Pour répondre à cette situation, les GRT ont utilisé les mécanismes de levée des congestions dans l'ordre de préséance prévu par les précédentes délibérations de la CRE :
- en suspendant la commercialisation des capacités encore disponibles et en coupant les capacités interruptibles ;
- en achetant des spreads localisés auprès des acteurs de marché (pour un volume total de 5,1 TWh et un coût de 54,6 M€) ;
- et en dernier recours, en appliquant des restrictions mutualisées aux différents points d'entrée au sud du front de congestion (16 restrictions mutualisées pour l'hiver 2022-2023, contre 2 précédemment depuis 2018). En cumulé, les GRT ont coupé environ 6 TWh de gaz sur l'ensemble des points d'entrée concernés de la TRF.
Les congestions de l'hiver 2022-2023 ont été coûteuses pour le système gazier français, et le recours répété au mécanisme de restriction mutualisé a fait courir un risque opérationnel sur certaines infrastructures, non conçues pour subir des changements de débit rapides et répétés.
1.2.1.1. Décision de la CRE sur la TRF en 2023
Prenant en compte le retour d'expérience de l'hiver 2022-2023, la CRE, dans sa délibération du 12 octobre 2023, a décidé de mettre en place de nouveaux mécanismes de gestion des congestions et de préciser leur ordre d'activation, afin de prendre en compte les nouveaux schémas de flux observés sur la TRF depuis 2022.
| | NS1 |NS2 à NS4
E02 et S1| SN0 à SN4 |
|-----------------------------------------------------------------------------|--------------------------------------------------------------------------------------------------|-------------------------|----------------------------------------------------------|
| En cas de contrainte journalière |1. Si possible, mise en œuvre
de mécanismes inter-opérateurs
notamment avec Fluxys| |1. Coupure du UIOLI stockage
au soutirage en amont|
| 2. Interruption des capacités interruptibles | 2. Interruption des capacités interruptibles des deux côtés de la limite (10) | | |
|3. Interruption des capacités en sortie aux PITS au-delà des niveaux nominaux| | | |
| 4. Non-commercialisation des capacités fermes disponibles | | | |
| | 5. Swap stockage (pour SN3 et SN4) | | |
| 6. Spread localisé | | | |
| En cas d'échec des mécanismes susmentionnées | 7. Restriction mutualisée | | |
| 8. Restriction anticipée | | | |
Par cette même délibération, les mécanismes suivants ont été créés ou modifiés par rapport aux mécanismes préexistants :
- le swap stockage : réalisé à titre expérimental pour l'hiver 2023/2024 par Storengy et NaTran, il permet de limiter certaines congestions (11) en stockant un peu plus de gaz en aval des congestions avant qu'elles se produisent ;
- l'interruption des capacités interruptibles et la non-commercialisation des capacités fermes disponibles systématiquement des deux côtés de la limite en cas de congestion sud vers nord (SN) à compter du 1er novembre 2023 ;
- le mécanisme d'interruption du UIOLI Stockage en J - 1 avant 13 heures, par les opérateurs de stockage à la demande des GRT de gaz naturel, sur les stockages en amont des congestions et à compter du 1er novembre 2023 ;
- la restriction anticipée : elle est mise en œuvre dans l'hypothèse où des restrictions mutualisées seraient déclenchées cinq jours d'affilée au moins, le dernier jour étant ouvré, et à compter du 1er novembre 2023 ;
- l'ouverture du mécanisme UIOLI au PIR Dunkerque en cas d'appel de spread localisé pour l'hiver 2023/2024 par NaTran.
1.2.2. Hiver 2023-2024
L'hiver 2023-2024 a également été marqué par de faibles entrées de gaz au PIR Dunkerque (environ 360 GWh/j, contre 500 GWh/j auparavant), couplées à des consommations en augmentation. Ces baisses d'entrée de gaz à Dunkerque résultaient d'un arbitrage des arrivées de gaz norvégien en faveur du Royaume-Uni notamment, en raison d'un prix du PEG inférieur aux autres places de marché d'Europe du Nord.
Cette configuration a conduit à 28 jours de congestions sur les limites SN1 et SN3 sur deux périodes (42 jours en hiver 2022-2023) :
- 1re vague du 22 novembre au 15 décembre 2023 ;
- 2e vague du 8 janvier au 18 janvier 2024.
Les mécanismes de gestion des congestions prévus dans la délibération de la CRE du 12 octobre 2023, ont fonctionné et contribué positivement à la gestion des congestions en hiver 2023-2024.
Le volume total des congestions traitées par les mécanismes de spread localisé ou de swap stockage s'élèvent à 2,5 TWh en cumulé (contre 5,1 TWh en hiver 2022-23), pour un montant d'environ 9,6 M€ (54,6 M€ en hiver 2022-23).
Contrairement à l'année précédente, il n'y a eu aucune restriction mutualisée de capacité au cours de l'hiver 2023-2024.
1.2.2.1. Décision de la CRE sur la TRF en 2024
Les GRT ont présenté un retour d'expérience de ces mécanismes de gestion des congestions en Concertation gaz le 31 mai 2024. A cette occasion, les utilisateurs des réseaux de transport se sont exprimés favorablement sur le fonctionnement de ces mécanismes.
A cette occasion, les GRT ont présenté des demandes d'évolution mineures sur le swap stockage et sur l'ouverture du UIOLI au PIR Dunkerque pour l'hiver 2023-2024.
Dans sa délibération du 10 octobre 2024, la CRE a décidé de reconduire le mécanisme de swap stockage pour l'hiver 2024-2025. La CRE a également décidé de mettre fin au dispositif prévu par la délibération n° 2023-318 du 12 octobre 2023, d'ouverture du mécanisme UIOLI au PIR Dunkerque pour l'allocation de capacités supplémentaires en infra-quotidien en cas d'appel de spreads localisés par NaTran. La CRE a décidé de remplacer ce dispositif, à compter du 1er novembre 2024, par l'ouverture, dès le 1er novembre de chaque année N, du mécanisme UIOLI au PIR Dunkerque pour l'allocation de capacités supplémentaires en infra-quotidien, par NaTran. Ce dispositif est dorénavant suspendu chaque année à la fin de la campagne de soutirage ou à la demande de la CRE
1.2.3. Hiver 2024-2025 et printemps 2025
L'hiver 2024-2025 a montré une répartition plus équilibrée des sources d'approvisionnement sur la TRF (environ 400 GWh/j au PIR Dunkerque en moyenne), ainsi qu'une bonne disponibilité des capacités de transit Sud/Nord depuis la remise en service de la station d'interconnexion d'Ars-sur-Formans en 2024.
Cette configuration a conduit à 25 jours de congestions sur les limites SN1 et SN3 sur quatre périodes (42 jours en hiver 2022-2023 et 28 jours en hiver 2023-2024) :
- 1re vague du 13 novembre au 22 novembre 2024 ;
- 2e vague du 10 janvier au 18 janvier 2025 ;
- 3e vague du 31 janvier au 14 février 2025 ;
- 4e vague du 21 mai au 24 mai 2025.
Les mécanismes de gestion des congestions prévus dans les délibérations de la CRE du 12 octobre 2023 et du 10 octobre 2024 ont fonctionné et contribué positivement à la gestion des congestions en hiver 2024-2025 et printemps 2025.
Le volume total des congestions en hiver 2024-2025 traitées par les mécanismes de spread localisé ou de swap stockage s'élève à 0,8 TWh en cumulé (contre 5,1 TWh en hiver 2022-2023 et 2,5 TWh en hiver 2023-2024), pour un montant d'environ 1,6 M€ (54,6 M€ en hiver 2022-2023 et 9,6 M€ en hiver 2023-2024).
Comme durant l'hiver 2023-2024, il n'y a eu aucune restriction mutualisée de capacité au cours de l'hiver 2024-2025.
Le volume total des congestions au printemps 2025 traité par le mécanisme de spread localisé s'élève à 0,2 TWh, pour un montant d'environ 0,4 M€.
Les GRT ont présenté un retour d'expérience de ces mécanismes de gestion des congestions en Concertation gaz le 3 juillet 2025, ainsi que leur demande de reconduire le mécanisme de swap stockage dans les conditions de l'hiver 2024-2025. A cette occasion, les utilisateurs des réseaux de transport se sont exprimés favorablement sur le fonctionnement de ces mécanismes.
Cette demande fait l'objet de cette délibération.
- Présentation et analyse des demandes des gestionnaires d'infrastructures
2.1. Swap stockage
NaTran et Storengy demandent de reconduire un mécanisme de swap (échange) stockage pour les années gazières 2025-2026, 2026-2027 et 2027-2028.
2.1.1. Rappel du mécanisme
Le mécanisme se déroule en deux phases :
- la première phase a lieu avant l'apparition d'éventuelles congestions de sens Sud-Nord. Storengy augmente légèrement le niveau physique des stockages situés en aval des congestions probables, au-delà du niveau commercial. Symétriquement, Storengy diminue légèrement le niveau physique des stockages situés en amont des congestions par rapport au niveau commercial. L'objectif est de constituer une réserve de gaz (ci-après appelée « stock de swap ») dans les stockages au nord des congestions attendues.
- dans une deuxième phase, lorsqu'une congestion Sud Nord se produit, le mouvement inverse est réalisé afin de pouvoir la résorber dans la limite du stock de swap préalablement constitué.
Ces règles de fonctionnement doivent permettre de ne pas compromettre l'offre commerciale des opérateurs de stockage. En particulier, les quantités de gaz ayant été mobilisées par le mécanisme de swap sont restituées au stockage d'origine, afin que les opérateurs de stockage puissent respecter leurs engagements contractuels ainsi que les conditions de maintien de la performance des sites concernés.
Phase 1 de constitution du stock de swap : avant la période de congestion, le transfert de gaz des stockages situés en amont des congestions Sud vers Nord vers les stockages en aval n'est réalisé que si les actions prioritaires suivantes peuvent être menées à bien :
- la réalisation des nominations des utilisateurs des stockages et de l'offre des opérateurs de stockages ;
- l'optimisation des mouvements de gaz des stockages.
Le mécanisme de swap est mis en œuvre par les stockeurs et est interruptible (y compris en cours de journée dans le cas de renominations des utilisateurs des stockages).
Phase 2 d'utilisation de la prestation de swap : en cas de congestion, le stock de swap constitué est utilisé en opérant les actions symétriques à celles de la phase 1, avec physiquement un sur-soutirage sur les stockages en aval et un moindre soutirage en amont par rapport aux nominations. Le mécanisme est activé en J - 1 pour J ou en cours de journée, à la demande des GRT, lorsqu'ils anticipent un niveau de congestion non résorbable par l'arrêt des ventes et coupure des capacités interruptibles. Comme lors de la phase 1, le swap ne peut être activé que si les actions prioritaires suivantes peuvent être menées à bien :
- la réalisation des nominations des utilisateurs des stockages et de l'offre des opérateurs de stockages ;
- l'optimisation des mouvements de gaz des stockages.
Le mécanisme est à la main des stockeurs et interruptible (y compris en cours de journée).
Avec ce mécanisme, les stockages contribuent à résorber les congestions, ils ont en conséquence une capacité physique disponible réduite pour répondre à un appel de spread localisé. Les GRT adaptent leur demande de spread localisé pour en tenir compte.
2.1.2. Bilan du mécanisme de swap stockage
2.1.2.1. Hiver 2023-2024
Un bilan du mécanisme de swap stockage en hiver 2023-2024 a été présenté en Concertation Gaz par NaTran le 31 mai 2024.
En novembre 2023, les stockages de Storengy étaient pleins avec peu de nominations de soutirage sur les stockages du nord. Aucun transfert de gaz entre les stockages du Nord et du Sud n'était donc possible. Aucun stock de swap n'a pu être constitué avant la première vague de congestion entre fin novembre et mi-décembre 2023.
Durant la dernière semaine de décembre 2023 et les deux premières semaines de janvier 2024, Storengy a pu constituer un stock de swap au nord (sur le groupement de stockages Sédiane Nord) d'environ 800 GWh (en diminuant symétriquement le niveau du groupement de stockages Serene Atlantique au Sud). Ce stock de swap a pu être utilisé durant la deuxième vague de congestion. NaTran a fait 5 fois appel au swap, pour un volume cumulé de 130 GWh.
Le coût de la prestation de swap fournie par Storengy à NaTran s'est élevé à 33 k€. Sans cette prestation, NaTran aurait dû recourir à des spreads localisés pour un montant estimé à 405 k€.
Storengy estime qu'il n'y a pas eu suffisamment d'utilisations pour déterminer définitivement les modalités du mécanisme et demande de reconduire le dispositif pour l'hiver 2024-2025.
Lors de la Concertation Gaz du 31 mai 2024, les acteurs ont considéré que ce mécanisme devait être maintenu.
2.1.2.2. Hiver 2024-2025
Un bilan du mécanisme de swap stockage en hiver 2024-2025 a été présenté en Concertation Gaz par NaTran le 3 juillet 2025.
Storengy a constitué un stock de swap de 500 GWh entre octobre et décembre.
Ce stock de swap a pu être utilisé durant les deux premières vagues de congestion. NaTran a fait appel au swap, pour un volume cumulé de 95 GWh.
Le coût de la prestation de swap fournie par Storengy à NaTran s'est élevé à 98 k€. Sans cette prestation, NaTran aurait dû recourir à des spreads localisés pour un montant estimé à 200 k€.
Lors de la Concertation Gaz du 3 juillet 2025, les acteurs ont considéré que ce mécanisme devait être maintenu.
2.1.3. Demande des opérateurs
NaTran et Storengy souhaitent reconduire la prestation de swap fournie par Storengy à NaTran pour les années gazières 2025-2026 à 2027-2028. Ils proposent quelques évolutions marginales pour tenir compte du retour d'expérience de l'hiver 2024-2025 :
- le mécanisme de swap stockage pourra être utilisé à partir du 1er octobre de l'année N (au lieu du 1er novembre auparavant), afin d'anticiper des bascules au soutirage dès le mois d'octobre ;
- NaTran communiquera à Storengy après le 1er octobre et avant le 1er novembre de l'année N le niveau maximum de stock de swap souhaité pour la campagne de soutirage N/N+1, afin de limiter le risque de constitution d'un stock de swap trop élevé, qui risquerait de ne pas être utilisé.
2.1.4. Analyse de la CRE
La CRE estime que le swap stockage est un mécanisme efficace et peu coûteux pour le système, au vu des coûts évités de spread localisés en hiver 2023-2024 et 2024-2025. De plus, il n'a pas eu d'impact sur la réalisation de l'offre commerciale de Storengy.
Les conditions de fonctionnement du swap dépendent des nominations et ne sont pas reproductibles d'une campagne à l'autre.
Compte tenu du retour d'expérience positif de ces deux dernières années et des échanges avec les acteurs de marché en Concertation gaz le 3 juillet 2025, la CRE est favorable à la reconduction du mécanisme de swap stockage pour trois ans et aux évolutions proposées par les opérateurs, qui permettront un meilleur dimensionnement du mécanisme de swap stockage pour les années gazières 2025-2026 à 2027-2028.
Le mécanisme de swap se limitera au périmètre des capacités commercialisées par Storengy et sera opéré par l'opérateur de stockage.
Un suivi du mécanisme de swap stockage sera effectué par Storengy et NaTran. Un retour d'expérience sera présenté en Concertation Gaz à la fin de chaque hiver 2025-2026, 2026-2027 et 2027-2028. A l'issue de ces trois années de retour d'expérience, la CRE décidera de sa reconduction sur les années suivantes.
Décision de la CRE
En application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) « précise […] les règles concernant […] les missions des gestionnaires de réseaux de transport […] de gaz naturel en matière d'exploitation et de développement de ces réseaux », « les missions […] des opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel » ainsi que « les conditions d'utilisation des réseaux de transport […] de gaz naturel ».
Par la présente délibération, la CRE précise les modalités de fonctionnement de la zone de marché unique de gaz en France.
Swap stockage
La CRE décide de la reconduction du mécanisme de swap stockage, tel que décrit dans la partie 2.1 de la présente délibération, pour les années gazières 2025-2026, 2026-2027 et 2027-2028 à partir du 1er octobre 2025 et qui se limitera au périmètre des capacités commercialisées par Storengy et sera opéré par l'opérateur de stockage.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française et transmise au ministre chargé de l'énergie. Elle sera par ailleurs publiée sur le site internet de la CRE et notifiée à NaTran, Teréga, Elengy, Fosmax LNG, Dunkerque LNG, TELSF, Storengy et Géométhane.