JORF n°0119 du 23 mai 2019

Décision n°2019-132 du 24 avril 2019

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 28 et 42-7 ;

Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

Vu la décision n° 2003-309 du 10 juin 2003 modifiée du Conseil supérieur de l'audiovisuel autorisant la société Bolloré Media, devenue C8, à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique et la décision n° 2012-475 du 15 mai 2012 du Conseil supérieur de l'audiovisuel portant prorogation de cette autorisation ;

Vu la décision n° 2010-196 du 30 mars 2010 mettant en demeure la société C8 de respecter à l'avenir les dispositions des articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 et les stipulations des articles 2-3-3 et 2-3-4 de la convention du 10 juin 2003 ;

Vu la décision n° 2015-274 du 1er juillet 2015 mettant en demeure la société C8 de respecter, à l'avenir, les stipulations combinées des articles 2-2-1 et 2-3-3 de la convention du 10 juin 2003 ;

Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société C8 le 10 juin 2003 en ce qui concerne le service de télévision « C8 », et notamment ses articles 2-2-1 et 2-3-4 ;

Vu le compte rendu de visionnage de l'émission « Touche pas à mon poste » diffusée le 12 septembre 2018 sur l'antenne du service C8 ;

Vu le courrier du 28 novembre 2018 du rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 notifiant à la société C8 la décision d'engager à son encontre une procédure de sanction et l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois ;

Vu le courrier du 4 décembre 2018 par lequel la société C8 a sollicité la communication des pièces du dossier, lesquelles lui ont été adressées par le Directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courrier du 11 décembre 2018 ;

Vu le courrier du 4 décembre 2018 de la société C8 demandant le report de quinze jours du délai imparti pour présenter ses observations ;

Vu le courrier du 14 décembre 2018 du rapporteur prolongeant de quinze jours le délai imparti à la société C8 pour présenter ses observations ;

Vu les observations écrites de la société C8 communiquées au rapporteur par courrier du 14 janvier 2019 ;

Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la société C8 ainsi qu'au Président du Conseil supérieur de l'audiovisuel par courriers du 1er mars 2019 ;

Vu le courrier du 26 mars 2019 par lequel la société C8 a décliné la possibilité de rendre publique l'audition du 17 avril 2019 devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en réponse au courrier de ce dernier en date du 20 mars 2019 ;

Après avoir entendu, lors de la séance du 17 avril 2019, le rapporteur ainsi que M. Gérald-Brice Viret, directeur général des antennes et des programmes du Groupe Canal+, Mme Laetitia Menase, directrice juridique du Groupe Canal+, M. Franck Appietto, directeur général de C8 et directeur du flux du Groupe Canal+, Mme Pascaline Gineste, directrice des affaires réglementaires du Groupe Canal+ ainsi que Me Emmanuel Guillaume, avocat ;

Considérant que l'article 2-3-4 de la convention du service C8 stipule notamment que : « L'éditeur respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence. » ; qu'aux termes de l'article 2-2-1 du même texte : « L'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. » ;

Considérant que, par la décision du 30 mars 2010 visée ci-dessus, la société C8 a été mise en demeure de respecter, à l'avenir, les dispositions des articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 et les stipulations des articles 2-3-3 et 2-3-4 de la convention du 10 juin 2003 ; que, par la décision du 1er juillet 2015 visée ci-dessus, la société C8 a été mise en demeure de respecter, à l'avenir, les stipulations des articles 2-2-1 et 2-3-3 de la convention du 10 juin 2003 ;

Considérant qu'il ressort du compte rendu visé ci-dessus que, au cours de l'émission « Touche pas à mon poste » diffusée le 12 septembre 2018 sur l'antenne du service C8, l'animateur, évoquant un désaccord entre la société qui l'emploie et une société concurrente, a tenu à l'égard de certains des dirigeants de cette dernière, nommément désignés, des propos susceptibles d'être qualifiés d'injurieux ; que ces déclarations caractérisent une méconnaissance des stipulations de l'article 2-3-4 de la convention de C8 imposant à l'éditeur de respecter « les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence » ; que ces propos, qui n'ont fait l'objet d'aucune modération ni contradiction, caractérisent également une absence de maîtrise de l'antenne constitutive d'un manquement aux stipulations de l'article 2-2-1 de la convention du 10 juin 2003 ;

Considérant toutefois que les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 n'ont pas pour effet d'obliger le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui dispose d'autres moyens pour conduire les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle à respecter les obligations qui leur sont imposées, à infliger auxdits titulaires une sanction à l'issue de la procédure engagée par le rapporteur sur le fondement de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ; que ces dispositions laissent au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin d'apprécier si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu pour lui de prononcer une sanction ;

Considérant que les propos litigieux s'inscrivent dans un contexte d'animosité entre l'animateur de l'émission « Touche pas à mon poste » et les dirigeants de la société concurrente mis en cause ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces derniers auraient saisi l'autorité judiciaire de ces propos ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de prononcer une sanction à l'encontre de la société C8 ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

Il n'y a pas lieu de prononcer une sanction à l'encontre de la société C8.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société C8 et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 24 avril 2019 par M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Nicolas Curien, Mme Nathalie Sonnac, Mme Carole Bienaimé-Besse, M. Jean-François Mary et M. Hervé Godechot, conseillers.

Fait à Paris, le 24 avril 2019.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

R.-O. Maistre