La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 30 septembre 2020 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (CHU de Nantes, Structure fédérative de Recherche François Bonamy) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 30 juin 2021 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 6 et 23 août 2021 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 16 septembre 2021 ;
Le projet envisagé est en lien direct avec les résultats obtenus dans le cadre d'une précédente autorisation de protocole de recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines délivrée à l'équipe de Laurent David le 2 novembre 2015. Il s'inscrit dans un projet global de reprogrammation et de dérivation des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) en cellules naïves dans des conditions permettant de garder l'état de pluripotence, caractéristique de l'embryon ;
Le projet initial concernait l'étude de la qualité de la pluripotence des cellules souches embryonnaires humaines et de la modulation du degré de pluripotence via les conditions de culture, en utilisant des lignées de cellules souches embryonnaires humaines d'une part et des cellules directement prélevées chez l'embryon au stade de morula ou de blastocyste. Le renouvellement inclut également la dérivation des deux autres types cellulaires naturellement présents chez l'embryon pré-implantatoire au stade blastocyste : les cellules souches trophoblastiques (à l'origine du placenta) et les cellules souches de l'endoderme primitif (à l'origine de la vésicule vitelline), ainsi que l'analyse métabolique et transcriptomique de ces cellules. La dérivation et la caractérisation de ces différents types cellulaires apporteront des informations importantes sur les premières étapes du développement embryonnaire humain ;
La notion de pluripotence est éminemment variable. Les tests chez l'homme pour en apprécier la qualité et l'étendue sont très limités. La pluripotence des cellules souches embryonnaires murines n'est pas équivalente à celle des cellules souches embryonnaires humaines. La pluripotence des premières est proche de celle comparable à la pluripotence des cellules d'un embryon précoce (raison pour laquelle on les appelle cellules souches embryonnaires « naïves »), alors que les cellules souches embryonnaires humaines ont une pluripotence déjà restreinte, correspondant chez la souris au potentiel d'un embryon plus tardif (cellules dites EpiSC). On les appelle cellules « amorcées ». Ces éléments sont également applicables aux cellules souches pluripotentes induites (iPS) qui sont également de type « amorcé » ;
Plusieurs équipes essaient aujourd'hui de convertir des CSEh de type « amorcé » en cellules « naïves », au moyen de molécules et en modulant les conditions de culture. D'un point de vue thérapeutique, il serait essentiel de pouvoir disposer de ce type de cellules, plus stables génétiquement, disposant d'un potentiel plus large et surtout, pouvant être amplifiées en masse en suspension unicellulaire (alors que les CSEh actuelles ne survivent pas dans ces conditions), conditions essentielles pour une application thérapeutique à large échelle ;
Les lignées de CSEh utilisées dans le cadre du projet de recherche envisagé, les lignées WA-01 et WA-09, proviennent du WiCell Research Institute (USA). Elles sont déjà présentes sur le territoire national. Elles ont été importées par Laurent David en vertu d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine le 11 juillet 2013 (décision parue au Journal officiel de la République française le 10 octobre suivant) après avis favorable de son conseil d'orientation ;
A l'occasion de cette demande d'autorisation d'importation, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires. Les deux lignées sont par ailleurs inscrites au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français ;
Concernant les lignées bl_TSC#1 et bl_TSC#2 provenant de l'université de Tokyo au Japon, le conseil d'orientation souligne que la présente demande de renouvellement d'autorisation de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines s'accompagne d'une demande d'autorisation d'importation de ces lignées à des fins de recherche et présente en annexe tous les documents permettant de s'assurer du respect des dispositions mentionnées dans le code de la santé publique ;
Les embryons utilisés dans le cadre de ce projet ont été conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation. Il s'agit d'embryons donnés à la recherche par des couples en l'absence de projet parental d'embryons non susceptibles d'être transférés ou conservés en application de l'article L. 2141-3 du code de la santé publique. Les conditions de mise en œuvre du projet respectent les conditions législatives et réglementaires. Le demandeur atteste en particulier que le consentement des couples sera recueilli conformément aux dispositions des articles L. 2141-1 et suivants et L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué. Les modèles de consentement sont joints en annexe à la demande. Les embryons inclus dans le programme ont été obtenus conformément aux conditions législatives et réglementaires et proviennent du service de biologie de la reproduction du centre hospitalier universitaire de Nantes. Ils seront détruits à la fin de la recherche ;
L'objectif de la demande est d'obtenir des lignées de CSEh qui aient conservé, dans la mesure du possible, les propriétés des cellules pluripotentes du bouton embryonnaire (ou cellules de l'épiblaste), soit en dérivant de nouvelles lignées de CSEh à partir d'embryons, soit en tentant de reprogrammer/convertir des CSEh ou des iPS « amorcées » en cellules « naïves ». Laurent David dispose dans ce cadre d'un atout important, une base de données issue de la caractérisation des marqueurs moléculaires du bouton embryonnaire. Ces données ont été acquises lors de la progression d'un précédent protocole de recherche autorisé le 24 avril 2014 qui analyse le transcriptome (ensemble des ARN reflétant les gènes exprimés, séquencés par des techniques à haut débit) de cellules individuelles d'embryons humains à différents stades. Plusieurs molécules et facteurs de croissance ont été mis en évidence par l'équipe, spécifiquement exprimés par l'embryon et non par les cellules souches embryonnaires humaines. L'équipe a également mis en évidence des gènes pluripotents spécifiques aux embryons humains et qui pourraient être utilisés pour moduler la pluripotence des CSEh (notamment les facteurs trophoblastiques). Depuis sa précédente autorisation, l'équipe de Laurent David a réussi à dériver et mettre en culture des cellules pluripotentes à l'état naïf, à l'aide de molécules chimiques inhibitrices. Cette équipe a par ailleurs obtenu, par reprogrammation cellulaire, des cellules souches trophoblastiques dont la caractérisation a montré qu'elles correspondaient à l'équivalent de cellules à l'état post-implantatoire (j8) ;
Dans ce contexte, la demande de renouvellement prévoit plusieurs étapes :
- la reprogrammation de cellules pluripotentes à l'état naïf sans utilisation de molécules chimiques, ce qui évitera une certaine instabilité génétique des cellules et l'apparition d'anomalies caryotypiques ;
- la dérivation de lignées de cellules souches embryonnaires de trophoblaste, et de lignées de cellules souches embryonnaires de l'endoderme primitif ;
- l'analyse métabolique et caractérisation des différentes lignées obtenues, par comparaison avec les cellules de l'embryon pré-implantatoire ;
- et enfin l'analyse de l'ADN mitochondrial des différentes lignées obtenues selon le nombre de passages en culture ;
La finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique sont clairement exprimés par l'équipe. La connaissance qui découlera de ce projet pourra avoir un impact sur la médecine régénératrice (choix des cellules thérapeutiques en fonction de leur potentiel et qualité) d'une part et sur les conditions de culture des embryons obtenus par fécondation in vitro d'autre part (afin de préserver au mieux le potentiel embryonnaire). Les experts reconnaissent la pertinence du protocole, son originalité et l'intérêt que ses résultats peuvent ouvrir dans une perspective de thérapie cellulaire. Laurent David se distingue par ailleurs des projets internationaux dans la mesure où il se fonde sur la caractérisation des cellules de l'embryon humain (état pluripotent naïf réel) dont il a analysé en détail l'expression génique ;
Le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens. En l'absence de modèle reflétant le développement embryonnaire humain, la recherche envisagée ne peut être menée que sur des embryons humains, l'un des objectifs étant de pouvoir identifier à terme un modèle de développement facilement accessible pouvant se substituer aux embryons humains. La compréhension de l'embryon humain permet de mettre en place de nouveaux modèles cellulaires, comme cela a été réalisé précédemment par l'équipe de Laurent David pour les cellules souches pluripotentes induites humaines. L'équipe a pour objectif de mettre en place un nouveau type de cellules représentant le trophectoderme, impliquant une bonne compréhension du blastocyste humain afin d'évaluer la pertinence du modèle. Les modèles alternatifs, obtenus par reprogrammation cellulaire, ne pourront éventuellement être mis en place qu'à partir des travaux réalisés par l'équipe sur l'embryon humain ;
S'agissant des cellules souches embryonnaires murines et primates, il n'est pas envisageable d'utiliser des cellules d'origine animale alors que l'objectif général du projet est d'étudier le développement embryonnaire chez l'homme ;
L'utilisation des cellules souches pluripotentes induites, dites cellules iPS, est maintenant largement mise en œuvre par cette équipe, mais la comparaison avec des cellules directement issues de l'embryon reste indispensable pour évaluer ces cellules et pour effectuer les contrôles de pluripotence et de fonctionnalité au cours de la différenciation. Les nombreux articles publiés par cette équipe dans des revues prestigieuses à comité de lecture montrent la pertinence de cette approche et le caractère indispensable des cellules souches embryonnaires humaines comme standard de pluripotence pour les iPS ;
Le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part Il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines mentionnés notamment aux articles L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs à la conception et à la conservation des embryons fécondés in vitro, ainsi qu'aux articles 16 et suivants du code civil et aux articles L. 1211-1 et suivants du code de la santé publique relatifs au respect du corps humain, et que ces cellules ont été obtenues conformément aux conditions législatives et réglementaires mentionnés notamment aux articles L. 2141-3, L. 2151-5 et suivants et R. 2151-1 et suivants du code de la santé publique ;
Les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière. L'équipe est compétente et possède toute la légitimité nécessaire pour mener ce protocole. L'équipe est importante et bien structurée, elle présente les capacités requises pour mener à bien le programme. Elle explore ce domaine de recherche depuis de très nombreuses années. Laurent David, de par sa formation et son expérience, apporte toutes les garanties pour assurer le succès de ce programme de recherche. Il est responsable de la plateforme de dérivation des iPS à Nantes. Maître de conférence des universités - praticien hospitalier (MCU-PH), il a bénéficié d'une excellente formation au Canada en développant un projet sur la compréhension moléculaire des étapes de la reprogrammation. Il possède une parfaite connaissance de la régulation de la pluripotence, tout à fait adaptée au projet qu'il souhaite développer, et une bonne connaissance des techniques appliquées à l'analyse du génome ;
Les personnels et les financements sont acquis et les structures sont pérennes. L'équipe est reconnue internationalement pour ses travaux. Elle bénéficie de l'engagement du directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes ;
Enfin, les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée. Cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires. Les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrites et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine dans son rapport. Le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole,
Décide :