JORF n°0186 du 13 août 2014

DÉCISION du 19 mars 2014

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 mai 2011, sous le numéro 200-38-11 présentée par la société AGAT et Fils, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saintes sous le numéro B 448 610 550, dont le siège social est situé Le Maine Neuf, 17150 Allas-Bocage, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Me Sébastien MILLET, SELARL Ellipse Avocats, 1, rue Castillon, 33000 Bordeaux.

La société AGAT et Fils a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF ») sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune d'Allas-Bocage (17150).
Il ressort des pièces du dossier que la société AGAT et Fils a, par l'intermédiaire de son représentant (SAS ERABLE), déposé une demande de raccordement pour un projet d'installation photovoltaïque intégrée au bâti d'une puissance de 37,962 kWc.
La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Par courrier en date du 25 juin 2010, la société ERDF a indiqué à la société que son dossier de demande de raccordement était complet au 18 juin 2010.
Par courrier en date du 15 avril 2011, le conseil de la société AGAT et Fils a mis en demeure la société ERDF de produire une proposition technique et financière sous huitaine.
Par courrier en date du 13 mai 2011, la société ERDF a informé la société AGAT et Fils que sa demande étant complète à la date du « 18 juin 2010 », une proposition technique et financière lui serait transmise sous trois mois soit au plus tard le « 18 septembre 2010 ».
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société AGAT et Fils a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.

Dans sa saisine, la société AGAT et Fils demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
Vu le retard et l'urgence :

- de déclarer recevable sa saisine ;
- de dire et juger que la demande de contrat et raccordement déposée le 6 janvier 2010 et qualifiée au 18 juin 2010 demeure pleinement valable et que le dépôt d'une nouvelle demande n'est pas nécessaire ;
- de dire et juger que la société AGAT et Fils est néanmoins placée par la société ERDF dans une situation de fait qui lui interdit l'accès au réseau public distribution de l'électricité ;
- de dire et juger qu'il s'agit d'une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès au réseau.

En conséquence :

- de faire injonction à la société ERDF de transmettre à la société AGAT et Fils la proposition correspondant à sa demande ;
- d'assortir cette obligation d'une astreinte d'un montant de 500,00 euros par jour de retard à compter du prononcé de sa décision par le comité de règlement des différends et des sanctions ;
- de condamner la société ERDF aux entiers dépens toutes taxes comprises et à verser à la société AGAT et Fils une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu la décision du 19 octobre 2011, par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a décidé :
« Art. 1er. - Le comité se déclare incompétent pour connaître de la demande de la société AGAT et Fils relative à l'achat de l'électricité produite par son installation de production.
Art. 2. - Il est sursis à statuer sur la demande de la société AGAT et Fils tendant à l'envoi d'une proposition technique et financière aux conditions en vigueur le 2 décembre 2010 jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat sur le décret du 9 décembre 2010.
Art. 3. - La demande de la société AGAT et Fils tendant à ce que lui soit attribuée une somme au titre des dépens et des frais irrépétibles est rejetée. »

Vu le courrier du 5 septembre 2012, par lequel le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie a procédé à la réouverture de l'instruction de la présente demande de règlement de différend.

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 18 octobre 2012, présentées par la société AGAT et Fils.
La société AGAT et Fils entend porter à la connaissance du comité le fait que son installation a été mise en service le 21 mai 2012, dans le cadre d'une seconde demande déposée le 29 juin 2011. Elle précise que cette seconde demande de raccordement a été faite « à titre conservatoire, sans valoir renonciation à l'antériorité de notre demande initiale - dossier n° 73009215 ».
La société AGAT et Fils ajoute qu'elle a engagé une action en justice indemnitaire devant le tribunal de commerce de La Rochelle.
La société AGAT et Fils indique qu'elle maintient son recours devant le comité de règlement des différends et des sanctions.

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 16 janvier 2014, présentées par la société ERDF, société anonyme à directoire et à conseil de surveillance au capital social de 270 037 000 euros, dont le siège social est sis tour Winterthur, 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Me Laurent Martinet, Jones Day, 2, rue Saint-Florentin, 75001 Paris.
La société ERDF entend conserver le bénéfice de ses précédentes observations, exposées dans le cadre de son mémoire en duplique du 1er août 2011 et de sa note en délibéré du 20 octobre 2011, en vertu desquelles elle demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des demandes de la société AGAT et Fils, dès lors qu'elle a effectué un traitement raisonnable de la demande de la société AGAT et Fils dans le contexte de l'application impérative du décret du 9 décembre 2010.
Elle rappelle que la société AGAT et Fils a déposé, par l'intermédiaire de son mandataire, la société ERABLE, une nouvelle demande de raccordement au réseau public de distribution le 29 juin 2011, identique à celle enregistrée par la société ERDF le 9 juin 2010, que le contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) a été signé le 24 octobre 2011 par la société AGAT et Fils, sans condition suspensive ou réserve quelconque, et que la mise en exploitation de l'installation a eu lieu le 22 mai 2012 et sa mise en service le 23 mai 2012.
La société ERDF considère dès lors qu'en application de la décision du 12 septembre 2012, ENJOY MONTPELLIER/ERDF, le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que se déclarer incompétent pour trancher le présent litige, la circonstance que la société ERDF ait délivré, lors de la première demande, une proposition technique et financière dans un délai supérieur à trois mois ne suffisant pas pour que le présent différend entre dans le champ d'application de l'article L. 134-19 du code de l'énergie.
En conséquence, la société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
In limine litis :

- constater que la société ERDF n'a opposé aucun refus à la société AGAT et Fils d'accès au réseau de distribution d'électricité ;
- constater que le litige n'a pas trait à une problématique d'accès au réseau public de distribution de l'électricité ou de son utilisation au sens de l'article L. 134-19 du code de l'énergie ;
- se déclarer, en conséquence, incompétent pour statuer sur le présent litige.

A titre principal :

- constater le traitement raisonnable apporté par la société ERDF à la demande de raccordement de la société AGAT et Fils ;
- constater le caractère normatif et obligatoire du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
- constater l'obligation pour la société ERDF de l'appliquer ;
- débouter, en conséquence, la société AGAT et Fils de l'ensemble de ses demandes.

Vu les observations complémentaires de reprise de procédure, enregistrées le 27 février 2014, présentées par la société AGAT et Fils.
La société AGAT et Fils rappelle que sa seconde demande de raccordement a été déposée auprès de la société ERDF le 29 juin 2011 « à titre conservatoire, sans valoir renonciation à l'antériorité de [la] demande initiale - dossier n° 79009215 (service juridique) ».
Elle ajoute que la mise en service de l'installation, à la suite de cette seconde demande, initialement prévue le 9 mai 2012, a été reportée, l'installation ayant été raccordée le 21 mai 2012.
La société AGAT et Fils précise qu'elle a été contrainte de saisir la juridiction judiciaire par voie d'assignation délivrée le 12 juillet 2012 et que par jugement du 11 janvier 2013, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé la condamnation de la société ERDF, cette dernière ayant relevé appel du jugement, l'affaire étant actuellement pendante devant la cour d'appel de Poitiers.
Elle estime que s'agissant des demandes au titre desquelles il a été sursis à statuer, le comité est compétent pour fixer les conditions, notamment financières, de l'accès au réseau, sur des bases telles qu'elles étaient en vigueur au 2 décembre 2010, avant le moratoire.
La société AGAT et Fils considère qu'ayant subi un coût de raccordement de 12 418,13 euros TTC bien supérieur au coût initialement prévu en raison des effets de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 imposant aux exploitants la prise en charge des travaux d'extension du réseau ainsi que du nouveau barème de raccordement revalorisé approuvé par la Commission de régulation de l'énergie dans sa décision du 28 juin 2011, cette situation est directement imputable aux manquements de la société ERDF.
Elle relève ainsi la « carence fautive » de la société ERDF.
La société AGAT et Fils fait valoir que la société ERDF ne saurait invoquer l'incompétence du comité au motif qu'elle n'a pas notifié à la société AGAT et Fils un refus d'accès.
Elle insiste sur le fait qu'elle a déposé une seconde demande « à titre conservatoire », qu'elle a saisi le comité afin de faire valoir que sa demande déposée le 6 janvier 2010, qualifiée le 18 juin 2010, demeurait pleinement valable, le dépôt d'une nouvelle demande n'étant ici qu'une exigence purement formelle, qu'en conséquence la décision du comité du 12 septembre 2012 citée par la société ERDF n'est pas transposable en l'espèce.
La société AGAT et Fils entend voir confirmée la carence fautive de la société ERDF s'agissant du traitement de sa demande initiale.
Elle rappelle à cet égard que le fait que la légalité du décret du 9 décembre 2010 ait été reconnue n'est pas de nature à effacer les « carences fautives » de l'opérateur au regard de sa documentation technique de référence, la Cour de cassation ayant dans un arrêt du 7 janvier 2014 reconnu la compétence du comité pour constater un tel manquement.
En conséquence, la société AGAT et Fils demande au comité de :

- déclarer recevable le recours de la société AGAT et Fils ;
- dire et juger que les demandes de la société AGAT et Fils portent bien sur une problématique d'accès au réseau public de distribution de l'électricité ;
- se déclarer compétent en conséquence pour statuer sur ces demandes ;
- confirmer sa décision du 19 octobre 2011 en ce qu'elle a constaté des manquements caractérisés de la société ERDF au regard, notamment de sa documentation technique de référence, dans le traitement de la demande initiale de la société AGAT et Fils ;
- constater que ces manquements ont placé la société AGAT et Fils dans une situation de fait lui interdisant effectivement l'accès au réseau public de distribution de l'électricité en temps utile, jusqu'à ce que la société ERDF puisse opportunément se prévaloir d'une suspension ;
- fixer et régulariser en conséquence les conditions financières de l'accès au réseau, en tenant compte, dans ces circonstances, des conditions de raccordement qui auraient dû être appliquées au titre de la demande initiale déposée le 6 janvier 2010 et qualifiée le 18 juin 2010, celle-ci demeurant pleinement opposable à la société ERDF nonobstant le dépôt d'une nouvelle demande pour la forme en date du 29 juin 2011 ;
- débouter au surplus la société ERDF de l'intégralité de ses demandes.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu les décisions du 25 mai 2011 et du 18 février 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relatives à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 200-38-11 ;
Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;
Vu la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 19 octobre 2011 relative à la présente demande de règlement différend,

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 19 mars 2014, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Mme Françoise LAPORTE, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Mathieu CACCIALI, représentant la directrice juridique empêchée et le directeur général empêché.
Mme Maud BRASSART, rapporteur, et M. Marc DREVON, rapporteur adjoint.
Me Sébastien MILLET, conseil de la société AGAT et Fils.
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Laurent MARTINET.
Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Maud BRASSART, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Sébastien MILLET ; la société AGAT et Fils persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Laurent MARTINET ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.

Aucun report de séance n'ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, les rapporteurs, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur l'existence d'un différend entre la société AGAT et Fils et la société ERDF
Aux termes des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :
1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ;
(…)
Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement.
La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. »
Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que la société AGAT et Fils a conclu sans réserve une proposition de raccordement et un contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation avec la société ERDF, nonobstant la circonstance que sa deuxième demande ait été présentée « à titre conservatoire », et que cette installation est désormais en service depuis le 21 mai 2012.
Dès lors, le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut que constater que le différend opposant les sociétés AGAT et Fils et ERDF est devenu sans objet.
En conséquence, il n'y a pas lieu pour le comité de règlement des différends et des sanctions de statuer sur les demandes de la société AGAT et Fils, ni de confirmer la décision du 19 octobre 2011 du comité qui s'est bornée à surseoir à statuer et qui est devenue définitive.

Décide :

Article 1

Le différend opposant les sociétés AGAT et Fils et ERDF est devenu sans objet.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société AGAT et Fils et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 19 mars 2014.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :

Le président,

M. Liebert-Champagne