- Exposé des faits
a) Le dispositif de la décision n° 2004-376 de l'Autorité
en date du 4 mai 2004
L'article 1er de la décision n° 2004-376 de l'Autorité, en date du 4 mai 2004, se prononçant sur un différend entre Outremer Télécom et France Télécom relative à la fourniture d'une offre de service d'interconnexion de liaison louée de transport impose à France Télécom de « proposer à Outremer Télécom un service d'interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis-de-la-réunion et un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 1 550 euros mensuels par Mbit/s, en vue de la signature d'une convention d'interconnexion quatre semaines au plus tard après la notification de la présente décision ». Il est précisé que « les frais d'accès au service de cette offre [doivent] refléter les coûts de mise en service de la prestation ».
La portée de cette disposition peut être éclairée par divers passages des motifs de la décision. Il ressort ainsi du corps de la décision que l'offre de liaison louée de transport, qui doit être « spécifiquement adaptée aux opérateurs », « est une condition sine qua non à la commercialisation [par Outremer Télécom] d'offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion ».
La décision a été notifiée à France Télécom et à Outremer Télécom par courrier du chef du service juridique, en date du 7 mai 2004. France Télécom a accusé réception de ce courrier le 11 mai 2004.
b) Les offres de liaison louée de transport entre la Réunion et la métropole
proposées par France Télécom à Outremer Télécom les 7 juin et 30 juillet 2004
Les propositions de France Télécom transmises à Outremer Télécom les 7 juin et 30 juillet 2004 comportaient les éléments suivants :
(i) Description des offres
Il ressort des pièces du dossier que France Télécom propose à Outremer Télécom de bénéficier d'un service d'interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à la Réunion et un site de France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris. Il permet à Outremer Télécom de relier la Réunion à la métropole en utilisant notamment l'infrastructure du câble sous-marin SAT3/WASC/SAFE, dans la limite de la capacité disponible pour France Télécom sur ce câble.
Ce service consiste en la mise à disposition par France Télécom d'une capacité de transmission permanente entre le centre de France Télécom ouvert au service d'aboutement (CFTSA) situé à la Réunion et un autre CFTSA situé à Paris. Pour chaque CFTSA, la liaison louée de transport est prolongée jusqu'au point de présence d'Outremer Télécom par un service d'aboutement.
Dans l'offre du 7 juin 2004, les débits disponibles pour les liaisons louées de transport étaient de 2 et 155 Mbit/s.
Par une offre spécifique d'interconnexion de liaison louée de transport du 30 juillet 2004, France Télécom a proposé à Outremer Télécom une liaison à 45 Mbit/s. Un bon de commande pour une liaison de ce débit a été signé le 2 septembre 2004 par Outremer Télécom.
Les sites extrémités retenus sont le CFTSA du Port à la Réunion et le CFTSA de Pastourelle, situé à Paris.
(ii) Grille tarifaire de l'offre
(prix HT en euros au 7 juin et au 30 juillet 2004)
(iii) Qualité de service pour les liaisons louées de transport
Sur les garanties de temps de rétablissement (GTR), l'article 9.3.1 du projet de contrat de liaison louée de transport dispose que : « l'existence de contraintes géographiques particulières et/ou la nécessité de mettre en oeuvre des moyens spéciaux entre la métropole et la Réunion empêche France Télécom de fournir une garantie de temps de rétablissement. »
c) La demande de sanction de la société Outremer Télécom,
enregistrée le 4 novembre 2004
L'Autorité a été saisie le 4 novembre 2004 d'une demande de sanction présentée par la société Outremer Télécom sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, à l'encontre de France Télécom.
La société Outremer Télécom reproche à la société France Télécom de ne pas avoir respecté l'article 1er de la décision n° 2004-376 précitée.
La saisine comporte quatre volets.
En premier lieu, Outremer Télécom soutient que, si la décision n° 2004-376 précitée « ne précise pas l'insertion [...] d'une GTR ou d'une garantie de qualité, le refus de fourniture de ces garanties doit être regardé comme un manquement de France Télécom dans l'exécution de la décision, dès lors que ces clauses constituent par nature l'accessoire indispensable de la prestation principale de fourniture du service d'interconnexion ». Elle considère que « le refus de fourniture par France Télécom d'une GTR de 4 heures ou de toute autre clause garantissant la qualité de service constitue à la fois la violation par France Télécom de ses obligations réglementaires ainsi qu'un défaut de conformité de l'offre à la Décision, de nature à justifier l'imposition par l'Autorité d'une sanction pécuniaire proportionnée à sa gravité ».
En second lieu, Outremer Télécom indique que « le tarif proposé par France Télécom pour les liaisons à 45 Mbit/s n'apparaît pas conforme aux évaluations effectuées par l'Autorité dans sa décision et au principe d'orientation vers les coûts des tarifs ». Elle relève à cet égard que « les tarifs de cette offre apparaissent comme une simple multiplication du tarif des liaisons à 2 Mbit/s, sans aucune dégressivité au volume ».
En troisième lieu, Outremer Télécom ajoute qu'elle « imagine mal que les filiales de France Télécom ne disposent pas d'une offre bénéficiant de la sécurisation en anneaux que permet l'existence de deux câbles sous-marins se sécurisant mutuellement ». Elle considère que le refus de le faire bénéficier d'une GTR en 4 heures, alors que « France Télécom bénéficie d'une sécurisation en anneaux en cas de coupure d'un des câbles sous-marins, constitue [...] un manquement à la décision [...] laquelle se fondait nécessairement tant sur l'architecture en anneaux [...] que sur l'obligation de non-discrimination ».
Enfin, elle avance que France Télécom « a attendu le 7 juin 2004 pour proposer un projet d'offre censé permettre à France Télécom de se conformer à la Décision, soit au terme du délai de six semaines mentionné dans la Décision, alors que ce délai était prescrit [...] "en vue de la signature d'une convention six semaines au plus tard après la notification de la décision ». Elle en conclut que « le seul envoi de l'offre après ce délai constitue tout autant un manquement par France Télécom à ses obligations ».
Outremer Télécom soutient que « le manquement de France Télécom présente par nature un caractère de gravité en ce qu'il constitue une pratique discriminatoire contraire aux obligations particulières incombant à France Télécom et en ce qu'il intervient au terme de discussions destinées à prévenir [France Télécom] des conséquences de ses agissements ».
d) L'instruction de la procédure de sanction
formulée par la société Outremer Télécom
Par un courrier du chef du service juridique en date du 10 novembre 2004, France Télécom a été informée de l'ouverture d'une procédure de sanction à son encontre, à la demande de la société Outremer Télécom, pour non-exécution de l'article 1er de la décision n° 2004-376 de l'Autorité, en date du 4 mai 2004.
Par un courrier en date du 28 décembre 2004, les rapporteurs ont adressé un questionnaire à la société France Télécom et fixé au 14 janvier 2005 la date de clôture de remise des réponses.
Par un courrier enregistré le 14 janvier 2005, France Télécom a communiqué des éléments de réponse au questionnaire des rapporteurs.
Par un courrier enregistré le 9 février 2005, France Télécom a communiqué à l'Autorité l'offre de rétablissement initiale proposée à Outremer Télécom le 25 janvier 2005.
Par un courrier en date du 27 janvier 2005, les rapporteurs ont convoqué France Télécom à une audition qui s'est tenue le 17 février 2005.
Par un courrier en date du 24 février 2005, les rapporteurs ont adressé, pour observations, un projet de compte rendu de l'audition du 17 février 2005.
Par un courrier enregistré le 3 mars 2005, Outremer Télécom a informé notamment l'Autorité de la panne qui affecte sa liaison depuis le 13 janvier 2005 et joint le courrier du 24 février 2005 par lequel elle formule des observations sur l'offre de rétablissement faite par France Télécom le 25 janvier 2005.
Par une correspondance en date du 16 mars 2005, France Télécom a répondu au courrier d'Outremer Télécom du 3 mars 2005.
Par un courrier enregistré le 9 mars 2005, France Télécom a communiqué ses observations sur le projet de compte rendu de l'audition du 17 février 2005.
Par un courrier en date du 16 mars 2005, les rapporteurs ont adressé à France Télécom le compte rendu de l'audition du 17 février 2005, annexant ses observations.
France Télécom, par une lettre en date du 23 mars 2005, a indiqué ne pas être « en mesure de signer un compte rendu qui ne reflète pas la réalité des propos tenus par France Télécom lors de cette réunion ».
Par un courrier en date du 25 mars 2005, France Télécom communique à l'Autorité une nouvelle offre de rétablissement des liaisons louées de transport entre la Réunion et Paris.
L'Autorité, par une lettre en date du 30 mars 2005, transmet à France Télécom, pour information, le compte rendu définitif de l'audition.
Par un courrier en date du 1er avril 2005, les rapporteurs ont adressé un second questionnaire à la société France Télécom.
Par un courrier enregistré le 5 avril 2005, France Télécom a répondu au questionnaire et communiqué copie de la nouvelle proposition tarifaire faite à Outremer Télécom le 25 mars 2005 pour l'offre de liaison louée de transport.
Par un courrier enregistré le 5 avril 2005, Outremer Télécom a répondu au questionnaire et formulé des observations sur le compte-rendu de l'audition de France Télécom et différents documents adressés par France Télécom à l'Autorité et à Outremer Télécom.
A la suite de l'instruction du dossier, il a été considéré que cette dernière n'avait pas respecté l'article 1er de la décision n° 2004-376 précitée.
Dans ces conditions, par un courrier du chef du service juridique en date du 25 avril 2005, l'Autorité a transmis à France Télécom le rapport d'instruction établi par les rapporteurs, contenant l'exposé des faits et des griefs retenus à son encontre.
Il ressort de ce rapport que, « même si le contenu de l'offre de liaison louée de transport proposée par France Télécom, complétée par l'offre de rétablissement en date du 25 mars 2005, apparaît désormais acceptable au regard des manquements invoqués par la société Outremer Télécom et de la décision n° 2004-376, [...] ladite offre a été proposée tardivement à Outremer Télécom ».
Les rapporteurs font ainsi « grief à la société France Télécom de ne pas avoir exécuté dans sa totalité la décision n° 2004-376 de l'Autorité en date du 4 mai 2004, en ce que :
- la communication tardive à Outremer Télécom d'une offre de liaison louée de transport ne permettait pas aux parties de bénéficier d'un délai raisonnable en vue de la signature d'une convention d'interconnexion quatre semaines au plus tard après la notification de la décision n° 2004-376 ;
- France Télécom s'est ensuite livrée à des manoeuvres dilatoires dans les négociations portant sur la qualité de service et le rétablissement des liaisons livrées ; ces manoeuvres ont conduit :
- à une signature tardive, le 2 septembre 2004, d'un bon de commande pour une liaison 45 Mbit/s, repoussant d'autant l'ouverture commerciale du service de la société Outremer Télécom ;
- à une première proposition tardive, d'une offre de rétablissement, le 25 janvier 2005, soit 260 jours après la notification de la décision. »
Ainsi, les rapporteurs ont écarté le manquement invoqué par la société Outremer Télécom selon lequel « le tarif proposé par France Télécom pour les liaisons à 45 Mbit/s n'apparaît pas conforme aux évaluations effectuées par l'Autorité dans sa décision et au principe d'orientation vers les coûts des tarifs ». Ils ont en effet considéré, étant donné que la décision n° 2004-376 se limitait à fixer le tarif du mégabit, qu'il ne pouvait être reproché à France Télécom de tarifer ses offres de liaisons louées à 2, 45 et 155 Mbit/s sur la base du tarif du Mbit/s multiplié par le nombre de Mbit/s de chaque liaison.
En effet, l'article 1er de la décision n° 2004-376 de l'Autorité en date du 4 mai 2004, en disposant que « France Télécom devra proposer à Outremer Télécom un service d'interconnexion de liaison louée de transport [...] au tarif de 1 550 euros mensuels par Mbit/s », se limite à fixer le tarif du mégabit.
Dès lors, Outremer Télécom n'apporte pas d'éléments suffisamment probants et circonstanciés de nature à démontrer que France Télécom ne fait pas une stricte application de la décision lorsqu'elle tarifie ses offres de liaisons louées à 2, 45 et 155 Mbit/s sur la base du tarif du mégabit multiplié par le nombre de mégabits de chaque liaison.
Dans ces conditions, il ne semble pas qu'il puisse être envisagé de sanctionner France Télécom pour le manquement invoqué ci-avant.
Par ailleurs, au regard de l'instruction du dossier, les rapporteurs ont également écarté le manquement invoqué par la société Outremer Télécom relatif au refus de France Télécom de la faire bénéficier d'une garantie de temps de rétablissement de quatre heures, constitutif selon elle d'un manquement à la décision au regard du principe de non-discrimination. Ils ont en effet considéré, compte tenu des pièces du dossier, que cette affirmation n'était assortie d'aucun élément suffisamment précis de nature à la rendre probante.
- Les échanges entre les parties sur les griefs établis
à l'encontre de France Télécom
a) Sur le grief relatif à la communication tardive
de l'offre de liaison louée de transport
(i) Sur la communication de l'offre
A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes.
France Télécom souligne que « la décision n° 2004-376 ne comportait aucun délai quant à la communication de l'offre de liaison louée de transport ». Elle se réfère alors à un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 septembre 1996 qui prévoit qu'une injonction « est d'interprétation stricte et doit être formulée en des termes clairs, précis et exempts d'incertitude quant à son exécution ». Elle ajoute que ce principe est « également constant en droit communautaire, qui le défend sur le terrain du principe général de sécurité juridique, en énonçant que toute norme [...] doit être claire, précise, certaine et d'application prévisible ».
France Télécom note que les rapporteurs relèvent que la transmission du contrat de liaison louée de transport aurait dû intervenir dans un délai « suffisant » et « raisonnable », sans mentionner « ce qui en l'espèce au regard du délai de quatre semaines imparti par l'Autorité aurait constitué un délai "raisonnable ».
France Télécom se réfère ensuite à l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques qui dispose que « lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 [...] », l'Autorité peut prononcer à son encontre une sanction.
Aucun délai n'ayant été fixé par l'Autorité dans sa décision n° 2004-376, France Télécom en déduit « qu'aucun grief ne saurait [...] valablement être soulevé à son encontre sur ce fondement ». Elle ajoute « qu'en communiquant l'offre de liaison louée de transport dans le délai de quatre semaines, France Télécom a mis Outremer Télécom en position de contractualiser et s'est ainsi conformée à la décision n° 2004-376 ».
La société Outremer Télécom a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom.
Outremer Télécom considère qu'il s'infère nécessairement du délai de contractualisation de quatre semaines un délai à l'intérieur duquel l'offre de liaison louée de transport aurait dû lui être transmise.
Outremer Télécom estime par ailleurs que les arguments développés par France Télécom visent en réalité à contester la précision de l'injonction de l'Autorité, alors que sa décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 7 décembre 2004, qui lui confère l'autorité de la chose jugée.
Outremer Télécom considère que la communication par France Télécom d'une offre dans un délai raisonnable au regard du délai de contractualisation ne constitue « nullement une dénaturation ou un ajout au texte même de l'injonction », et estime que la communication de l'offre la veille du délai prévu pour la contractualisation constitue un envoi tardif, n'intervenant pas dans un délai raisonnable, notion par ailleurs parfaitement établie selon elle.
(ii) Sur la contractualisation de l'offre
A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes :
En premier lieu, France Télécom souligne « le caractère par nature imprévisible et aléatoire de la contractualisation ». Elle ajoute que l'Autorité « n'a mis aucune obligation à la charge d'Outremer Télécom quant à la signature de la convention » et que cette dernière « conservait [...] la possibilité de reporter sine die la signature du contrat ».
France Télécom précise à cet égard « qu'il a fallu près de deux semaines à Outremer Télécom pour prendre connaissance de l'offre et adresser ses premières remarques à France Télécom et près de seize semaines » pour accepter son offre.
En second lieu, France Télécom avance que « la formulation de l'injonction retenue par l'Autorité dans la décision n° 2004-376 diffère de sa pratique décisionnelle qui met naturellement en pareil cas des obligations à la charge des deux parties ». France Télécom fait référence à des décisions antérieures de l'Autorité se prononçant sur des différends.
Elle en conclut que « la non contractualisation de l'offre de liaison louée de transport ne saurait être [...] être imputée à France Télécom, la signature du contrat dépendant des deux parties ». La société Outremer Télécom a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom :
Outremer Télécom indique sur l'absence de contractualisation dans le délai de quatre semaines que le seul fait que France Télécom ait transmis sa convention le jour même de l'expiration du délai de signature de la convention ne lui permettait pas de prendre connaissance de l'offre en vue de sa négociation et encore moins de la signer.
Outremer Télécom indique par ailleurs que le seul fait que France Télécom ait enfin fait droit à certaines de ses demandes de modifications de l'offre conduit bien à démontrer que l'offre présentée le 7 juin 2004 ne permettait pas de conclure une convention conforme à la décision à cette date et que France Télécom n'a pas mis Outremer Télécom en situation de signer une convention conforme à la décision à l'expiration du délai qui y était fixé.
En conséquence, Outremer Télécom considère qu'en en lui transmettant son offre seulement le jour même de l'expiration du délai prévu pour sa contractualisation, France Télécom se rend coupable d'une inexécution de la décision au titre de cette communication tardive.
Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005, en réponse aux observations de Outremer Télécom du 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et considère, en l'absence de définition par l'Autorité du délai de transmission de l'offre et au regard du principe d'interprétation stricte des injonctions, avoir respecté ladite décision en communiquant à la société Outremer Télécom l'offre de liaison louée de transport dans le délai de contractualisation, la mettant ainsi en situation de signer.
b) Sur la fourniture d'une offre de garantie
de temps de rétablissement
A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes :
France Télécom relève que la prestation imposée par l'Autorité dans sa décision « ne prévoyait pas de garantie de temps de rétablissement ». Elle souligne également que les rapporteurs ont considéré qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir fourni une garantie de temps de rétablissement sur le fondement d'une décision qui n'incluait pas expressément une telle garantie dans l'offre de liaison louée.
Elle en déduit qu'il « ne saurait lui être imputé des pratiques tendant à des manoeuvres dilatoires conduisant [...] à une proposition tardive de garantie de temps de rétablissement ».
France Télécom se réfère alors à nouveau au principe d'interprétation stricte des injonctions tel qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris et en déduit « qu'aucun grief de non-respect d'injonction ne saurait valablement pouvoir être poursuivi ».
La société Outremer Télécom a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom :
Outremer Télécom indique que, quand bien même le dispositif de la décision de l'Autorité ne prévoyait pas expressément que l'offre de France Télécom devait prévoir une solution de sécurisation, l'ensemble des débats qui ont précédé l'adoption de la décision de l'Autorité ont montré qu'une solution de sécurisation était intrinsèque à l'offre de France Télécom.
Outremer Télécom estime que l'Autorité doit aller au-delà de la notification des griefs et considérer que France Télécom, qui était tenue par la décision n° 2004-376 d'intégrer dans son contrat de fourniture de liaisons louées une solution de sécurisation permettant à Outremer Télécom d'offrir à ses clients sur le marché de détail des services concurrentiels, notamment par rapport à ceux de France Télécom et ses filiales, manque gravement à cette obligation en refusant à Outremer Télécom de lui accorder « une solution de sécurisation conforme à l'état de l'art (GTR 4 heures proposée par Mauritius Télécom, par exemple) ou a minima non discriminatoire par rapport aux solutions de sécurisation mises en place par France Télécom pour ses services concurrentiels de ceux d'Outremer Télécom ».
Pour conclure, Outremer Télécom demande donc à l'Autorité de sanctionner France Télécom en application des dispositions de l'article L. 36-11 du code précité.
Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005, en réponse aux observations de Outremer Télécom le 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et précise que, s'agissant du grief relatif à la sécurisation, Outremer Télécom n'apporte aucun élément au soutien du grief soulevé par les rapporteurs et tente de faire ressurgir des éléments qu'ils avaient écartés, tels que la discrimination.
En outre, France Télécom indique que les arguments visant à aller « au-delà de la notification des griefs » doivent être rejetés car l'Autorité ne saurait prononcer une sanction en application de l'article L. 36-11 sur le fondement des griefs non retenus dans le rapport.
c) Conclusions des parties
Au regard de la notification de ces griefs, la société France Télécom, à travers son courrier en date du 9 mai 2005, souligne pour conclure « qu'aucun des griefs soulevés par les rapporteurs ne sont justifiés » et que « l'Autorité ne saurait [la] sanctionner en application de l'article L. 36-11 du code » précité pour non-respect de la décision n° 2004-376.
Pour conclure, Outremer Télécom considère dans son courrier en date du 12 mai 2005 que les explications de France Télécom renforcent la démonstration de ses manquements dans l'exécution de la décision de l'Autorité et justifient les griefs retenus par les rapporteurs. Outremer Télécom demande donc à l'Autorité de sanctionner France Télécom en application des dispositions de l'article L. 36-11 du code précité.
Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005, en réponse aux observations d'Outremer Télécom du 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et précise que l'interprétation faite par les rapporteurs de la décision n° 2004-375 les conduit à formuler des griefs non justifiés. France Télécom renvoie pour conclure à ses conclusions tendant au rejet par l'Autorité des griefs soulevés par les rapporteurs.
- Audience des parties en date du 31 mai 2005
Les arguments et les prétentions des parties développés par les parties lors de l'audience du 31 mai 2005 sont similaires à ceux préalablement évoqués.
- Analyse par l'Autorité
a) Sur le grief relatif à la communication tardive
de l'offre de liaison louée de transport
L'article 1er de la décision imposait à France Télécom de « proposer à Outremer Télécom un service d'interconnexion de liaison louée de transport [...], en vue de la signature d'une convention quatre semaines au plus tard après la notification de la [...] décision ». Ladite notification datant du 11 mai 2004, le délai prenait fin le 7 juin 2004.
En adressant à la société Outremer Télécom une offre seulement le 7 juin 2004, soit le dernier jour utile, France Télécom rendait extrêmement difficile la concrétisation d'un accord dans le délai imparti.
L'Autorité observe que la transmission de l'offre est cependant intervenue dans le délai de quatre semaines prescrit par la décision n° 2004-376 de l'Autorité.
Ainsi, l'Autorité estime que le caractère tardif de la transmission de l'offre de France Télécom ne constitue pas en l'espèce un manquement explicite à la décision n° 2004-376 précitée.
b) Sur le grief relatif à la sécurisation
L'article 1er de la décision n° 2004-376 imposait à la société France Télécom de proposer à Outremer Télécom « un service d'interconnexion de liaison louée de transport [...] au tarif de 1 550 euros mensuels par Mbit/s, en vue de la signature d'une convention d'interconnexion quatre semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d'accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation ».
L'Autorité relève que la décision susmentionnée ne prévoit pas qu'une garantie de temps de rétablissement de quatre heures constitue un corollaire indispensable à l'offre de liaison louée de transport. Dès lors, il ne saurait être reproché à France Télécom de ne pas avoir fourni une garantie de temps de rétablissement, a fortiori de quatre heures, sur le fondement d'une décision qui n'inclut pas expressément une telle garantie.
A contrario, il ressort des dispositions de la décision n° 2004-376 que l'offre de liaison louée de transport devait permettre à Outremer Télécom de proposer des « offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion ». L'offre de liaison louée de transport devait donc être formulée de manière à permettre à Outremer Télécom de bénéficier d'une sécurisation normale de ses liaisons, compatible avec une activité d'opérateur.
L'Autorité constate à cet égard que France Télécom a proposé une offre de sécurisation le 25 janvier 2005, puis l'a précisée et complétée le 25 mars 2005. En proposant une telle offre de rétablissement, France Télécom respecte, de manière tardive, l'esprit de la décision n° 2004-376 du 4 mai 2005.
Simultanément, France Télécom a proposé une évolution du tarif des liaisons louées de transport. L'Autorité note que les nouveaux tarifs proposés par France Télécom, pour les liaisons louées et pour l'option de sécurisation, sont significativement inférieurs au montant plafond indiqué par la décision n° 2004-376.
L'Autorité note également que France Télécom a indiqué lors de l'audience être en mesure de proposer aux opérateurs alternatifs, et la société Outremer en particulier, une offre de liaisons louées sur la « route est » du câble, permettant - pour un coût supérieur - une sécurisation complète et instantanée des liaisons louées.
L'Autorité estime que les évolutions tarifaires proposées par France Télécom, l'offre de sécurisation et son accord de principe pour la fourniture d'une liaison louée sur la « route est » du câble constituent un ensemble de prestations satisfaisantes sur le marché de gros des liaisons louées de transport entre la Réunion et la métropole.
Dans ces conditions, l'Autorité estime que le caractère tardif de la formulation de cette offre complète est compensé par le fait que France Télécom, ayant visiblement changé de stratégie, a décidé de pratiquer des tarifs d'offre de gros inférieurs au plafond de la décision initiale.
Il résulte de ce qui précède que l'Autorité, au regard de ces circonstances, n'estime pas nécessaire de sanctionner sur ce point la société France Télécom au titre de la méconnaissance de la décision n° 2004-376.
Par ces motifs :
L'Autorité, au regard de l'instruction du dossier, considère que les pratiques dénoncées par la société Outremer Télécom à l'encontre de la société France Télécom ne doivent pas faire l'objet d'une sanction,
Décide :
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