V. - Non-respect de l'article 37, alinéa 2,
de la Constitution : détournement de procédure
Le texte de loi contesté porte atteinte à la Constitution, en ce sens qu'il est constitutif d'un détournement de la procédure prévue par l'article 37, alinéa 2, de la Constitution.
Le déclassement de dispositions législatives en dispositions réglementaires organisé selon la procédure de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution prévoit que seul le Gouvernement peut décider d'engager la procédure de déclassement en saisissant le Conseil constitutionnel. Or, le rapport de l'Assemblée nationale, comme d'ailleurs les rapports de la Commission supérieure de codification, admet que le respect du principe de la « hiérarchie des normes » « peut amener la Commission supérieure de codification à procéder à des reclassements de dispositions codifiées dans le domaine législatif ou réglementaire ; ainsi il lui est arrivé de décider des déclassements, en retirant de la loi des dispositions qui relèvent du règlement, quitte à les insérer dans la partie Réglementaire des codes et, plus rarement, à l'inverse, de codifier dans la partie Législative des éléments extraits de la réglementation » (rapport AN, no 1917).
L'utilisation de ce procédé constitue un détournement de la procédure inscrite à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, qui réserve au seul Conseil constitutionnel, sur saisine du Gouvernement, la compétence de déclassement.
Même si le 9e rapport de la Commission supérieure de codification (1998) tente de répondre à ces objections en indiquant que l'abrogation des dispositions de nature réglementaire insérées dans une loi est reportée à la date d'entrée en vigueur de la partie Réglementaire dans laquelle elles seront insérées, le détournement de procédure subsiste pour les raisons de principe qu'on vient d'indiquer.
Ce détournement de procédure est aggravé par le recours à une loi d'habilitation puisque le Parlement ne pourra même pas procéder lui-même aux reclassements éventuels dans le domaine législatif, puisqu'il ne peut examiner le contenu des codes faisant l'objet de la demande d'habilitation.
Pour ces raisons, le texte de loi contesté doit être déclaré contraire à la Constitution.
Pour l'ensemble des motifs ci-dessus énoncés et par tous les autres moyens et conclusions que le Conseil constitutionnel soulèvera d'office, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution, en vertu du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie Législative de certains codes, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
(Liste des signataires : voir décision no 99-421 DC.)
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