Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 27 juin 2011, sous le numéro 206-38-11, présentée par M. François DELOR ayant élu domicile au cabinet de Me Bertrand de Gerando, avocat au barreau de Paris, demeurant, 7, rue de Madrid, 75008 Paris.
M. DELOR a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que M. DELOR développe un projet de centrale photovoltaïque d'une puissance de 8,8 kVA, intégrée en toiture de son immeuble d'habitation, sur le territoire de la commune de Lisle, dans le département de la Dordogne (24350).
Le 29 septembre 2010, la société ERDF a adressé à M. DELOR une proposition de raccordement datée du 29 septembre 2010.
Le 3 décembre 2010, M. DELOR a envoyé signée une proposition de raccordement qui a été reçue le 9 décembre 2010 par la société ERDF.
Le 21 mars 2011, la société ERDF a adressé à M. DELOR un courrier précisant que sa demande de raccordement devait être renouvelée en application des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
Le 27 juin 2011, M. DELOR a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes.
Le 2 septembre 2011, le comité a décidé de suspendre l'instruction de la demande de M. DELOR jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur la légalité de ce décret.
Le 2 novembre 2011, M. DELOR a saisi la cour d'appel de Paris d'un recours tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 2 septembre 2011 et, d'autre part, à ce qu'il soit fait droit à sa demande de renvoi préjudiciel.
Le 8 novembre 2012, la cour d'appel a déclaré irrecevable le recours formé par M. DELOR.
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Dans ses observations, M. DELOR estime qu'il se voit opposer par la société ERDF un décret illégal en ce qu'il viole les principes de non rétroactivité des règlements, de sécurité juridique et de confiance légitime.
M. DELOR demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
― de faire droit à sa demande tendant au renvoi devant le Conseil d'Etat de la question préjudicielle suivante : le décret du 9 décembre 2010 est-il illégal pour violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité légitime et de confiance légitime, tels qu'exposés par M. DELOR devant le comité ?
― de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la saisine par l'une ou l'autre des parties de la juridiction de renvoi ;
― vu la décision du Conseil d'Etat à intervenir sur renvoi, de constater l'illégalité des dispositions du décret du 9 décembre 2010 sur lesquelles se fonde la société ERDF pour refuser à M. DELOR le raccordement de sa centrale photovoltaïque à la date du 5 janvier 2011 comme initialement programmée ;
― d'annuler en conséquence la décision de refus de raccordement prise par la société ERDF ;
― d'enjoindre à la société ERDF de reprendre la procédure de raccordement comme n'ayant jamais été suspendue et en prenant en compte, comme parfaitement valable, l'acceptation par M. DELOR, le 3 décembre 2010, de la proposition de raccordement ;
― de condamner la société ERDF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'instance.
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Par décision du 2 septembre 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la présente demande de règlement de différend.
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Par courrier du 4 septembre 2012, le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie a invité la société ERDF à présenter ses observations dans le cadre de la réouverture de l'instruction de la présente demande de différend.
Vu les observations en défense, enregistrées le 15 octobre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par la présidente de son directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocats, Me Michel Guénaire et Me Sylvain Bergès, cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, 22, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF estime que le comité n'est compétent pour statuer ni sur la demande de M. DELOR relative à la légalité du décret du 9 décembre 2010 précité, ni sur la demande de frais irrépétibles.
Elle ajoute que les demandes de M. DELOR sont devenues sans objet depuis la décision du Conseil d'Etat du 16 novembre 2011, dès lors que celui-ci a confirmé que le décret du 9 décembre 2010 respectait les principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de confiance légitime.
La société ERDF considère que l'absence de raccordement n'est pas une décision susceptible d'annulation par le CoRDiS.
La société ERDF demande donc au comité de règlement des différends et des sanctions :
A titre principal :
― de se déclarer incompétent pour statuer sur la demande tendant à enjoindre à la société ERDF de reprendre la procédure de raccordement comme n'ayant jamais été suspendue, en écartant les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― de se déclarer incompétent pour procéder au renvoi préjudiciel au Conseil d'Etat ;
― de se déclarer incompétent pour faire droit aux demandes de frais irrépétibles de M. DELOR ;
― de déclarer sans objet la demande de M. DELOR ;
― de déclarer irrecevable la demande de M. DELOR.
A titre subsidiaire :
― de constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
En conséquence :
― de rejeter la demande de M. DELOR.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 26 novembre 2012, présentées par M. DELOR.
M. DELOR soutient que le CoRDiS, qui doit être considéré comme une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs juridictionnels, est compétent pour renvoyer une question préjudicielle devant le Conseil d'Etat.
M. DELOR estime que le CoRDiS est également compétent pour apprécier la légalité du décret du 9 décembre 2010 et que, en tout état de cause, les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne sauraient s'appliquer à son projet d'installation dès lors qu'il a renvoyé, signées, avant le 10 décembre 2010, la proposition de raccordement ainsi que les conditions particulières du contrat de raccordement d'accès et d'exploitation (CRAE).
M. DELOR demande donc au comité de règlement des différends et des sanctions :
― de faire droit à sa demande de renvoyer devant le Conseil d'Etat la question préjudicielle suivante : le décret du 9 décembre 2010 est-il illégal pour violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité légitime et de confiance légitime, tels qu'exposés dans l'instance par M. DELOR devant le comité ?
― de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la saisine par l'une ou l'autre des parties de la juridiction de renvoi ;
― de, vu la décision du Conseil d'Etat à intervenir sur renvoi, constater l'illégalité des dispositions du décret du 9 décembre 2010 sur lesquelles se fondent la société ERDF pour refuser à M. DELOR le raccordement de sa centrale photovoltaïque à la date du 5 janvier 2011 comme initialement programmée ;
― d'annuler en conséquence la décision de refus de raccordement prise par la société ERDF,
en tout état de cause, vu l'illégalité du décret du 9 décembre 2010 ou sa non-application à la situation de M. DELOR :
― d'annuler en conséquence la décision de refus de raccordement prise par la société ERDF.
Dans tous les cas,
― d'enjoindre à la société ERDF de reprendre la procédure de raccordement comme n'ayant jamais été suspendue et en prenant en compte, comme parfaitement valable, l'acceptation par M. DELOR, le 3 décembre 2010, de la proposition de raccordement ;
― de valider la convention de raccordement et de déclarer que la société ERDF devra l'exécuter ;
― de condamner la société ERDF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'instance.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 14 janvier 2013, présentées par la société ERDF.
La société ERDF estime que la pièce n° 9 des observations en réplique de M. DELOR doit être écartée des débats dès lors qu'il s'agit d'une décision de justice britannique qui n'a pas fait l'objet d'une traduction en français.
Elle considère que la circonstance que le comité n'est pas une juridiction s'oppose à ce que ce dernier forme un renvoi préjudiciel devant la juridiction administrative. La société ERDF ajoute que le comité ne saurait en outre se prononcer lui-même sur les moyens de M. DELOR s'agissant de l'illégalité du décret du 9 décembre 2010, le Conseil d'Etat ayant écarté ces moyens dans sa décision du 16 novembre 2011.
La société ERDF soutient que l'acceptation par M. DELOR de l'offre de raccordement ne peut être susceptible de faire échec à l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010. Elle précise ainsi que refuser de considérer que l'offre de raccordement délivrée sous la forme d'une proposition de raccordement a le même effet qu'une proposition technique et financière reviendrait à méconnaître la volonté des auteurs du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF persiste dans ses précédentes conclusions.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 30 juin 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 240-38-11 ;
Vu les décisions n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 9 septembre 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, présidente, Mme Sylvie MANDEL et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Mathieu CACCIALI, représentant le directeur général et le directeur juridique empêchés ;
M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
M. DELOR, assisté de Me de Gerando ;
Le représentant de la société ERDF, assisté de Me Guénaire.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Thibaut DELAROCQUE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me de Gerando pour M. DELOR ; M. DELOR persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Guénaire pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 9 septembre 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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