L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 13, 16 et 42 ;
Vu la délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale ;
Vu la recommandation n° 2024-02 du 10 juin 2024 de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique aux services de radio et de télévision relative aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 ;
Vu l'ensemble des autorisations délivrées à la société Europe 1 Télécompagnie pour la diffusion d'un service de radio de catégorie E dénommé « Europe 1 » ;
Vu le courrier du 19 juin 2024 de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique à la société Europe 1 Télécompagnie ;
Vu les éléments d'écoute des émissions « On marche sur la tête » diffusées sur le service Europe 1 du 17 au 26 juin 2024 et le compte-rendu y afférant, dont le collège a pris connaissance ;
Vu l'audition par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique le 20 juin 2024 des représentants du service Europe 1 ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la société Europe 1 Télécompagnie de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et règlementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de cette loi.
2. Aux termes du 4° du I.1. de l'article 2 de la délibération susvisée du 4 janvier 2011, prise sur le fondement des articles 1er, 13 et 16 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : « 4° Les comptes rendus, commentaires et présentations auxquels donnent lieu les élections doivent être exposés avec un souci constant de mesure et d'honnêteté. »
Sur le traitement de l'actualité liée aux élections législatives dans les émissions « On marche sur la tête » des 17 au 26 juin 2024 :
3. Par un courriel du 14 juin 2024 à 19 h 55, le directeur des affaires institutionnelles Lagardère News - directeur de l'Antenne d'Europe1 a informé l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d'une modification de la grille des programmes à compter du lundi 17 juin 2024, constituée par la suppression du programme de divertissement diffusé quotidiennement en semaine de 16 heures à 18 heures et son remplacement par une émission traitant d'actualité intitulée par la suite « On marche sur la tête ». Cette modification est intervenue dans le contexte des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, fixées à la suite du décret du 9 juin 2024 portant dissolution de l'Assemblée nationale.
4. Lors de ces émissions, les propos suivants ont notamment été tenus, sans faire l'objet d'une contradiction suffisante.
5. Le 17 juin, l'animateur a déclaré : « Mais on va débriefer sur François Hollande François Hollande, eh oui Maintenant on dit François Hollande, on sait que tout le monde va rire derrière C'est un truc de fou, c'est devenu un sketch à lui tout seul, François Hollande, on rit derrière, c'est parti. (…) François Hollande qui va investir La Corrèze en tant que candidat avec la bannière Front populaire. Auprès de gens peu recommandables. Mais bon François Hollande ça ne le dérange pas. »
6. Le 18 juin, l'animateur a déclaré : « Front Populaire, de toute façon, ils veulent le chaos. Donc, ils sont contents dès que c'est le chaos. » Un chroniqueur a affirmé : « C'est très étrange l'indignation de Gilles Verdez, parce que Gilles Verdez, vous ne cessez de valider la stratégie islamo-gauchiste de la France insoumise et donc du nouveau Front populaire. Mais cette stratégie, elle ira jusqu'au bout, Gilles ? Vous, vous pensez qu'ils s'arrêteront à mi-chemin, mais il n'y aura pas de limite dans l'islamo-gauchisme. Il n'y aura pas de limite, ça ira jusqu'aux limites de la charia, parce que c'est ça qu'elle propose en fait, qui est une loi parallèle à celle de la République, vous le dites vous-même. Donc vous êtes ce qu'on appelle l'idiot utile de l'islamo-gauchisme. Vous pensez que vous pouvez un peu les modérer, les arrêter, mais ils ne s'arrêteront jamais. Et vous avez mis la main dans cet engrenage, mais il vous broiera comme les autres. (…) De loin le nouveau, comment ils appellent ça, Front Populaire. Écoutez, ils ont un triple objectif, c'est la destruction de la République, la destruction du pays et la destruction de notre civilisation. Et pour cette triple destruction, ils ne reculeront devant rien. On va le vérifier dans cette émission jour après jour. Déjà aujourd'hui, il y a un florilège déjà très intéressant. Donc voilà, c'est des gens qui ont la destruction au cœur, c'est leur seul objectif. Ils veulent construire une nouvelle société sur des bases n'en déplaise à Gilles Verdez. Islamo-gauchiste, non seulement l'islamo-gauchisme existe, mais il a maintenant son parti officiel qui s'appelle le nouveau Front Populaire. »
7. Le 19 juin, à un invité déclarant : « Moi, je voudrais aussi dire que le blocage des prix… L'encadrement des loyers, l'augmentation des salaires, en fait, ça, ça s'est déjà fait. On a déjà eu le programme du Front de Gauche. Ça s'appelle l'URSS, la Chine maoïste, le Cambodge des Khmer Rouges et le Venezuela. », l'animateur répond : « Oui, mais on a l'impression qu'ils veulent prendre le pouvoir. Même s'ils ne le prennent pas dans les urnes. Ils n'accepteront pas le résultat des urnes. Le problème avec le Front Populaire et avec surtout la France Insoumise, c'est qu'ils n'acceptent pas leur défaite souvent (…) Le flanc de droite n'appellera pas aux émeutes, mais le flanc de gauche va appeler aux émeutes s'ils perdent, c'est sûr. ». Plus tard dans l'émission, l'animateur déclare : « Quand on voit François Hollande, excusez-moi, François Hollande, pour moi, c'est quand même l'exemple même de la déchéance à gauche. Il était président de la République […] Il va se retrouver député à côté de Louis Boyard à l'Assemblée, excusez-moi. François Hollande, c'est quand même du rêve au cauchemar […] ».
8. Le 21 juin, un chroniqueur a déclaré : « Non mais il faut se mettre une chose en tête, c'est que pour l'extrême gauche, il n'y aura aucune limite dans l'antisémitisme. Bien sûr. Et il n'y aura aucune limite dans la glorification des voyous. Ils sont amoureux des voyous. ».
9. Le 24 juin, un chroniqueur a déclaré, au sujet d'une personnalité qui s'était déclaré opposée au Rassemblement national : « Elle est ignare, stupide ou délinquant, en parlant des électeurs du RN ». L'animateur a affirmé : « François Hollande, on a vu un peu le niveau de François Hollande, on le savait depuis pendant 5 ans. Parce que si on en est là aujourd'hui, c'est aussi beaucoup à cause de François Hollande. Je peux vous dire, pendant 5 ans, un mec qui n'a rien fait à la tête de l'État, je peux vous dire qu'Emmanuel Macron, il a pris le pays, c'était catastrophique (…) je vais te dire ce qu'il s'est dit Emmanuel Macron. Je vais être clair. Il s'est dit, non mais attendez, on a quand même un énorme gugusse à la tête de l'État. Il se dit, je suis bien plus intelligent que lui, je vais y arriver. (…) Pendant 5 ans, François Hollande, il n'a rien fait. A part aller chercher des croissants et se balader en scooter, il n'a rien fait. »
10. Le 25 juin, l'un des chroniqueurs a interpelé l'invité, candidat du Nouveau Front Populaire : « Vous monsieur ne voyez pas le problème du Front populaire mais une majorité de Français voit le problème. Est-ce que les Français sont des idiots ? », et ajoute que le Nouveau Front Populaire est un « formidable espoir pour l'antisémitisme ». L'animateur a déclaré à propos du Parti Socialiste : « vous allez pactiser avec le diable ». Il a ajouté : « la menace depuis le 7 octobre […] C'est vous qui êtes responsables de l'antisémitisme. C'est vous qui êtes responsables de ce qui s'est passé à Courbevoie la semaine dernière ». En réponse aux propos du candidat du Nouveau Front Populaire relevant le caractère diffamatoire des propos tenus par l'animateur, celui-ci a insisté en disant : « beaucoup de gens disent ça comme moi, même Eric Dupont-Moretti ». Également, l'animateur a déclaré « François Hollande c'est un dormeur », Puis lorsqu'un invité a indiqué que François Hollande faisait figurer le logo Nouveau Front Populaire sur son affiche de campagne, l'animateur a répondu : « C'est une honte pour lui ».
11. Par ailleurs, entre les 17 et 26 juin 2024, 29 personnes ont été invitées au sein de l'émission « On marche sur la tête ». Parmi elles, deux personnalités étaient issues du « Nouveau Front Populaire », une classée « divers centre », une classée « divers droite », une représentant « Les Républicains », sept représentant la majorité présidentielle, tandis que seize personnes invitées représentaient ou soutenaient les partis relevant du bloc « extrême-droite ». Un invité n'avait pas d'assignation politique.
12. Il résulte ainsi des comptes-rendus d'écoute que lors des émissions « On marche sur la tête » des 17 au 25 juin 2024, l'actualité électorale de « La France insoumise » et du « Nouveau Front populaire », coalition des principales formations de gauche, a été traitée de manière systématiquement critique et virulente, en des termes souvent péjoratifs et outranciers. De plus, le traitement de l'actualité électorale a été largement univoque, la plupart des invités, dont une grande majorité sont issus du même courant politique, ayant tenu des propos convergents, tout en formulant de vives critiques à l'encontre de « La France insoumise » et du « Nouveau Front Populaire », sans qu'un autre point de vue ne puisse suffisamment s'exprimer. De même, animateur, chroniqueurs et auditeurs ont pour la plupart formulé expressément de vives critiques à l'encontre de « La France insoumise » et du « Nouveau Front Populaire ».
13. Par suite, l'ensemble de ces éléments traduit un manque de mesure et d'honnêteté dans les commentaires de l'actualité électorale sur l'ensemble des émissions en cause, lesquelles sont diffusées sur un service de radio national d'information politique et générale au sein d'un programme spécialement créé pour assurer la couverture d'une campagne électorale particulièrement courte s'achevant, s'agissant du premier tour, le vendredi 28 juin 2024 à minuit. Par ailleurs, ces propos ont été diffusés à un horaire susceptible d'attirer des audiences importantes et trouvent un relais significatif sur les réseaux sociaux, en raison de l'amplification particulière donnée à ces émissions, tant par l'éditeur que par l'animateur, sur leurs comptes de réseaux sociaux respectifs. Or la brièveté de la campagne des élections législatives impose aux éditeurs de services audiovisuels de veiller avec une vigilance particulière à l'application du pluralisme, tel que résultant des recommandations de l'Autorité. Ainsi, le traitement univoque de l'actualité électorale lors de ces émissions et la nature des propos qui y sont tenus caractérisent, indépendamment des règles applicables aux temps de parole en matière de pluralisme politique et dans les circonstances particulières de l'espèce, une méconnaissance du 4° du I.1. de l'article 2 de la délibération susvisée du 4 janvier 2011 que l'éditeur a été appelé à respecter strictement par le courrier susvisé du 19 juin 2024.
Décide :