JORF n°0106 du 6 mai 2023

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Proposition de loi

Résumé L'article propose de rendre les infirmiers plus efficaces dans leurs missions en les dotant des moyens nécessaires pour répondre aux besoins des différentes parties prenantes, notamment les patients, leurs proches aidants, les partenaires sanitaires et sociaux, les professionnels eux-mêmes, et le système de santé dans son ensemble. Cette approche est inspirée du système de santé néerlandais, en particulier de l'organisation de soins à domicile Buurtzorg, et est conforme aux recommandations de l'OMS et de l'Union européenne pour une prise en charge centrée sur le patient, holistique, préventive et collective. Les réponses actuelles à la fragmentation des soins, telles que les SSIAD, SPASAD, MAIA, PTA et PAERPA, ont créé de nouvelles structures avec des financements supplémentaires et des réglementations distinctes, contribuant à la complexité du système. L'IGAS a également souligné que ces coordinations existantes ne résolvent pas les problèmes du système de santé car elles en augmentent la complexité et la fragmentation. La proposition vise à transformer les soins infirmiers à domicile en s'appuyant sur la motivation intrinsèque des infirmiers actuels sans créer de nouvelles structures, inspirée par des recherches récentes et l'expérience néerlandaise. Cette approche vise à améliorer la satisfaction des patients, l'efficacité des dépenses de santé et la satisfaction des professionnels. Le texte décrit ensuite la situation des soins infirmiers à domicile en France, avec des chiffres sur la démographie professionnelle, les actes infirmiers, les dépenses de santé associées et la population de patients concernée. Il mentionne également les difficultés rencontrées par les infirmiers, telles que la pénibilité du métier, la solitude au quotidien et une rémunération à l'acte complexe et insécurisante. Enfin, il cite des études et des rapports qui soulignent la richesse et la complexité du métier, ainsi que la souffrance au travail vécue par les professionnels.

ANNEXES
ANNEXE
CAHIER DES CHARGES RELATIF À L'EXPÉRIMENTATION EQUILIBRES (EQUIPES D'INFIRMIÈRES LIBRES RESPONSABLES ET SOLIDAIRES)

|AMÉLIORER LES PRISES EN CHARGE AU DOMICILE, PAR UN EXERCICE FACILITÉ DE LA MISSION DES INFIRMIERS DE VILLE
Projet de cahier des charges pour une expérimentation pour l'innovation dans le système de santé
prévue à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale
Présenté par : SOIGNONS HUMAIN, association loi 1901
Version 4.0 du 20 mars 2023| |:---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|

RAPPEL DU CONTEXTE LÉGISLATIF
Le code de la sécurité sociale, article L. 162-31-1, modifié par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 - art. 51 (V) dispose :
« Des expérimentations dérogatoires à au moins une des dispositions mentionnées au II peuvent être mises en œuvre, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
Ces expérimentations ont l'un ou l'autre des buts suivants :

  1. Permettre l'émergence d'organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé et de l'accès aux soins, en visant à :
    a) Optimiser par une meilleure coordination le parcours de santé ainsi que la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale ;
    b) Organiser pour une séquence de soins la prise en charge des patients ;
    c) Développer les modes d'exercice coordonné en participant à la structuration des soins ambulatoires ;
    d) Favoriser la présence de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l'accès aux soins ;
  2. Améliorer la pertinence de la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées mentionnés à l'article L. 165-1 et la qualité des prescriptions »
    Le décret n° 2018-125 du 21 février 2018 relatif au cadre d'expérimentations pour l'innovation dans le système de santé prévu à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale précise le contenu du cahier des charges exigible pour les expérimentations prévues à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale :
  3. La durée de l'expérimentation envisagée ;
  4. L'objet et la catégorie de l'expérimentation en précisant les dispositions de l'article R. 162-50-1 dont l'application est envisagée ;
  5. Les dérogations au code de la sécurité sociale et, le cas échéant, au code de la santé publique, mentionnées au II de l'article L. 162-31-1, envisagées pour la mise en œuvre de l'expérimentation ;
  6. Le champ d'application territorial envisagé ;
  7. La nature des informations recueillies sur les patients pris en charge dans le cadre de l'expérimentation et les modalités selon lesquelles elles sont recueillies en application de l'article R. 162-50-12 ;
  8. Les modalités de financement de l'expérimentation ;
  9. Les modalités d'évaluation de l'expérimentation ;
  10. Les professions, structures ou organismes pour lesquelles les participants remettent une déclaration mentionnant, le cas échéant, les liens d'intérêts à l'agence régionale de santé compétente, en application de l'article R. 162-50-13.
    Le projet de cahier des charges justifie également de la faisabilité de l'expérimentation et de sa contribution à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé ou de l'accès aux soins.
    Il justifie également, le cas échéant pour les projets mentionnés au IV de l'article R. 162-50-5, de la contribution de l'expérimentation à l'amélioration de la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées mentionnées à l'article 165-1 ou de la qualité des prescriptions.
    SYNTHÈSE DE LA PROPOSITION D'EXPÉRIMENTATION
    En réponse à la volonté du ministère de la santé de susciter des réponses innovantes aux défis de notre système de santé, l'association à but non lucratif SOIGNONS HUMAIN détaille ici la proposition d'expérimentation « EQUILIBRES », pour Equipes d'Infirmières Libres Responsables et Solidaires. Elle consiste en un mode d'exercice facilité pour les soins infirmiers au domicile, qui bénéficiera en particulier aux personnes avec un handicap, une maladie chronique ou une perte d'autonomie liée à l'âge. Cette proposition est largement inspirée du modèle développé en Hollande par BUURTZORG (1).
    Dans quel but ?
    La raison d'être de cette expérimentation est de lever les freins systémiques qui entravent actuellement la bonne réalisation par les infirmiers de la mission qui est la leur. Il s'agit d'un enjeu majeur, au vu du caractère central de cette mission dans le maintien au domicile des bénéficiaires :
    « protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social (2). »

|Le but est d'impulser un changement de paradigme : passer d'un cadre réglementaire orienté par et vers la production d'actes de soins,
à un système focalisé sur les patients, leur autonomie, et leur qualité de vie au domicile.| |:----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|

Comment ?
Les moyens proposés pour atteindre ce but sont l'incitation à un exercice infirmier en équipe, avec un mode de rémunération simplifié, forfaitaire au temps passé auprès des patients (au lieu de de la tarification en fonction des actes réalisés), associé à une évaluation standardisée et régulière de la situation des patients.

|L'enjeu n'est pas de changer les missions dévolues aux infirmiers de ville, mais de créer le contexte favorable qui leur permettra de mieux les accomplir.| |:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|

Autrement dit, leur donner les moyens d'accomplir leur mission en satisfaisant les besoins de l'ensemble des parties prenantes : les patients et leurs proches aidants, les partenaires sanitaires et sociaux de la prise en charge au domicile, les professionnels eux-mêmes, et le système de santé dans son ensemble.
Pourquoi ?
Cette approche s'inspire du système de santé néerlandais et notamment de l'organisation de soins à domicile BUURTZORG. Elle est en ligne avec les recommandations de l'OMS et de l'Union européenne qui incitent à réformer les systèmes de santé autour d'approches centrées sur les patients (« patient centred »), holistiques (« integrated care »), préventives et en exercice collectif.
Les réponses apportées jusqu'à ce jour à la fragmentation des soins ou à la nécessaire coordination des interventions, telles que les SSIAD (3), SPASAD (4), MAIA (5), PTA (6) ou encore PAERPA (7) ont consisté en la création de nouvelles structures dédiées, qui se sont ajoutées les unes aux autres, nécessitant chacune des financements dédiés supplémentaires, et relevant de réglementations nouvelles et différentes. Si elles rendent chacune un service sans doute appréciable à leurs bénéficiaires respectifs, elles offrent une couverture incomplète de la population (8) et, par construction, génèrent des surcoûts de structure, qui diminuent d'autant les budgets disponibles pour les soins aux patients.
L'IGAS relevait en 2014 pour sa part que « les coordinations existantes ne répondent pas aux défauts du système de santé car elles contribuent à sa complexité et à son fractionnement (9). »

|La présente proposition ne consiste pas à créer de nouvelles structures, mais à permettre aux infirmiers - libéraux ou salariés en centres de santé - exerçant actuellement au domicile de mener plus effectivement les missions de soins, de prévention et de coordination qui leur sont dévolues.| |:-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|

L'originalité et le potentiel de cette nouvelle approche est de se fonder sur la motivation intrinsèque des infirmiers actuellement en exercice, sans créer de nouvelles structures organisationnelles. Les recherches récentes de M. A. Bloch (Professeur à l'EHESP, et auteure de l'évaluation qualitative du dispositif PAERPA) attestent de l'efficacité de telles approches (10). Ce type de transformation « issue de la base » doit être envisagée comme complémentaire des approches « top-down » citées précédemment.
L'accompagnement global de patients par des équipes infirmières ayant l'objectif d'autonomisation et de promotion de la santé conduit naturellement à des activités de prévention et de collaboration avec l'entourage, et l'ensemble des professionnels mis en jeu.
L'exemple des Pays-Bas démontre que ce type d'exercice a un impact positif notable sur la satisfaction des patients et de leurs proches, l'efficience des dépenses de santé, et la satisfaction des professionnels eux-mêmes.
SITUATION EN FRANCE RELATIVE AUX SOINS INFIRMIERS À DOMICILE - Panorama chiffré
Démographie professionnelle
La DREES (11) évalue à 123 800 le nombre d'infirmiers libéraux actuellement en exercice à domicile, auxquels il faut ajouter près de 5 000 infirmiers salariés en centres de santé infirmiers.
Pour être complet, il faut également mentionner 5 000 infirmiers travaillant en SSIAD (12), très majoritairement sur des fonctions d'évaluation des patients et d'encadrement de l'équipe soignante, les soins de nursing étant réalisés par des aides-soignants, et les soins techniques réalisés par des infirmiers libéraux ayant signé une convention avec le SSIAD.
Actes infirmiers
Les actes effectués par les professionnels infirmiers au domicile sont généralement classés en deux catégories, actes techniques et actes dit de confort.

- actes techniques : prises de sang, injections, perfusions, pansements, nutrition parentérale, soins d'escarres, chimiothérapie, dialyse, soins palliatifs… ;
- actes de confort ou nursing : levers-couchers, mobilisation et changement de position, habillage-déshabillage, toilettes, changes, sondes urinaires, soins de bouche…

Il faut ajouter à ces deux catégories les actions liées à la prévention (vaccination, surveillance médicamenteuse, surveillance des constantes, soins préventifs d'escarres), à l'éducation thérapeutique des patients et la coordination avec les autres professionnels parties prenantes du maintien au domicile (médecin, kinésithérapeute, pharmacien, auxiliaire de vie, prestataire de santé au domicile, assistante sociale).
L'article R. 4311-2 du code de la santé publique définit bien la mission des infirmiers en cohérence avec une vision holistique des besoins des personnes (13) :
« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution des sciences et des techniques.
Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :

  1. De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;
  2. De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions ;
  3. De participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;
  4. De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l'initiative du ou des médecins prescripteurs ;
  5. De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »
    Dépenses de santé associées
    Le montant annuel des dépenses de santé associées à ces actes était en 2016 selon la DREES (14) de 7,9 milliards d'euros. Ce montant est un poste assez dynamique au sein des dépenses de santé avec une croissance de 4,4 % entre 2015 et 2016, sous l'effet conjugué du virage ambulatoire (durées de séjour plus courtes en hôpital) et du vieillissement de la population.
    Population de patients concernée
    Selon les données du SNIIRAM, en 2016, 10,3 millions de Français ont bénéficié de soins infirmiers à domicile sur prescription médicale. Parmi ceux-ci, on estime généralement à plus de 80 % la part de soins délivrés dans le cadre d'une maladie chronique, d'une perte d'autonomie liée à l'âge, ou bien encore d'une situation de handicap.
    Le rapport de l'Assurance maladie sur les charges et produits 2014 (15) offre une étude plus précise de la population bénéficiant de soins infirmiers. On retiendra qu'un très faible nombre de patients concentre une grande partie des dépenses.

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LES DIFFICULTÉS DE L'EXERCICE INFIRMIER AU DOMICILE
La DREES a publié en 2006 le rapport (16) dit « Vilbrod », qui fait référence sur l'exercice infirmier au domicile, dont les conclusions restent valables aujourd'hui.
Par ailleurs, l'URPS Infirmiers de la région PACA a publié en septembre 2017 les résultats d'une étude permettant de mieux appréhender le profil type des infirmiers libéraux.
Enfin, le Conseil de l'Ordre des infirmiers a publié en avril 2018 les résultats d'un sondage mené auprès de 7 000 infirmiers libéraux à propos de la perception de leur métier.
Ces trois sources mettent en évidence que l'exercice du métier d'infirmier à domicile rencontre trois grandes difficultés :

- un métier prenant, difficile, éprouvant physiquement et moralement ;
- une certaine solitude au quotidien ;
- une rémunération à l'acte complexe et insécurisante.

La pénibilité du métier d'infirmier libéral
Le rapport Vilbrod (DREES) rend compte de la richesse et de la complexité de ce métier, qui est au cœur des enjeux de santé pour le vieillissement de la population :
« Métier empreint d'une technicité avérée, c'est aussi un exercice qui met en jeu à chaque fois une relation singulière, c'est un métier relationnel. (…) Infirmière libérale, c'est un métier sans faux-semblants, un métier où l'on s'implique, où l'on donne de soi, où l'on est en permanence renvoyé à soi. (…) ces infirmières libérales, sont amenées, quelquefois bon gré mal gré, à outrepasser leur rôle, à gérer les liens avec les familles, avec d'autres professionnels, à “dépanner” de mille et une façons une part de leur clientèle, âgée, dépendante pour laquelle cette femme de métier est peut-être la personne qu'elle côtoie le plus régulièrement. »
Plusieurs études ont mis en lumière la souffrance au travail vécue par les professionnels. Citons les deux plus récentes :

- 63 % des 18 653 infirmiers ayant répondu au questionnaire (17) national du Conseil de l'Ordre des infirmiers en avril 2018 déclarent ressentir « Très souvent » au moins un des symptômes de l'épuisement professionnel. La charge de travail, les questions financières et les relations avec les organismes de sécurité sociale sont en tête des facteurs de mal-être ;
- dans son rapport d'enquête 2016 (18), la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), place les infirmiers dans les 15 métiers les moins favorables au bien-être psychologique, sur-représentés dans la catégorie « Accablés », cumulant l'ensemble des facteurs de risques : pénibilité physique, forte demande émotionnelle, conflits éthiques, manque de soutien de collègues.

Une certaine solitude au quotidien
Il n'existe pas d'études précises quant à l'évaluation du niveau de collaboration d'équipe au sein des cabinets infirmiers.
Cependant, selon les données de la DREES, sur les infirmiers libéraux exerçant au domicile, 59 % exerceraient en cabinet individuel, 36 % en cabinet de groupe sans société d'exercice et 4 % au sein d'une société d'exercice avec partage de la patientèle.
L'URPS infirmiers de la région PACA (19) indique pour sa part que 78 % des infirmiers travaillent par deux (52 %) ou par trois (26 %) sur une unique tournée, en alternant respectivement les jours travaillés.
Le panel d'observation des pratiques et des conditions d'exercice des infirmiers libéraux des Pays de la Loire fournit en 2014 des données similaires : « Le plus souvent, les groupes sont de “petite” taille : 43 % des infirmiers sont installés dans un groupe de deux infirmiers et 31 % dans un groupe de trois. 26 % exercent dans des groupes de taille plus importante, réunissant quatre infirmiers et plus (20) ».
Les infirmiers interrogés dans le rapport Vilbrod expriment (Tome 1 - page 9) « un sentiment de solitude et déplorent l'absence d'une camaraderie et d'une solidarité propre au travail en équipe. » Par nature, l'essentiel du temps de travail est effectué de manière individuelle, seul au domicile du patient.
Une rémunération à l'acte complexe et insécurisante
La nomenclature des actes infirmiers actuellement en vigueur comporte plus de 90 cotations disponibles, en fonction des actes, des pathologies ou de la situation de délivrance des soins.
La NGAP date de 1972 et malgré quelques aménagements en 2005 et 2011, son contenu n'est pas en mesure de répondre de manière satisfaisante aux enjeux de santé publique car elle ne valorise essentiellement que les actes techniques.
Par ailleurs, la NGAP ne rémunère pas tout le champ des actes relevant de la compétence infirmière telle qu'énoncée dans le décret du 29 juillet 2004.
Dans ces conditions, le principe même d'une rémunération à l'acte crée un contexte poussant les professionnels à accélérer les prises en soins. En effet, la rémunération du professionnel étant liée au nombre et au type d'actes effectués, ce système crée une incitation à l'augmentation du nombre d'actes et de passages chez les patients. Les professionnels, contraints de réaliser un grand nombre de visites pour parvenir à assurer leurs revenus, risquent alors de manquer de temps disponible pour les patients.
La nomenclature des actes infirmiers se révèle de plus complexe à appliquer, et à contrôler. Ce type de difficultés a été relevé par la Cour des comptes et abordé par la ministre qui parle d'une « histoire et d'un système qui sont à bout de souffle ».
La distribution des revenus nets des infirmiers en France est la suivante, avec une moyenne à 42 149 € par an, soit environ 27 « actes patients » par jour et par professionnel (21) :

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La disparité des tarifications en fonction des actes crée également une incitation à la sélection des actes les mieux rémunérés (22).
Par exemple une perfusion (AMI 10), sera facturée 31,50 € pour une intervention de moins d'une heure. Une toilette pour une personne dépendante (2 AIS3) sera facturée 15,90 € pour une durée d'intervention qui peut prendre jusqu'à une heure. Ainsi, il peut exister un écart important pour le taux de rémunération horaire effectif entre les actes infirmiers les mieux rémunérés et ceux les moins cotés (soins de nursing).
Cette incitation aux actes les mieux rémunérés peut rendre difficile pour les familles la recherche d'un infirmier en mesure de réaliser une toilette infirmière, par exemple (23).
Une telle absence de prise en charge globale se révèle préjudiciable pour l'efficience du système de santé. Des études françaises (24) et internationales ont pu identifier unanimement les impacts positifs de l'intégration des soins de ville sur la qualité et l'efficience des parcours. Ceci notamment grâce à une meilleure prévention et une diminution des occurrences d'hospitalisations non programmées.
Enfin, ainsi que nous l'avons vu précédemment, une bonne partie du chiffre d'affaires d'un cabinet infirmier va dépendre de 4 ou 5 patients seulement (Loi de Pareto), qui concentreront à eux seuls les actes les plus valorisés. Cela crée une grande insécurité quant aux revenus des professionnels, qui sont sous la menace permanente de perdre du jour au lendemain 20 ou 30 % de leur activité en cas de décès ou d'institutionnalisation d'un de ces patients.
PRÉSENTATION DE BUURTZORG HOLLANDE
BUURTZORG (« Soins de proximité ») est une organisation de soins infirmiers à domicile fondée aux Pays-Bas en 2007 par un infirmier cadre de santé, Jos de Blok. Cette organisation à but non-lucratif a eu un impact systémique majeur sur le système de santé néerlandais en l'espace d'une décennie.
La mission poursuivie par BUURTZORG est de « permettre à ses patients de mener la vie la plus riche et la plus autonome possible à leur domicile. » Autrement dit, de délivrer « les meilleurs soins possibles ».
Les trois piliers de cette approche centrée sur le patient à domicile sont :

- l'exercice en équipe ;
- l'approche holistique ;
- la responsabilisation (empowerment) du patient.

Exercice en équipe
Le principe est de constituer de petites équipes d'infirmiers de proximité (« community nurse »), autonomes dans les décisions qui les concernent, et soutenues par une organisation mutualisée aussi restreinte que possible. Pour ses 10 500 infirmiers, le siège associatif de BUURTZORG compte seulement 50 personnes en services support dont 20 accompagnateurs-facilitateurs d'équipe (« team coach »).
Approche holistique et coordination pluri professionnelle de proximité
Toute nouvelle prise en soin débute par un rendez-vous à domicile entre le nouveau patient et l'infirmier référent. Cette première rencontre consiste en une évaluation précise et exhaustive des besoins du patient, de manière multidimensionnelle, et de ses ressources. Elle se termine par l'établissement d'un plan de soins sur la base du référentiel multidimensionnel OMAHA (25).
Cette rencontre est le point de départ d'une relation de confiance. Lorsque c'est nécessaire, l'infirmier assumera également un rôle de gestion de cas, autrement dit l'organisation des interactions avec les autres professionnels mis en jeu par le projet de vie de la personne à son domicile : médecin traitant, pharmacien, kinésithérapeute, prestataires de santé à domicile, auxiliaires de vies, assistantes sociales, pédicure, orthophoniste, ergothérapeute etc. La prise en charge est ensuite globale, avec le moins possible de professionnels différents auprès d'un même patient.
Empowerment du patient
Au-delà des seuls soins prescrits, l'infirmier accompagnera le patient dans l'élaboration de son propre projet de vie qu'il co-signera, avec comme objectif principal, la reconquête ou le maintien de son autonomie.
Autrement dit, la question pour les infirmiers BUURTZORG est « que pouvons-nous faire ensemble pour que vous puissiez vous passer de nous ? ». L'entourage familial, le voisinage, les acteurs associatifs ou sociaux, sont mobilisés en soutien du projet de la personne.
Depuis son lancement, ce modèle représente aujourd'hui un exemple inspirant pour l'amélioration des pratiques en santé dans plus de 16 pays du monde : Brésil, Japon, Chine, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande, Arabie saoudite, Ecosse, Angleterre, Pays de Galles, Allemagne, Suède, Norvège, Belgique, Suisse et aujourd'hui…la France.
Les résultats de différentes études d'évaluation néerlandaises commandées par le ministère de la santé montrent un ensemble vertueux, dans lequel toutes les parties prenantes trouvent satisfaction.
Ernst & Young (26) et KPMG (27) ont analysé le modèle et les performances de BUURTZORG et ont conclu :

  1. BUURTZORG fournit des soins de santé plus efficients que les prestataires de soins classiques, car cet organisme passe jusqu'à 30 % d'heures par patient de moins que les autres intervenants ; a des temps de cycle plus courts ; et diminue les « soins de crise » non prévus. Ces effets sont attribuables à la vision du soin « construire l'autonomie des patients ».

  2. BUURTZORG permet également une meilleure optimisation des dépenses en raison d'une meilleure productivité, de frais généraux moins élevés, d'un faible taux d'arrêts maladie et d'un taux réduit de renouvellement du personnel par rapport aux autres structures employant des salariés. Ces effets sont attribuables à la vision d'organisation « libérée » ou « opale », dont la principale tâche est de soutenir l'indépendance des professionnels en équipe.
    Selon les mesures effectuées chaque année par le ministère de la santé hollandais, BUURTZORG reçoit de la part des patients une note de satisfaction supérieure à 9 sur 10, pour une moyenne habituellement autour de 7,5. Ce score place BUURTZORG premier ou second sur un ensemble de plus de 350 organisations au niveau national.
    Concernant le point de vue des professionnels, le niveau de satisfaction est également très élevé. Depuis son adhésion à la mesure « Best Place To Work » en 2010, BUURTZORG a été évaluée par ses membres n° 1 ou n° 2 dans sa catégorie chaque année. Les professionnels ont également voté avec « leurs pieds », au vu de la croissance continue de BUURTZORG, avec un doublement d'effectifs chaque année pour atteindre à présent plus de 10 500 infirmiers répartis dans 950 équipes autonomes.
    CAHIER DES CHARGES ARTICLE 51 « EQUILIBRES », présenté par Soignons Humain

  3. Durée de l'expérimentation envisagée

La durée de l'expérimentation proposée est de quatre années et 2 mois, à compter de l'inclusion du premier patient le 4 novembre 2019 avec une fin d'expérimentation le 3 janvier 2024.
Il est à noter que, selon notre expérience (28), l'impact de l'approche proposée sur les patients et leurs proches est généralement observable dès les premières semaines de prise en charge. Des bilans qualitatifs pourraient donc être produits semestriellement dès la fin de la première année.

  1. Objet et catégorie de l'expérimentation

L'objet de l'expérimentation proposée est de permettre un exercice du soin infirmier à domicile qui soit centré sur le patient, holistique, en équipe et coordonné, soutenu par une tarification forfaitaire dérogatoire à la nomenclature d'actes infirmiers actuellement en vigueur.
Cette expérimentation relève des dispositions 1.a et d et 2.a, b et c de l'article R. 162-50-1-I :
« 1. L'organisation ou le développement d'activités de soins, de prévention et d'accompagnement au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, à destination de personnes, de groupes de personnes ou de populations, de manière alternative ou complémentaire aux modalités en vigueur, bénéficiant d'une ou plusieurs des modalités de financement suivantes :
a) Financement forfaitaire total ou partiel pour des activités financées à l'acte ou à l'activité
(…)
d) Financement collectif et rémunération de l'exercice coordonné ;
« 2° L'organisation et le financement d'activités de soins, de prévention et d'accompagnement, de technologies ou de services au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, non pris en charge par les modalités existantes et susceptibles d'améliorer l'accès aux soins, leur qualité, leur sécurité ou l'efficience du système de santé, selon une ou plusieurs des modalités suivantes :
« a) Structuration pluriprofessionnelle des soins ambulatoires ou à domicile et promotion des coopérations interprofessionnelles et de partages de compétences ;
« b) Organisation favorisant l'articulation ou l'intégration des soins ambulatoires, des soins hospitaliers et des prises en charge dans le secteur médico-social ;
« c) Utilisation d'outils ou de services numériques favorisant ces organisations.

|L'expérimentation envisagée consiste à ouvrir sur les territoires identifiés la possibilité pour les professionnels infirmiers libéraux ou salariés en centres de soins infirmiers adhérant à la démarche proposée par la signature de la charte Equilibres
i) de bénéficier d'une rémunération CPAM dérogatoire à la nomenclature d'actes en vigueur, basée sur un principe de tarification unique au temps passé auprès du patient ;
ii) en échange d'un engagement à un exercice collectif et des prises en charge centrées sur les patients, holistiques et coordonnées.| |:---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|

Critères d'inclusion des professionnels
L'expérimentation proposée est ouverte aux professionnels infirmiers libéraux, et salariés en centres de santé, dont la patientèle est située à l'intérieur des territoires définis, et qui seraient volontaires pour y participer en respectant la charte d'engagement définie ci-dessous.
Le porteur du dispositif Soignons Humain est chargé de constituer un comité de suivi comprenant au plus six membres permanents. Constitué de personnalités indépendantes, il aura pour mission d'effectuer par tous moyens le suivi du respect des engagements décrit dans la Charte Equilibres par les professionnels. Le comité validera l'adhésion de nouveaux professionnels au dispositif, et pourra demander à l'Assurance maladie la sortie du dispositif pour un professionnel qui serait en écart manifeste et répété par rapport aux engagements pris.
Les professionnels conserveront la faculté de sortir du dispositif à tout moment durant l'expérimentation, en respectant un préavis d'un mois.
(i) Tarification dérogatoire
La rémunération est basée sur le temps de présence du professionnel auprès du patient, pour tous actes infirmiers conforme au décret de compétence (29). Le tarif fixé est uniforme : 53,94 € par heure - soit 0,9 € par minute - de présence auprès du patient, quels que soit les actes infirmiers réalisés.

| Base de revenu annuel médian d'un infirmier libéral |73 500 €| |:---------------------------------------------------------------------------------------------------|:-------| | Nombre de jours travaillés par an | 168 | | Nombre d'heures de travail par jour travaillé | 13,00 | | Nombre d'heures travaillées par an | 2184 | |Ratio entre les heures de présence au domicile des patients rapportées aux total d'heures de travail| 62 % | | Nombre d'heures au domicile | 1363 | | Tarif par heure au domicile |53,94 € |

Sont utilisées pour évaluer ce montant les données fournies par l'URPS PACA à propos du temps de travail des infirmiers, ainsi que celles de la Cour des comptes à propos de la rémunération moyenne actuelle des infirmiers au domicile.
Le tarif horaire est calculé pour conserver le même revenu moyen pour les infirmiers, en tenant compte du ratio entre le temps de présence auprès des patients, et le temps de travail total.
Ce dernier comprend, en plus du temps auprès des patients, les temps de déplacements, les temps de formation, de coordination interne à l'équipe, de coordinations externes (et gestion de cas) et les tâches administratives (dossiers patients, courriers, prises de rendez-vous).
Les données d'entrée du modèle sont les suivantes :

- chiffre d'affaires brut annuel médian d'un infirmier libéral : 73 500 € ;
- nombre de jours travaillés par an : 168 jours ;
- nombre d'heures de travail par jour travaillé : 13 heures ;
- ratio entre les heures de présence auprès des patients rapportées au total d'heures travaillées : 62,4 %.

Le calcul de ce ratio est détaillé ci-dessous :

| Nombre de semaines travaillées par an | 48 | |:-------------------------------------------------------|-----:| | Nombre d'heures de travail par grande semaine | 53 | | Nombre d'heures de travail par petite semaine | 25 | |Nombres d'heures travaillées par an - hors administratif| 1872 | | Nombre d'heures chez les patients | 1516 | | Nombre d'heures administratif et secrétariat | 312 | | Nombre d'heures déplacements | 356 | | Nombre d'heures coordination interne | 96 | | Nombre d'heures coordination externe | 136 | | Nombre d'heures de formation | 14 | | Total heures travaillées | 2430 | | Ratio Heures Patients/Total heures travaillées |62,4 %|

Ce tarif uniforme basé sur le temps passé auprès des patients, a vocation à couvrir à la fois les interventions réalisées auprès des patients (domicile ou cabinet) et les temps de trajet entre patients, ainsi que les temps de coordination intra-équipe, les interactions avec les autres professionnels de santé mis en jeu, et les autres acteurs sociaux ou médico-sociaux, les formations professionnelles, et les temps de congés.
(iii) Engagements des professionnels
Les professionnels participant à l'expérimentation s'engagent à rechercher un exercice en équipe pour une prise en charge holistique et coordonnée.
Exercice en équipe
L'accès à l'expérimentation sera possible pour les cabinets de groupe d'infirmiers libéraux ou les centres de soins infirmiers (30).
L'adhésion des infirmiers à un principe d'exercice en équipe est un des critères d'inclusion pour le dispositif : consciente de l'apport essentiel de la concertation clinique (31) et de l'intelligence collective pour la qualité des soins et l'efficience des pratiques, chaque équipe de soins se réunira régulièrement pour un partage de pratiques professionnelles et un échange à propos des situations le nécessitant. Cette réunion sera tenue a minima toutes les deux semaines.

|Dans le cadre du dispositif expérimental, afin d'établir et de maintenir dans la durée les relations professionnelles fructueuses et satisfaisantes requises pour atteindre les objectifs de qualité des soins, les équipes d'infirmiers seront formées à l'auto-organisation, et bénéficieront d'un accompagnement en facilitation d'équipe fourni par un tiers compétent.
Soignons Humain, en tant que porteur du dispositif, s'engage à former et mettre à disposition les formateurs et facilitateurs d'équipes nécessaires.
Le budget d'ingénierie de formation, de formation des formateurs, le coût pédagogique, et l'indemnisation du temps des professionnels en formation est pris en charge par le FISS pour la durée de l'expérimentation.| |:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|

Les outils d'organisation et de gestion des interactions développés par BUURTZORG (32) pourront apporter une aide utile. Chaque équipe s'engagera à être accompagnée par un professionnel dûment formé et expérimenté (coach ou formateur certifié), à hauteur de 40 heures par an.

- la formation initiale pour chaque infirmier est de huit heures, découpée en quatre modules de 2 heures, répartis sur 6 mois. La formation peut être délivrée par groupes de 8 stagiaires maximum ;
- la facilitation d'équipe est prévue à hauteur de deux heures par semaine et par équipe active.

Approche holistique : évaluation standardisée et prise en charge globale pour le maintien de l'autonomie
Les infirmiers accompagnent leurs patients avec une prise en soins holistique/globale incluant les soins de nursing.
Le raisonnement clinique, acquis comme une compétence infirmière lors de la formation initiale, favorise la qualité de la prévention et de l'accompagnement au domicile des bénéficiaires. Une prise en charge globale développe l'alliance thérapeutique nécessaire pour détecter tout signal précurseur d'une évolution de la pathologie ou l'apparition de nouveaux symptômes.
Consciente de l'impact sur la qualité et l'efficience des soins d'une approche globale du maintien de l'autonomie des patients, l'équipe d'infirmiers procédera, dans les cinq jours suivant la prise en charge d'un nouveau patient, à l'évaluation multidimensionnelle de sa situation.
Cette évaluation sera effectuée au moyen du référentiel standardisé validé internationalement OMAHA (33).
Ce référentiel est un élément clé pour mettre en pratique la vision du soin orientée vers la reconquête ou la préservation de l'autonomie du patient, et non plus de la production d'actes.
Il permet en effet non seulement l'évaluation de la situation du patient dans les trois axes Connaissances, Comportements et Statuts, mais surtout, est nativement conçu pour suivre précisément les évolutions de cette situation dans le temps, autrement dit les résultats obtenus par l'intervention des professionnels.
Cette évaluation permettra la construction du plan de soins du patient, en explicitant non seulement les interventions prévues par les soignants, mais aussi les autres actions à engager afin de garantir l'autonomie du patient, la qualité de son réseau social et de sa vie quotidienne, ainsi que celle de son proche entourage, et la sécurisation de son environnement de vie.
La situation du patient sera réévaluée selon le même référentiel quand nécessaire, et a minima tous les trois mois.

|L'évaluation du patient au moyen du référentiel standardisé OMAHA, ainsi que la prescription médicale toujours requise, seront informatisées et partageables avec le médecin traitant via le dossier médical personnel (DMP) (34).
Les professionnels inclus dans le dispositif s'engagent à l'accessibilité et à la transparence de ces informations pour les médecins-conseils de l'assurance maladie, ainsi que pour l'équipe de chercheurs qui sera en charge de l'évaluation du dispositif.| |:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|

|Soignons Humain, en tant que porteur du dispositif, s'assure de la mise à disposition effective par au moins un éditeur informatique d'un tel outil informatisé au profit des infirmiers.
Le budget de développement, d'hébergement conforme aux réglementations applicables aux données de santé, et de maintien en conditions opérationnelles est pris en charge par le FISS pour la durée de l'expérimentation.| |:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|

Exercice coordonné avec les autres professionnels
Consciente de l'impact (35) sur la qualité et l'efficience des soins, et sur la réduction du fardeau des aidants familiaux, de la bonne coordination et de la continuité des interventions entre les différents professionnels, l'équipe désignera un référent pour chaque patient en son sein.
Dans notre vision, cet infirmier référent est garant de l'intégration des soins :
« Leutz définit l'intégration comme “le travail d'interconnexion du système de soins (aigus, principalement médical et expert) avec les autres systèmes d'aide humaine (long-terme, d'éducation et d'aide social) dans l'objectif d'améliorer le devenir (clinique, de satisfaction et d'efficience)”.
Cette conception de la coordination (…) vise le dépassement de frontières professionnelles et organisationnelles. La coordination est conçue comme “l'acte de gérer les interdépendances des interventions”, ce qui ne peut se réduire à une simple démarche protocolarisée puisqu'elle mobilise, pour se réaliser, autant des coordinations formelles qu'informelles pour gérer lesdites interdépendances (36). »
Ce référent sera chargé de la bonne tenue du dossier de soins informatisé, ainsi que de la qualité et de la régularité des interactions avec les autres professionnels de santé ou structures mis en jeu dans le parcours de soin du patient. Il assumera, lorsque c'est nécessaire et possible, la fonction de gestion de cas (37) de proximité. Cela ne remet pas en cause le rôle des gestionnaires de cas de MAIA, mais a vocation à constituer une complémentarité de compétences et d'actions au service du patient et de son entourage.

  1. Dérogations au code de la sécurité sociale et, le cas échéant, au code de la santé publique

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, la dérogation demandée concerne les modalités de remboursement des actes infirmiers, en substituant les tarifs spécifiques par actes décrits dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) par un taux uniforme de 53,94 € par heure de présence auprès du patient.
Ce taux est décomptable à la minute, soit 0,899 € par minute.
Il est versé collectivement à l'équipe de soins (Société d'exercice ou Centre de Soins Infirmiers), ou à défaut individuellement à chaque professionnel libéral, sur base d'un relevé de facturation électronique transmis par le professionnel selon le format informatique défini par l'Assurance maladie.
Le relevé du temps passé auprès du patient est établi par les professionnels, sur la base du plan de soins OMAHA établi, le cas échéant ajusté jour par jour en fonction de la réalité des interventions effectuées.
Les autres dispositions en vigueur concernant l'exercice de la profession d'infirmier au domicile sont inchangées.

NB. - Aides à la télétransmission. Les infirmiers qui adhèreront au dispositif n'adresseront plus de FSE au format habituel ni de prescriptions numérisées au format SCOR, et de ce fait ne seront plus éligibles aux aides automatiques à la télétransmission (38). Un dispositif financier de substitution sera prévu dans le volet « financement » afin de compenser cette perte pour les professionnels, dans un contexte où ils produiront un effort supplémentaire de documentation de leurs interventions et de numérisations des dossiers patients, au travers de l'application digitale support du référentiel Omaha.


Historique des versions

Version 1

ANNEXES

ANNEXE

CAHIER DES CHARGES RELATIF À L'EXPÉRIMENTATION EQUILIBRES (EQUIPES D'INFIRMIÈRES LIBRES RESPONSABLES ET SOLIDAIRES)

AMÉLIORER LES PRISES EN CHARGE AU DOMICILE, PAR UN EXERCICE FACILITÉ DE LA MISSION DES INFIRMIERS DE VILLE

Projet de cahier des charges pour une expérimentation pour l'innovation dans le système de santé

prévue à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale

Présenté par : SOIGNONS HUMAIN, association loi 1901

Version 4.0 du 20 mars 2023

RAPPEL DU CONTEXTE LÉGISLATIF

Le code de la sécurité sociale, article L. 162-31-1, modifié par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 - art. 51 (V) dispose :

« Des expérimentations dérogatoires à au moins une des dispositions mentionnées au II peuvent être mises en œuvre, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

Ces expérimentations ont l'un ou l'autre des buts suivants :

1. Permettre l'émergence d'organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé et de l'accès aux soins, en visant à :

a) Optimiser par une meilleure coordination le parcours de santé ainsi que la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale ;

b) Organiser pour une séquence de soins la prise en charge des patients ;

c) Développer les modes d'exercice coordonné en participant à la structuration des soins ambulatoires ;

d) Favoriser la présence de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l'accès aux soins ;

2. Améliorer la pertinence de la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées mentionnés à l'article L. 165-1 et la qualité des prescriptions »

Le décret n° 2018-125 du 21 février 2018 relatif au cadre d'expérimentations pour l'innovation dans le système de santé prévu à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale précise le contenu du cahier des charges exigible pour les expérimentations prévues à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale :

1. La durée de l'expérimentation envisagée ;

2. L'objet et la catégorie de l'expérimentation en précisant les dispositions de l'article R. 162-50-1 dont l'application est envisagée ;

3. Les dérogations au code de la sécurité sociale et, le cas échéant, au code de la santé publique, mentionnées au II de l'article L. 162-31-1, envisagées pour la mise en œuvre de l'expérimentation ;

4. Le champ d'application territorial envisagé ;

5. La nature des informations recueillies sur les patients pris en charge dans le cadre de l'expérimentation et les modalités selon lesquelles elles sont recueillies en application de l'article R. 162-50-12 ;

6. Les modalités de financement de l'expérimentation ;

7. Les modalités d'évaluation de l'expérimentation ;

8. Les professions, structures ou organismes pour lesquelles les participants remettent une déclaration mentionnant, le cas échéant, les liens d'intérêts à l'agence régionale de santé compétente, en application de l'article R. 162-50-13.

Le projet de cahier des charges justifie également de la faisabilité de l'expérimentation et de sa contribution à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé ou de l'accès aux soins.

Il justifie également, le cas échéant pour les projets mentionnés au IV de l'article R. 162-50-5, de la contribution de l'expérimentation à l'amélioration de la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments ou des produits et prestations associées mentionnées à l'article 165-1 ou de la qualité des prescriptions.

SYNTHÈSE DE LA PROPOSITION D'EXPÉRIMENTATION

En réponse à la volonté du ministère de la santé de susciter des réponses innovantes aux défis de notre système de santé, l'association à but non lucratif SOIGNONS HUMAIN détaille ici la proposition d'expérimentation « EQUILIBRES », pour Equipes d'Infirmières Libres Responsables et Solidaires. Elle consiste en un mode d'exercice facilité pour les soins infirmiers au domicile, qui bénéficiera en particulier aux personnes avec un handicap, une maladie chronique ou une perte d'autonomie liée à l'âge. Cette proposition est largement inspirée du modèle développé en Hollande par BUURTZORG (1).

Dans quel but ?

La raison d'être de cette expérimentation est de lever les freins systémiques qui entravent actuellement la bonne réalisation par les infirmiers de la mission qui est la leur. Il s'agit d'un enjeu majeur, au vu du caractère central de cette mission dans le maintien au domicile des bénéficiaires :

« protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social (2). »

Le but est d'impulser un changement de paradigme : passer d'un cadre réglementaire orienté par et vers la production d'actes de soins,

à un système focalisé sur les patients, leur autonomie, et leur qualité de vie au domicile.

Comment ?

Les moyens proposés pour atteindre ce but sont l'incitation à un exercice infirmier en équipe, avec un mode de rémunération simplifié, forfaitaire au temps passé auprès des patients (au lieu de de la tarification en fonction des actes réalisés), associé à une évaluation standardisée et régulière de la situation des patients.

L'enjeu n'est pas de changer les missions dévolues aux infirmiers de ville, mais de créer le contexte favorable qui leur permettra de mieux les accomplir.

Autrement dit, leur donner les moyens d'accomplir leur mission en satisfaisant les besoins de l'ensemble des parties prenantes : les patients et leurs proches aidants, les partenaires sanitaires et sociaux de la prise en charge au domicile, les professionnels eux-mêmes, et le système de santé dans son ensemble.

Pourquoi ?

Cette approche s'inspire du système de santé néerlandais et notamment de l'organisation de soins à domicile BUURTZORG. Elle est en ligne avec les recommandations de l'OMS et de l'Union européenne qui incitent à réformer les systèmes de santé autour d'approches centrées sur les patients (« patient centred »), holistiques (« integrated care »), préventives et en exercice collectif.

Les réponses apportées jusqu'à ce jour à la fragmentation des soins ou à la nécessaire coordination des interventions, telles que les SSIAD (3), SPASAD (4), MAIA (5), PTA (6) ou encore PAERPA (7) ont consisté en la création de nouvelles structures dédiées, qui se sont ajoutées les unes aux autres, nécessitant chacune des financements dédiés supplémentaires, et relevant de réglementations nouvelles et différentes. Si elles rendent chacune un service sans doute appréciable à leurs bénéficiaires respectifs, elles offrent une couverture incomplète de la population (8) et, par construction, génèrent des surcoûts de structure, qui diminuent d'autant les budgets disponibles pour les soins aux patients.

L'IGAS relevait en 2014 pour sa part que « les coordinations existantes ne répondent pas aux défauts du système de santé car elles contribuent à sa complexité et à son fractionnement (9). »

La présente proposition ne consiste pas à créer de nouvelles structures, mais à permettre aux infirmiers - libéraux ou salariés en centres de santé - exerçant actuellement au domicile de mener plus effectivement les missions de soins, de prévention et de coordination qui leur sont dévolues.

L'originalité et le potentiel de cette nouvelle approche est de se fonder sur la motivation intrinsèque des infirmiers actuellement en exercice, sans créer de nouvelles structures organisationnelles. Les recherches récentes de M. A. Bloch (Professeur à l'EHESP, et auteure de l'évaluation qualitative du dispositif PAERPA) attestent de l'efficacité de telles approches (10). Ce type de transformation « issue de la base » doit être envisagée comme complémentaire des approches « top-down » citées précédemment.

L'accompagnement global de patients par des équipes infirmières ayant l'objectif d'autonomisation et de promotion de la santé conduit naturellement à des activités de prévention et de collaboration avec l'entourage, et l'ensemble des professionnels mis en jeu.

L'exemple des Pays-Bas démontre que ce type d'exercice a un impact positif notable sur la satisfaction des patients et de leurs proches, l'efficience des dépenses de santé, et la satisfaction des professionnels eux-mêmes.

SITUATION EN FRANCE RELATIVE AUX SOINS INFIRMIERS À DOMICILE - Panorama chiffré

Démographie professionnelle

La DREES (11) évalue à 123 800 le nombre d'infirmiers libéraux actuellement en exercice à domicile, auxquels il faut ajouter près de 5 000 infirmiers salariés en centres de santé infirmiers.

Pour être complet, il faut également mentionner 5 000 infirmiers travaillant en SSIAD (12), très majoritairement sur des fonctions d'évaluation des patients et d'encadrement de l'équipe soignante, les soins de nursing étant réalisés par des aides-soignants, et les soins techniques réalisés par des infirmiers libéraux ayant signé une convention avec le SSIAD.

Actes infirmiers

Les actes effectués par les professionnels infirmiers au domicile sont généralement classés en deux catégories, actes techniques et actes dit de confort.

- actes techniques : prises de sang, injections, perfusions, pansements, nutrition parentérale, soins d'escarres, chimiothérapie, dialyse, soins palliatifs… ;

- actes de confort ou nursing : levers-couchers, mobilisation et changement de position, habillage-déshabillage, toilettes, changes, sondes urinaires, soins de bouche…

Il faut ajouter à ces deux catégories les actions liées à la prévention (vaccination, surveillance médicamenteuse, surveillance des constantes, soins préventifs d'escarres), à l'éducation thérapeutique des patients et la coordination avec les autres professionnels parties prenantes du maintien au domicile (médecin, kinésithérapeute, pharmacien, auxiliaire de vie, prestataire de santé au domicile, assistante sociale).

L'article R. 4311-2 du code de la santé publique définit bien la mission des infirmiers en cohérence avec une vision holistique des besoins des personnes (13) :

« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution des sciences et des techniques.

Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :

1. De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;

2. De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions ;

3. De participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;

4. De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l'initiative du ou des médecins prescripteurs ;

5. De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »

Dépenses de santé associées

Le montant annuel des dépenses de santé associées à ces actes était en 2016 selon la DREES (14) de 7,9 milliards d'euros. Ce montant est un poste assez dynamique au sein des dépenses de santé avec une croissance de 4,4 % entre 2015 et 2016, sous l'effet conjugué du virage ambulatoire (durées de séjour plus courtes en hôpital) et du vieillissement de la population.

Population de patients concernée

Selon les données du SNIIRAM, en 2016, 10,3 millions de Français ont bénéficié de soins infirmiers à domicile sur prescription médicale. Parmi ceux-ci, on estime généralement à plus de 80 % la part de soins délivrés dans le cadre d'une maladie chronique, d'une perte d'autonomie liée à l'âge, ou bien encore d'une situation de handicap.

Le rapport de l'Assurance maladie sur les charges et produits 2014 (15) offre une étude plus précise de la population bénéficiant de soins infirmiers. On retiendra qu'un très faible nombre de patients concentre une grande partie des dépenses.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

LES DIFFICULTÉS DE L'EXERCICE INFIRMIER AU DOMICILE

La DREES a publié en 2006 le rapport (16) dit « Vilbrod », qui fait référence sur l'exercice infirmier au domicile, dont les conclusions restent valables aujourd'hui.

Par ailleurs, l'URPS Infirmiers de la région PACA a publié en septembre 2017 les résultats d'une étude permettant de mieux appréhender le profil type des infirmiers libéraux.

Enfin, le Conseil de l'Ordre des infirmiers a publié en avril 2018 les résultats d'un sondage mené auprès de 7 000 infirmiers libéraux à propos de la perception de leur métier.

Ces trois sources mettent en évidence que l'exercice du métier d'infirmier à domicile rencontre trois grandes difficultés :

- un métier prenant, difficile, éprouvant physiquement et moralement ;

- une certaine solitude au quotidien ;

- une rémunération à l'acte complexe et insécurisante.

La pénibilité du métier d'infirmier libéral

Le rapport Vilbrod (DREES) rend compte de la richesse et de la complexité de ce métier, qui est au cœur des enjeux de santé pour le vieillissement de la population :

« Métier empreint d'une technicité avérée, c'est aussi un exercice qui met en jeu à chaque fois une relation singulière, c'est un métier relationnel. (…) Infirmière libérale, c'est un métier sans faux-semblants, un métier où l'on s'implique, où l'on donne de soi, où l'on est en permanence renvoyé à soi. (…) ces infirmières libérales, sont amenées, quelquefois bon gré mal gré, à outrepasser leur rôle, à gérer les liens avec les familles, avec d'autres professionnels, à “dépanner” de mille et une façons une part de leur clientèle, âgée, dépendante pour laquelle cette femme de métier est peut-être la personne qu'elle côtoie le plus régulièrement. »

Plusieurs études ont mis en lumière la souffrance au travail vécue par les professionnels. Citons les deux plus récentes :

- 63 % des 18 653 infirmiers ayant répondu au questionnaire (17) national du Conseil de l'Ordre des infirmiers en avril 2018 déclarent ressentir « Très souvent » au moins un des symptômes de l'épuisement professionnel. La charge de travail, les questions financières et les relations avec les organismes de sécurité sociale sont en tête des facteurs de mal-être ;

- dans son rapport d'enquête 2016 (18), la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), place les infirmiers dans les 15 métiers les moins favorables au bien-être psychologique, sur-représentés dans la catégorie « Accablés », cumulant l'ensemble des facteurs de risques : pénibilité physique, forte demande émotionnelle, conflits éthiques, manque de soutien de collègues.

Une certaine solitude au quotidien

Il n'existe pas d'études précises quant à l'évaluation du niveau de collaboration d'équipe au sein des cabinets infirmiers.

Cependant, selon les données de la DREES, sur les infirmiers libéraux exerçant au domicile, 59 % exerceraient en cabinet individuel, 36 % en cabinet de groupe sans société d'exercice et 4 % au sein d'une société d'exercice avec partage de la patientèle.

L'URPS infirmiers de la région PACA (19) indique pour sa part que 78 % des infirmiers travaillent par deux (52 %) ou par trois (26 %) sur une unique tournée, en alternant respectivement les jours travaillés.

Le panel d'observation des pratiques et des conditions d'exercice des infirmiers libéraux des Pays de la Loire fournit en 2014 des données similaires : « Le plus souvent, les groupes sont de “petite” taille : 43 % des infirmiers sont installés dans un groupe de deux infirmiers et 31 % dans un groupe de trois. 26 % exercent dans des groupes de taille plus importante, réunissant quatre infirmiers et plus (20) ».

Les infirmiers interrogés dans le rapport Vilbrod expriment (Tome 1 - page 9) « un sentiment de solitude et déplorent l'absence d'une camaraderie et d'une solidarité propre au travail en équipe. » Par nature, l'essentiel du temps de travail est effectué de manière individuelle, seul au domicile du patient.

Une rémunération à l'acte complexe et insécurisante

La nomenclature des actes infirmiers actuellement en vigueur comporte plus de 90 cotations disponibles, en fonction des actes, des pathologies ou de la situation de délivrance des soins.

La NGAP date de 1972 et malgré quelques aménagements en 2005 et 2011, son contenu n'est pas en mesure de répondre de manière satisfaisante aux enjeux de santé publique car elle ne valorise essentiellement que les actes techniques.

Par ailleurs, la NGAP ne rémunère pas tout le champ des actes relevant de la compétence infirmière telle qu'énoncée dans le décret du 29 juillet 2004.

Dans ces conditions, le principe même d'une rémunération à l'acte crée un contexte poussant les professionnels à accélérer les prises en soins. En effet, la rémunération du professionnel étant liée au nombre et au type d'actes effectués, ce système crée une incitation à l'augmentation du nombre d'actes et de passages chez les patients. Les professionnels, contraints de réaliser un grand nombre de visites pour parvenir à assurer leurs revenus, risquent alors de manquer de temps disponible pour les patients.

La nomenclature des actes infirmiers se révèle de plus complexe à appliquer, et à contrôler. Ce type de difficultés a été relevé par la Cour des comptes et abordé par la ministre qui parle d'une « histoire et d'un système qui sont à bout de souffle ».

La distribution des revenus nets des infirmiers en France est la suivante, avec une moyenne à 42 149 € par an, soit environ 27 « actes patients » par jour et par professionnel (21) :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

La disparité des tarifications en fonction des actes crée également une incitation à la sélection des actes les mieux rémunérés (22).

Par exemple une perfusion (AMI 10), sera facturée 31,50 € pour une intervention de moins d'une heure. Une toilette pour une personne dépendante (2 AIS3) sera facturée 15,90 € pour une durée d'intervention qui peut prendre jusqu'à une heure. Ainsi, il peut exister un écart important pour le taux de rémunération horaire effectif entre les actes infirmiers les mieux rémunérés et ceux les moins cotés (soins de nursing).

Cette incitation aux actes les mieux rémunérés peut rendre difficile pour les familles la recherche d'un infirmier en mesure de réaliser une toilette infirmière, par exemple (23).

Une telle absence de prise en charge globale se révèle préjudiciable pour l'efficience du système de santé. Des études françaises (24) et internationales ont pu identifier unanimement les impacts positifs de l'intégration des soins de ville sur la qualité et l'efficience des parcours. Ceci notamment grâce à une meilleure prévention et une diminution des occurrences d'hospitalisations non programmées.

Enfin, ainsi que nous l'avons vu précédemment, une bonne partie du chiffre d'affaires d'un cabinet infirmier va dépendre de 4 ou 5 patients seulement (Loi de Pareto), qui concentreront à eux seuls les actes les plus valorisés. Cela crée une grande insécurité quant aux revenus des professionnels, qui sont sous la menace permanente de perdre du jour au lendemain 20 ou 30 % de leur activité en cas de décès ou d'institutionnalisation d'un de ces patients.

PRÉSENTATION DE BUURTZORG HOLLANDE

BUURTZORG (« Soins de proximité ») est une organisation de soins infirmiers à domicile fondée aux Pays-Bas en 2007 par un infirmier cadre de santé, Jos de Blok. Cette organisation à but non-lucratif a eu un impact systémique majeur sur le système de santé néerlandais en l'espace d'une décennie.

La mission poursuivie par BUURTZORG est de « permettre à ses patients de mener la vie la plus riche et la plus autonome possible à leur domicile. » Autrement dit, de délivrer « les meilleurs soins possibles ».

Les trois piliers de cette approche centrée sur le patient à domicile sont :

- l'exercice en équipe ;

- l'approche holistique ;

- la responsabilisation (empowerment) du patient.

Exercice en équipe

Le principe est de constituer de petites équipes d'infirmiers de proximité (« community nurse »), autonomes dans les décisions qui les concernent, et soutenues par une organisation mutualisée aussi restreinte que possible. Pour ses 10 500 infirmiers, le siège associatif de BUURTZORG compte seulement 50 personnes en services support dont 20 accompagnateurs-facilitateurs d'équipe (« team coach »).

Approche holistique et coordination pluri professionnelle de proximité

Toute nouvelle prise en soin débute par un rendez-vous à domicile entre le nouveau patient et l'infirmier référent. Cette première rencontre consiste en une évaluation précise et exhaustive des besoins du patient, de manière multidimensionnelle, et de ses ressources. Elle se termine par l'établissement d'un plan de soins sur la base du référentiel multidimensionnel OMAHA (25).

Cette rencontre est le point de départ d'une relation de confiance. Lorsque c'est nécessaire, l'infirmier assumera également un rôle de gestion de cas, autrement dit l'organisation des interactions avec les autres professionnels mis en jeu par le projet de vie de la personne à son domicile : médecin traitant, pharmacien, kinésithérapeute, prestataires de santé à domicile, auxiliaires de vies, assistantes sociales, pédicure, orthophoniste, ergothérapeute etc. La prise en charge est ensuite globale, avec le moins possible de professionnels différents auprès d'un même patient.

Empowerment du patient

Au-delà des seuls soins prescrits, l'infirmier accompagnera le patient dans l'élaboration de son propre projet de vie qu'il co-signera, avec comme objectif principal, la reconquête ou le maintien de son autonomie.

Autrement dit, la question pour les infirmiers BUURTZORG est « que pouvons-nous faire ensemble pour que vous puissiez vous passer de nous ? ». L'entourage familial, le voisinage, les acteurs associatifs ou sociaux, sont mobilisés en soutien du projet de la personne.

Depuis son lancement, ce modèle représente aujourd'hui un exemple inspirant pour l'amélioration des pratiques en santé dans plus de 16 pays du monde : Brésil, Japon, Chine, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande, Arabie saoudite, Ecosse, Angleterre, Pays de Galles, Allemagne, Suède, Norvège, Belgique, Suisse et aujourd'hui…la France.

Les résultats de différentes études d'évaluation néerlandaises commandées par le ministère de la santé montrent un ensemble vertueux, dans lequel toutes les parties prenantes trouvent satisfaction.

Ernst & Young (26) et KPMG (27) ont analysé le modèle et les performances de BUURTZORG et ont conclu :

1. BUURTZORG fournit des soins de santé plus efficients que les prestataires de soins classiques, car cet organisme passe jusqu'à 30 % d'heures par patient de moins que les autres intervenants ; a des temps de cycle plus courts ; et diminue les « soins de crise » non prévus. Ces effets sont attribuables à la vision du soin « construire l'autonomie des patients ».

2. BUURTZORG permet également une meilleure optimisation des dépenses en raison d'une meilleure productivité, de frais généraux moins élevés, d'un faible taux d'arrêts maladie et d'un taux réduit de renouvellement du personnel par rapport aux autres structures employant des salariés. Ces effets sont attribuables à la vision d'organisation « libérée » ou « opale », dont la principale tâche est de soutenir l'indépendance des professionnels en équipe.

Selon les mesures effectuées chaque année par le ministère de la santé hollandais, BUURTZORG reçoit de la part des patients une note de satisfaction supérieure à 9 sur 10, pour une moyenne habituellement autour de 7,5. Ce score place BUURTZORG premier ou second sur un ensemble de plus de 350 organisations au niveau national.

Concernant le point de vue des professionnels, le niveau de satisfaction est également très élevé. Depuis son adhésion à la mesure « Best Place To Work » en 2010, BUURTZORG a été évaluée par ses membres n° 1 ou n° 2 dans sa catégorie chaque année. Les professionnels ont également voté avec « leurs pieds », au vu de la croissance continue de BUURTZORG, avec un doublement d'effectifs chaque année pour atteindre à présent plus de 10 500 infirmiers répartis dans 950 équipes autonomes.

CAHIER DES CHARGES ARTICLE 51 « EQUILIBRES », présenté par Soignons Humain

1. Durée de l'expérimentation envisagée

La durée de l'expérimentation proposée est de quatre années et 2 mois, à compter de l'inclusion du premier patient le 4 novembre 2019 avec une fin d'expérimentation le 3 janvier 2024.

Il est à noter que, selon notre expérience (28), l'impact de l'approche proposée sur les patients et leurs proches est généralement observable dès les premières semaines de prise en charge. Des bilans qualitatifs pourraient donc être produits semestriellement dès la fin de la première année.

2. Objet et catégorie de l'expérimentation

L'objet de l'expérimentation proposée est de permettre un exercice du soin infirmier à domicile qui soit centré sur le patient, holistique, en équipe et coordonné, soutenu par une tarification forfaitaire dérogatoire à la nomenclature d'actes infirmiers actuellement en vigueur.

Cette expérimentation relève des dispositions 1.a et d et 2.a, b et c de l'article R. 162-50-1-I :

« 1. L'organisation ou le développement d'activités de soins, de prévention et d'accompagnement au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, à destination de personnes, de groupes de personnes ou de populations, de manière alternative ou complémentaire aux modalités en vigueur, bénéficiant d'une ou plusieurs des modalités de financement suivantes :

a) Financement forfaitaire total ou partiel pour des activités financées à l'acte ou à l'activité

(…)

d) Financement collectif et rémunération de l'exercice coordonné ;

« 2° L'organisation et le financement d'activités de soins, de prévention et d'accompagnement, de technologies ou de services au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, non pris en charge par les modalités existantes et susceptibles d'améliorer l'accès aux soins, leur qualité, leur sécurité ou l'efficience du système de santé, selon une ou plusieurs des modalités suivantes :

« a) Structuration pluriprofessionnelle des soins ambulatoires ou à domicile et promotion des coopérations interprofessionnelles et de partages de compétences ;

« b) Organisation favorisant l'articulation ou l'intégration des soins ambulatoires, des soins hospitaliers et des prises en charge dans le secteur médico-social ;

« c) Utilisation d'outils ou de services numériques favorisant ces organisations.

L'expérimentation envisagée consiste à ouvrir sur les territoires identifiés la possibilité pour les professionnels infirmiers libéraux ou salariés en centres de soins infirmiers adhérant à la démarche proposée par la signature de la charte Equilibres

i) de bénéficier d'une rémunération CPAM dérogatoire à la nomenclature d'actes en vigueur, basée sur un principe de tarification unique au temps passé auprès du patient ;

ii) en échange d'un engagement à un exercice collectif et des prises en charge centrées sur les patients, holistiques et coordonnées.

Critères d'inclusion des professionnels

L'expérimentation proposée est ouverte aux professionnels infirmiers libéraux, et salariés en centres de santé, dont la patientèle est située à l'intérieur des territoires définis, et qui seraient volontaires pour y participer en respectant la charte d'engagement définie ci-dessous.

Le porteur du dispositif Soignons Humain est chargé de constituer un comité de suivi comprenant au plus six membres permanents. Constitué de personnalités indépendantes, il aura pour mission d'effectuer par tous moyens le suivi du respect des engagements décrit dans la Charte Equilibres par les professionnels. Le comité validera l'adhésion de nouveaux professionnels au dispositif, et pourra demander à l'Assurance maladie la sortie du dispositif pour un professionnel qui serait en écart manifeste et répété par rapport aux engagements pris.

Les professionnels conserveront la faculté de sortir du dispositif à tout moment durant l'expérimentation, en respectant un préavis d'un mois.

(i) Tarification dérogatoire

La rémunération est basée sur le temps de présence du professionnel auprès du patient, pour tous actes infirmiers conforme au décret de compétence (29). Le tarif fixé est uniforme : 53,94 € par heure - soit 0,9 € par minute - de présence auprès du patient, quels que soit les actes infirmiers réalisés.

Base de revenu annuel médian d'un infirmier libéral

73 500 €

Nombre de jours travaillés par an

168

Nombre d'heures de travail par jour travaillé

13,00

Nombre d'heures travaillées par an

2184

Ratio entre les heures de présence au domicile des patients rapportées aux total d'heures de travail

62 %

Nombre d'heures au domicile

1363

Tarif par heure au domicile

53,94 €

Sont utilisées pour évaluer ce montant les données fournies par l'URPS PACA à propos du temps de travail des infirmiers, ainsi que celles de la Cour des comptes à propos de la rémunération moyenne actuelle des infirmiers au domicile.

Le tarif horaire est calculé pour conserver le même revenu moyen pour les infirmiers, en tenant compte du ratio entre le temps de présence auprès des patients, et le temps de travail total.

Ce dernier comprend, en plus du temps auprès des patients, les temps de déplacements, les temps de formation, de coordination interne à l'équipe, de coordinations externes (et gestion de cas) et les tâches administratives (dossiers patients, courriers, prises de rendez-vous).

Les données d'entrée du modèle sont les suivantes :

- chiffre d'affaires brut annuel médian d'un infirmier libéral : 73 500 € ;

- nombre de jours travaillés par an : 168 jours ;

- nombre d'heures de travail par jour travaillé : 13 heures ;

- ratio entre les heures de présence auprès des patients rapportées au total d'heures travaillées : 62,4 %.

Le calcul de ce ratio est détaillé ci-dessous :

Nombre de semaines travaillées par an

48

Nombre d'heures de travail par grande semaine

53

Nombre d'heures de travail par petite semaine

25

Nombres d'heures travaillées par an - hors administratif

1872

Nombre d'heures chez les patients

1516

Nombre d'heures administratif et secrétariat

312

Nombre d'heures déplacements

356

Nombre d'heures coordination interne

96

Nombre d'heures coordination externe

136

Nombre d'heures de formation

14

Total heures travaillées

2430

Ratio Heures Patients/Total heures travaillées

62,4 %

Ce tarif uniforme basé sur le temps passé auprès des patients, a vocation à couvrir à la fois les interventions réalisées auprès des patients (domicile ou cabinet) et les temps de trajet entre patients, ainsi que les temps de coordination intra-équipe, les interactions avec les autres professionnels de santé mis en jeu, et les autres acteurs sociaux ou médico-sociaux, les formations professionnelles, et les temps de congés.

(iii) Engagements des professionnels

Les professionnels participant à l'expérimentation s'engagent à rechercher un exercice en équipe pour une prise en charge holistique et coordonnée.

Exercice en équipe

L'accès à l'expérimentation sera possible pour les cabinets de groupe d'infirmiers libéraux ou les centres de soins infirmiers (30).

L'adhésion des infirmiers à un principe d'exercice en équipe est un des critères d'inclusion pour le dispositif : consciente de l'apport essentiel de la concertation clinique (31) et de l'intelligence collective pour la qualité des soins et l'efficience des pratiques, chaque équipe de soins se réunira régulièrement pour un partage de pratiques professionnelles et un échange à propos des situations le nécessitant. Cette réunion sera tenue a minima toutes les deux semaines.

Dans le cadre du dispositif expérimental, afin d'établir et de maintenir dans la durée les relations professionnelles fructueuses et satisfaisantes requises pour atteindre les objectifs de qualité des soins, les équipes d'infirmiers seront formées à l'auto-organisation, et bénéficieront d'un accompagnement en facilitation d'équipe fourni par un tiers compétent.

Soignons Humain, en tant que porteur du dispositif, s'engage à former et mettre à disposition les formateurs et facilitateurs d'équipes nécessaires.

Le budget d'ingénierie de formation, de formation des formateurs, le coût pédagogique, et l'indemnisation du temps des professionnels en formation est pris en charge par le FISS pour la durée de l'expérimentation.

Les outils d'organisation et de gestion des interactions développés par BUURTZORG (32) pourront apporter une aide utile. Chaque équipe s'engagera à être accompagnée par un professionnel dûment formé et expérimenté (coach ou formateur certifié), à hauteur de 40 heures par an.

- la formation initiale pour chaque infirmier est de huit heures, découpée en quatre modules de 2 heures, répartis sur 6 mois. La formation peut être délivrée par groupes de 8 stagiaires maximum ;

- la facilitation d'équipe est prévue à hauteur de deux heures par semaine et par équipe active.

Approche holistique : évaluation standardisée et prise en charge globale pour le maintien de l'autonomie

Les infirmiers accompagnent leurs patients avec une prise en soins holistique/globale incluant les soins de nursing.

Le raisonnement clinique, acquis comme une compétence infirmière lors de la formation initiale, favorise la qualité de la prévention et de l'accompagnement au domicile des bénéficiaires. Une prise en charge globale développe l'alliance thérapeutique nécessaire pour détecter tout signal précurseur d'une évolution de la pathologie ou l'apparition de nouveaux symptômes.

Consciente de l'impact sur la qualité et l'efficience des soins d'une approche globale du maintien de l'autonomie des patients, l'équipe d'infirmiers procédera, dans les cinq jours suivant la prise en charge d'un nouveau patient, à l'évaluation multidimensionnelle de sa situation.

Cette évaluation sera effectuée au moyen du référentiel standardisé validé internationalement OMAHA (33).

Ce référentiel est un élément clé pour mettre en pratique la vision du soin orientée vers la reconquête ou la préservation de l'autonomie du patient, et non plus de la production d'actes.

Il permet en effet non seulement l'évaluation de la situation du patient dans les trois axes Connaissances, Comportements et Statuts, mais surtout, est nativement conçu pour suivre précisément les évolutions de cette situation dans le temps, autrement dit les résultats obtenus par l'intervention des professionnels.

Cette évaluation permettra la construction du plan de soins du patient, en explicitant non seulement les interventions prévues par les soignants, mais aussi les autres actions à engager afin de garantir l'autonomie du patient, la qualité de son réseau social et de sa vie quotidienne, ainsi que celle de son proche entourage, et la sécurisation de son environnement de vie.

La situation du patient sera réévaluée selon le même référentiel quand nécessaire, et a minima tous les trois mois.

L'évaluation du patient au moyen du référentiel standardisé OMAHA, ainsi que la prescription médicale toujours requise, seront informatisées et partageables avec le médecin traitant via le dossier médical personnel (DMP) (34).

Les professionnels inclus dans le dispositif s'engagent à l'accessibilité et à la transparence de ces informations pour les médecins-conseils de l'assurance maladie, ainsi que pour l'équipe de chercheurs qui sera en charge de l'évaluation du dispositif.

Soignons Humain, en tant que porteur du dispositif, s'assure de la mise à disposition effective par au moins un éditeur informatique d'un tel outil informatisé au profit des infirmiers.

Le budget de développement, d'hébergement conforme aux réglementations applicables aux données de santé, et de maintien en conditions opérationnelles est pris en charge par le FISS pour la durée de l'expérimentation.

Exercice coordonné avec les autres professionnels

Consciente de l'impact (35) sur la qualité et l'efficience des soins, et sur la réduction du fardeau des aidants familiaux, de la bonne coordination et de la continuité des interventions entre les différents professionnels, l'équipe désignera un référent pour chaque patient en son sein.

Dans notre vision, cet infirmier référent est garant de l'intégration des soins :

« Leutz définit l'intégration comme “le travail d'interconnexion du système de soins (aigus, principalement médical et expert) avec les autres systèmes d'aide humaine (long-terme, d'éducation et d'aide social) dans l'objectif d'améliorer le devenir (clinique, de satisfaction et d'efficience)”.

Cette conception de la coordination (…) vise le dépassement de frontières professionnelles et organisationnelles. La coordination est conçue comme “l'acte de gérer les interdépendances des interventions”, ce qui ne peut se réduire à une simple démarche protocolarisée puisqu'elle mobilise, pour se réaliser, autant des coordinations formelles qu'informelles pour gérer lesdites interdépendances (36). »

Ce référent sera chargé de la bonne tenue du dossier de soins informatisé, ainsi que de la qualité et de la régularité des interactions avec les autres professionnels de santé ou structures mis en jeu dans le parcours de soin du patient. Il assumera, lorsque c'est nécessaire et possible, la fonction de gestion de cas (37) de proximité. Cela ne remet pas en cause le rôle des gestionnaires de cas de MAIA, mais a vocation à constituer une complémentarité de compétences et d'actions au service du patient et de son entourage.

3. Dérogations au code de la sécurité sociale et, le cas échéant, au code de la santé publique

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, la dérogation demandée concerne les modalités de remboursement des actes infirmiers, en substituant les tarifs spécifiques par actes décrits dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) par un taux uniforme de 53,94 € par heure de présence auprès du patient.

Ce taux est décomptable à la minute, soit 0,899 € par minute.

Il est versé collectivement à l'équipe de soins (Société d'exercice ou Centre de Soins Infirmiers), ou à défaut individuellement à chaque professionnel libéral, sur base d'un relevé de facturation électronique transmis par le professionnel selon le format informatique défini par l'Assurance maladie.

Le relevé du temps passé auprès du patient est établi par les professionnels, sur la base du plan de soins OMAHA établi, le cas échéant ajusté jour par jour en fonction de la réalité des interventions effectuées.

Les autres dispositions en vigueur concernant l'exercice de la profession d'infirmier au domicile sont inchangées.

NB. - Aides à la télétransmission. Les infirmiers qui adhèreront au dispositif n'adresseront plus de FSE au format habituel ni de prescriptions numérisées au format SCOR, et de ce fait ne seront plus éligibles aux aides automatiques à la télétransmission (38). Un dispositif financier de substitution sera prévu dans le volet « financement » afin de compenser cette perte pour les professionnels, dans un contexte où ils produiront un effort supplémentaire de documentation de leurs interventions et de numérisations des dossiers patients, au travers de l'application digitale support du référentiel Omaha.