Le comité de règlement des différends et des sanctions,
- Saisine du comité de règlement des différends et des sanctions
Par une saisine enregistrée le 22 avril 2016 sous le numéro 01-40-16, la société Nucleosun, dont le siège social est situé 41, rue de Villeneuve à Saint-Hilaire-de-Riez (85 270), représentée par M. B…, demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (« le comité ») de prononcer une sanction à l'encontre de la société ERDF, devenue Enedis, en raison du non-respect par cette dernière de la décision n° 05-38-14 du comité du 15 avril 2015.
Elle soutient :
- que par sa décision n° 05-38-14 du 15 avril 2015, le comité a enjoint à la société ERDF, devenue Enedis, de refaire l'ensemble des études électriques pour chacun des quatre projets photovoltaïques de la société Nucleosun, et de lui transmettre, dans un délai de deux mois, une nouvelle proposition technique et financière pour chaque projet, ou une proposition unique, après avoir recueilli son accord ;
- qu'en dépit de cette décision de règlement de différend devenue définitive, la société Enedis n'a transmis à la société Nucleosun aucune nouvelle proposition de raccordement.
- Instruction de la demande de sanction
Par une décision du 13 mai 2019, le président du comité a désigné M. DE LAROSIERE DE CHAMPFEU (ci-après « membre désigné ») pour l'instruction de la demande de sanction présentée par la société Nucleosun, en application de l'article R. 134-30 du code de l'énergie.
Par des lettres du 20 décembre 2019, le membre désigné a transmis aux sociétés Nucleosun et Enedis la décision le désignant pour l'instruction de la demande de sanction et a demandé à ces sociétés de lui indiquer les mesures qui ont été prises pour parvenir à l'exécution de la décision du comité du 15 avril 2015.
Par une lettre du 28 janvier 2020, la société Enedis s'interroge sur la recevabilité du recours présentée par la société Nucleosun, au regard des moyens qui y sont développés. Elle indique que la société Nucleosun avait exprimé, à l'occasion d'une procédure conduite devant le tribunal de commerce de Nanterre, clôturée par un jugement du 20 juillet 2018 devenu définitif, qu'elle avait abandonné le projet photovoltaïque en cause. La société Enedis ajoute avoir formellement adressé quatre propositions techniques et financières de raccordement à la société Nucleosun, le 3 janvier 2017, dont elle a adressé copie au membre désigné.
Par des lettres du 5 mars 2020, le membre désigné a invité la société Enedis et la société Nucleosun à lui transmettre leurs éventuelles nouvelles observations.
Par une lettre du 30 mars 2020, la société Enedis soutient que le dossier déposé le 27 janvier 2020 par la société Nucleosun sur la plateforme électronique du greffe du comité sous la rubrique « demande de sanction » est incomplet, puisqu'il ne contient que l'une des quatre propositions de raccordement qu'elle lui avait adressées. Elle considère que ce dépôt de pièces ne peut s'analyser comme une nouvelle saisine du comité, puisque, déposée plus de trois ans après les faits, elle serait prescrite en application des dispositions de l'article L. 134-33 du code de l'énergie. Elle serait en outre irrecevable, faute de respecter les formalités de l'article R. 134-29 du code de l'énergie.
Par un courrier du 22 juin 2020, le membre désigné a invité la société Nucleosun à s'expliquer sur l'éventuel abandon de ses projets de centrales photovoltaïques.
Par un courriel du 6 juillet 2020, la société Nucleosun a indiqué que l'abandon des projets résultait de l'inaction de la société Enedis s'agissant de l'assurance du bénéfice du tarif d'achat. Elle soutient en effet qu'elle avait demandé à la société Enedis d'avoir la certitude de bénéficier d'un tarif d'achat en cas d'acceptation des propositions techniques et financières, mais qu'elle n'avait pas eu de réponse à ce sujet. Elle affirme qu'il n'y avait aucun intérêt à payer les propositions techniques et financières en janvier 2017 sans avoir la possibilité de vendre l'électricité produite à EDF OA au tarif d'achat.
Par un courrier du 20 juillet 2020, le membre désigné a invité la société Enedis à présenter ses éventuelles observations sur les dernières écritures de la société Nucleosun.
Par un courrier du 17 août 2020, la société Enedis indique, d'une part, que la question de la perte du tarif d'achat est hors du champ de la décision du comité et qu'il n'y a pas lieu d'examiner cet argument dans le cadre de la présente procédure. Elle soutient en outre que cet argument avait déjà été soulevé par la société Nucleosun devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui a jugé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Enedis.
- Notification des griefs
3.1. Rappel de la procédure suivie par le membre désigné
L'article L. 134-28 du code de l'énergie prévoit que : « Les sanctions énumérées à l'article L. 134-27 sont également encourues, sur saisine des parties au règlement de différend, du ministre chargé de l'énergie, du président de la Commission de régulation de l'énergie, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou de toute autre personne concernée, lorsque le gestionnaire, l'opérateur, l'exploitant ou l'utilisateur d'un réseau, d'un ouvrage ou d'une installation ou le fournisseur d'électricité ou de gaz naturel mentionné à l'article L. 134-25 ne s'est pas conformé dans les délais requis à une décision prise par le comité en application des articles L. 134-20 et L. 134-22, sans qu'il y ait lieu de le mettre préalablement en demeure. »
Aux termes de l'article R. 134-30 du même code : « Pour chaque affaire, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité chargé, avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie, de l'instruction. Le cas échéant, ce membre adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 134-26 et notifie les griefs. Il peut ne pas donner suite à la saisine. / Ce membre peut entendre, s'il l'estime nécessaire, toute personne susceptible de contribuer à son information, y compris la personne poursuivie. » L'article R. 134-32 du même code prévoit notamment : « La notification des griefs mentionne les sanctions éventuellement encourues et le délai pendant lequel la personne concernée par cette notification peut consulter le dossier et présenter des observations écrites. / Après la notification des griefs, le membre du comité désigné en application de l'article R. 134-30 transmet l'ensemble des pièces du dossier d'instruction ainsi que cette notification au président du comité de règlement des différends et des sanctions. »
Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur du comité : « S'il y a lieu, le membre désigné notifie les griefs, les sanctions encourues et la sanction qu'il entend proposer au comité de règlement des différends et des sanctions. Cette notification est adressée à la personne mise en cause qui dispose d'un délai ne pouvant pas être inférieur à quinze jours pour présenter au comité de règlement des différends et des sanctions ses observations écrites. »
3.2. Grief retenu par le membre désigné
Par une décision du 21 septembre 2020, le membre désigné a notifié des griefs à la société Enedis. Il fait grief à la société Enedis de ne pas avoir transmis à la société Nucleosun, en application de l'article 2 de la décision du comité du 15 avril 2015, une proposition technique et financière pour chacun des quatre projets photovoltaïques de cette société et de lui proposer de les traiter de manière groupée, si celle-ci le souhaite, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision soit à la date du 25 août 2015.
Le membre désigné fait valoir que la société Enedis n'a transmis une proposition technique et financière à la société Nucleosun que le 3 janvier 2017, soit avec un retard d'un an et cinq mois (497 jours), sans que ce retard paraisse pouvoir être expliqué par des obstacles techniques insurmontables. Il estime qu'il appartiendra au comité, après avoir apprécié si l'action est prescrite au regard de l'article L. 134-33 du code de l'énergie, de tirer les conséquences d'un tel retard.
Conformément aux dispositions de l'article R. 134-32 du code de l'énergie, la société Enedis a été invitée par la notification des griefs à présenter ses observations en réponse avant le 22 octobre 2020 et à consulter le dossier.
Par un courrier électronique en date du 28 septembre 2020, la société Enedis a demandé à consulter le dossier.
Le 2 octobre 2020, la société Enedis a eu accès à l'ensemble des pièces du dossier de la notification des griefs au sein des locaux de la Commission de régulation de l'énergie. Un exemplaire papier contenant l'ensemble des pièces du dossier a également été remis.
- Observations en réponse à la notification des griefs
Par des observations en réponse du 21 octobre 2020, la société Enedis soutient :
- à titre principal, que la saisine du comité par la société Nucleosun est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, que l'absence de transmission à la société Nucleosun d'une proposition technique et financière dans le délai imparti par la décision du comité du 15 avril 2015 est justifiée par la circonstance que la société Nucleosun avait déjà abandonné son projet lorsque cette décision a été rendue. En outre, elle a cru de bonne foi que la société Nucleosun avait renoncé à obtenir des propositions techniques et financières compte tenu du comportement qu'elle a adopté à son égard après l'adoption de la décision du 15 avril 2015. Elle s'est néanmoins attachée à transmettre à la société Nucleosun les propositions techniques et financières en cause dès lors que cette dernière l'a, par une lettre du 13 décembre 2016, mise en demeure de les lui transmettre ;
- qu'en ce qui concerne la sanction éventuellement prononcée à son encontre, le comité devrait adopter une sanction proportionnée au manquement constaté, à l'absence de dommage qui en a résulté pour la société Nucléosun et à l'absence d'avantage tiré par la société Enedis de l'exécution tardive de la décision du comité du 15 avril 2015.
- Procédure de sanction
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-25 à L. 134-34 et R. 134-29 à R. 134-37 ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 19 octobre 2020 par laquelle le président du comité a désigné M. David MASLARSKI rapporteur de l'affaire enregistrée le 22 avril 2016 sous le n° 01-40-16 ;
- le courrier électronique du 18 novembre 2020 par lequel la société Enedis a communiqué la liste des représentants assistant à la séance publique ;
Les sociétés Nucléosun et Enedis ayant été convoquées à la séance publique, qui s'est tenue par visio-conférence le 23 novembre 2020, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Hélène VESTUR et M. Nicolas MAZIAU, membres, après vérification de l'identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
M. Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU, membre désigné par le président du comité de règlement des différends et des sanctions,
M. Emmanuel RODRIGUEZ, adjoint à la directrice des affaires juridiques,
M. David MASLARSKI, rapporteur,
Les représentants de la société Enedis, assistés de Me DE POUZILHAC et de Me BERGEROT,
Le représentant de la société Nucléosun.
Les représentants des sociétés Enedis et Nucleosun ayant été informés qu'à tout moment, le président du comité peut décider de lever la séance pour qu'elle soit prorogée à une date ultérieure en cas de difficulté matérielle, notamment liée à la capacité de connexion de l'un des participants, ne permettant pas le déroulement normal de la séance.
L'ensemble des participants ayant confirmé la bonne qualité de la liaison électronique et avoir été informé des modalités de convocation à la séance publique.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. David MASLARSKI, présentant les conclusions et moyens des parties ;
- le rapport de M. Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU, présentant ses observations au soutien des griefs notifiés ;
- les observations de M. B… pour la société Nucléosun ;
- les observations de Me DE POUZILHAC pour la société Enedis ; la société Enedis persiste dans ses moyens et conclusions et soutient que les faits qui font l'objet de la procédure de sanction sont prescrits ;
Le président du comité ayant invité la personne mise en cause et l'auteur de la saisine à présenter des observations sur l'application de la prescription triennale à la procédure de sanction ;
La parole ayant été donnée à Me DE POUZILHAC pour la société Enedis en dernier.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que le membre désigné, le rapporteur, la partie mise en cause et les agents des services se sont retirés.
- Analyse du comité de règlement des différends et des sanctions
L'article L. 134-27 du code de l'énergie énumère les sanctions susceptibles d'être prononcées par le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie. Aux termes de l'article L. 134-28 du même code : « Les sanctions énumérées à l'article L. 134-27 sont également encourues lorsque le gestionnaire (…) d'un réseau (…) ne s'est pas conformé dans les délais requis à une décision prise par le comité en application des articles L. 134-20 et L. 134-22, sans qu'il y ait lieu de le mettre préalablement en demeure. »
Par une décision de règlement de différend n° 05-38-14 du 15 avril 2015 notifiée le 25 juin 2015, le comité, statuant sur le fondement de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, a décidé que la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), avait méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement de la société Nucleosun et a enjoint à la société ERDF « de refaire l'ensemble des études électriques pour chacun des projets, de transmettre à la société NUCLEOSUN une proposition technique et financière pour chacun des projets et le cas échéant de lui proposer de les traiter de manière groupée, si celle-ci le souhaite, dans un délai de deux mois. » Par la saisine visée ci-dessus, la société Nucleosun demande au comité de sanctionner la société ERDF, devenue Enedis au motif que cette dernière ne se serait pas conformée dans les délais requis à cette décision de règlement de différend.
Sur la prescription :
Aux termes de l'article L. 134-33 du code de l'énergie : « Le comité ne peut être saisi, ni se saisir, en vue du prononcé d'une sanction, de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait, pendant ce délai, aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. » Eu égard à la nature et à l'objet de la prescription ainsi instituée, le comité de règlement des différends et des sanctions doit vérifier, lorsqu'il statue sur les faits dont il a été saisi, que cette prescription triennale n'a pas été acquise.
En l'espèce, si le cours du délai de la prescription triennale instituée par les dispositions de l'article L. 134-33 du code de l'énergie citées ci-dessus a été interrompu le 22 avril 2016, date d'enregistrement de la saisine de la société Nucleosun tendant à ce qu'une sanction soit prononcée à l'encontre de la société Enedis, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'un acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits reprochés à la société Enedis ait été réalisé dans un délai de trois ans à compter de cette date. En particulier, ni la décision du 13 mai 2019 désignant le membre du comité chargé de l'instruction de l'affaire, ni celle du 18 décembre 2019 par laquelle ce membre a notifié des griefs à la société Enedis n'ont pu, en tout état de cause, influer sur l'écoulement du délai de prescription triennale, dès lors que ces actes sont postérieurs au 22 avril 2019, date à laquelle la prescription des faits litigieux a été acquise. Aucune autre cause interruptive ou suspensive de prescription ne ressort des pièces du dossier.
Dans ces conditions, il y a lieu pour le comité de constater d'office que les faits qui font l'objet de la présente procédure de sanction sont atteints par la prescription et de mettre par suite la société Enedis hors de cause.
Décide :
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