JORF n°0017 du 21 janvier 2016

Décision du 4 décembre 2015

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 17 septembre 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 903) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 mars 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 903) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 22 mai 2015 ;

Vu les rapports d'expertise en date des 19 et 20 mai 2015 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 19 novembre 2015 ;

Considérant que le projet consiste à terme à comprendre les mécanismes de renouvellement de l'épithélium respiratoire chez les patients atteints de mucoviscidose et à obtenir un modèle d'épithélium respiratoire proche de la situation in vivo permettant de tester des molécules thérapeutiques ;

Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2005 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; qu'obtenir des modèles fonctionnels d'épithélium respiratoire se révèle très complexe ; qu'il n'est en effet pas possible de partir du tissu humain ou de cellules primaires, souvent inutilisables en raison d'une contamination bactérienne et de leur accès difficile ; que construire un modèle de reconstitution d'un tel tissu à partir de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) apparaît donc totalement justifié, ce qui permettra de s'abstraire de tout problème infectieux ou inflammatoire ;

Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2005 pour une durée de cinq ans (sous la responsabilité d'Edith Puchelle) et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires par l'Agence de la biomédecine ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ;

Considérant que le conseil d'orientation constate que l'équipe s'est heurtée à de nombreuses difficultés mais a fait des progrès considérables depuis 2012 ; que les difficultés rencontrées s'expliquent par la complexité de l'épithelium respiratoire et le peu de publications dans ce domaine (très peu d'équipes travaillant sur cette thématique) ; que la complexité réside dans le fait que l'épithélium respiratoire se compose de plusieurs types cellulaires spécialisés ; que la composition et le rôle des différents compartiments étagés le long de l'arbre respiratoire (trachée, bronches, bronchioles, alvéoles) n'est pas identique ; que l'ensemble de ce tissu complexe émerge cependant chez l'embryon d'une petite ébauche unique de cellules se développant à partir de l'intestin antérieur (d'origine endodermique) ; que mimer in vitro la morphogénèse complexe de ce tissu est particulièrement difficile ;

Considérant que depuis 2010, deux axes de recherche ont été développés : l'obtention de cellules exprimant un phénotype d'endoderme (l'endoderme est le feuillet embryonnaire dont est issu l'épithélium respiratoire) et les marqueurs moléculaires correspondant, et le choix d'un milieu de culture reproductible, d'une part, et, une fois cette étape validée, la spécification en cellules épithéliales exprimant une cytokératine caractéristique de progéniteurs épithéliaux, d'autre part ; que les travaux récents de l'équipe de Christelle Coraux se sont concentrés sur la mise au point des meilleures conditions d'obtention de deux types de cellules épithéliales (CK18+ et CK13+) à partir de l'endoderme primitif ; que l'équipe obtient désormais de manière reproductible une population de progéniteurs pulmonaires susceptibles par la suite de se différencier en un épithélium pseudostratifié, proche de l'épithélium humain bronchiolaire et contenant les différents types cellulaires ;

Considérant que l'équipe souhaite poursuivre son projet en se consacrant à l'optimisation de cette étape de maturation avant de comparer la « signature » moléculaire des cellules épithéliales obtenues in vitro et purifiées avec celle des cellules primaires obtenues chez des patients, afin de valider ce modèle ; que l'exploitation de ce modèle pour la mucoviscidose sera ensuite envisagée ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique sont très clairement exprimés ; que le modèle d'épithélium respiratoire obtenu, proche de la situation in vivo, permettra de tester des molécules thérapeutiques pour des pathologies spécifiques ; qu'à court terme, l'équipe de Christelle Coraux se focalisera sur la mucoviscidose, avant d'étudier par la suite le remodelage pulmonaire au cours de la BPCO (bronchopathie obstructive) ; que dans le cas de la mucoviscidose, l'objectif est de dériver des progéniteurs respiratoires porteurs des mutations caractéristiques de cette maladie, qui touchent un gène (CFTR) codant un canal chlore dont l'expression de la membrane ne se fait pas, avec pour conséquences une accumulation de mucus ; qu'une des approches thérapeutiques consisterait à trouver des molécules pharmacologiques susceptibles de corriger ce comportement anormal du canal chlore, ce qui est tout à fait envisageable en manipulant le modèle établi par l'équipe ; qu'une fois le protocole de différenciation des CSEh validé, le programme de l'équipe sera donc de l'appliquer à la lignée CF-01, porteuse de la mutation CFTR la plus fréquente et de cribler des molécules chimiques permettant de corriger les anomalies liées à l'expression d'une protéine CFTR mutée ;

Considérant que l'équipe utilise deux lignées de cellules souches embryonnaires humaines provenant de la société Cellartis en Suède (lignée SA-01) et de la UK Stem Cell Bank en Angleterre (lignée CF-01) ; qu'elles ont été importées par Edith Puchelle, ancienne responsable du projet de recherche en vertu d'autorisations délivrées le 8 juillet 2005 et le 24 octobre 2005 par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche ; qu'à l'occasion des demandes d'autorisation d'importation déposées par Edith Puchelle en 2005, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que les cellules respiratoires, issues de patients atteints de mucoviscidose, permettent de reconstituer une barrière épithéliale mature, similaire à un épithélium natif mais les possibilités de mener ces recherches sur des tissus épithéliaux humains prélevés chez ces patients sont très restreintes en raison de l'évidente rareté de ces tissus (polypes nasaux, bronches issues de poumons explantés lors de greffe) ; que l'utilisation de cellules animales reste actuellement peu intéressante dans la mesure où l'épithélium des voies aériennes des animaux de laboratoire classiquement utilisés (souris, rat) est structurellement différent de l'épithélium des voies aériennes humaines et les modèles de souris atteints de mucoviscidose disponibles ne présentent pas de phénotype respiratoire ; que le recours aux cellules souches embryonnaires humaines est donc le modèle le plus adapté ; qu'une fois la preuve de concept établie, l'équipe envisagera de travailler sur les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) de patients atteints de cette maladie ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe comprend quatre personnes, dont une doctorante et deux ingénieurs ; que la dimension de l'équipe apparaît suffisante à ce stade du projet ; que l'équipe est intégrée dans l'unité Inserm dirigée par Philippe Birembaut qui étudie depuis de nombreuses années la régénération de l'épithélium respiratoire et les anomalies de cette fonction respiratoire dans le cadre de pathologies humaines (cancer, mucoviscidose…) ; que Christelle Coraux possède quant à elle une très grande connaissance du développement embryonnaire de l'épithélium respiratoire ; que la structure est pérenne ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine qui a par ailleurs procédé à une visite du site en avril 2015,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 903) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'obtention de cellules épithéliales respiratoires et la reconstitution d'épithélium fonctionnel à partir de cellules souches embryonnaires humaines pour le traitement de la mucoviscidose. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Christelle Coraux.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 4 décembre 2015.

A. Courrèges