JORF n°296 du 22 décembre 1999

I. - Atteinte au principe de la souveraineté nationale et à l'article 34 de la Constitution, selon lequel « la loi est votée par le Parlement » ; atteinte au droit d'amendement

Le principe même de la codification « à droit constant » doit être critiqué comme portant atteinte à l'exercice de la souveraineté nationale. En effet, la codification à droit constant suppose la reprise dans un code d'une matière dont la partie Législative doit être présentée au Parlement. Or, la Commission supérieure de codification et les principes inscrits dans les différentes circulaires d'application relatives à la codification indiquent explicitement que la codification à droit constant doit conduire le Parlement à limiter « à quelques amendements de fond » son droit d'amendement. Or, l'exercice du droit d'amendement ne peut connaître que les limites inscrites dans la Constitution. Dans son principe même, la codification à droit constant porte atteinte à la souveraineté nationale en limitant l'exercice de celle-ci, conformément à l'article 3 de la Constitution et à l'article 34, qui énonce que « la loi est votée par le Parlement ». On ajoute que toute dérogation à ces règles constitutionnelles doit être d'interprétation restrictive, ce qui est le cas pour le recours à la procédure prévue par l'article 38 de la Constitution.

Le recours à une loi d'habilitation en matière de codification porte donc une grave atteinte au droit d'amendement défini à l'article 44 de la Constitution. En effet, le fait de procéder, par voie d'ordonnance, à l'édiction de parties législatives de codes, dont certains n'ont pas même été déposés sur le bureau des assemblées parlementaires, ne permet évidemment pas au Parlement d'exercer le droit d'amendement qui lui est reconnu en particulier par l'article 44 de la Constitution.

Mais il y a plus. Le principe même de la codification à droit constant, dont le produit est constitué par les codes faisant l'objet du texte de loi contesté, doit conduire, selon les principes mêmes énoncés par la Commission supérieure de codification, à réduire au minimum l'exercice du droit d'amendement afin de ne pas bouleverser l'économie générale des codes. Outre l'absence de considération à l'égard du travail parlementaire que révèlent ces assertions, il faut souligner qu'il n'appartient certainement pas à une autorité administrative placée sous l'autorité du Gouvernement de porter une quelconque appréciation sur la façon dont doit s'exercer le droit d'amendement, prérogative constitutionnelle des assemblées parlementaires.

Cette atteinte au droit d'amendement est aggravée par le recours aux habilitations de l'article 38 de la Constitution. Certes, le droit d'amendement n'est pas touché dans son principe par l'utilisation de la procédure prévue par l'article 38. Mais lorsque le projet de loi d'habilitation concerne des codes contenant des textes législatifs déjà promulgués, il comprend nécessairement le contenu de ces codes et donc le texte de ces lois. Or, le droit d'amendement ne peut s'exercer que vis-à-vis des articles du projet de loi d'habilitation et non vis-à-vis du contenu des codes présentés.

On remarquera d'ailleurs que le projet de loi ne comporte pas en annexe le texte des codes dont la rédaction est achevée, ce qui constitue un grave défaut d'information du Parlement et renforce l'inconstitutionnalité du texte de loi.

Le texte de loi contesté est contraire également à l'article 34 de la Constitution en ce sens que le Parlement ne peut exercer son pouvoir de modification du contenu des codes qu'il avait élaborés ou dont il avait été saisi. Or on sait qu'il est à tout moment loisible au législateur statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. On sait également qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de valeur constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles. On sait enfin que l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel (cf. C. const., no 97-393 DC du 18 décembre 1997, Rec. 320). En l'espèce, le recours à la loi d'habilitation en matière de codification ne peut pas permettre au Parlement d'exercer son pouvoir d'abrogation et de modification des dispositions législatives dont il était saisi, sans même pouvoir s'assurer du respect de principes et règles de valeur constitutionnelle par les dispositions de valeur législative contenues dans les codes.

Enfin, rien ne permet de s'assurer que, lors de la ratification des ordonnances, si celles-ci étaient prises, le Parlement pourrait ratifier explicitement l'ensemble des dispositions des codes présentés, ainsi que le périmètre et le contenu de ces codes.

Pour ces motifs déjà, le texte de loi contesté doit être déclaré contraire à la Constitution.


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I. - Atteinte au principe de la souveraineté nationale et à l'article 34 de la Constitution, selon lequel « la loi est votée par le Parlement » ; atteinte au droit d'amendement

Le principe même de la codification « à droit constant » doit être critiqué comme portant atteinte à l'exercice de la souveraineté nationale. En effet, la codification à droit constant suppose la reprise dans un code d'une matière dont la partie Législative doit être présentée au Parlement. Or, la Commission supérieure de codification et les principes inscrits dans les différentes circulaires d'application relatives à la codification indiquent explicitement que la codification à droit constant doit conduire le Parlement à limiter « à quelques amendements de fond » son droit d'amendement. Or, l'exercice du droit d'amendement ne peut connaître que les limites inscrites dans la Constitution. Dans son principe même, la codification à droit constant porte atteinte à la souveraineté nationale en limitant l'exercice de celle-ci, conformément à l'article 3 de la Constitution et à l'article 34, qui énonce que « la loi est votée par le Parlement ». On ajoute que toute dérogation à ces règles constitutionnelles doit être d'interprétation restrictive, ce qui est le cas pour le recours à la procédure prévue par l'article 38 de la Constitution.

Le recours à une loi d'habilitation en matière de codification porte donc une grave atteinte au droit d'amendement défini à l'article 44 de la Constitution. En effet, le fait de procéder, par voie d'ordonnance, à l'édiction de parties législatives de codes, dont certains n'ont pas même été déposés sur le bureau des assemblées parlementaires, ne permet évidemment pas au Parlement d'exercer le droit d'amendement qui lui est reconnu en particulier par l'article 44 de la Constitution.

Mais il y a plus. Le principe même de la codification à droit constant, dont le produit est constitué par les codes faisant l'objet du texte de loi contesté, doit conduire, selon les principes mêmes énoncés par la Commission supérieure de codification, à réduire au minimum l'exercice du droit d'amendement afin de ne pas bouleverser l'économie générale des codes. Outre l'absence de considération à l'égard du travail parlementaire que révèlent ces assertions, il faut souligner qu'il n'appartient certainement pas à une autorité administrative placée sous l'autorité du Gouvernement de porter une quelconque appréciation sur la façon dont doit s'exercer le droit d'amendement, prérogative constitutionnelle des assemblées parlementaires.

Cette atteinte au droit d'amendement est aggravée par le recours aux habilitations de l'article 38 de la Constitution. Certes, le droit d'amendement n'est pas touché dans son principe par l'utilisation de la procédure prévue par l'article 38. Mais lorsque le projet de loi d'habilitation concerne des codes contenant des textes législatifs déjà promulgués, il comprend nécessairement le contenu de ces codes et donc le texte de ces lois. Or, le droit d'amendement ne peut s'exercer que vis-à-vis des articles du projet de loi d'habilitation et non vis-à-vis du contenu des codes présentés.

On remarquera d'ailleurs que le projet de loi ne comporte pas en annexe le texte des codes dont la rédaction est achevée, ce qui constitue un grave défaut d'information du Parlement et renforce l'inconstitutionnalité du texte de loi.

Le texte de loi contesté est contraire également à l'article 34 de la Constitution en ce sens que le Parlement ne peut exercer son pouvoir de modification du contenu des codes qu'il avait élaborés ou dont il avait été saisi. Or on sait qu'il est à tout moment loisible au législateur statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. On sait également qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de valeur constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles. On sait enfin que l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel (cf. C. const., no 97-393 DC du 18 décembre 1997, Rec. 320). En l'espèce, le recours à la loi d'habilitation en matière de codification ne peut pas permettre au Parlement d'exercer son pouvoir d'abrogation et de modification des dispositions législatives dont il était saisi, sans même pouvoir s'assurer du respect de principes et règles de valeur constitutionnelle par les dispositions de valeur législative contenues dans les codes.

Enfin, rien ne permet de s'assurer que, lors de la ratification des ordonnances, si celles-ci étaient prises, le Parlement pourrait ratifier explicitement l'ensemble des dispositions des codes présentés, ainsi que le périmètre et le contenu de ces codes.

Pour ces motifs déjà, le texte de loi contesté doit être déclaré contraire à la Constitution.