Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Vu l'article 2 paragraphe 4 de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
Vu l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables ;
Vu l'article R. 122-2 du code de l'environnement et son annexe fixant les seuils des projets soumis à évaluation environnementale et des projets faisant l'objet d'un examen au cas par cas ;
Vu les 1° à 3° du I de l'article L. 100-4 du code de l'énergie ;
Vu le décret n° 2024-281 du 29 mars 2024 pris pour l'application du III de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables ;
Vu le décret n° 2024-708 du 5 juillet 2024 qualifiant de projet d'intérêt national majeur l'usine de recyclage moléculaire des plastiques de la société Eastman à Saint-Jean-de-Folleville ;
Vu la demande de dispense en date du 10 juin 2024, reçue par le préfet de l'Eure le 14 juin 2024, et complétée le 26 juin 2024, présentée par RTE au titre de l'article 27 de la loi susmentionnée ;
Vu la notification à la Commission européenne en date du 27 août 2024 ;
Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 9 au 26 août 2024 en application de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ;
Considérant que le projet de création d'ouvrages du réseau public de transport d'électricité, ci-après dénommé « projet des Boucles de la Seine », dans les départements de l'Eure et de la Seine-Maritime, sous la maîtrise d'ouvrage du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité RTE, a pour objet d'augmenter les capacités de raccordement de la zone industrielle du Havre-Port-Jérôme, au bénéfice notamment de projets de modifications d'installations industrielles ayant pour objectif la diminution de leurs émissions de gaz à effet de serre, de projets d'installations de production d'hydrogène bas-carbone ainsi que de projets d'intérêt national majeur, mentionnés au I de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, localisés dans cette zone et ayant fait l'objet d'une demande de raccordement au réseau public d'électricité ;
Considérant que ces projets d'installations concourent de manière directe à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre d'installations industrielles de la zone industrielle du Havre-Port-Jérôme ;
Considérant que la zone industrielle du Havre-Port-Jérôme figure en annexe du décret n° 2024-281 susvisé ;
Considérant que l'augmentation des capacités de raccordement de la zone industrielle du Havre-Port-Jérôme permise par le projet des Boucles de la Seine est également au bénéfice d'un projet d'intérêt national majeur mentionné au I de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, reconnu par le décret n° 2024-708 susvisé et localisé dans cette même zone ;
Considérant qu'en conséquence, le projet des Boucles de la Seine peut bénéficier d'une dispense de la procédure définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l'environnement ;
Considérant que la capacité de raccordement offerte par le réseau public de transport d'électricité desservant actuellement la zone industrielle du Havre-Port-Jérôme sera saturée dès 2027, et qu'en conséquence les projets industriels concernés seront soumis à des limitations de soutirage partielles ou totales à compter de leur mise en service, prévue courant 2027, jusqu'à l'achèvement du projet des Boucles de la Seine ;
Considérant que l'application de la procédure définie à l'article L. 122-1 du code de l'environnement susvisé conduirait à une mise en service du projet des Boucles de la Seine au plus tôt au milieu de l'année 2030 ;
Considérant que le délai significatif séparant les dates envisagées pour la mise en service de ces projets et la date à laquelle ils pourront soutirer de l'électricité depuis le réseau à hauteur de la puissance de raccordement sollicitée sans limitation porte atteinte aux finalités poursuivies par ces projets ;
Considérant qu'il résulte du dossier de demande de RTE que la dispense d'évaluation environnementale définie à l'article L. 122-1 du code de l'environnement pour le projet des Boucles de la Seine conduirait à un gain d'une année par rapport à sa date de mise en service prévisionnelle, et qu'elle est donc de nature à réduire significativement le délai durant lequel les projets considérés feront l'objet de limitations de soutirage totale ou partielle ;
Considérant les créations :
- d'une ligne aérienne double à 400 kV sur 30 km entre le poste électrique de Rougemontier (27) et la zone industrielle de Port-Jérôme-sur-Seine (76) d'une capacité de l'ordre de 3 GW ;
- d'une liaison souterraine double à 225 kV sur environ 20 km et permettra de relier les zones industrielles de Port-Jérôme-sur-Seine et Le Havre (76) d'une capacité d'environ 650 MW ;
- et de trois postes électriques 400 kV et 225 kV à Port Jérôme et dans la zone industrialo-portuaire du Havre : Noroit et Gabion au Havre et Roseaux à Port-Jérôme-sur-Seine ;
Considérant que ce projet relève de la rubrique 32 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, pour lesquels une soumission systématique à évaluation environnementale est normalement prévue par le code de l'environnement ;
Considérant le besoin pour RTE d'implanter les postes électriques au plus près des zones de consommation en électricité ;
Considérant que l'emprise globale du projet s'étend sur plusieurs espaces naturels, dont certains sont protégés :
- les zones spéciales de conservation Natura 2000 : Marais Vernier, Risle Maritime (FR2300122) et Estuaire de la Seine (FR2300121) ;
- la zone de protection spéciale Natura 2000 : Estuaire et marais de la Basse Seine (FR2310044) ;
- les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type I : marais de Radicatel (230030806), mares prairiales à Saint-Opportune-la-Mare et Saint-Thirien (230030848), marais alluvial de Quillebeuf-sur-Seine (230030723), marais de Cressenval (230030855), marais du Hode (230014809) ;
- les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II : marais Vernier (230000259), vallée de la Risle de Brionne à Pont-Audemer, forêt de Monfort (23009170), vallée du Vivier en amont de Tancarville (230031042), falaises et les valleuses de l'estuaire de la Seine (230031046), estuaire de la Seine (230000855) ;
- le parc naturel régional des Boucles de la Seine ;
Considérant que la liaison souterraine s'étend :
- en partie dans la zone de compensation du projet d'aménagement d'une plateforme multimodale du Grand Port Maritime du Havre ;
- à 60 m de la zone d'arrêté préfectoral de protection du biotope (APPB) de Saint-Nicolas-de-la-Taille, et à 1,5 km de la zone soumise à arrêté préfectoral de protection de biotope de Quillebeuf ;
- à proximité immédiate de la réserve naturelle nationale de l'estuaire de la Seine ;
Considérant que l'emprise de la liaison aérienne est :
- à 1,6 km de la réserve naturelle nationale du marais Vernier ;
- en partie dans la zone humide d'importance internationale n° FR7200045 « Marais Vernier et Vallée de la Risle maritime » inscrite sur la liste établie par la Convention de Ramsar ;
Considérant que les emplacements des postes sont à l'extérieur des périmètres de protection Natura 2000 ;
Considérant que le poste Roseaux est situé à proximité immédiate des zones de compensation de zones humides du projet Eastman ;
Considérant, compte tenu de la nature du projet, les enjeux environnementaux relatifs à la mise en œuvre de la séquence « éviter-réduire-compenser », à la prise en compte des impacts sur les milieux humides et à l'évaluation des effets cumulés ;
Considérant que le projet est soumis à autorisation environnementale notamment pour ses impacts sur des zones humides ;
Considérant que la première demande d'autorisation environnementale à horizon décembre 2024 portera, en application de l'article L. 181-7 du code de l'environnement, sur la tranche 1 du projet (implantation des postes électriques Noroit et Gabion), afin de permettre une obtention de l'autorisation à l'été 2025 et le lancement des travaux dès le mois d'août 2025 ; et que la seconde demande d'autorisation à horizon mi-2025 portera sur la tranche 2 du projet (poste électrique de Roseaux et les lignes électriques aériennes et souterraines), afin de permettre une obtentions de l'autorisation à l'été 2026 et le lancement des travaux immédiatement après ;
Considérant la commande par RTE d'études complémentaires pour compléter l'analyse environnementale réalisée pour sa demande de dispense d'évaluation environnementale qui s'inscrit à un stade d'avancement du projet préalable à la fin des études d'avant-projet. Ces compléments permettront de définir le dimensionnement des postes et le tracé précis des liaisons et de préparer les demandes d'autorisations environnementales précitées, conformément aux exigences fixées par les articles L. 181-8 et R. 181-12 et suivants du code de l'environnement sur la biodiversité dont l'avifaune, l'eau, le paysage, les sols, les gaz à effet de serre et les nuisances sonores, notamment un diagnostic écologique afin de cartographier les espèces et habitats protégés, d'intérêt communautaire et menacés identifiés sur l'emprise du projet et de ses abords, une étude sur les fonctionnalités des zones humides impactées, et une étude sur le comportement de l'avifaune à proximité des lignes aériennes existantes ;
Considérant que l'analyse des incidences du projet est construite par RTE comme une démarche itérative entre l'analyse produite à l'occasion de sa demande de dispense et celles produites en application de l'article L. 181-8 du code de l'environnement lors des demandes d'autorisations environnementale ;
Considérant que seules des zones d'implantations potentielles sont identifiées, y compris des solutions alternatives, dans le dossier de demande de dispense ;
Considérant l'identification par RTE, pour chaque thématique environnementale, des documents de planification et des zonages réglementaires concernés par le projet ;
Considérant l'utilisation par RTE des inventaires zones humides déjà réalisés pour l'implantation des trois postes de transformation ;
Considérant qu'à ce stade, RTE s'engage à mettre en œuvre les mesures suivantes :
- l'implantation des postes électriques sur des topographies planes afin de limiter les impacts liés au terrassement ;
- l'usage de pylônes présentant une silhouette la plus proche possible de celle des pylônes de la ligne existante voisine ;
- l'adaptation des techniques de travaux en zones humides (limitation de la portance des engins) et le respect des horizons de sols en cas d'excavation ;
- l'adaptation du calendrier des travaux pour les postes électriques afin d'éviter les périodes sensibles des espèces ;
- le balisage des habitats sensibles, la mise en défens et la restauration des sites après travaux ;
- la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ;
- la gestion durable de la végétation à l'aplomb des liaisons électriques aériennes ;
- dans la mesure du possible, évitement des zones humides pour l'implantation du poste électrique de Gabion ;
- un suivi écologique du chantier ;
- la balisage anticollision des câbles aériens ;
- l'implantation d'espèces locales arbustives de petite hauteur sous les pylônes de la lignes aériennes, lorsque cela est pertinent ;
Considérant les premières estimations brutes de consommation potentielles d'espaces naturels, agricoles ou forestiers ;
Considérant que la surface d'emprise des postes électriques est estimée à 20 ha, environ 4 m2 d'emprise au sol par pylône pour la liaison aérienne et environ 15 m2 par mètre linéaire de liaison souterraine ;
Considérant que RTE estime qu'un maximum de 20 ha de zones humides pourraient être détruites : que le poste Gabion impacterait jusqu'à 4 ha d'habitats humides, le poste Noroit impacterait jusqu'à 5 ha d'habitats humides, que la construction du poste Roseaux impacterait jusqu'à 11 ha de zones humides, qu'entre 15 et 25 pylônes seraient potentiellement implantés en zones humides, et que RTE retiendrait des techniques de réalisation de la liaison souterraine qui permettra d'éviter la destruction de zones humides ;
Considérant que les mesures d'évitement documentées dans le dossier du maître d'ouvrage seront précisées lorsque la localisation des ouvrages sera finalisée et optimisées sur la base de critères écologiques précis ; que les mesures de réduction génériques prévues seront spécifiées aux enjeux locaux et aux impacts envisagés ; et que le maître d'ouvrage mettra en œuvre des mesures de compensation qui seront ultérieurement localisées et dimensionnées ;
Considérant que la mise en œuvre de la séquence éviter-réduire-compenser doit être complétée à l'occasion de demandes d'autorisations environnementales en application de l'article L. 181-8 précité ;
Considérant l'engagement de RTE de ne pas détruire les mesures compensatoires existantes de projets réalisés ;
Considérant les retours d'expérience de RTE sur des projets similaires, et l'engagement à prendre en compte, au stade de ses demandes d'autorisations, les résultats des études qu'il a lancées, notamment concernant les éventuelles marges d'adaptation du plan de masse du projet par rapport à celui qui est présenté et les modalités de construction que RTE pourraient mobiliser pour éviter ou réduire les potentiels impacts et construire un projet de moindre impact notamment les milieux naturels et les zones humides ;
Considérant la démarche de prospection foncière en cours par RTE pour identifier les terrains qui permettront d'accueillir les mesures compensatoires adéquates ;
Considérant qu'à l'occasion des demandes d'autorisations environnementale :
- seront présentées les qualifications de niveau d'enjeu pour chaque critère environnemental ;
- sera justifiée la solution de moindre impact à partir d'une hiérarchisation des critères environnementaux qui prendront en compte les éventuels besoins compensatoires et leurs conséquences sur le territoire ;
- sera analysée la compatibilité du projet avec la charte du parc naturel régional, qui sera intégrée aux dossiers administratifs du projet ;
- seront précisés et quantifiés les impacts, notamment sur la consommation de milieux naturels, agricoles et forestiers, la destruction, la dégradation et la pollution de zones humides, la destruction et le fractionnement d'habitats naturels et la perturbation et la destruction d'espèces protégées ;
- seront pris en compte le risque de rejets de liquides comme des huiles ou des hydrocarbures en phase travaux et au travers d'un système d'assainissement autonome, d'eaux usées en phase d'exploitation ;
- seront précisées et complétées les mesures d'évitement, de réduction et de compensation de façon adaptée au milieu d'implantation, tant pour la phase de construction que d'exploitation ;
- qu'après démonstration que les impacts ne peuvent être évités ou réduits, seront dimensionnées et localisées les mesures de compensation ;
- qu'en ce qui concerne la compensation des impacts sur les zones humides, sera démontrée la faisabilité de la mise en œuvre au regard des contextes naturels et fonciers locaux ;
- seront précisés les effets cumulés avec d'autres projets, en particulier sur la consommation d'espaces, la destruction de milieux humides et le maintien de mesures compensatoires déjà mis en œuvre ;
- sera intégré les résultats d'une étude « paysage et patrimoine culturel » et présentera des mesures d'intégration des ouvrages du projet au sein du territoire pour réduire les perturbations du paysage, notamment aux abords du monument historique du Manoir de Beaumont et du Marais Vernier ;
Considérant que la réalisation d'une évaluation environnementale pour la tranche 1 porterait atteinte à la finalité poursuivie par le projet avec une mise en service du projet des Boucles de la Seine au plus tôt au milieu de l'année 2030 et qu'une étude d'incidence sera réalisée en application de l'article L. 181-8 du code de l'environnement en vue de l'instruction des autorisations environnementale,
Arrête :