JORF n°0179 du 5 août 2009

CHAPITRE III : UNE AGRICULTURE ET UNE SYLVICULTURE DIVERSIFIEES ET DE QUALITE, PRODUCTIVES ET DURABLES

Article 31

La vocation première et prioritaire de l'agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir. Le changement climatique, avec ses aléas et sa rapidité, impose à l'agriculture de s'adapter, de se diversifier et de contribuer à la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il est indispensable de préserver les surfaces agricoles, notamment en limitant leur consommation et leur artificialisation.
Cependant, les processus intensifs de production font peser des risques parfois trop forts sur les milieux, menaçant aussi le caractère durable de l'agriculture elle-même.
Au-delà des importantes évolutions des pratiques agricoles mises en œuvre depuis une dizaine d'années, un mouvement de transformation s'impose à l'agriculture pour concilier les impératifs de production quantitative et qualitative, de sécurité sanitaire, d'efficacité économique, de robustesse au changement climatique et de réalisme écologique : il s'agit de produire suffisamment, en utilisant les fonctionnements du sol et des systèmes vivants et, leur garantissant ainsi une pérennité, de sécuriser simultanément les productions et les écosystèmes. L'agriculture contribuera ainsi plus fortement à l'équilibre écologique du territoire, notamment en participant à la constitution d'une trame verte et bleue, au maintien et à la restauration de la biodiversité sauvage et domestique, des espaces naturels et des milieux aquatiques, et à la réhabilitation des sols.
A cet effet, les objectifs à atteindre sont :
a) De parvenir à une production agricole biologique suffisante pour répondre d'une manière durable à la demande croissante des consommateurs et aux objectifs de développement du recours aux produits biologiques dans la restauration collective publique ou à des produits saisonniers à faible impact environnemental, eu égard à leurs conditions de production et de distribution. Pour satisfaire cette attente, l'Etat favorisera la production et la structuration de cette filière pour que la surface agricole utile en agriculture biologique atteigne 6 % en 2012 et 20 % en 2020. A cette fin, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique sera doublé dès l'année 2009 afin de favoriser la conversion des exploitations agricoles vers l'agriculture biologique ;
b) De développer une démarche de certification environnementale des exploitations agricoles afin que 50 % des exploitations agricoles puissent y être largement engagées en 2012. Des prescriptions environnementales pourront être volontairement intégrées dans les produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine. Une incitation pour les jeunes exploitants s'installant en agriculture biologique ou en haute valeur environnementale sera étudiée ;
c) De généraliser des pratiques agricoles durables et productives. L'objectif est, d'une part, de retirer du marché, en tenant compte des substances actives autorisées au niveau européen, les produits phytopharmaceutiques contenant les quarante substances les plus préoccupantes en fonction de leur substituabilité et de leur dangerosité pour l'homme, trente au plus tard en 2009, dix d'ici à la fin 2010, et, d'autre part, de diminuer de 50 % d'ici à 2012 ceux contenant des substances préoccupantes pour lesquels il n'existe pas de produits ni de pratiques de substitution techniquement et économiquement viables. De manière générale, l'objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques et des biocides en dix ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives, sous réserve de leur mise au point, et en facilitant les procédures d'autorisation de mise sur le marché des préparations naturelles peu préoccupantes. Cette réduction ne doit cependant pas mettre en danger des productions, notamment les cultures dites mineures. Un programme pluriannuel de recherche appliquée et de formation sur l'ensemble de l'agriculture sera lancé au plus tard en 2009, ainsi qu'un état des lieux de la santé des agriculteurs et des salariés agricoles et un programme de surveillance épidémiologique. Une politique nationale visera la réhabilitation des sols agricoles et le développement de la biodiversité domestique, cultivée et naturelle dans les exploitations ;
d) De réduire la dépendance des systèmes de production animale aux matières premières importées entrant dans la composition des produits d'alimentation animale, notamment en relançant la production des cultures de protéagineux et autres légumineuses ;
e) De favoriser le maintien et la restauration des prairies et des herbages afin que les producteurs des filières bovines, ovines, équines et caprines puissent nourrir leurs cheptels majoritairement à l'herbe et aux graminées issues des pâturages ;
f) D'accroître la maîtrise énergétique des exploitations afin d'atteindre un taux de 30 % d'exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d'ici à 2013. A cet effet, l'Etat mettra en place un crédit d'impôt pour la réalisation d'un diagnostic énergétique de l'exploitation agricole ;
g) D'interdire l'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques, sauf dérogations.
La politique génétique des semences et races domestiques aura pour objectifs :
a) De rénover d'ici à fin 2009 le dispositif d'évaluation des variétés et d'en étendre les critères aux nouveaux enjeux du développement durable, notamment la réduction progressive des intrants de synthèse et le maintien de la biodiversité, dont la biodiversité domestique. La France s'emploiera à faire prendre en compte ces nouveaux critères au niveau européen ;
b) De définir d'ici à 2010 un protocole permettant d'évaluer les variétés en conditions d'agriculture biologique ;
c) Et d'adapter d'ici à fin 2009, par un dispositif d'inscription spécifique, le catalogue des semences aux variétés locales anciennes, y compris les variétés population, et aux variétés menacées d'érosion génétique, afin notamment d'en faciliter l'utilisation par les professionnels agricoles.
L'Etat agira par une combinaison d'actions : l'encadrement des professions de distributeur et d'applicateur de produits phytopharmaceutiques par des exigences en matière de formation, d'identification ou de séparation des activités de vente et de conseil, dans le cadre d'un référentiel vérifiable d'enregistrement et de traçabilité des produits ; un renforcement des crédits d'impôt et des aides budgétaires pour aider les agriculteurs à développer l'agriculture biologique ; des instructions données à ses services en matière de restauration collective ; la promotion d'une organisation des acteurs agricoles et non agricoles pour mettre en œuvre des pratiques agricoles avancées sur l'ensemble du territoire concerné ; une réorientation des programmes de recherche et de l'appareil de formation agricole pour répondre d'ici à 2012 aux besoins de connaissance, notamment en microbiologie des sols, et au développement des pratiques économes en intrants et économiquement viables, notamment par un programme de recherche renforcé sur les variétés et itinéraires améliorant la résistance aux insectes et aux maladies ; l'objectif est qu'au moins 20 % des agriculteurs aient bénéficié de cette formation en 2012 ; la généralisation de la couverture des sols en hiver en fonction des conditions locales ; la valorisation des effluents organiques d'élevage ; l'implantation progressive, pour améliorer la qualité de l'eau et préserver la biodiversité, de bandes enherbées et zones végétalisées tampons d'au moins cinq mètres de large le long des cours d'eau et plans d'eau. Ces bandes enherbées contribuent aux continuités écologiques de la trame verte et bleue.
La France demandera que l'Organisation mondiale du commerce prenne en compte des exigences environnementales afin d'éviter les distorsions de concurrence entre productions nationale et importée en matière agricole.
Le rapport prévu à l'article 1er comporte une étude spécifiant l'impact des mesures contenues dans la présente loi sur le secteur agricole.

Article 32

Un plan d'urgence en faveur de la préservation des abeilles sera mis en place en 2009 et s'appuiera notamment sur une évaluation toxicologique indépendante relative aux effets, sur les abeilles, de l'ensemble des substances chimiques.
En outre, une interprofession de la filière apicole sera mise en place en vue de mieux structurer la profession apicole. Elle favorisera la création d'un institut scientifique et technique de l'abeille.

Article 33

La déclaration annuelle de ruches est rendue obligatoire dès la première ruche à compter du 1er janvier 2010.

Article 34

La biodiversité forestière ordinaire et remarquable doit être préservée et valorisée, dans le cadre d'une gestion plus dynamique de la filière bois et dans une perspective de lutte contre le changement climatique. La production accrue de bois, en tant qu'écomatériau et source d'énergie renouvelable, doit s'inscrire dans des projets de développement locaux.
Pour atteindre ces objectifs, l'Etat s'engage à prendre en compte la lutte contre le changement climatique dans la politique forestière et dans les modalités de gestion des peuplements forestiers ; à promouvoir la certification et l'emploi de bois certifié ou, à défaut, issu de forêts gérées de manière durable, dans les constructions publiques à compter de 2010 ; à préciser les modalités de reconnaissance de la certification de la gestion durable des forêts, en s'appuyant sur les démarches européennes et internationales en ce domaine ; à définir un programme visant à extraire des forêts des volumes de bois supplémentaires, les stocker et les valoriser dans des conditions compatibles avec une gestion durable des ressources sylvicoles ; à adapter les normes de construction à l'usage du bois, notamment en augmentant très significativement le taux minimum d'incorporation de bois dans la construction et en soutenant la mise en place d'un label ; à reconnaître et valoriser les services environnementaux rendus par la forêt ; à défendre aux plans communautaire et international la forêt et la biodiversité comme un des piliers du cadre international de lutte contre le changement climatique, avec les mécanismes financiers correspondants, notamment en soutenant la prise en compte de la réduction des émissions de gaz à effet de serre issues de la déforestation et de la dégradation forestière dans le marché international du carbone, en lien avec le système européen d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre ; à promouvoir toutes les actions concourant à la résilience des forêts au réchauffement du climat ; et à renforcer les moyens de lutte contre les importations illégales de bois aux plans national et européen.