JORF n°62 du 14 mars 2003

PRESTATION D'ACCÈS MVNO

BSC (Base Station Controller) : cet équipement, appelé contrôleur de station de base, commande une ou plusieurs BTS (Base Transceiver Station : cet équipement, appelé station de base, assure la modulation/démodulation du signal radio et gère la ressource radio).
HLR (Home Location Register) : cette base de données fournit des indications sur la localisation des abonnés et contient les caractéristiques de leur abonnement.
MSC (Mobile Switching Center) : cet équipement est un commutateur mobile.
Dans ce modèle, le MVNO émet ses propres cartes SIM, dispose de sa propre base de données (HLR) et d'éléments de coeur de réseau qui lui sont propres. D'un strict point de vue d'architecture technique, la prestation s'apparente à de l'itinérance par laquelle sont accueillis sur le réseau radio de l'opérateur mobile hôte, les clients titulaires d'une carte SIM enregistrés dans la base de données HLR d'un autre acteur. En outre, le MVNO est responsable de l'interconnexion avec les autres réseaux ouverts au public nationaux et internationaux.

III. - Sur les fins de non-recevoir opposées
par la société Orange France

Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. (...) »
La société Orange France, dans ses observations en défense, soutient que l'Autorité est incompétente pour statuer sur la demande présentée par la société Télé2 France SA, car elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, elle estime que la demande de Télé2 France SA ne relève, ni du régime de l'interconnexion, ni de l'accès au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.
III-1. La prestation demandée par la société Télé2 France SA ne constituerait pas une prestation d'interconnexion.
L'article 2 de la directive 97/33/CE susvisée définit l'interconnexion comme : « a) (...) la liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par le même organisme ou un organisme différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs du même ou d'un autre organisme ou d'accéder aux services fournis par un autre organisme. Les services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties qui ont accès au réseau. »
L'article L. 32 (9°) du code des postes et télécommunications dispose que : « On entend par interconnexion les prestations réciproques offertes par deux exploitants de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent.
On entend également par interconnexion les prestations d'accès au réseau offertes dans le même objet par un exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au public. »
Il résulte des dispositions combinées de l'article 2 de la directive 97/33/CE et de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications que l'interconnexion aux réseaux de télécommunications ouverts au public a, par le biais de prestations réciproques, pour objet de permettre et de garantir à tous les utilisateurs (c'est-à-dire les clients existants des opérateurs) de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent et d'accéder aux services de fournisseurs de services tiers.
Or, il ressort des pièces du dossier que la prestation MVNO demandée par la société Télé2 France SA a pour finalité de lui permettre de fournir un service à ses seuls clients, et non pas de permettre la communication entre les clients de différents opérateurs. Il s'ensuit qu'une telle prestation ne saurait être regardée comme une prestation d'interconnexion au sens du 9° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunicatons, notamment au regard du critère de réciprocité des prestations.
En outre, il ressort également des pièces du dossier que la prestation MVNO demandée par la société Télé2 France SA est à titre principal constituée par l'accueil des clients mobile de Télé2, équipés de cartes SIM Télé2 France SA sur le réseau mobile d'Orange France.
Cette prestation est, du point de vue de la configuration technique, similaire à la prestation d'itinérance sur l'ensemble du réseau permettant l'accueil des clients d'un opérateur mobile sur le réseau d'un opérateur mobile tiers.
Or, l'Autorité rappelle que la définition de l'itinérance ne figure pas dans les dispositions du code des postes et télécommunications. Elle constate que la Commission européenne a considéré, dans le cadre d'une analyse relative à la qualification juridique de cette notion, que l'itinérance ne constituait pas une liaison physique et logique des réseaux de télécommunication et ne relevait donc pas de l'interconnexion au sens de l'article 2 de la directive 97/33/CE susvisée. Dans son analyse juridique, la Commission soutient que : « L'itinérance ne relève pas de l'interconnexion au sens de l'article 2.1 de la directive « Interconnexion » : cela ne constitue pas une liaison physique et logique entre deux réseaux de télécommunications telle que définie par cette disposition. L'itinérance constitue pour un opérateur de réseau l'obligation de garantir l'accès et de permettre l'usage d'un service aux abonnés d'un autre opérateur, conformément aux dispositions d'un accord signé entre les deux opérateurs. Le fait que l'itinérance permet aux utilisateurs d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs d'un autre organisme ou d'accéder aux services fournis par un autre organisme, ne constitue pas le facteur déterminant pour qualifier l'itinérance d'interconnexion au sens de l'article 2 : il doit y avoir une liaison physique et logique entre les deux réseaux. L'itinérance concerne essentiellement la connexion d'un terminal avec le réseau d'un autre opérateur et les arrangements commerciaux signés à cette fin. (...) La transmission de signaux nécessaire pour l'itinérance ne peut pas être considérée comme de l'interconnexion. »
Par conséquent, contrairement à ce qu'expose la société Télé2 France SA, la prestation MVNO demandée par Télé2 France SA, permettant à un opérateur d'utiliser le réseau d'un opérateur mobile en vue de fournir son propre service téléphonique mobile au public, ne peut relever du régime juridique de l'interconnexion au sens de l'article 2 de la directive 97/33/CE précitée.
III-2. La prestation demandée par la société Télé2 France SA ne constituerait pas un accord d'accès spécial au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.
L'Autorité relève que les dispositions de la directive 97/33/CE précitée qui a été adoptée le 30 juin 1997 ne sont pas suffisamment explicites pour permettre expressément de leur rattacher les prestations particulières d'accueil des clients d'un opérateur sur un réseau hôte telles que la prestation qui consiste à accueillir les clients de la société Télé2 France SA sur la partie radio du réseau de la société Orange France.
En effet, l'article 4, paragraphe 2, de cette même directive prévoit que : « les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et des services de télécommunications accessibles au public tels qu'ils sont définis à l'annexe I et qui sont puissants sur le marché répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l'accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ».
A contrario, les dispositions de la nouvelle directive 2002/19/CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, définissent de façon explicite et large la notion d'accès en faisant en particulier une référence expresse et non exclusive à la notion d'itinérance. En effet, l'article 2 de cette même directive définit l'accès comme « la mise à la disposition d'une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment (...) l'accès aux réseaux fixes et mobiles, notamment pour l'itinérance ».
Ainsi, il ressort des dispositions de l'article 2 de la directive 2002/19/CE précitée que la prestation demandée par la société Télé2 France SA pourra être assimilée à une prestation d'accès.
Toutefois, l'Autorité constate que les dispositions de la directive 2002/19/CE précitée n'appartiennent pas aujourd'hui au droit positif et n'ont pas encore été transposées dans le code des postes et télécommunications, compte tenu des termes de l'article 18 de cette même directive. En effet, cet article prévoit que : « Les Etats membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et adminstratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 24 juillet 2003. (...) Ils appliquent ces dispositions à partir du 25 juillet 2003 ».
Dans ces conditions, la société Télé2 France SA ne peut pas, dans le cadre du présent règlement de différend, se prévaloir des dispositions de la directive 2002/19/CE précitée qui ne sont pas applicables à la date de la présente décision.
En outre, aux termes du IV de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : « Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a, b et c du 7° de l'article L. 36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, (...). Ils répondent également aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs. (...). » Par une décision n° 2001-1206 en date du 14 décembre 2001, la société Orange France a été désignée, pour l'année 2002, comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie mobile ; Orange France est ainsi inscrite sur la liste établie en c du 7° de l'article L. 36-7 et, à ce titre, est concernée par les dispositions susvisées.
Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, parmi les services de télécommunications tels que définis au 6° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications que la société Télé2 France SA souhaite offrir, figure, à titre principal, la fourniture d'un service téléphonique au public. Il s'ensuit qu'une telle activité relève du service téléphonique au public, au sens du 7° de l'article L. 32 de ce même code.
Or, il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société Orange France, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application du c du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, n'est pas tenue de faire droit à la demande d'accès d'un fournisseur de services de télécommunications au titre de la fourniture d'un service téléphonique au public. Les termes de l'article L. 34-8 précité mentionnent explicitement comme bénéficiaires de l'accès au réseau d'un opérateur figurant sur la liste établie en application du c du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, les utilisateurs et les fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public.
Ainsi, en vertu de l'article L. 34-8 précité, la demande de la société Télé2 France SA ne saurait relever du régime actuel de l'accès et ainsi constituer une demande d'accès spécial, en tant que Télé2 France SA fournit, à titre principal, au travers de cette prestation, le service téléphonique au public.
Dans ces conditions, l'Autorité ne peut pas retenir la qualification d'accès en l'état du droit positif en vigueur, au regard du rapprochement entre, d'une part, les termes généraux de la directive 97/33 susvisée qui, sans être restrictifs, ne comportent aucune indication expresse tendant à établir l'assimilation à l'accès de prestations d'accueil des clients sur un réseau hôte et, d'autre part, les dispositions actuelles de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, qui excluent que la fourniture du service téléphonique au public puisse se faire au travers d'une prestation d'accès ou d'accès spécial.
Il résulte de tout ce qui précède que la demande de règlement de différend susvisée présentée par la société Télé2 France SA ne saurait être accueillie en application des dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

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A ce stade, l'Autorité souligne que, dans le nouveau cadre juridique qui résultera de la transposition de la directive 2002/19/CE susvisée, les conditions d'une éventuelle intégration d'activité de type MVNO dans la dynamique du marché du mobile pourront être évaluées en intégrant un ensemble d'éléments qui n'auraient pu l'être en tout état de cause sur la base du dossier dont elle était saisie.
Cette évaluation pourra tirer parti des enseignements issus des anlyses de marchés que l'Autorité aura à entreprendre en application des dispositions de l'article 16 de la directive « cadre » 2002/21/CE du 7 mars 2002.
Elle sera aussi fonction de l'état du développement du multimédia mobile qui vient à peine de s'engager et de son impact sur l'intensité et le renouvellement des formes de la concurrence dans le domaine du mobile, à partir d'un acquis qui doit être préservé et développé.
Elle aura également à tenir compte de la juste conciliation qui doit être opérée, comme le soulignait la Commission dans sa communication du 22 août 1998 relative à l'application des règles de concurence aux accords d'accès, entre le droit d'accès et le droit pour un propriétaire d'exploiter son infrastructure à son propre avantage. Cette considération est d'autant plus importante dans le domaine en cause que les investissements matériels et commerciaux liés à l'évolution du multimédia en général, et au passage à la troisième génération en particulier, sont lourds et s'inscrivent dans un contexte financier difficile.
Il y aura lieu de prendre en considération l'impact technique de l'accueil du MVNO et ses conséquences en termes de capacité et donc d'investissements supplémentaires, qui peuvent varier selon la position des opérateurs hôtes sur le marché considéré.
Enfin, l'observation et l'analyse par tous les acteurs concernés des évolutions du marché devraient permettre de mieux cerner les formes de MVNO les plus susceptibles de jouer un rôle dynamique et créateur de valeur dans le développement de la concurrence. L'Autorité entend suivre attentivement ces évolutions et poursuivre sa réflexion sur ce thème en liaison avec l'ensemble des acteurs,
Décide :

Article 1

La demande de règlement de différend susvisée présentée par la société Télé2 France SA est rejetée.

Article 2

Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Télé2 France SA et Orange France la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi, et publiée au Journal officiel de la République française.