- Exposé des moyens
Dans sa saisine, enregistrée le 12 juillet 1999, Télécom Développement, après avoir exposé les raisons de nature commerciale la conduisant à vouloir disposer d'interconnexions aux CA sécurisées, rappelle l'historique de ses discussions avec France Télécom concernant sa demande d'une sécurisation des raccordements aux CA.
Elle expose ensuite les raisons pour lesquelles elle considère que les propositions de France Télécom émises dans le cadre de ces discussions ne répondent pas à son attente : la première proposition, qui s'appuie sur un mécanisme manuel, ne garantit pas un rétablissement du service dans un délai permettant à Télécom Développement de satisfaire ses engagements de qualité de service vis-à-vis des clients finaux ; la deuxième, utilisant des ressources réservées dédiées à Télécom Développement, d'une part ne permet pas de garantir un niveau de qualité suffisant du fait du dimensionnement proposé, d'autre part, expose Télécom Développement à un surcoût estimé « anti-économique » ; la troisième utilisant une diversité d'acheminements, n'est pas une solution de sécurisation puisqu'elle n'offre pas d'acheminement de secours au trafic coupé et ne permet de conserver que le trafic ne transitant pas par ce CA.
Elle expose ensuite les moyens au soutien de sa demande de sécurisation par débordement automatique des raccordements aux CA.
Elle estime ainsi :
- qu'une sécurisation aux CA est nécessaire pour satisfaire les obligations de qualité de service qui s'imposent à tout opérateur. Le cahier des charges de Télécom Développement lui impose en effet de mettre en oeuvre « les protections et redondances nécessaires pour garantir une qualité et une disponibilité de services satisfaisantes » ;
- que les obligations de sécurité prévues par le cadre réglementaire imposent à France Télécom d'accéder à la demande de Télécom Développement puisque l'article D. 99-9 du code des postes et télécommunications prévoit que « les accords d'interconnexion précisent au minimum au titre des caractéristiques techniques des services d'interconnexion la qualité des prestations fournies : disponibilité, sécurisation, efficacité, synchronisation » ;
- les obligations de non-discrimination pesant sur France Télécom conduisent à ce que la solution de sécurisation aux CA proposée à Télécom Développement assure aux clients de Télécom Développement le même niveau de sécurisation que lorsqu'ils utilisent les services de France Télécom. En effet, France Télécom est tenue, notamment en application de l'article D. 99-12, de fournir l'interconnexion dans des conditions non discriminatoires, y compris vis-à-vis de ses propres services. Or, d'après les informations dont dispose Télécom Développement, une partie significative du trafic interne de France Télécom est acheminée directement sur des liaisons reliant ses différents CA et, en cas de défaillance d'une telle liaison, France Télécom dispose d'une solution de sécurisation pour son propre trafic acheminant celui-ci par les CT.
Télécom Développement soutient ensuite que sa solution est simple et équitable :
- elle s'inscrit dans l'architecture existante de France Télécom puisqu'elle s'appuie sur un mécanisme de même nature que celui mis en oeuvre par France Télécom pour son propre trafic. En particulier, France Télécom peut mettre en place un mécanisme sans qu'il soit nécessaire de dédier des liaisons entre le CT et le CA concernés, dans la mesure où ses liens CT/CA sont déjà surdimensionnés pour assurer la sécurisation du trafic interne de France Télécom ;
- elle permet de répartir les coûts totaux de réacheminement entre les parties en fonction de leurs responsabilités respectives dans l'origine des dysfonctionnements. Télécom Développement rappelle à cet égard qu'elle demande que ces coûts soient déterminés par la voie d'un audit effectué par un tiers indépendant des parties.
En conclusion, Télécom Développement demande à l'Autorité :
- « de dire que la solution de sécurisation de l'interconnexion aux CA présentée par Télécom Développement le 31 mai 1999 répond à un besoin légitime de l'opérateur optant pour l'interconnexion de son réseau avec celui de France Télécom aux CA d'offrir une garantie de continuité de service satisfaisante à ses clients, conformément aux engagements de permanence des services résultant de l'article 2.1 du cahier des charges joint à son arrêté d'autorisation et que les conditions techniques et financières présentées par le projet d'avenant établi à cet effet par France Télécom et adressé à France Télécom le 31 mai 1999 sont équitables ;
- en conséquence, de décider que France Télécom et Télécom Développement devront conclure un avenant à leur convention d'interconnexion en date du 30 janvier 1998 en tous points conforme au texte proposé par Télécom Développement à France Télécom le 31 mai 1999, dans les quinze jours suivant la notification de la décision de l'Autorité. »
Le projet d'avenant proposé par Télécom Développement peut se résumer ainsi :
Sur le système de sécurisation pour l'interconnexion aux CA :
Pour le trafic sortant (TD vers FT), TD réachemine automatiquement - en cas de coupure de l'interconnexion à un CA - le trafic à destination des abonnés de ce CA vers le PRO de la zone de transit de ce CA, ou, le cas échéant, vers un autre PRO ;
Pour le trafic entrant (FT vers TD), France Télécom réachemine automatiquement le trafic émanant des abonnés de CA à destination de TD vers le PRO de la zone de transit correspondante.
Sur les délais de mise en oeuvre :
Pour les interconnexions effectuées plus de trente jours après la signature de l'avenant : à la date d'ouverture des interconnexions ;
Pour les autres sites (déjà interconnectés ou interconnectés dans les trente jours suivant la signature de l'avenant) : dans un délai de six semaines suivant la signature de l'avenant.
Sur les conditions financières :
Pendant une période transitoire d'une durée de six mois maximum, TD paye, en cas de dysfonctionnement de l'interconnexion à un CA, l'ensemble du trafic sortant et entrant acheminé via le PRO au tarif simple transit (quelle que soit la partie responsable du dysfonctionnement de l'interconnexion) ;
Au cours de cette période transitoire, un auditeur indépendant des parties réalise un audit en vue de déterminer les coûts encourus par chacune d'entre elles du fait de la mise en oeuvre de la solution de sécurisation, ainsi que les volumes de trafic réacheminés en moyenne par CA en précisant les causes de dysfonctionnement et l'opérateur responsable. L'auditeur pourra également proposer des solutions alternatives ou des améliorations de la solution de sécurisation. Les frais de l'audit sont partagés à parts égales entre les parties ;
A l'issue de la période transitoire, les surcoûts constatés par l'audit sont répartis entre les parties au prorata de l'imputabilité des causes de dysfonctionnement tenant compte des volumes concernés ;
Des audits ultérieurs dont la périodicité sera déterminée à l'issue du premier rapport d'audit permettront de réviser le cas échéant les conditions financières en fonction de l'évolution des paramètres.
Dans son mémoire en défense, enregistré le 13 août 1999, France Télécom donne sa vision de l'historique des négociations entre les parties et corrige la version donnée par Télécom Développement sur certains points. France Télécom souligne en particulier que Télécom Développement n'a jamais exprimé quantitativement ses besoins en termes d'objectifs de sécurisation et de qualité de service associée.
France Télécom précise ensuite son interprétation du cadre réglementaire concernant la qualité de service et la sécurisation :
-
Les obligations de qualité de service contenues dans les cahiers des charges avancées par Télécom Développement ne constituent que des obligations de moyens. Il serait en particulier irréaliste de s'engager sur des résultats puisqu'il est difficile, voire impossible, de garantir que le réseau ne fera jamais l'objet de dérangement ;
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La solution préconisée par Télécom Développement dépasse largement les obligations réglementaires de France Télécom imposées au titre de l'article D. 99-9 du code des postes et télécommunications. D'une part, le droit communautaire ne définit pas de conditions concrètes de sécurisation des réseaux et ne règle que les situations d'accidents extrêmes, laissant les autorités réglementaires nationales réglementer en matière d'incidents plus mineurs ou de pannes et imposer, le cas échéant, des obligations plus strictes aux opérateurs dominants. Toutefois, en vertu du principe de proportionnalité, l'Autorité ne peut imposer à France Télécom des mesures de sécurité qui dépasseraient de manière significative les obligations du droit communautaire en étant disproportionnées et manifestement dissymétriques en comparaison avec les autres opérateurs. D'autre part, le cadre réglementaire français, et notamment l'article D. 99-7 du code des postes et télécommunications ainsi que le cahier des charges annexé à l'arrêté du 18 mars 1998, ne met en aucun cas à la charge de France Télécom une obligation de résultat quant à la qualité de service qu'elle doit fournir dans le cadre de l'interconnexion.
De plus, France Télécom considère que Télécom Développement n'est en aucune manière fondée à reprocher à France Télécom de « manquer aux obligations qui s'imposent à elle » dans le cadre des dispositions légales et réglementaires existantes, telles qu'exposées ci-dessus pour les raisons suivantes :
- chaque partie étant responsable à l'interface d'interconnexion de l'écoulement du trafic relevant de sa responsabilité et l'opérateur responsable de l'écoulement du trafic l'étant aussi de la production de l'interface, des liens d'interconnexion ainsi que de la qualité de service et de la sécurisation de son trafic à l'interface, il en résulte que toute solution visant à sécuriser le trafic relevant de sa responsabilité doit être mise en place par l'opérateur concerné sur sa propre architecture et avec les charges correspondantes. De plus, la qualité de service et la sécurisation associée représentent des éléments spécifiques à chaque opérateur, différenciant sa propre politique par rapport à celle des autres opérateurs ;
- France Télécom s'est engagée à ne pas dépasser à l'interconnexion un seuil maximal de 0,7 % de taux d'échec des appels, obligation qui ne pèse pas sur les autres opérateurs et qui représente un objectif beaucoup plus ambitieux que celui prévu par les normes en vigueur ;
- France Télécom a prévu, que ce soit dans son catalogue d'interconnexion ou via des offres négociées, un certain nombre de dispositions permettant à l'opérateur tiers de réaliser la sécurisation découlant de sa responsabilité (sécurisation de la transmission entre POP et PRO ou CA, sécurisation du commutateur de l'opérateur, sécurisation PRO...). Ces dispositions sont en outre complétées par de nouvelles mesures intégrées dans la proposition de catalogue pour l'an 2000 transmise par France Télécom à l'Autorité le 29 juillet 1999 ;
- le nombre total d'incidents sur des liens d'interconnexion entre Télécom Développement et France Télécom sur CA, correspondant à des incidents qualifiés de majeurs, sont au nombre de trois et ont conduit à 2 000 appels rejetés, ce qui, compte tenu du trafic d'interconnexion de Télécom Développement avec France Télécom, conduit à un taux d'échec réseau des appels bien inférieur à ceux en vigueur au niveau international. De plus, la qualité de service de l'interface au CA n'apparaît pas très sensiblement inférieure à celle de l'interface au PRO.
France Télécom soutient ensuite que les solutions de sécurisation qu'elle propose respectent le principe de non-discrimination dans la mesure où elles sont équivalentes (eu égard aux différences dans l'architecture des réseaux) à celles qu'elle met en place pour sa propre sécurisation.
A l'appui de cette affirmation, France Télécom expose tout d'abord les solutions qu'elle utilise pour sécuriser son réseau : sécurisation par diversité d'acheminement, sécurisation structurelle de la transmission, supervision permanente avec mise en oeuvre d'actions correctives. Elle considère donc inexact de dire qu'elle fonde sa politique de protection sur le débordement au niveau du RTC. En particulier, l'usage du débordement reste limité compte tenu de la sécurisation structurelle de la transmission, et le niveau de qualité de service actuel n'est en aucune manière atteint grâce à cette seule solution et au surdimensionnement des faisceaux.
Elle considère ensuite que les commutateurs de Télécom Développement peuvent être assimilés à des CT de France Télécom et souligne qu'elle-même assure la sécurisation des interconnexions CT-CA par un tri apparentement de CTS sur un CA.
Elle conclut que « les mesures de protection mises en place par FT pour sécuriser son trafic sont multiples et variées mais, en tout état de cause, ne s'appuient pas sur une politique de débordement de trafic par surdimensionnement des faisceaux. Par ailleurs, les opérateurs ont à leur disposition un ensemble de mesures leur permettant de sécuriser leur interface dans les mêmes conditions. Compte tenu de tous ces éléments, le refus de France Télécom de laisser le trafic de Télécom Développement déborder sur les faisceaux et ressources propres de France Télécom ne saurait constituer une pratique discriminatoire par rapport à la pratique de France Télécom ».
France Télécom expose ensuite les raisons la conduisant à considérer comme inacceptable la demande de Télécom Développement :
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La solution préconisée par Télécom Développement revient à un transfert de responsabilités, en faisant assumer à France Télécom les charges liées à la politique de sécurisation que Télécom Développement voudrait offrir à ses clients. En particulier, les motifs réels du débordement demandé par Télécom Développement sont une absence de sécurisation sur les moyens d'interconnexion dont Télécom Développement a la responsabilité ;
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La solution préconisée par Télécom Développement présente trois inconvénients majeurs pour le réseau de France Télécom qui ont des impacts sur l'ensemble des utilisateurs de ce réseau, clients et opérateurs : elle conduit à des surcoûts puisque France Télécom serait amenée à surdimensionner ses faisceaux afin de faire face aux débordements des opérateurs tout en maintenant la qualité de service ; elle entraîne des difficultés de gestion de réseau et de maîtrise de qualité de service puisqu'il deviendra difficile à France Télécom de planifier et de programmer son réseau pour faire face à ces débordements de volume et de fréquence imprévisibles ; elle présente des risques de blocage du réseau en cas de généralisation du processus ;
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Cette solution est inéquitable envers France Télécom, puisqu'elle consiste à lui transférer la responsabilité de la sécurisation incombant à Télécom Développement ; envers les autres opérateurs qui, n'étant pas interconnectés aux CA, ne pourraient bénéficier d'une telle offre tout en subissant les conséquences en termes de surcoût et de dégradation de qualité de service ; et, enfin, envers les opérateurs qui auraient investi dans une bonne sécurisation de leur transmission de leur commutateur ;
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Cette solution de débordement pour cause de panne ne peut être mise en oeuvre techniquement car elle ne pourrait que conduire France Télécom à assumer le sous-dimensionnement des faisceaux d'interconnexion au CA de Télécom Développement. En effet, le débordement automatique ne permet pas de distinguer les différentes causes, pannes ou surcharges du faisceau ;
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Cette solution ne peut être comparable aux cas de travaux programmés ni répondre à un objectif de sécurisation ; un débordement temporaire et maîtrisé ne peut en effet se comparer à un mécanisme automatique aléatoire.
France Télécom, après avoir indiqué que, pour répondre à des besoins il faut avoir des attentes claires et que Télécom Développement n'a jamais précisé son objectif précis en termes de sécurisation, décrit les solutions qu'elle propose aux opérateurs en termes de sécurisation de transmission et de sécurisation de commutateur d'interface.
Elle rappelle ensuite les propositions faites à Télécom Développement dans le cadre des négociations ainsi que les objections de cette dernière :
- proposition 1 : sécurisation semi-automatique, plan de secours déclenché après contact entre les entités de supervision. Elle souligne qu'elle utilise de tels plans pour ses propres services à valeur ajoutée et considère que cette proposition est suffisante compte tenu de l'occurrence des pannes ;
- proposition 2 : débordement du trafic d'interconnexion sur CA, vers CTS sur des ressources dédiées à cet effet. Elle précise, en réponse à une objection formulée par Télécom Développement dans sa saisine, que le nombre de BPN dédiés peut varier en fonction des objectifs de sécurisation de l'opérateur ;
- proposition 3 : sécurisation par diversité d'acheminements.
Elle souligne concernant ces deux dernières offres que Télécom Développement n'a jamais apporté de démonstration de leur caractère « totalement anti-économique ».
Il apparaît donc selon elle que « France Télécom met à la disposition des opérateurs un ensemble de solutions ou de dispositions suffisantes permettant de répondre à l'ensemble de leurs besoins de sécurisation et leur permettant de choisir les briques de base qui leur conviennent en fonction du niveau de sécurisation de l'interface d'interconnexion recherché » et que « force est de constater que Télécom Développement devrait trouver dans toute cette palette de possibilités une solution répondant à ses attentes ».
En conclusion, France Télécom demande à l'Autorité :
- « à titre principal, de dire que le mécanisme de sécurisation de l'interconnexion aux CA présenté par Télécom Développement ne peut être imposé à France Télécom dans le cadre de ses obligations ;
- à titre subsidiaire, de dire que l'opérateur, qui est responsable du trafic sur l'interface d'interconnexion, est également responsable de la sécurisation sur cette interface et doit, par voie de conséquence, en assumer l'ensemble des charges correspondantes. »
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