JORF n°0119 du 23 mai 2019

Décision n°2019-137 du 24 avril 2019

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 28, 42 et 42-7 ;

Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

Vu la décision n° 2005-477 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la société BFM TV à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé « BFM TV » ;

Vu la décision n° 2010-866 du 7 décembre 2010 mettant en demeure la société BFM TV de respecter à l'avenir les stipulations des premier, quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 2-3-8 de la convention du 19 juillet 2005 et la décision n° 2012-260 du 24 avril 2012 la mettant en demeure de respecter à l'avenir les stipulations des quatrième et cinquième alinéas de l'article 2-3-8 de la convention du 19 juillet 2005 ;

Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;

Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société BFM TV le 19 juillet 2005 en ce qui concerne le service de télévision « BFM TV », et notamment son article 2-3-8 ;

Vu les comptes rendus de visionnage des éditions d'information diffusées les 23 et 24 mars 2018 sur l'antenne du service « BFM TV » ;

Vu le courrier du 12 octobre 2018 du rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 notifiant à la société BFM TV la décision d'engager à son encontre une procédure de sanction et l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois ;

Vu le courriel du 17 octobre 2018 par lequel la société BFM TV a sollicité la communication des pièces du dossier, lesquelles lui ont été adressées par le Directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courrier du 24 octobre 2018 ;

Vu les observations écrites de la société BFM TV communiquées au rapporteur par courrier du 15 novembre 2018 ;

Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la société BFM TV ainsi qu'au Président du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courriers du 21 décembre 2018 ;

Vu le courriel du 9 avril 2019 par lequel la société BFM TV a décliné la possibilité de rendre publique l'audition du 17 avril 2019 devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en réponse au courrier de ce dernier en date du 20 mars 2019 ;

Après avoir entendu, lors de la séance du 17 avril 2019, le rapporteur ainsi que M. Damien Bernet, directeur général délégué de NextRadioTV, M. Hervé Béroud, directeur général de BFM TV, Mme Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFM TV et M. Fabrice Laffargue, consultant ;

Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 » ;

Considérant que l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent prévoit notamment que l'éditeur : « (…) fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. » ;

Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 2-3-8 de la convention du service BFM TV en vigueur à l'époque des faits : « L'éditeur fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. » ;

Considérant qu'il ressort des comptes rendus de visionnage visés ci-dessus que, durant la couverture médiatique des attentats survenus dans les communes de Carcassonne et de Trèbes le 23 mars 2018, la société BFM TV a indiqué à plusieurs reprises dans la journée du 23 mars 2018 que l'auteur de ces actes terroristes, d'origine étrangère, avait été naturalisé français en 2015 alors même qu'il faisait l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées pour risque d'atteinte à la sûreté de l'Etat depuis l'année 2014 ; que cette information était erronée dans la mesure où l'auteur de ces actes avait en réalité été naturalisé français en 2004, soit antérieurement à la survenance des faits ayant justifié son inscription sur un fichier intéressant la sûreté de l'Etat ; qu'il résulte de l'instruction que l'éditeur, de manière générale, a fait preuve d'un manque de réactivité et de vigilance, en dépit de la sensibilité de cette information au regard du contexte ; que, par ailleurs, il n'a pas été procédé à une rectification explicite et spontanée de cette erreur à l'antenne et les excuses présentées par l'éditeur l'ont été hors de cette antenne et sur sollicitation d'un média tiers ; que ces faits caractérisent ainsi un manquement à l'obligation de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information fixée par les stipulations précitées de l'article 2-3-8 de la convention du service « BFM TV » ;

Considérant toutefois que les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 n'ont pas pour effet d'obliger le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui dispose d'autres moyens pour conduire les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle à respecter les obligations qui leur sont imposées, à infliger auxdits titulaires une sanction à l'issue de la procédure engagée par le rapporteur sur le fondement de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ; que ces dispositions laissent au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin d'apprécier si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu pour lui de prononcer une sanction ;

Considérant que l'incident litigieux revêt un caractère isolé ; que cette erreur a été corrigée le lendemain en fin de matinée ; que, par ailleurs, l'éditeur a fourni, ainsi qu'il a été dit, des excuses circonstanciées ;

Considérant, dès lors, que s'il n'y a pas lieu de prononcer une sanction à l'encontre de la société BFM TV, il y a lieu, en revanche, de la mettre en demeure de respecter, à l'avenir, les dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, qui reprennent les stipulations de l'article 2-3-8 de la convention du 19 juillet 2005, lui imposant de faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

Il n'y a pas lieu de prononcer une sanction à l'encontre de la société BFM TV.

Article 2

La société BFM TV est mise en demeure de respecter, à l'avenir, les dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, qui reprennent les stipulations de l'article 2-3-8 de la convention du 19 juillet 2005, lui imposant de faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information.

Article 3

La présente décision sera notifiée à la société BFM TV et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 24 avril 2019 par M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Nicolas Curien, Mme Carole Bienaimé-Besse, M. Jean-François Mary et M. Hervé Godechot, conseillers.

Fait à Paris, le 24 avril 2019.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

R.-O. Maistre