JORF n°0154 du 5 juillet 2023

Recommandation du 6 juin 2023

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Rapport de visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au centre pénitentiaire de Fresnes

Résumé Le rapport de Fresnes d'avril 2023 montre des problèmes graves : surpopulation, cellules en mauvais état, punaises de lit, et sécurité insuffisante.

L'article 9 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), permet à cette autorité, lorsqu'elle constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de communiquer sans délai aux autorités compétentes des observations, de leur impartir un délai pour y répondre et, à l'issue de ce délai, de constater s'il a été mis fin à la violation signalée.
Les présentes recommandations ont été adressées au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la santé et de la prévention. Un délai de trois semaines leur a été imparti pour faire connaître leurs observations.
Du 6 au 10 mars 2023, quatre contrôleurs ont visité, de manière inopinée, le quartier maison d'arrêt des hommes (QMAH) du centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), dans le cadre d'un contrôle portant uniquement sur la dignité des conditions de détention (1). Cette mission a révélé de telles atteintes aux droits fondamentaux qu'un nouveau contrôle portant sur le fonctionnement général du centre pénitentiaire a été diligenté dès le mois suivant, du 3 au 14 avril 2023. Cette seconde visite a mis au jour un nombre important de dysfonctionnements graves et des conditions de détention attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes détenues. Ces constats peuvent être analysés comme la conséquence directe de la dégradation d'une situation déjà jugée alarmante à l'issue de la première visite du centre pénitentiaire par le CGLPL, en 2014.

  1. Les conditions matérielles sont indignes, de même que l'état d'hygiène et de salubrité des locaux
    1.1. La surpopulation endémique aggrave l'indignité des conditions matérielles

Les détenus ne disposent pas d'un espace suffisant pour vivre et se mouvoir en cellule. Le premier jour de la visite (3 avril 2023), le nombre de personnes détenues au QMAH était de 315 pour une capacité de 132 places, soit un taux d'occupation de 239 %. Soixante-sept personnes dormaient sur un matelas au sol, et 58 % (2) des cellules étaient occupées par trois personnes. Après retrait de l'emprise au sol du mobilier commun, les cellules triplées offrent à chaque occupant moins d'1 m2 d'espace disponible (0,84 m2).
La surpopulation est chronique et le quartier maison d'arrêt des hommes est particulièrement affecté. Le quartier centre de détention (QCD) étant utilisé pour le désencombrer, au moment de la visite des contrôleurs, 37 % des détenus du QCD venaient du QMAH et 33 cellules individuelles y étaient occupées par deux personnes (3).
Le quartier maison d'arrêt des femmes (QMAF) n'échappe pas à la surpopulation, avec 50 femmes détenues pour 28 places, soit un taux d'occupation de 179 % en avril 2023.
Le service médico-psychologique régional (SMPR) n'est pas davantage épargné : sur 13 cellules seules 3 sont individuelles, 9 sont équipées de deux lits, une de quatre lits, ce qui est incompatible avec une prise en charge adaptée en hôpital de jour.
Seuls les détenus du quartier mineurs (QM) bénéficient d'un encellulement individuel.
Rien dans les cellules n'est prévu pour héberger trois personnes et les conditions de vie y sont attentatoires à la dignité ; la surface au sol est insuffisante, le mobilier n'est pas adapté au nombre d'occupants : pas assez de tables, de chaises, de lits, de rangements. Dans certaines cellules, aucune porte ne sépare les toilettes du reste de la pièce. Est également relevée au QMAH la présence de quatre cellules dites « dortoir » de 19 m2 : théoriquement prévues pour trois personnes (4), elles disposent de cinq lits et hébergent régulièrement six (5) voire sept personnes, obligeant là encore au moins une personne à dormir sur un matelas au sol.
Malgré leurs demandes répétées, lors de la mission de mars puis en avril, les contrôleurs n'ont pas pu obtenir communication du rapport d'activité du service de l'application des peines (SAP). Cette carence a rendu impossible toute analyse de l'activité générale en matière d'aménagements de peine et, par voie de conséquence, toute appréciation de l'impact potentiel des mesures prises à ce titre sur la surpopulation affectant l'établissement. Selon quelques données chiffrées recueillies auprès du greffe pénitentiaire de l'établissement et du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), en 2022, sur 372 dossiers de libération sous contrainte examinés en commission d'application des peines (6), seuls 25 ont abouti à une décision favorable.
Le 1er janvier 2023 sont entrées en vigueur les dispositions législatives régissant la libération sous contrainte de plein droit (7) (LSCPD), aux termes desquelles, sauf exception tenant à la nature des faits ou au comportement en détention, toute personne condamnée à une ou plusieurs peines d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans de prison dont le reliquat à exécuter est inférieur ou égal à trois mois doit bénéficier d'une libération sous contrainte, même si elle s'y oppose et sauf impossibilité matérielle résultant de l'absence d'hébergement ou de places en semi-liberté ou placement extérieur. Or, de janvier à mars 2023 inclus, sur 96 dossiers présentés, seules 23 mesures de LSCPD ont été accordées. Pour la LSC dite « classique », seules 4 décisions favorables ont été rendues, pour 55 dossiers présentés. Ce faible recours à un dispositif censé avoir un impact décisif sur la surpopulation carcérale a été jugé suffisamment inquiétant par le directeur de l'établissement et par le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (DSPIP) pour qu'ils assistent en personne à deux réunions successives de la commission d'application des peines. Le taux d'aménagement des peines, faible également, s'élève à 38 % environ après écrou. Dans ces conditions, il n'est pas permis d'espérer que la seule application des dispositions relatives à la LSC permette d'endiguer, même partiellement, la surpopulation affectant le centre pénitentiaire.
Le niveau de la surpopulation carcérale au sein du centre pénitentiaire de Perpignan et ses conséquences sur la prise en charge des détenus sont inacceptables. Il doit être mis fin immédiatement aux encellulements à trois et au recours à des matelas au sol. Des mesures associant les différents acteurs de la chaîne pénale doivent être prises sans délai pour réduire la pression carcérale sur l'établissement.

1.2. La maintenance est défaillante

Les cellules du QCD et du QMAH accusent une usure et des dégradations plus importantes que ne pourrait le laisser espérer leur année de construction (1987). Concernant le QMAH, la surpopulation ne saurait en être le seul facteur d'explication. La maintenance technique en cellule est insuffisante, générant des besoins exponentiels qui ne peuvent être couverts, faute de moyens humains et matériels.
A la date du 14 avril 2023, 108 (8) demandes d'intervention de maintenance étaient en attente de traitement, étant précisé que, le mois précédent, plus de 470 demandes datant de plus de six mois avaient été supprimées car jugées trop anciennes pour avoir une chance d'être prises en compte.
Le nombre d'interventions en attente et la probabilité qu'un certain nombre ne soient tout simplement jamais effectuées en dépit des signalements laissent la population pénale trop souvent sans recours face à l'indignité de ses conditions d'hébergement : fuites d'eau, moisissures sur les murs, problèmes d'étanchéité des fenêtres, bâti dégradé (36 % au QMAH et 31 % au QCD), murs ou sols enduits de dentifrice ou de lait en poudre pour boucher les trous, bouches d'aération obstruées (28 % au QMAH et 23 % au QCD), miroirs cassés ou manquants (43 % au QMAH et 31 % au QCD). Dans un grand nombre de cellules, les cloisons latérales censées séparer les sanitaires du reste de la pièce sont dégradées, partiellement manquantes voire absentes et remplacées par des rideaux artisanaux confectionnés avec des draps ou des serviettes (53 % au QMAH et 52 % au QCD). Les toilettes sont encrassées (35 % au QMAH et 50 % au QCD), régulièrement dépourvues d'abattants. Les lumières de lavabo, défectueuses ou manquantes (45 % au QMAH et 31 % au QCD) ne sont parfois plus remplacées que par une prise ; dans certaines cellules, les fenêtres sont manquantes (9), les plafonniers hors d'usage (40 % au QMAH et 32 % au QCD), les placards partiellement ou totalement inutilisables faute d'étagères. Certains lits superposés sont dépourvus d'échelles. De nombreuses postes téléphoniques en cellule sont en panne (35 % au QMAH et 19 % au QCD), de même que nombre d'appareils de télévision et boutons d'appel (10).

1.3. Les moyens mis en œuvre pour éradiquer les punaises de lit sont insuffisants

L'état des lieux réalisé par le CGLPL dans 455 cellules révèle que 63 % des cellules du QMAH et 22 % des cellules du QCD étaient infestées de punaises de lit lors de la visite de l'établissement (11). Le SMPR n'est pas épargné. Si les contrôleurs ont pu relever les efforts financiers croissants consentis par l'établissement, ils n'ont pu qu'en constater l'absence de résultats. Les solutions mises en œuvre ne sont pas à la hauteur du problème et ne parviennent pas à endiguer le phénomène.
Le CGLPL s'étonne à ce sujet d'un diagnostic de janvier 2023 établi par le prestataire extérieur concluant à l'absence de suspicion de punaises de lit en cellule, quand au même moment la buanderie désinfectait des paquetages quotidiennement et que des auxiliaires, travaillant sans équipement de protection adapté, étaient sollicités tout aussi quotidiennement pour intervenir aux fins de désinfection dans les cellules. Début mars, le prestataire extérieur préconisait l'intervention sur 20 cellules pour l'ensemble de l'établissement. Les contrôleurs comptabilisaient pour leur part 57 (12) cellules à traiter dans le seul QMAH. Certains détenus jettent tous les soirs de l'eau bouillante dans les recoins et les structures métalliques des lits où ils observent des sorties de punaises, d'autres tentent de les effrayer ou de les brûler au briquet, de constituer des pièges de fortune avec du vinaigre, etc.
La résignation de la population pénale face à ce fléau s'illustre notamment par le nombre relativement faible, au regard du nombre de personnes concernées, de consultations médicales justifiées par des piqûres de punaises de lit. Seule la mise en œuvre d'un traitement en profondeur de toute la détention pourrait permettre leur éradication, car la contamination est à la fois horizontale par les tuyauteries et verticales dans les gaines de ventilation.
Il convient de prendre sans délai toute mesure utile pour éradiquer les punaises de lit, y compris des mesures exceptionnelles de désencombrement pour permettre le traitement en profondeur des espaces concernés.

1.4. L'insalubrité générale est aggravée par la prolifération de nuisibles dans les espaces de circulation et aux abords des bâtiments de la détention

Les espaces de circulation et les espaces communs sont insuffisamment nettoyés. Les déchets de toutes sortes s'accumulent au pied des bâtiments où ils attirent chats et goélands, qui prolifèrent. Les chats s'introduisent de jour comme de nuit dans tous les bâtiments, administratifs ou de détention, les odeurs d'urine de chat sont omniprésentes dans les espaces de circulation, les postes de travail du personnel de surveillance, le bâtiment administratif, la zone des parloirs.

  1. La sécurité et l'intégrité physique et psychique des personnes détenues ne sont plus assurées
    2.1. Des fouilles intégrales systématiques ont longtemps été mises en œuvre sur l'ensemble de la population détenue, hommes, femmes et mineurs

Lors de sa visite de mars 2023, le CGLPL avait constaté un recours massif et systématique à des mesures de fouilles intégrales mises en œuvre selon des modalités non conformes au droit.
Le CGLPL rappelle que le recours aux moyens de contrôle en général, et aux fouilles à nu particulièrement, doit toujours être nécessaire et proportionné. Aucune fouille à nu ne peut être réalisée en dehors d'un cadre légal clairement identifié et dont les dispositions doivent être strictement interprétées. Des dispositions légales et réglementaires autorisent et encadrent deux régimes de fouilles intégrales en détention : un régime individualisé (13), justifié par la présomption d'une infraction ou les risques que le comportement de la personne concernée fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement ; et un régime non individualisé, « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes et des biens », uniquement « dans des lieux et pour une période de temps déterminés » (14). Or, les principes de nécessité et de proportionnalité impose de faire des fouilles individualisées la norme et le recours aux fouilles non individualisées l'exception.
Telle est la logique de la circulaire du 15 juillet 2020 (15) qui rappelle que les fouilles non individualisées doivent être « strictement nécessaires et proportionnées », limitées dans le temps et l'espace, et « spécialement motivées » par des éléments « factuels et concrets », donnant, à titre d'exemple l'impossibilité de déterminer les personnes impliquées ou responsables de l'introduction d'objets prohibés. Ces fouilles, qui doivent naturellement être tracées, doivent également faire l'objet d'un « rapport circonstancié transmis au procureur de la République compétent et à la direction de l'administration pénitentiaire dans les meilleurs délais à l'issue de la fouille », indiquant le nombre de personnes concernées, les motifs du recours à ce dispositif et ses modalités de mise en œuvre, et les objets saisis à l'issue (16).
En l'espèce, bien que les contrôleurs qui ont mené la visite d'avril 2023 aient constaté que les recommandations émises à cet égard le mois précédent avaient été prises en compte par la direction, ils relevaient néanmoins la persistance de divers manquements aux exigences légales : traçabilité non systématique (en dépit d'une amélioration depuis mars) et réalisation des fouilles dans des lieux qui restent inadaptés. Faute de local dédié au QMAH et au QCD, les fouilles sont mises en œuvre dans les douches, des bureaux ou des salles d'activité inutilisées, parfois vitrées.
La gravité des manquements précédemment signalés et leur ancienneté justifie par ailleurs que les constats y-afférents soient également évoqués dans les présentes recommandations.
En effet, les contrôleurs avaient alors pris connaissance de décisions de fouilles non individualisées et renouvelées sans discontinuité depuis plus 2019 - d'abord mensuellement, puis de manière hebdomadaire depuis septembre 2020. Si les décisions communiquées au CGLPL faisaient référence à un incident pour chaque période et lieu de la détention concerné, l'indigence de leur motivation et leur application juxtaposée revenait à instaurer un régime de fouilles intégrales systématiques, sans que ne soit matériellement établi de lien avec des impératifs de sécurité, pourtant requis pour justifier leur mise en œuvre.
Ainsi, trois séries de six décisions respectivement datées des 21 février, 1er mars et 7 mars fondent la fouille systématique de toute personne détenue :

- « consécutive à un contrôle des cellules » ;
- « au départ pour la promenade » ;
- « hébergées au QSL » ;
- « à l'issue des promenades » ;
- « à l'issue des ateliers » et « de l'activité suivante : formation, travail, cuisines, etc. » ;
- et « à l'issue des parloirs, d'une extraction, d'une sortie non accompagnée ou intégrant l'établissement pour la première fois ».

Ces décisions étaient le plus souvent fondées sur un seul incident, daté et susceptible de justifier le recours à un régime de fouilles exceptionnel sur plusieurs semaines consécutives. Ainsi, les décisions de fouilles systématiques des 21 février, 1er et 7 mars 2023 concernant les détenus au retour et au départ des promenades ainsi qu'aux parloirs sont respectivement fondées sur « un incident en date du 5 janvier 2023 relatif à la découverte de produits stupéfiants », un « incident en date du 2 février 2023 relatif à la découverte de substance illicite » et un « incident en date du 1er février 2023 relatif à la découverte de substance illicite ». Le caractère succinct et stéréotypé de ces mentions ne semble pas permettre à une autorité de contrôle de s'assurer du respect des principes de nécessité et de proportionnalité. A cet égard, les contrôleurs ont par ailleurs constaté que ces fouilles n'étaient pas tracées, pas plus que n'étaient adressés au parquet les rapports circonstanciés pourtant expressément prévus par les dispositions de l'article L. 225-2 du code pénitentiaire : le parquet était uniquement destinataire des signalements qui lui étaient adressés en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Antérieurement, de la même manière, un incident du 11 janvier 2023 (8 grammes de cannabis découverts) - résumé dans la décision par « découverte de substance illicite » - servait de justification pour des fouilles à nu systématiques à chaque tour de parloir, la semaine du 23 au 30 janvier puis les deux suivantes (17). Un incident similaire du 1er février 2023 (19 g) valait motivation pour la semaine du 13 au 20 février puis celles du mois suivant (18) jusqu'au 20 mars.
Ainsi, la pratique en vigueur dans l'établissement consistant à faire suivre, semaine après semaine, des décisions de fouilles non individualisées systématiques sans que soient caractérisées les circonstances justifiant de leur nécessité ni que soit établi leur caractère proportionné autorisait le personnel à imposer en toutes circonstances des fouilles intégrales de manière arbitraire.
Dans ces conditions, le nombre de fouilles à nu conduites aux parloirs était considérable. Du 1er janvier au 17 avril 2023, on en recensait environ 3 750. Les modalités de mise en œuvre de ces mesures étaient en outre attentatoires à la dignité des personnes concernées. Les contrôleurs ont recueilli à cet égard des allégations récurrentes et convergentes faisant état de pratiques ou gestes professionnels propres à accentuer l'humiliation : fouilles menées dans des locaux inadaptés sans aucune protection de l'intimité, demande de s'accroupir… Plusieurs personnes détenues ont indiqué aux contrôleurs ne plus vouloir se rendre aux parloirs ou en limiter le nombre.
La réglementation relative aux fouilles doit être strictement respectée en tous lieux et en toutes circonstances.

2.2. L'usage de la force et des moyens de contrainte n'est pas tracé et la posture professionnelle des agents affectés aux quartiers d'isolement et disciplinaire n'est pas conforme à la déontologie du service public pénitentiaire

L'usage de la force et des moyens de contrainte en détention n'est pas tracé, ce qui fait obstacle à tout contrôle et appréciation de la proportionnalité des moyens employés. Or, le recours aux menottes est systématique en cas de mise en prévention au quartier disciplinaire (64 mises en prévention du 1er janvier au 31 mars 2023), laquelle est au demeurant systématique en cas de refus d'un détenu de réintégrer sa cellule - refus destinés à protester contre l'indignité de leurs conditions de détention ou les risques encourus d'atteinte à l'intégrité physique.
Depuis près de trois ans à la date de la visite du CGLPL, les quartiers d'isolement et disciplinaire (QID) relèvent d'une équipe dédiée, dont la posture professionnelle a été unanimement dénoncée par les détenus comme maltraitante envers les plus demandeurs ou récalcitrants. Les contrôleurs ont recueilli de multiples témoignages faisant état de propos déplacés voire insultants et de brimades imputés aux surveillants affectés au QID : privation de douche ou de promenade (tracé comme refus dans le registre), non remise de papier toilette, d'allumettes, privation de nourriture (délivrance d'un repas sur deux, tracé comme refus dans le registre), impossibilité d'accéder à des vêtements de rechange, fouilles intégrales réalisées avec violence (doigts tordus durant l'opération, écrasement des orteils). Les contrôleurs ont vu un détenu du QD sans paquetage, donc sans change depuis plusieurs jours, auquel aucun vêtement de dépannage n'avait été remis alors qu'un placard au QID contient tout le nécessaire.

2.3. La sécurité des personnes détenues n'est pas assurée

L'organisation de la détention au QCD ne garantit pas la protection de l'intégrité physique des détenus et, dans certaines circonstances, est de nature à la compromettre. Menacées par d'autres détenus, certains se privent de promenade, de douche, de sport ; ils se privent d'assister au culte, d'aller au parloir, et limitent autant que possible tous leurs mouvements, craignant pour leur sécurité. L'abandon, dans les ailes, des kiosques latéraux par le personnel de surveillance au profit du seul kiosque central accroît la vulnérabilité des personnes menacées en dépit de la vidéo-surveillance. L'organisation des promenades par étage entraîne le regroupement de détenus qui y sont hébergés sous des régimes différents, fermés ou ouverts, en fonction de leur profil ; mais un tel rassemblement est inadapté à la protection des plus fragiles.
L'organisation de la détention au QCD doit être repensée afin de garantir la protection de l'intégrité physique des détenus.
Plus grave encore, les contrôleurs ont été informés du fait que, sur des coursives du QCD, fonctionnant en régime fermé, des portes de cellules restent ouvertes en dehors des mouvements habituels, permettant ainsi la circulation de certains détenus et en exposant d'autres à des violences, alors qu'ils devraient se sentir protégés par leur affectation dans une aile fermée. Or, l'administration pénitentiaire a, envers les détenus, la double obligation de ne pas porter atteinte à leur sécurité mais également de les protéger contre tout risque d'atteinte.
Les ailes ou demi-ailes fermées doivent être gérées comme telles et ne pas permettre l'intrusion ou les menaces de personnes détenues dans d'autres cellules que les leurs.
S'agissant de l'organisation de la détention au QMAH, lors des mouvements vers les promenades, tous les étages sont dégarnis de personnel pour une période de vingt minutes au minimum et ce quatre fois par jour, fragilisant la détention en cas de nécessité d'intervention dans les étages. L'absence d'interphonie en détention ordinaire au QMAH et QCD ajoute au risque d'impossibilité de détection d'un problème de jour comme de nuit, le bouton d'appel visuel, lorsqu'il fonctionne, ne permet pas de pallier cette carence. A certains endroits, même l'ampoule du signal visuel est manquante sous le cache en plastique.
Enfin, la sécurité incendie est compromise dans un tiers des cellules du QMAH, où les prises électriques sont dégradées, des fils électriques dénudés, ce qui constitue un risque majeur d'incendie. Dans ce contexte, l'avis favorable formulé par la commission départementale de sécurité incendie alors que des préconisations de mise en conformité ont été formulées concernant l'électricité ou le gaz interroge. Avec un tel niveau de surpopulation, les risques d'incidents augmentent considérablement alors que dans nombre de situations de danger, la rapidité d'intervention est décisive. A ce jour, les conditions ne sont plus réunies pour prévenir la réalisation d'un risque grave d'atteinte à la sécurité des personnes hébergées.
Il convient de prendre sans délai toute mesure utile pour mettre les cellules du QMAH en conformité avec les normes de sécurité en matière de prévention du risque d'incendie.

(1) Cf. CGLPL, rapport annuel d'activité 2022, Chapitre 1, partie 1.3 sur les modalités de mise en œuvre de ces visites.
(2) Source : constat exhaustif des cellules par les contrôleurs.
(3) Chiffres fournis par la direction de l'établissement le premier jour de la mission.
(4) Au sens de la circulaire du 17 mars 1988 de la direction de l'administration pénitentiaire fixant les modalités de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires.
(5) La porte de ces cellules comportent six portes-étiquettes à cette fin.
(6) Libérations sous contrainte prévues par l'article 720-I par le code de procédure pénale.
(7) Article 720-II du code de procédure pénale, dont l'entrée en vigueur a été fixée par l'article 59-VII de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.
(8) Source : logiciel GENESIS.
(9) Pas de châssis.
(10) Source : constat exhaustif des cellules par les contrôleurs.
(11) Source : constat exhaustif des cellules par les contrôleurs pendant la mission.
(12) Source : ce décompte repose sur les constats directement effectués par les contrôleurs dans certaines cellules, et sur les témoignages des personnes détenues.
(13) Ancien alinéa 1 de l'article 57 de la loi pénitentiaire, désormais article L. 225-1 du code pénitentiaire.
(14) Ancien alinéa 2 de l'article 57 de la loi pénitentiaire, désormais article L. 225-2 du code pénitentiaire. La circulaire DAP du 15 juillet 2020 relative aux fouilles de personnes détenues en application notamment de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (NOR : JUSK2017670C) précise sur ce point : « la durée de ce régime de fouille est limitée dans le temps et peut être modulée, jusqu'à atteindre une semaine environ, quand les circonstances locales le justifient. Il est impératif de justifier la durée choisie eu égard aux nécessités poursuivies, et d'autant plus que la durée choisie est longue ».
(15) Cf. supra.
(16) Modèle de rapport au procureur de la République et à la direction de l'administration pénitentiaire figurant en annexe de la fiche 4 à la circulaire du 15 juillet 2020 suscitée.
(17) Décisions de fouilles intégrales non individualisées, semaines 4, 5 et 6 de l'année 2023.
(18) Décisions de fouilles intégrales non individualisées, semaines 7, 8, 9, 10 et 11 de l'année 2023.

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