JORF n°0075 du 29 mars 2013

Décision du 12 novembre 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 23 mars 2011, sous le numéro 162-38-11, présentée, d'une part, par la société d'exploitation agricole Schmittseppel, société civile d'exploitation agricole, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz sous le numéro D 408 092 815, dont le siège social est situé 23, rue Saint-Jean, 57635 Brouviller, représentée par son gérant, M. Vincent NOIR, et, d'autre part, par M. Vincent NOIR, de nationalité française, exerçant la profession d'agriculteur, demeurant 23, rue Saint-Jean, 57635 Brouviller, ayant pour avocat Me Benoît COUSSY, 4, rue de la Tour-des-Dames, 75009 Paris.

La société d'exploitation agricole Schmittseppel (ci-après désignée « société Schmittseppel ») et M. Vincent NOIR ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui les oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que M. Vincent NOIR développe un projet de centrale photovoltaïque, dénommé : « Schmitt Seppel », d'une puissance de production maximale de 956,48 kW, sur le territoire de la commune de Brouviller (Moselle). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 14 décembre 2009, la société Solarenergy, agissant pour le compte de M. Vincent NOIR, a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour le projet de centrale photovoltaïque.

Les 21 janvier et 5 février 2010, la société ERDF a indiqué à la société Solarenergy que sa demande n'était pas complète. La société Solarenergy a complété son dossier avec les éléments demandés les 8 février et 4 mars 2010.

Le 23 avril 2010, la société ERDF a rappelé à M. Vincent NOIR qu'il manquait de nombreux éléments à son dossier de demande de raccordement.

Le 31 août 2010, M. Vincent NOIR a confirmé à la société ERDF sa volonté de poursuivre son projet.

Le 6 septembre 2010, la société ERDF a indiqué à M. Vincent NOIR qu'elle était toujours en attente des éléments nécessaires à la complétude de son dossier.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de l'installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui les oppose à la société ERDF.

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Dans leurs observations, la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR soutiennent que la société Solarenergy, mandatée pour effectuer les démarches nécessaires au raccordement, a envoyé par courriel à la société ERDF le 14 décembre 2009, une fiche de collecte et les documents administratifs nécessaires à l'élaboration d'une proposition technique et financière.
Ils indiquent que, malgré deux nouveaux courriels en date des 8 février et 4 mars 2010, la société ERDF a considéré le dossier comme incomplet au motif que l'autorisation administrative relative au projet photovoltaïque ne lui avait pas été transmise, puis que celle-ci a demandé de renseigner de nouvelles fiches de collecte.
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR ajoutent que la société ERDF a manifestement commis de graves incohérences dans la gestion de leur dossier et en concluent que la demande de raccordement de M. Vincent NOIR était complète.
Ils estiment que le décret du 9 décembre 2010 est entré en vigueur le 10 décembre 2010 et ne saurait être applicable, sauf à contrevenir au principe général de non-rétroactivité des actes administratifs.
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― constater que le retard pris par la société ERDF dans l'instruction de la demande de raccordement de la société Schmittseppel n'est pas contestable ;
― constater que le retard pris dans l'élaboration de la proposition technique et financière à adresser à la société Schmittseppel est du fait uniquement du gestionnaire de réseau ;
― constater l'inopposabilité de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 au projet de la société Schmittseppel ;
― enjoindre à la société ERDF de réintégrer le projet de la société Schmittseppel dans la file d'attente à la date à laquelle la société ERDF aurait dû enregistrer la demande de proposition technique et financière ;
― ordonner que cette réintégration ne préjudicie nullement aux porteurs de projets susceptibles d'être maintenus dans cette file d'attente ;
― enjoindre à la société ERDF d'adresser sans délai sa proposition technique et financière à la société Schmittseppel selon la procédure en vigueur à l'époque ;
― autoriser dès à présent la société Schmittseppel à consigner la somme qu'il plaira au comité de bien vouloir définir, à titre de provision à valoir sur le paiement de la future proposition technique et financière sur le compte CARPA du conseil de la société ERDF, ou à tel séquestre qu'il plaira et d'en conditionner la libération à la délivrance de la proposition technique et financière ;
― ordonner que la société ERDF s'exécute sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard à compter de la date de notification à la société ERDF de la décision à intervenir ;
― condamner, le cas échéant, la société ERDF à prendre en charge les frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit trois mille euros.

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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 20 septembre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par la présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, cabinet Adamas, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF indique que le Conseil d'Etat ayant validé le décret précité du 9 décembre 2010, le comité de règlement des différends et des sanctions doit opposer les dispositions du décret moratoire aux producteurs n'ayant pas renvoyé signée la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010.
Elle estime que la société Schmittseppel, n'ayant pas renvoyé signée la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010, ne peut bénéficier de la dérogation prévue à l'article 3 du décret du 9 décembre 2010, ni exiger du comité de règlement des différends et des sanctions qu'il déclare inopposable le décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société Schmittseppel et de M. Vincent NOIR.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 26 septembre 2012, présentées par la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR.
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR soutiennent que les articles L. 134-20 et suivants du code de l'énergie ne prévoient pas la possibilité de surseoir à statuer ultra petita et sans condition de délai, sans même que cela n'ait été demandé par la partie défenderesse ou accepté par la partie plaignante.
Ils estiment qu'il y a lieu de statuer au regard du droit applicable au plus tard quatre mois après la saisine. Ils considèrent que le comité de règlement des différends et des sanctions s'en remettant à la juridiction administrative pour statuer sur un différend doit, également, faire application de la jurisprudence qui émane de cette juridiction au moment où il devait statuer et, ainsi, faire application du principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR renoncent à la demande de condamnation de la société ERDF à assumer les frais de procédure, ainsi qu'à la mesure d'injonction sous astreintes et persistent dans leurs précédentes conclusions.
Ils demandent, en outre, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― statuer sur les demandes initiales au regard du droit applicable au plus tard quatre mois après la saisine ;
― prendre systématiquement acte des fautes commises par la société ERDF dans la gestion du dossier objet du présent différend, en ce compris les fautes dans le retard de qualification de la complétude du dossier de demande de raccordement et de délivrance de la proposition technique et financière dans le délai maximum de trois mois.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 18 octobre 2012, présentées par la société ERDF.
La société ERDF estime que les demandes complémentaires, non formulées dans la saisine initiale, ne sauraient être recevables.
Elle soutient que la cour d'appel de Paris ayant validé les décisions de sursis à statuer prononcées par le comité de règlement des différends et des sanctions et que le Conseil d'Etat ayant rejeté les recours dirigés contre le décret du 9 décembre 2010, les dispositions du décret moratoire doivent être opposables à la société Schmittseppel.
La société ERDF conteste ensuite que le comité de règlement des différends et des sanctions ait compétence pour constater une éventuelle faute commise par elle, dès lors qu'il n'en résulte aucune décision. Elle ajoute que le comité ne pourra que suivre la décision du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 avril 2012.
La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 23 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 162-38-11 ;
Vu la décision du 19 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR ;
Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 12 novembre 2012, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché.
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint.
Me Benoît COUSSY, pour la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR.
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Benoît COUSSY pour la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR ; la société Schmittseppel et M. Vincent NOIR persistent dans leurs moyens et conclusions ;
― les observations de Me Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 12 novembre 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur le retard pris par la société ERDF dans l'instruction de la demande de raccordement :
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― constater que le retard pris par la société ERDF dans l'instruction de la demande de raccordement de la société Schmittseppel n'est pas contestable ;
― constater que le retard pris dans l'élaboration de la proposition technique et financière à adresser à la société Schmittseppel est du fait uniquement du gestionnaire de réseau.
La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit dans sa version applicable à l'espèce que le gestionnaire du réseau adressera au producteur une proposition technique et financière de raccordement dans le délai de trois mois suivant la qualification de la demande.
Il ressort des pièces du dossier que les fiches de collecte de données de l'installation de production n'étaient pas dûment remplies et que la demande de raccordement n'a, donc, pas été qualifiée par la société ERDF.
Dans ces conditions, c'est à bon droit que la société ERDF a refusé d'instruire la demande de raccordement. Aucun retard ne peut, donc, lui être imputé.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
La société Schmittseppel et M. Vincent NOIR demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― constater l'inopposabilité de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 au projet de la société Schmittseppel ;
― enjoindre à la société ERDF de réintégrer le projet de la société Schmittseppel dans la file d'attente à la date à laquelle la société ERDF aurait dû enregistrer la demande de proposition technique et financière ;
― ordonner que cette réintégration ne préjudicie nullement aux porteurs de projets susceptibles d'être maintenus dans cette file d'attente ;
― enjoindre à la société ERDF d'adresser sans délai sa proposition technique et financière à la société Schmittseppel selon la procédure en vigueur à l'époque ;
― autoriser dès à présent la société Schmittseppel, à consigner la somme qu'il plaira au comité de bien vouloir définir, à titre de provision à valoir sur le paiement de la future proposition technique et financière sur le compte CARPA du conseil de la société ERDF, ou à tel séquestre qu'il plaira et d'en conditionner la libération à la délivrance de la proposition technique et financière.
Le décret du 9 décembre 2010 susvisé fait obligation au producteur qui n'a pu renvoyer, avant le 2 décembre 2010, au gestionnaire de réseau une proposition technique et financière signée, de renouveler sa demande de raccordement à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d'obligation d'achat sont suspendues.
En l'espèce, la société Schmittseppel n'a pas été en mesure de renvoyer une proposition technique et financière signée avant le 2 décembre 2010.
Il résulte de ce qui précède que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas en droit d'enjoindre à la société ERDF de délivrer, à ce jour, à la société Schmittseppel une proposition technique et financière aux conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
Les conditions dans lesquelles le comité de règlement des différends et des sanctions à décider de surseoir à statuer sur la demande de règlement de différend sont sans incidence sur la solution qu'il y a lieu de lui donner.

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Décide :

Article 1

Les demandes de la société d'exploitation agricole Schmittseppel et de M. Vincent NOIR sont rejetées.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société d'exploitation agricole Schmittseppel, à M. Vincent NOIR et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 12 novembre 2012.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine