I. - Sur les faits :
Le différend oppose la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE). Il porte sur la conclusion de dispositions contractuelles d'accès au réseau et plus particulièrement sur l'applicabilité et les conditions d'application de l'article 18 du cahier des charges du RAG, qui permet dans certains cas de regrouper plusieurs points de livraison pour souscrire une seule puissance.
Le contrat intégré d'accès au réseau et de fourniture d'électricité entre la RATP et EDF, en vigueur avant 2000, permettait à la RATP de foisonner les puissances disponibles à chaque point de livraison. La RATP demande à RTE l'incorporation de cette stipulation dans le cadre de ses nouvelles dispositions contractuelles de mise à disposition d'énergie électrique (MADE) sur le réseau public de transport au 1er février 2001, bien que celui signé pour la période du 1er février 2000 au 31 janvier 2001 ne l'ait pas stipulé. RTE refuse d'intégrer cette stipulation.
II. - Sur la réglementation applicable :
Sur la prise en compte du « rapport Champsaur » :
Ce rapport, étant dépourvu de portée juridique, ne peut servir de base légale pour régler le présent différend.
Sur la prise en compte de la consultation de la CRE sur les principes tarifaires :
Le texte de la CRE, cité par la RATP, était une consultation sur les principes tarifaires que la commission envisageait d'appliquer dans le cadre de la proposition tarifaire qu'il lui appartient d'adresser au Gouvernement conformément à la loi du 10 février 2000.
Tant que ces principes n'auront pas été acceptés par le Gouvernement et adoptés dans un décret tarifaire en application du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ils sont dépourvus de toute valeur légale et ne peuvent donc être pris en considération pour la solution du différend.
Sur la prise en compte des contrats antérieurs :
La loi du 10 février 2000 impose une séparation entre la fourniture d'électricité, d'une part, et l'usage des réseaux, d'autre part, qui doivent faire l'objet de contrats distincts. La loi du 10 février 2000 prévoit, dans son article 49, la résiliation de plein droit des contrats en cours pour les clients demandant à conclure un dispositif contractuel d'accès au réseau. La RATP avait librement conclu un dispositif contractuel d'accès au réseau qui a entraîné, de plein droit, la résiliation du contrat antérieur. Dès lors, la RATP n'est plus fondée à se prévaloir des stipulations antérieures, ni à revendiquer un droit acquis au maintien de ces stipulations, dont l'éventuelle incorporation aux nouvelles dispositions contractuelles doit être appréciée au moment de leur conclusion et au regard du nouvel environnement juridique applicable.
Sur la prise en compte du cahier des charges de la RATP :
Le cahier des charges de la RATP lui impose des sujétions particulières en matière de sécurité, qui sont reflétées par la structure de son réseau et de son alimentation par RTE.
Ces circonstances de droit et de fait ne sont pas spécifiques à la RATP. Les conditions particulières d'alimentation à des fins de sécurisation, qu'elles soient demandées du propre chef des utilisateurs du réseau ou en application de contraintes légales, génèrent des surcoûts chez RTE. L'introduction de clauses spécifiques dans le dispositif contractuel d'accès au réseau ne saurait exonérer la RATP, comme tout utilisateur du réseau, de la charge de ces surcoûts. Cette exonération serait clairement discriminatoire et contraire tant au texte du cahier des charges du réseau d'alimentation générale (RAG), examiné ci-après, qu'au décret du 26 avril 2001 et au principe de non-discrimination dans l'accès aux réseaux posé par la loi du 10 février 2000.
Sur l'applicabilité de l'article 18 du cahier des charges type de la concession à Electricité de France conforme au cahier des charges type annexé au décret du 23 décembre 1994 :
L'article 18 du RAG dispose que « le concessionnaire est tenu de signer un contrat de fourniture par point de livraison. Des dérogations peuvent être accordées par le concessionnaire dans certaines circonstances, avec l'accord du ministre chargé de l'électricité, notamment pour les cas visés ci-après :
- si plusieurs points de livraison concourent à l'alimentation d'un service ou d'une entreprise de distribution desservant des zones territoriales contiguës, il pourra être signé un seul contrat pour l'ensemble des points de livraison ;
- dans le cas où, pour des raisons de continuité de la fourniture, une même installation est alimentée par plusieurs points de livraison, il est signé un seul contrat de fourniture avec le client pour l'ensemble des points de livraison concernés.
Dans tous les cas, les tarifs mentionnés à l'article 17 sont adaptés pour tenir compte des coûts supplémentaires supportés par le concessionnaire pour alimenter ce client en plusieurs points de livraison et, éventuellement, parce que les points de livraison sont à des niveaux de tension physique de raccordements différents, ainsi que des avantages particuliers d'exploitation obtenus notamment par des reports organisés de puissance d'un point de livraison à un autre. »
L'article 1er du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité dispose que « les tarifs hors taxes d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles ».
Ce décret ne comporte aucune disposition sur la multiplicité des points de livraison des utilisateurs du RAG autres que les gestionnaires de réseaux de distribution. Le décret fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité en application du décret du 26 avril 2001, qui pourrait, le cas échéant, traiter de cette question, n'a pas été adopté par le Gouvernement à ce jour. Par conséquent, en l'attente de la publication de ce décret, l'article 18 du cahier des charges du RAG, qui ne contredit aucune des dispositions du décret du 26 avril 2001, continue à s'appliquer.
III. - Sur les principes techniques d'un regroupement en application de l'article 18 du cahier des charges du RAG et sur les surcoûts éventuels engendrés :
Sur les principes techniques du réseau interne de la RATP :
Le réseau électrique de la RATP est alimenté à partir de 7 points de livraison en haute tension (3 en 225 kV et 4 en 63 kV) au moyen de 12 liaisons de raccordement en HTB au réseau public de transport (voir annexe I).
Les sept points de livraison sont :
- pour le 63 kV : Denfert, Père Lachaise AB, Lamarck et Monttessuy ;
- pour le 225 kV : Père Lachaise C, Ney et René Coty.
Côté RATP, les douze extrémités des liaisons de raccordement sont les suivantes : Père Lachaise A, Père Lachaise B, Père Lachaise C, Lamarck A, Larmarck B, Ney A, Denfert A, Denfert B, René Coty A, René Coty B, Monttessuy A, Monttessuy B.
Sur l'application de l'article 18 du cahier des charges du RAG :
L'article 18 du RAG prévoit la faculté pour le gestionnaire du réseau de regrouper des points de livraison et apporte des précisions, de façon non limitative, dans deux cas :
- le premier tiret du premier alinéa de l'article 18 ne concerne que les distributeurs et n'est pas invoqué par les parties, auxquelles il n'est pas applicable ;
- le deuxième tiret concerne les installations qui, pour des raisons de continuité de la fourniture, doivent être alimentées par plusieurs points de livraison.
Il ne ressort pas des pièces du dossier que la multiplicité des points de livraison de la RATP au RAG résulterait d'exigence de sécurité et de continuité de fourniture. En effet, plusieurs postes de transformation de la RATP (Denfert, Lamarck, Père Lachaise AB, Monttessuy et René Coty) bénéficient d'une double alimentation sur le réseau de RTE, qui assure à ce titre la sécurité d'alimentation. Les deux seuls postes (Père Lachaise C et Ney) ne disposant que d'une seule liaison d'alimentation sont sécurisés par le réseau intérieur de la RATP, avec un bouclage interne, respectivement, sur les postes de Père Lachaise AB et Lamarck. La continuité et la sécurité de fourniture impliquent donc la multiplicité des liaisons, mais pas celle des points de livraison.
En conséquence, RTE n'est nullement tenu de procéder aux regroupements des différents points de livraison en application du deuxième tiret du premier alinéa de l'article 18 du RAG.
L'article 18 du RAG ouvre néanmoins la possibilité du regroupement des points de livraison dans d'autres cas, non explicitement indiqués, en précisant que, dans l'hypothèse d'un regroupement, les tarifs doivent être adaptés pour tenir compte notamment des coûts supplémentaires supportés par le concessionnaire pour alimenter le client en plusieurs points de livraison.
L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire reconnu par l'article 18 au gestionnaire du réseau de transport n'est conditionné par aucune règle ou principe particulier, dès lors qu'il demeure conforme aux dispositions de la loi du 10 février 2000 et à ses textes d'application gouvernant l'accès au réseau.
La commission constate en premier lieu que le refus du regroupement ne viole aucun des principes gouvernant l'accès au réseau.
En second lieu, elle constate qu'aucun des motifs allégués par la RATP pour bénéficier du regroupement n'est de nature à rendre illégal le refus qui lui a été opposé.
Sur le service fourni par la RATP à RTE :
Le besoin de report entre deux points au sein d'un ensemble ne doit en principe être effectué que pour faire face à un incident sur le réseau et non en mode de fonctionnement normal. Les câbles d'alimentation reliant le réseau public de transport à ces points ayant été établis à l'usage exclusif de la RATP, ces liaisons sont dédiées à son usage et ne sont pas maillées avec le reste du réseau. En conséquence, les possibilités de report (sur le réseau RATP) en cas d'incident sur le réseau de RTE servent essentiellement et directement à garantir la sécurité d'alimentation de la RATP et non à sécuriser l'alimentation des autres utilisateurs et distributeurs à Paris. Le service rendu par la RATP a donc pour objet principal d'améliorer la qualité du service rendu par RTE à la RATP. Il permet à RTE de fournir une prestation à la RATP de meilleure qualité en termes de coupure par rapport à celle fournie aux utilisateurs traditionnels.
Le service rendu par la RATP à RTE bénéficiant avant tout à la RATP, il n'est donc pas légitime d'en tenir compte, d'autant plus que RTE s'engage, dans son projet de dispositif contractuel, à ne pas facturer les dépassements de puissance liés à des reports demandés ou occasionnés par lui.
Sur la qualité de « client en or » que s'attribue la RATP :
Le tarif d'accès au réseau électrique de transport doit couvrir l'ensemble des charges du gestionnaire du réseau public de transport. La pérennité ou les caractéristiques économiques d'un client n'ont donc pas d'impact sur les recettes de RTE puisque le tarif est établi pour couvrir les charges.
En tout état de cause, la pérennité d'un utilisateur ne peut être appréciée avec suffisamment d'objectivité pour pouvoir être prise en compte dans une application non discriminatoire de la tarification.
Dans les faits, la pertinence de ce critère serait d'ailleurs très contestable. La consommation électrique et la puissance appelée de la RATP ont un impact faible au niveau de la demande globale parisienne.
La puissance demandée par la RATP correspond à la puissance supplémentaire nécessaire pour faire face à quelques années de hausse de la consommation. Or, l'évolution moyenne de la consommation à Paris nécessite des renforcements réguliers des alimentations électriques. A ce titre, on peut signaler que l'alimentation électrique de l'Ouest parisien (en particulier le poste de Cergy) est actuellement proche de la saturation et que RTE a lancé un vaste programme de sécurisation et de renforcement de réseau pour faire face à la hausse de la consommation. Trois nouveaux postes sources destinés à la distribution d'électricité seront donc créés dans Paris : les postes Muette, Longchamp et Ternes. La non-pérennité de certains clients permettrait à RTE de reporter certains investissements et conduirait à court terme à améliorer les comptes de RTE.
Sur la discrimination contractuelle :
Le refus de regroupement des sept points de livraison de la RATP est, comme il a été dit ci-dessus, conforme au droit en vigueur. A ce titre, et notamment en l'absence d'éléments précis en sens contraire présentés par la RATP, la commission considère, sur la base des informations dont elle dispose à ce jour, que le dispositif contractuel proposé par RTE n'est pas discriminatoire.
En conséquence, la RATP doit, pour continuer à avoir accès au réseau, conclure avec RTE autant de contrats distincts que de points de livraison, soit sept.
IV. - Sur le règlement financier du différend :
La commission considère que les factures d'accès au réseau de la RATP doivent être régularisées sur la base d'un dispositif contractuel ne comportant pas le regroupement des points de livraison, cela à compter du 1er février 2001, les montants restant dus à la date de signature des contrats portant intérêt au taux légal depuis cette date,
Décide :
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