JORF n°0257 du 5 novembre 2015

DÉCISION du 13 mai 2015

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 janvier 2015 par le centre de recherches biologiques aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 27 mars 2015 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 12 et 20 mars 2015 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 16 avril 2015 ;

Considérant que la demande s'inscrit dans le cadre d'un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) autorisé par l'Agence de la biomédecine et initié par l'Institut I-stem d'Evry (Marc Peschanski et Christelle Monville) ; qu'il consiste à transplanter les cellules d'épithélium rétinien pigmentaire dérivées de CSEh à des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ; que les cellules de l'EPR dérivées des CSEh seront associées à un support biocompatible (membrane amniotique) sur lequel elles sont ensemencées préalablement à l'implantation ;
Considérant que la demande du CERB concerne un protocole de contrôle-qualité dans le cadre d'une démarche de transfert à la clinique du programme « STREAM » (Stem cell Therapy for Retinal Epithelium replacement Assay in Monogenic retinopathies) proposé par l'Institut I-Stem ; que ce programme arrive en phase clinique et réunit maintenant, outre l'équipe fondamentale de Marc Peschanski et Christelle Monville, celle de Jérôme Larghero à l'hôpital Saint-Louis, chargée de la préparation des cellules de grade clinique, et le CERB, laboratoire de contrôle qualité de Serge Richard ; qu'une collaboration étroite existe également avec l'Institut de la vision et le centre d'investigation clinique de l'hôpital des Quinze-Vingts (Paris, professeur Sahel) ;
Considérant que le protocole de recherche a été mis au point dans des conditions qui ne satisfont pas aux normes exigées pour la réalisation d'un essai clinique et que dans ce contexte, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), autorité compétente en France pour autoriser les protocoles de recherches biomédicales, exige la réalisation de tests standards sur les lots de cellules, permettant ainsi de garantir l'absence de contaminants bactériologiques et viraux ;
Considérant que le rôle du laboratoire CERB, prestataire de service, est d'analyser - en conformité avec les règles de bonnes pratiques de laboratoire - trois paramètres de sécurité dont l'analyse est requise dans le cadre de la réglementation de tout essai clinique de thérapie cellulaire chez l'homme ;
Qu'une étude de la tumorigénicité sera ainsi réalisée ; que ce risque peut provenir de la transformation des cellules dérivées des CSEh ou de la présence éventuelle dans le greffon final de cellules pluripotentes ayant échappé à la différenciation et susceptibles de développer une tumeur ; que seule cette seconde possibilité sera explorée ici en greffant à des souris immunodéficientes les cellules différenciées finales auxquelles sont mélangées des doses croissantes de cellules pluripotentes afin de déterminer le nombre minimal de cellules RC9 requises pour le développement d'une tumeur dans ces conditions (dose seuil) ; qu'un essai de dissémination des cellules du greffon sera par la suite effectué avec pour objectif d'évaluer si certaines cellules sont susceptibles de se détacher du greffon et d'avoir des conséquences néfastes soit localement, soit à distance si ces cellules migrent hors de leur lieu de transplantation ; que l'analyse sera faite chez des rats greffés avec le patch de cellules humaines dans les conditions de la greffe chez l'homme ;
Qu'il sera enfin procédé à une toxicité plus générale du processus selon les critères listés dans la réglementation européenne (analyse réalisée chez des rats) ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que les cellules sont préparées à partir de la lignée de CSEh RC-9 (obtenue en conditions GMP et importée d'Ecosse), entièrement qualifiée par l'UTCG de Nantes et actuellement stockées dans ce laboratoire ; que l'utilisation thérapeutique de dérivés de CSEh dans le cadre de pathologies rétiniennes fait l'objet d'essais cliniques dans le monde notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Corée (plus de 20 patients inclus) ; qu'aucun effet délétère directement lié aux cellules n'a été signalé depuis le début des essais en 2011 ; que dans tous les cas, les cellules épithéliales pigmentaires greffées étaient dérivées de CSEh et non de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) ;
Considérant qu'un seul essai est en cours au Japon avec les iPS (un seul patient inclus), mais, contrairement aux cellules souches embryonnaires humaines, qu'il n'existe pas de lignée iPS de grade clinique actuellement validée et disponible ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que la structure est une société prestataire de services dédiés aux nouveaux produits de l'industrie pharmaceutique (biomédicaments, banques de cellules) qui maîtrise parfaitement la réalisation des tests de sécurisation virologique ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires,
Décide :

Article 1

Le centre de recherches biologiques est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité des études toxicologiques réglementaires en vue d'un essai clinique de phase I/II de transplantation d'un produit tissulaire constitué de cellules de l'épithélium pigmentaire disposé sur une membrane biocompatible. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Serge Richard.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de deux ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 13 mai 2015.

A. Courrèges