L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après " l'Autorité "),
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive " accès "), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive " cadre "), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (directive " service universel "), modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la recommandation 2005/698/CE de la Commission du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre règlementaire pour les communications électroniques ;
Vu la recommandation 2010/572/UE de la Commission du 20 septembre 2010 sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (" CPCE "), notamment ses articles L. 32-1, L. 35-1, L. 35-3, L. 36-7, L. 37-1 et suivants, R. 20-31 et suivants et D. 303 et suivants ;
Vu l'arrêté du 31 octobre 2013 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir les prestations " raccordement " et " service téléphonique " de la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques ;
Vu la décision n° 2015-1369 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 5 novembre 2015 fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités fixes régulées pour les années 2016 et 2017 ;
Vu la décision n° 2015-1370 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 5 novembre 2015 fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des activités mobiles régulées pour les années 2016 et 2017 ;
Vu la décision n° 2014-0733 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;
Vu la décision n° 2014-0734 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;
Vu la décision n° 2014-0735 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 juin 2014 portant sur la définition des marchés pertinents de gros des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2014-1102 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 30 septembre 2014 portant sur la définition des marchés pertinents de l'accès au service téléphonique et du départ d'appel en position déterminée, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2014-1485 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 9 décembre 2014 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux fixes en France et à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles en France, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2014-2017 ;
Vu la consultation publique menée du 9 février au 15 mars 2017 sur les projets de décision d'analyse des marchés du haut et du très haut débit fixe sur la période 2017-2020 ;
Vu la consultation publique menée du 25 avril au 2 juin 2017 sur les projets de décision d'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur réseaux fixes et mobiles sur la période 2017-2020 ;
Vu la consultation publique menée du 11 mai au 12 juin 2017 sur le projet de la présente décision ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la consultation publique menée du 30 mai au 27 juin 2017 sur l'analyse du bilan et des perspectives sur la période 2017-2020 de la régulation des marchés de l'accès au service téléphonique et du départ d'appel en position déterminée ;
Après en avoir délibéré le 4 juillet 2017,
- Cadre juridique
Conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, l'Autorité procède à l'analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques et établit la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Le cas échéant, elle impose à ces derniers des obligations proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE. En particulier, l'Autorité peut imposer aux opérateurs exerçant une influence significative sur le marché l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts et l'obligation de comptabilisation des coûts.
L'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts vise notamment à éviter que l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques ne bénéficie d'une rente qui risquerait de fausser les conditions de développement d'une concurrence équitable sur le marché considéré et, in fine, de renchérir le prix payé par les utilisateurs finals. L'obligation de comptabilisation des coûts permet notamment de vérifier que les obligations tarifaires sont respectées.
En application de l'article D. 311 du CPCE, les mécanismes de recouvrement des coûts et les méthodes retenues pour la comptabilisation des coûts doivent être établis en tenant compte de plusieurs objectifs. L'Autorité doit ainsi veiller " à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur " tout en assurant " une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ".
L'article D. 311 du CPCE dispose également que l'Autorité peut " prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger ".
En outre, l'article D. 312 du CPCE prévoit que " le taux de rémunération du capital utilisé […] tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France ". Il en résulte que le coût moyen pondéré des capitaux constitue un critère d'appréciation important dans la détermination du taux de rémunération du capital.
Par ailleurs, en application de l'article R. 20-30-11 du CPCE, les tarifs des offres associées à la fourniture de la composante du service universel relative à la téléphonie (1) sont soumis à l'obligation d'orientation vers les coûts.
Enfin, dans l'exercice de ses missions, l'Autorité est chargée de veiller aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, notamment au 3° du II, aux 1° et 2° du III ainsi qu'au 2° du IV (2).
- Champ d'application de la présente décision
2.1. Périmètre des activités concernées
Dans ses précédentes décisions, l'Autorité a fait le choix de fixer des taux de rémunération du capital différenciés entre les activités fixes régulées et les activités mobiles régulées. Pour les années 2016 et 2017, l'Autorité a fixé ces taux respectivement à 8,7 % et 9,5 % pour les activités régulées dans les secteurs fixe et mobile, dans ses décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées.
Aujourd'hui, l'Autorité s'interroge sur l'opportunité de modifier les périmètres d'activité à retenir en matière de rémunération du capital pour la période 2018-2020.
a) Sur la spécificité du génie civil par rapport aux autres activités fixes régulées :
Plusieurs opérateurs fixes ont demandé récemment (3) à l'Autorité de définir un taux de rémunération du capital spécifique pour les activités de génie civil régulées, une proposition déjà formulée par Bouygues Telecom et Iliad en 2015 lors du précédent exercice de fixation du taux réglementaire de rémunération du capital (4). Ils considèrent en effet que le niveau de risque des activités de génie civil régulées est particulièrement faible car le génie civil d'Orange constitue une facilité essentielle dans le sens où il s'agit d'une infrastructure pérenne et en monopole.
A la différence de ces opérateurs, la Commission européenne défend, dans sa recommandation 2010/572/UE susvisée, l'utilisation d'un même taux pour les activités associées au génie civil et à la boucle locale de cuivre, elle aussi infrastructure essentielle.
En effet, après avoir souligné le rôle crucial des infrastructures existantes de génie civil pour le déploiement des boucles locales en fibre optique (§12) et précisé certaines obligations réglementaires non tarifaires à imposer pour assurer l'accès au génie civil (§13), la Commission européenne s'exprime sur la mise en œuvre de l'obligation d'orienter les tarifs vers les coûts (§14). Elle préconise alors de considérer que les actifs historiques de génie civil emportent le même niveau de risque que la boucle locale de cuivre :
" Lorsque des investissements dans des actifs physiques non reproductibles tels que l'infrastructure de génie civil ne sont pas spécifiques au déploiement de réseaux NGA (et n'impliquent pas de niveau de risque systématique similaire), leur profil de risque ne devrait pas être considéré comme différent de celui de l'infrastructure de cuivre existante. "
Ce dernier point est précisé dans l'annexe 1 de la recommandation précitée, qui traite notamment de la question de la tarification de l'accès au génie civil :
" Lorsqu'elles fixent le tarif d'accès à l'infrastructure de génie civil, les ARN [autorités de régulation nationales] devraient considérer que le profil de risque n'est pas différent de celui de l'infrastructure en cuivre, sauf si l'opérateur PSM a dû encourir des coûts de génie civil spécifiques - dépassant les coûts de maintenance normaux - pour déployer un réseau NGA [d'accès de nouvelle génération]. "
Au demeurant, la position de la Commission européenne est conforme au modèle d'équilibre des actifs financiers utilisé pour déterminer le coût du capital (voir section 3.1) car elle se concentre sur le risque systématique, c'est-à-dire sur la volatilité du marché dans sa globalité. Dans cette modélisation, un investisseur n'est pas rémunéré pour les risques qu'il peut éviter en diversifiant son portefeuille d'actifs. Ainsi, dès lors que l'évaluation du coût du capital est établie selon ce modèle, l'analyse exhaustive des risques d'une activité n'est pas pertinente : même si l'on parvenait à démontrer que les activités de génie civil et celles associées à la boucle locale de cuivre présentent des risques différents, cela ne suffirait pas à retenir des taux de rémunération du capital différenciés.
De plus, aucun régulateur sectoriel européen ne fixe un taux de rémunération spécifique aux activités associées au génie civil.
La pratique de l'Autorité, qui consiste à définir un taux de rémunération commun pour le génie civil et la boucle locale de cuivre, est donc conforme à la recommantion de la Commission européenne et s'inscrit dans la pratique des autres pays européens.
Au regard de ces éléments, l'Autorité maintient son choix de retenir un taux commun pour l'ensemble des activités fixes régulées.
b) Sur l'avancement de la convergence des activités fixes et mobiles :
Depuis plusieurs années, un mouvement de convergence des réseaux fixes et mobiles est observé sur les marchés français, qui se traduit notamment par la disparition des opérateurs de réseau purement mobiles. Les évolutions technologiques ont en effet permis une déspécialisation des réseaux fixes et des réseaux mobiles ; avec l'adoption de la technologie IP au sein des cœurs de réseau fixes et mobiles et le déploiement de la fibre optique dans les réseaux de collecte pour le raccordement de NRA et de stations de base mobiles, les réseaux " voix " traditionnels ont évolué vers des réseaux " data " convergents fixe-mobile. Des solutions filaires, en cuivre ou fibre optique, sont ainsi venues compléter la transmission hertzienne, traditionnellement utilisée par les opérateurs mobiles, pour la collecte du trafic issu des stations de base vers les équipements du cœur de réseau. En 2014, l'Autorité (5) a ainsi observé une progression de l'utilisation de la fibre optique par les opérateurs mobiles, en particulier dans les zones très denses.
L'Autorité a tenu compte des usages mobiles dans ses analyses des marchés de gros fixes réalisées en 2014. Elle a ainsi imposé à Orange de :
- fournir l'accès au dégroupage et à son génie civil pour le raccordement de sites mobiles, dans le cadre de la régulation ex ante du marché de l'accès local (marché 3a) (6) ;
- fournir l'accès à ses liens pour la collecte des sites mobiles raccordés par la boucle locale cuivre (marché 3a) (7) ;
- maintenir les offres de services de capacité Aircom et LPT " réseau " utilisées pour le raccordement de sites mobiles, dans le cadre de la régulation ex ante du marché de l'accès de haute qualité (marché 4) (8).
Par ailleurs, en 2015, dans le cadre d'un règlement de différend, l'Autorité (9) a jugé que les demandes de Free d'utiliser l'offre LFO pour la collecte de ses sites mobiles raccordés via une fibre optique étaient raisonnables.
Sur les marchés financiers, la convergence fixe-mobile a conduit à une harmonisation progressive des caractéristiques financières des opérateurs fixes et mobiles comme en attestent de manière empirique les données de marché. En effet, la différence observée historiquement entre les niveaux d'endettement des opérateurs fixes et mobiles tend à se réduire significativement avec l'augmentation de l'endettement des opérateurs mobiles. L'analyse des données boursières montre également une convergence des valeurs des betas de l'actif (voir section 3.1), qui traduisent les risques systématiques des activités des opérateurs. Le cabinet Brattle Group indique ainsi, dans l'étude (10) qu'il a réalisée pour la Commission européenne en juillet 2016, que ces grandeurs sont probablement identiques entre les activités fixes historiques et les activités mobiles. Le cabinet Nera, dans une étude (11) réalisée pour le régulateur britannique en février 2017, arrive à la même conclusion.
Il découle de ce qui précède que les investisseurs et les créanciers appréhendent les activités fixes et mobiles de la même manière pour la rémunération du capital.
Par ailleurs, il convient d'observer que la pratique réglementaire au niveau européen évolue vers la définition d'un taux de rémunération du capital commun aux activités fixes et mobiles. Certains pays comme l'Espagne, la Belgique et le Luxembourg adoptent déjà un taux unique. D'autres comme l'Allemagne, l'Irlande, le Danemark, la Suède ou le Portugal considèrent des taux de rémunération du capital très proches (moins de 0,5 point d'écart) entre les activités fixes et mobiles. Ainsi, l'Autorité considère qu'il est possible de retenir un taux de rémunération du capital unique pour les activités fixes et mobiles.
2.2. Détail des offres visées
A cet égard, il convient de rappeler que, conformément au cadre juridique en vigueur, l'Autorité a mené :
- l'analyse des marchés de l'accès au service téléphonique et du départ d'appel en position déterminée (12), correspondant aux marchés 1 et 2 définis par la Commission européenne dans sa recommandation de 2007 sur les marchés pertinents (13) ; dans ce cadre, l'Autorité a imposé à Orange, pour les prestations des marchés de gros l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts et l'obligation de comptabilisation des coûts et, pour les prestations des marchés de détail, l'obligation de comptabilisation des coûts ;
- l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux fixes et mobiles (14), correspondant aux marchés 1 et 2 défini par la Commission européenne dans sa recommandation de 2014 (15) ; dans ce cadre, l'Autorité a imposé :
- à l'ensemble des opérateurs fixes et mobiles l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ;
- Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange Caraïbe et SRR l'obligation de comptabilisation des coûts.
- l'analyse des marchés du haut débit et du très haut débit (16), correspondant aux marchés 3a et 3b définis par la Commission européenne dans sa recommandation de 2014 ; dans ce cadre, l'Autorité a imposé à Orange l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts et l'obligation de comptabilisation des coûts pour les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale et d'accès au génie civil de boucle locale ainsi que pour les prestations de gros d'accès activé généraliste livré sur DSL au niveau infranational (17) ;
- l'analyse du marché des services de capacité (18), correspondant au marché 4 défini par la Commission européenne dans sa recommandation de 2014 ; dans ce cadre, l'Autorité a imposé à Orange plusieurs obligations :
- pour l'ensemble des prestations d'accès relatives aux services de capacité du segment terminal, l'obligation de comptabilisation des coûts ;
- pour les prestations d'accès du segment terminal à interface traditionnelle sur support cuivre (LPT de débit inférieur ou égal à 2 Mbit/s), l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ;
- pour les prestations d'accès du segment terminal à interface alternative sur support cuivre, à compter du 1er janvier 2015, respectivement pour les zones cuivre 2 et 3, l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction et l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ;
- pour les prestations d'accès du segment terminal sur support optique, à compter du 1er janvier 2015, sur la zone fibre optique 2, l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction ou de tarifs excessifs.
Par ailleurs, les tarifs des offres relevant de la composante du service universel relative à la téléphonie sont soumis à l'obligation d'orientation vers les coûts, conformément à l'article R. 20-30-11 du code des postes et des communications électroniques.
Le taux de rémunération fixé dans cette décision s'applique ainsi à toutes les offres d'Orange reposant sur l'utilisation de son réseau fixe et soumises à une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ou de comptabilisation des coûts, aux prestations de terminaison d'appel vocal fournies par les opérateurs fixes et mobiles régulés mentionnés respectivement aux annexes A et B de la décision de l'Autorité n° 2014-1485 susvisée ainsi qu'aux offres associées à la fourniture de la composante du service universel relative à la téléphonie.
2.3. Durée d'application
Dans ses décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées, l'Autorité a fixé un taux de rémunération prévisionnel valable pour deux ans (2016 et 2017) afin de la faire coïncider avec la durée d'application restante des analyses de marchés sur les activités fixes et mobiles. Pour maintenir cette synchronisation, il apparaît opportun de fixer, dans le cadre de la présente décision, la valeur du taux de rémunération du capital pour une période de trois ans.
- Eléments d'appréciation sur le calcul du coût moyen pondéré du capital
3.1. La référence à un modèle financier
Conformément à l'article D. 312 du CPCE, l'Autorité détermine le taux de rémunération du capital en tenant notamment compte du coût moyen pondéré du capital de l'investisseur considéré (19), le coût des fonds propres étant calculé selon le modèle d'équilibre des actifs financiers (" MEDAF ").
La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité sollicite très régulièrement des expertises extérieures, notamment auprès de cabinets spécialisés en finance.
Par ailleurs, les consultations publiques menées par l'Autorité en 2007, 2009, 2011, 2012, 2013 et 2015 portant sur les taux de rémunération du capital des activités fixes, mobiles et de télédiffusion régulées ont fait apparaître un consensus sur la notion de coût moyen pondéré du capital et sur la référence au MEDAF. En outre, la plupart des régulateurs européens établissent le taux règlementaire de rémunération du capital des activités régulées sur le fondement d'un coût moyen pondéré du capital et en se référant au MEDAF.
En vue de fixer le taux réglementaire nominal de rémunération du capital, le coût moyen pondéré du capital est évalué sur le fondement de paramètres exprimés en termes nominaux. Il est calculé avant impôt sur les sociétés en tenant compte :
- du taux d'impôts sur les sociétés et de la contribution sociale (20), qui correspondent à un taux global d'imposition de 34,43 % en 2018 et 2019 et de 28,92 % en 2020 (21) ; et
- de la déductibilité de 75 % (22) des intérêts d'emprunt du résultat fiscal soumis à l'impôt sur les sociétés.
Le coût du capital est calculé, pour l'activité considérée, comme une moyenne pondérée, en fonction de la structure de financement de l'investisseur considéré, entre :
- le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires, évalué avant impôt sur les sociétés ;
- le coût de la dette de l'opérateur, évalué avant impôt sur les sociétés.
Le coût des capitaux propres évalué avant impôt sur les sociétés est obtenu à partir du coût des capitaux propres après impôts qui, à une date donnée, correspond, selon le MEDAF, à la formule :
ke = Rf ß(RM - Rf)
Où :
- le facteur Rf désigne le taux sans risque qui correspond à la rémunération exigée par un créancier pour un investissement qui ne présenterait aucun risque ;
- le facteur (Rm - Rf) désigne la prime de marché, c'est-à-dire l'excédent de rentabilité attendu par les investisseurs pour un panier constitué de l'ensemble des actifs existants par rapport au taux sans risque ;
- le facteur (bêta) désigne le risque spécifique des fonds propres engagés par les investisseurs dans l'activité considérée, avec le taux d'endettement observé.
Le coût de la dette retenu par l'Autorité est exprimé comme le coût pondéré de la dette contractée avant 2018 et de la (nouvelle) dette contractée au cours de la période considérée. Ainsi, il dépend notamment des conditions de financement lors des périodes précédentes. En l'espèce, l'Autorité estime raisonnable de retenir l'hypothèse que l'opérateur considéré doit s'endetter sur dix ans pour optimiser le financement des activités régulées, ce qui signifie que, au cours d'une année, un dixième de sa dette est refinancée.
Le coût de la dette contractée avant 2018 est établi sur le fondement des calculs du coût de la dette réalisés par l'Autorité dans ses précédentes décisions.
Le coût de la nouvelle dette correspond au taux sans risque, auquel s'ajoute une prime de risque associée à la dette (" spread ") de l'entreprise exerçant l'activité considérée :
kd = Rf + Rd
L'évaluation du coût moyen pondéré du capital nécessite ainsi l'établissement de différents paramètres. Conformément aux dispositions de l'article D. 311 du CPCE, les valeurs de ces paramètres sont appréciées au regard notamment des données financières d'un échantillon d'opérateurs européens présents sur les activités régulées.
3.2. La prise en compte des conditions de marché pour fixer les paramètres du calcul
L'Autorité évalue le coût moyen pondéré du capital en s'appuyant sur des valeurs prévisionnelles des différents paramètres du calcul.
D'une part, pour les paramètres les plus stables dans le temps, les valeurs retenues sont estimées en prenant en compte les observations historiques de long terme. Il s'agit :
- de la prime de risque du marché (Rm - Rf) ;
- du coefficient de risque spécifique des fonds propres des activités fixes régulées par rapport au marché () ;
- du taux d'endettement (D/(D + FP), où D représente la dette et FP les fonds propres.
D'autre part, pour les paramètres les plus sensibles aux conditions de marché, l'Autorité réalise des estimations en s'appuyant principalement sur les données les plus récentes. Il s'agit :
- du taux sans risque ;
- de la prime de dette.
Pour ces paramètres, l'Autorité établit une prévision à partir des meilleures données passées disponibles. Dans la période actuelle caractérisée par un phénomène de " fuite vers la qualité ", qui se traduit par des rendements historiquement bas pour les actifs les plus sûrs, il n'apparaît pas pertinent de s'appuyer uniquement sur les données les plus récentes pour apprécier les conditions de marché qui pourraient prévaloir pour les années 2018 à 2020. L'Autorité estime ainsi les valeurs prévisionnelles du taux sans risque et de la prime de dette au regard des conditions de marché des dix dernières années.
- Calcul du coût moyen pondéré du capital
4.1. Evaluation des paramètres pour les années 2018 à 2020
Pour le calcul du coût moyen pondéré du capital sur la période 2018-2020, l'Autorité doit en particulier anticiper la situation économique qui prévaudra sur les activités fixes et mobiles régulées durant cette période.
En cohérence avec ses précédentes décisions portant sur la fixation du taux réglementaire de rémunération du capital, l'Autorité propose de réaliser ce calcul en définissant, sur le fondement des données de marché historiques et des informations financières les plus récentes, une hypothèse pour chacun des paramètres du calcul. Compte tenu des interactions qui existent entre ces différents paramètres, l'Autorité les a étudiés globalement plutôt que de façon indépendante de manière à retenir un ensemble d'hypothèses cohérent.
Outre les objectifs mentionnés aux articles L. 32-1 et D. 311 du CPCE, l'Autorité a pris en considération plusieurs éléments. Eu égard aux divergences importantes entre les caractéristiques financières des opérateurs présents sur les marchés régulés, l'Autorité s'est appuyée sur l'étude de plusieurs références internationales. Elle s'est également attachée à offrir de la prévisibilité et de la stabilité aux acteurs du marché.
a) La prime de marché :
Dans ses précédentes décisions portant sur le taux réglementaire de rémunération du capital, l'Autorité a retenu, pour le calcul du coût moyen pondéré du capital, une valeur de 5 % pour la prime de marché, correspondant à une moyenne de long terme.
Au regard des données de marché récentes et des observations historiques, l'Autorité propose de retenir, dans la continuité de ses précédentes décisions, une valeur de 5 % pour la prime de marché.
b) Le taux d'endettement et le coefficient de risque spécifique
Dans ses décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées, l'Autorité a retenu des valeurs de long terme pour le taux d'endettement, fixées à 40 % pour les activités fixes régulées et à 23 % pour les activités mobiles régulées. Pour les décisions précitées, le coefficient de risque spécifique des fonds propres (β) a été fixé à 0,8.
Pour comparer les risques spécifiques d'activités caractérisées par des taux d'endettement et des coefficients de risque spécifique des fonds propres différents, les acteurs financiers utilisent généralement comme indicateur le coefficient de risque spécifique de l'actif. Les choix de paramètres présentés ci-avant correspondent à des coefficients de risque spécifique de 0,48 et 0,62 respectivement pour les activités fixes régulées et pour les activités mobiles régulées.
Au regard des données de marché les plus récentes, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu de modifier, par rapport à la décision précédente, les valeurs des paramètres retenus pour les activités fixes régulées.
En revanche, l'observation des caractéristiques financières d'un échantillon d'opérateurs européens tend à montrer que les caractéristiques financières des opérateurs mobiles se rapprochent de celles des opérateurs fixes, depuis le précédent exercice de fixation des taux réglementaires de rémunération du capital.
Il apparaît que la disparité observée historiquement en ce qui concerne les valeurs des taux d'endettement s'est atténuée significativement. Les données de marché montrent en effet un niveau d'endettement des opérateurs majoritairement mobiles supérieur à la valeur de long terme de 23 % retenue par l'Autorité dans ses précédentes décisions. Il convient également d'observer que la majorité des régulateurs européens considèrent une valeur supérieure à 30 % pour le taux d'endettement des activités mobiles régulées (23).
Par ailleurs, la convergence des activités fixes et mobiles s'illustre par une diminution du risque spécifique des actifs mobiles qui, conjuguée à la hausse du taux d'endettement, conduit l'Autorité à estimer qu'il n'y a pas lieu de revoir la valeur du coefficient de risque spécifique des fonds propres retenu pour les activités mobiles, qu'elle propose de maintenir à 0,8.
Au regard des données de marché qu'elle a pu collecter, l'Autorité considère approprié de retenir un levier financier de 40 % pour les activités mobiles régulées, comme pour les activités fixes régulées.
Compte tenu de ces éléments, l'Autorité considère, pour les années 2016 à 2018, que les valeurs du levier financier et du coefficient de risque spécifique des fonds propres s'élèvent respectivement à 40 % et à 0,8 pour l'ensemble des activités fixes et mobiles régulées.
c) Le taux sans risque nominal :
Dans ses décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées, l'Autorité a fixé la valeur du taux sans risque nominal (Rf) à 3,0 % en référence à une moyenne sur dix ans du Taux de l'Echéance Constante à dix ans (TEC10).
Cette méthode permet de tenir compte de la baisse des taux d'intérêt observée ces dernières années tout en offrant une prévisibilité aux acteurs du marché sur les évolutions du taux sans risque nominal retenu par l'Autorité pour calculer le coût moyen pondéré du capital. Sur le fondement de cette méthode et de plusieurs prévisions relatives au Taux de l'Echéance Constante à dix ans sur la fin d'année 2017, l'Autorité retient une valeur de 2,3 % pour le taux sans risque nominal prévisionnel sur la période 2018-2020.
d) La prime de dette :
Dans ses décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées, l'Autorité a considéré que les risques de la dette des activités fixes et mobiles régulées correspondaient, compte tenu des structures d'endettement retenues alors, aux risques des sociétés non financières (n'ayant pas nécessairement une activité dans le secteur des communications électroniques), respectivement de notation BBB+ et A+.
En cohérence avec les choix opérés pour les valeurs des taux d'endettement et des coefficients de risque spécifique, l'Autorité considère une référence commune aux activités fixes et mobiles pour déterminer les valeurs des primes de dette. Pour réfléter au mieux les conditions d'emprunt des opérateurs exerçant une activité fixe ou mobile régulée, l'Autorité estime la prime de dette au regard des valeurs du " spread ", par rapport au rendement des obligations d'Etat à dix ans, des obligations d'une maturité moyenne de dix ans émises par un échantillon d'étude. Ce dernier est constitué d'opérateurs fixes ou mobiles européens de notation BBB+, BBB ou BBB-, qui correspond à la note de crédit dont bénéficient généralement les opérateurs européens et qui est conforme au taux d'endettement considéré.
Au regard des conditions de marché, l'Autorité retient une valeur de 1,4 % pour la prime de dette prévisionnelle pour les années 2018 à 2020 pour les activités fixes et mobiles régulées.
4.2. Mise en œuvre des calculs
Sur le fondement des paramètres présentés ci-avant, l'Autorité évalue le coût moyen pondéré du capital.
a) Le coût des fonds propres :
Avec les paramètres retenus, le coût des fonds propres avant impôts est de 9,4 %, en moyenne sur la période 2018-2020.
b) Le coût de la dette :
Le coût de la dette est évalué année par année et correspond à une moyenne pondérée entre le coût de la dette contractée au cours l'année considérée et le coût de la dette préexistante, contractée au cours des neuf années précédentes.
Avec les paramètres retenus, le coût après impôts de la dette contractée au cours des les années 2018 à 2020 est de 3,7 %.
Le coût de la dette préexistante contractée avant 2018 est évalué à partir des précédentes décisions réglementaires. Compte tenu de la convergence observée entre les caractéristiques financières des opérateurs engagés dans les activités fixes et mobiles régulées, l'Autorité considère que le coût de la dette existante se situe entre celui retenu pour les activités mobiles régulées et celui retenu pour les activités fixes régulées. Pour un opérateur convergent générique, il peut être considéré que ces deux activités contribuent à part égale au chiffre d'affaires. Ainsi, le coût après impôts de la dette préexistante contractée avant 2018 s'élève à 4,6 %, en moyenne sur la période 2018-2020.
A partir des valeurs présentées ci-avant, le coût de la dette avant impôts est de 4,9 %, en moyenne sur la période 2018-2020.
c) Le coût moyen pondéré du capital :
Avec la structure de financement considérée, le coût moyen pondéré du capital s'établit en valeur nominale avant impôts à 7,6 %.
- Fixation du taux de rémunération du capital pour les années 2016 et 2017
Au niveau européen, l'Autorité observe que les récentes décisions des régulateurs européens en matière de fixation des taux réglementaires de rémunération du capital pour les activités fixes et mobiles régulées font apparaître des valeurs relativement disparates :
- pour les activités fixes régulées, les taux réglementaires peuvent être inférieurs à 5 % (régulateurs sectoriels danois et chypriote) ou supérieurs à 12 % (régulateur grec, par exemple) ;
- pour les activités mobiles régulées, les taux réglementaires peuvent être inférieurs à 4 % (régulateur danois) ou supérieurs à 11 % (régulateurs autrichiens et norvégiens, par exemple).
Cette hétérogénéité au niveau européen peut traduire des situations sur les marchés financiers spécifiques à certains pays européens ; elle peut également résulter de la prise en compte d'enjeux nationaux spécifiques.
Au regard à la fois de l'évaluation du coût moyen pondéré du capital, présentée ci-avant, des taux fixés par les autres autorités de régulation, et des objectifs mentionnés aux articles L. 32-1 et D. 311 du CPCE, l'Autorité retient, pour les activités fixes et mobiles régulées, un taux de rémunération du capital en valeur nominale avant impôts de 7,6 % pour les années 2018 à 2020.
Chaque année, Orange et les opérateurs régulés pour leurs prestations de terminaison d'appel vocal sur réseaux fixes ou sur réseaux mobiles établiront, pour la comptabilisation de leurs coûts et l'établissement de leurs tarifs conformément à leurs obligations tarifaires, un taux réel calculé sur la base de ce taux nominal et de la prévision d'inflation retenue dans le projet de loi de finances.
La baisse du taux nominal par rapport à ceux établis par les décisions n° 2015-1369 et n° 2015-1370 susvisées s'explique principalement par la baisse des taux d'intérêt et, dans une moindre mesure, par une diminution de l'imposition nominale, que ne compense pas la hausse de la prime de dette. La baisse observée pour les activités mobiles est plus élevée que celle observée pour les activités fixes du fait de la révision à la hausse de la valeur de long terme retenue pour le taux d'endettement,
Décide :
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