IV. - Absence de pression concurrentielle sur les prix de la terminaison d'appel
Outremer Télécom est puissant sur le marché de la terminaison d'appel. Au surplus, il n'existe quasiment pas de pression concurrentielle sur les prix de sa terminaison d'appel. Cette situation pourrait l'amener à pratiquer des prix de monopole en l'absence de régulation.
Une telle situation justifie la mise en place d'une obligation de contrôle des prix conformément à l'article L. 38 (I, 4°) du CPCE et l'article 13 de la directive « Accès ».
Pour démontrer que l'imposition d'une telle obligation est justifiée, l'Autorité définit dans un premier temps les coûts de référence sur la base de règles d'allocation répondant aux objectifs qui lui ont été fixés (partie IV-1).
S'agissant des charges de terminaison d'appel, l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel justifie la mise en place d'un contrôle tarifaire consistant en une interdiction de pratiquer des tarifs excessifs (partie IV-2.1).
S'agissant des prestations d'accès aux sites, le contrôle tarifaire se traduit également par une obligation de refléter les coûts correspondants.
IV-1. Détermination des coûts de référence : règles d'allocation et niveaux
La décision n° 2005-0960 de l'ARCEP en date du 8 décembre 2005 définit les modalités d'application de l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposée à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif.
Il s'agit de définir, dans le contexte des règles retenues dans cette décision, les coûts de référence qui permettent d'éclairer les niveaux actuels de charge de terminaison d'appel vocal d'Outremer Télécom.
L'économie d'un opérateur mobile est décrite en annexe A. La formation et l'allocation des coûts sont détaillées ci-après. Les principes généraux retenus sont rappelés en partie IV-1.1, et les parties IV-1.2 et IV-1.3 sont consacrées à la formation et à l'allocation des coûts de réseaux et des coûts commerciaux, qui constituent les principaux coûts d'un opérateur mobile.
La partie IV-1.4 analyse la nature et l'allocation des coûts communs. Plusieurs opérateurs ont évoqué dans leurs réponses aux consultations publiques antérieures une allocation de ces coûts communs en fonction des principes dits de Ramsey-Boiteux. Cette partie explique pourquoi l'Autorité n'a pas retenu une telle approche dans son analyse.
IV-1.1. Principes généraux
Les principes généraux sont définis dans la directive « Accès » et le code des postes et des communications électroniques (IV-1.1.1). Les coûts de référence sont les coûts d'un opérateur efficace (IV-1.1.2), en utilisant une valorisation pertinente de l'actif (IV-1.1.3). Les coûts sont en outre allouables à trois prestations principales, correspondant à deux sources de revenu (IV-1.1.4).
IV-1.1.1. Directive « Accès » et CPCE
Le considérant 20 de la directive « Accès » dispose :
« Lorsqu'une autorité réglementaire nationale calcule les coûts engagés pour établir un service rendu obligatoire par la présente directive, il convient de permettre une rémunération raisonnable du capital engagé, y compris les coûts de main-d'oeuvre et de construction, la valeur du capital étant adaptée, le cas échéant, pour refléter l'évaluation actualisée des actifs et de l'efficacité de la gestion. La méthode de récupération des coûts devrait être adaptée aux circonstances en tenant compte de la nécessité de promouvoir l'efficacité et une concurrence durable et d'optimaliser les profits pour le consommateur. »
L'alinéa 2 de l'article 13 indique :
« Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que tous les mécanismes de récupération des coûts ou les méthodologies de tarification qui seraient rendues obligatoires visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur. »
Il ressort de la directive « Accès » que l'imposition d'un contrôle de prix et l'allocation des coûts sous-jacente doivent promouvoir l'efficacité économique.
En outre, le premier principe d'allocation des coûts est le principe de causalité. Selon ce principe, un coût doit être alloué à la prestation qui a induit ce coût. Néanmoins, afin d'« optimiser les avantages pour le consommateur », d'autres éléments peuvent être pris en considération.
L'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques précise, quant à lui, que l'Autorité doit veiller à la mise en oeuvre de méthodes qui « promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».
IV-1.1.2. Coûts de référence : les coûts d'un opérateur efficace
Les lignes directrices adoptées par l'Autorité en 2001 se fondaient sur les coûts historiques, c'est-à-dire les coûts tels qu'ils sont reflétés par la comptabilité de l'opérateur. De ce fait, la topologie du réseau et, de façon générale, les choix d'exploitation et de dimensionnement de l'opérateur n'étaient pas mis en cause.
Les opérateurs mobiles ont déployé leur réseau dans un contexte fortement concurrentiel et ont connu une croissance très rapide de leur trafic. Ils pourraient donc être considérés comme efficaces, au regard de ce qu'aurait été l'économie d'un opérateur théorique déployant un réseau sur la base des meilleures techniques et méthodes d'ingénierie actuellement disponibles. Par conséquent, l'appréciation de l'efficacité économique des opérateurs mobiles sur la base des coûts historiques comptables était appropriée et ne présentait pas d'inconvénients.
L'Autorité considère que ces conclusions ne sont pas fondamentalement remises en causes par les évolutions récentes du secteur. Cependant, elle estime qu'il est important de pouvoir faire référence aux coûts d'un opérateur efficace agissant dans des conditions équivalentes, de manière à établir une tarification juste économiquement et incitative à l'efficacité. Ceci peut conduire notamment à ne pas prendre en compte les choix historiques de l'opérateur qui se seraient révélés inefficaces, et à considérer par exemple une méthodologie dite des coûts moyens incrémentaux de long terme dans une approche de modélisation dite bottom-up.
De la même manière, dans la continuité de la décision n° 2001-458 susvisée et en l'état actuel de l'examen de la pertinence des méthodes envisageables de valorisation d'actifs, l'Autorité a décidé dans la décision n° 2005-0960 de maintenir à ce stade la méthode des coûts historiques pour la restitution des éléments de coûts et de revenus des opérateurs concernés.
IV-1.1.3. Valorisation des actifs
Les équipements de réseau supportant les activités de l'opérateur correspondent à une dépense d'investissement ; cette dépense est répartie dans le temps en fonction de la durée de vie probable des équipements. Le coût d'investissement des actifs s'apprécie donc annuellement. Ce coût annuel correspond à la perte de valeur irréversible des équipements au cours de l'année considérée, il est égal à la somme des amortissements enregistrés en charge d'exploitation de l'année et de la rémunération du patrimoine immobilisé. L'évaluation de la perte de valeur devrait être conforme aux conventions comptables adoptées par les opérateurs et certifiées par les commissaires aux comptes.
L'évaluation du coût de capital des actifs de réseau repose sur une méthode comptable. Celle-ci utilise la durée de vie comptable de l'équipement, sa valeur nette comptable, un taux de rémunération du capital et la valeur des amortissements de l'année selon la formule suivante :
At = (1 + k)* Kt-l - Kt
Le coût annuel de capital (At) se compose de deux termes :
(i) le coût d'usage du capital (dépréciation) : Kt-l - Kt ;
(ii) la rémunération k*Kt-l du capital immobilisé Kt-l au taux de rémunération k.
Ainsi, à titre illustratif, un commutateur (MSC) d'une valeur de 4 millions d'euros, amorti comptablement sur huit ans, en tenant compte d'un taux de rémunération du capital (k) de 15 %, a un coût de capital, la cinquième année, se décomposant de la manière suivante :
Tableau 1 : exemple de calcul de coût annuel de capital d'un actif (source : décision ART n° 2001-458).
La méthode employée requiert de déterminer un taux de rémunération du capital. Celui-ci doit être conforme à la rémunération normalement exigée par les créanciers et les actionnaires. Son évaluation est fondée sur la méthode du modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (cf. annexe 2 des lignes directrices de la décision n° 2001-458).
Dans cette méthode, le coût des capitaux propres fait notamment appel à un facteur ß mesurant le risque systématique des fonds propres. Une attention particulière sera portée à l'évaluation de ce facteur dans le secteur des mobiles. En ce qui concerne la durée de vie des équipements, il appartient aux opérateurs de fournir les éléments relatifs à la révision des plans d'amortissement initialement approuvés par les commissaires aux comptes et de présenter l'impact d'un amortissement exceptionnel ou d'une provision sur le coût annuel de capital.
Le taux de rémunération du capital représentatif du risque lié à l'activité mobile en France avait été évalué en 2001 à 17 % avant impôts. Une nouvelle estimation réalisée en 2004 évaluait à 15 % avant impôts.
IV-1.1.4. Principes généraux d'allocation des coûts
Afin d'allouer les coûts, on peut distinguer trois prestations principales qu'un opérateur mobile offre à son client :
- l'accès à son réseau, c'est-à-dire la connexion à un réseau qui lui permet de communiquer et d'être joint partout à l'intérieur des zones de couverture de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le nombre de clients.
- les communications sortantes qui sont passées par le client final de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic sortant.
- les communications entrantes ou la réception d'appel à destination du client mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic entrant.
On peut donc distinguer les coûts directement liés à chacune de ces trois prestations, des autres coûts. Les coûts liés directement à une prestation sont les coûts incrémentaux de production (18) de ce service. Les « autres coûts » sont alors considérés comme les coûts communs, au sens large du terme.
Néanmoins, l'opérateur ne dispose que de deux sources de revenus principales : la facturation des appels sortants (revenu de détail), et la facturation des appels entrants (revenu de gros). Ces coûts directs et ces coûts communs doivent donc être de nouveau alloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels entrants ou sortants.
Conformément au principe de causalité, les coûts directement alloués aux communications sortantes sont recouvrés par la facturation des appels sortants, de même que les coûts directement alloués aux communications entrantes sont recouvrés par la facturation des appels entrants.
En revanche, les coûts directement alloués à l'accès au réseau, ainsi que les coûts communs, doivent être réalloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels sortants ou des appels entrants. Pour cela, il doit être pris en compte le fait que les appels sortants sont facturés à l'abonné mobile qui appelle, alors que les appels entrants sont facturés à l'opérateur voulant terminer un appel sur le réseau mobile.
Les coûts de production sont composés principalement des coûts de réseau et des coûts d'interconnexion. Ces derniers étant directement allouables au service causant ces coûts, parmi les coûts de production, seuls les coûts de réseau nécessitent une étude détaillée.
L'allocation des coûts de réseau, des coûts commerciaux et des coûts communs est étudiée dans les parties suivantes.
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