dossier et de procéder au raccordement au réseau électrique.
Le 15 septembre 2014, le conseil de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a communiqué à la société ERDF le jugement rendu, le 3 juillet 2014, par le Tribunal administratif de Grenoble sur la légalité de l'opposition de la mairie à la demande de raccordement de 2011.
Le 27 février 2015, le maire de la commune de Chuzelles a indiqué à la société ERDF qu'elle s'opposait à la demande de raccordement de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, faute pour elle d'avoir reçu la demande d'autorisation d'urbanisme nécessaire pour qu'il soit procédé au raccordement du projet situé 323 B, route de Leveau à Chuzelles.
Le 27 mars 2015, la société ERDF a indiqué au conseil de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande de raccordement, compte tenu de l'opposition formulée par le maire de la commune de Chuzelles dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'urbanisme.
Le 13 avril 2015, le conseil de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a demandé à la société ERDF, conformément à la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, la communication du courrier par lequel la mairie de Chuzelles l'a informé de son refus de faire droit à la demande de raccordement.
Le 21 avril 2015, la société ERDF a communiqué au conseil de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO la décision de refus prise par la mairie, le 27 février 2015.
Dans ces conditions, M. Auguste GONCALVES MONTEIRO a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande au fond assortie d'une demande de mesures conservatoires.

Aux termes de sa demande de mesures conservatoires, M. Auguste GONCALVES MONTEIRO soutient que compte tenu des délais de raccordement auxquels il est aujourd'hui exposé, du fait de l'absence d'instruction de son dossier par la société ERDF pour des motifs irréguliers, le comité de règlement des différends et des sanctions pourra constater qu'il est porté une atteinte grave et immédiate à son droit au raccordement.
En conséquence, M. Auguste GONCALVES MONTEIRO demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'ordonner des mesures conservatoires pour un raccordement provisoire de la parcelle 323 B.

Vu les observations en réponse, enregistrées le 18 juin 2015, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé Tour ERDF, 34, place des Corolles, 92079 Paris La Défense, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, ayant pour avocat Me Cédric de POUZILHAC, Cabinet SELAS Bersay & Associés, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
La société ERDF indique que la demande de raccordement porte sur la parcelle cadastrale numéro 802 A, que la décision rendue par le Tribunal administratif de Grenoble, le 3 juillet 2014, concernait une autre demande de raccordement portant sur une parcelle située 323 A, route de Leveau à Chuzelles et non une parcelle située 323 B, route de Leveau et que les deux demandes de raccordement ne permettent pas de savoir s'il s'agit du même bâtiment ou de bâtiments distincts.
Elle soutient que la mairie de Chuzelles a formé une opposition, le 27 février 2015, à la seconde demande de raccordement formulée par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, le 23 juin 2014, pour un projet situé 323 B, route de Leveau, au motif qu'elle n'avait pas reçu la demande d'autorisation d'urbanisme pour ce projet.
La société ERDF considère qu'en tant que concessionnaire du réseau public de distribution d'électricité, elle ne peut passer outre une décision prise par une autorité de police dès lors que celle-ci lui fait injonction de ne pas procéder au raccordement au réseau électrique.
Elle ajoute qu'en application de l'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique du département de l'Isère, elle avait l'obligation de se conformer à l'injonction de la mairie et, par conséquent, de refuser la demande de raccordement de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO.
La société ERDF affirme qu'en ne faisant pas droit à le demande de raccordement de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, elle n'a pas porté d'atteinte grave aux règles d'accès aux réseaux.
Elle indique que M. Auguste GONCALVES MONTEIRO ne justifie pas dans sa saisine de l'existence d'une atteinte portée à la continuité du service et ne caractérise à aucun moment une urgence qui nécessiterait que le raccordement de son installation au réseau public d'électricité soit entrepris dès à présent et contre les instructions de la mairie.
La société ERDF estime que les arguments apportés par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO sont impropres à caractériser une quelconque urgence qui justifierait un raccordement provisoire de son installation au réseau électrique.
La société ERDF demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- déclarer irrecevable et mal fondée la demande de mesures conservatoires formée par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.

Vu les observations en réplique, enregistrées le 16 juillet 2015, présentées par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO.
M. Auguste GONCALVES MONTEIRO soutient que compte tenu des délais de raccordement auxquels il est exposé, du fait de l'absence d'instruction de son dossier par la société ERDF pour des motifs irréguliers, le comité de règlement des différends et des sanctions pourra constater qu'il est porté une atteinte grave et immédiate à son droit au raccordement.
En conséquence, M. Auguste GONCALVES MONTEIRO demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'ordonner des mesures conservatoires pour un raccordement provisoire de la parcelle 323 B dans un délai d'un mois.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2015-206 du 24 février 2015, relatif au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 11 mars 2015, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 7 avril 2015 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 04-38-15 ;
Vu la décision du 4 juin 2015 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par M. Auguste GONCALVES MONTEIRO ;
Vu la décision du 21 octobre 2015 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, fixant la date de clôture de l'instruction relative à la demande de mesures conservatoires dans le cadre du différend qui oppose M. Auguste GONCALVES MONTEIRO à la société Electricité Réseau Distribution France ;
Vu le cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique attribué par le Syndicat départemental de l'électricité de l'Isère, notamment son article 23.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 25 novembre 2015, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, M. Claude GRELLIER, Mme Françoise LAPORTE et M. Roland PEYLET, membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur et M. Roman PICARD, rapporteur adjoint,
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Cédric de POUZILHAC.
Après avoir entendu :

- le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Cédric de POUZILHAC pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

M. Auguste GONCALVES MONTEIRO demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'ordonner des mesures conservatoires pour un raccordement provisoire de la parcelle 323 B dans un délai d'un mois.
La société ERDF soutient que M. Auguste GONCALVES MONTEIRO ne justifie pas dans sa saisine de l'existence d'une atteinte portée à la continuité du service et ne caractérise à aucun moment une urgence qui nécessiterait que le raccordement de son installation au réseau public d'électricité soit entrepris dès à présent et contre les instructions de la mairie.
L'article L. 134-22 du code de l'énergie dispose qu'« en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou à leur utilisation, le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires nécessaires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux. Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation ».
Par ailleurs, l'article L. 322-8 du code de l'énergie dispose qu'un « gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux ».
En outre, l'article L. 121-4 dudit code dispose que la « mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de distribution d'électricité consiste, notamment, à assurer le raccordement et l'accès à ces réseaux dans des conditions non-discriminatoires ».
Il ressort des pièces du dossier que, le 27 février 2015, le maire de la commune de Chuzelles a indiqué à la société ERDF qu'elle s'opposait à la demande de raccordement de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO, faute pour elle d'avoir reçu la demande d'autorisation d'urbanisme nécessaire pour qu'il soit procédé au raccordement du projet situé 323 B, route de Leveau à Chuzelles.
L'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique attribué par le Syndicat départemental de l'électricité de l'Isère dispose que, sur le « territoire de la concession, le concessionnaire est tenu de consentir des abonnements, en vue de la fourniture de l'énergie électrique aux conditions du présent cahier des charges, à toute personne qui demandera à contracter ou à renouveler un abonnement […], sauf s'il a reçu entre temps injonction contraire de l'autorité compétente en matière d'urbanisme ou en matière de police et sous réserve du respect des textes réglementaires relatifs au contrôle de conformité des installations intérieures » et que le « concessionnaire est par ailleurs tenu, sous réserve des possibilités du réseau, de fournir l'énergie électrique pour la desserte des installations provisoires, sauf s'il a reçu entre temps injonction de l'autorité compétente en matière de police ».
M. Auguste GONCALVES MONTEIRO qui a présenté une demande de raccordement à la société ERDF pour une installation existante, ne justifie pas avoir présenté à cette société une demande de raccordement provisoire.
Au surplus, c'est à bon droit, que la société ERDF, se conformant à l'opposition du maire de la commune de Chuzelles de ne pas procéder au raccordement de la construction de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO au réseau public de distribution, a informé le requérant que sa demande de raccordement ne pouvait aboutir, conformément aux dispositions de l'article 23 précité du cahier des charges de concession.
Dans ces conditions, la demande de mesures conservatoires de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO ne peut qu'être rejetée.

Décide :

Article 1

La demande de mesures conservatoires de M. Auguste GONCALVES MONTEIRO est rejetée.

Article 2

La présente décision sera notifiée à M. Auguste GONCALVES MONTEIRO et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 25 novembre 2015.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :

Le président,

M. Liebert-Champagne