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Inélégibilité d’un candidat à Mayotte pour non‑conformité du compte de campagne
(AN, MAYOTTE [2E CIRC.])
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2025 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 17 février 2025), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Kira Bacar Madi ADACOLO, candidat aux élections qui se sont déroulées les 29 juin et 6 juillet 2024, dans la 2e circonscription du département de Mayotte, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-6523 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs, notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par M. ADACOLO, enregistrées le 11 mars 2025 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
- Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. En vertu de l'article L. 454 du même code, à Mayotte, le compte de campagne peut également être déposé par le candidat auprès des services du représentant de l'Etat.
- Il ressort également de l'article L. 52-12 du code électoral que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6.
- L'article L. 52-6 du même code impose, par ailleurs, au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné.
- Le compte de campagne de M. ADACOLO a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 17 février 2025 pour les motifs suivants. En premier lieu, son mandataire financier n'a pas ouvert de compte bancaire, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code. En deuxième lieu, le compte de campagne fait apparaître des incohérences et un solde déficitaire. En troisième lieu, alors qu'il fait état d'un montant de dépenses et de recettes supérieur au montant de 4 000 euros fixé à l'article D. 39-2-1-A du code électoral, il n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. En dernier lieu, le compte de campagne n'était pas accompagné de pièces permettant d'attester de la réalité et de la régularité des opérations réalisées.
- Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.
- Selon l'article LO 136-1 du même code, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.
- Si M. ADACOLO fait valoir sa bonne foi ainsi que la brièveté des délais d'organisation pour la campagne électorale, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant des articles L. 52-6 et L. 52-12.
- Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. ADACOLO ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Le Conseil constitutionnel décide :
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