JORF n°290 du 13 décembre 2002

Chapitre 4 : La rédaction constitutionnelle et ses compléments organiques

La mise en oeuvre des propositions de la Commission exige deux articles constitutionnels. Leur contenu les fait participer au statut du chef de l'Etat. De ce fait, ils trouveraient leur place logique dans le titre consacré à celui-ci, c'est-à-dire le titre II, auquel cas ils pourraient y être introduits en articles 19-1 et 19-2. Toutefois, cette formule obligerait soit à laisser vides le titre IX et les actuels articles 67 et 68, soit à renuméroter tous les titres et articles venant après l'actuel titre VIII.
Pour éviter ces changements, il est possible de conserver la structure actuelle, en donnant simplement un nouvel intitulé au titre IX et un nouveau contenu aux articles 67 et 68. C'est la formule qui, parmi d'autres possibles, sera retenue ici :

« TITRE IX

« LA HAUTE COUR »

Cet intitulé ne couvre en réalité qu'une partie des sujets traités par les deux articles. Mais, en sens inverse, il convient de remarquer que c'est déjà le cas dans la rédaction actuelle (« La Haute Cour de Justice »). Celle proposée en reste donc extrêmement proche.
« Art. 67 (premier alinéa). - Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. »
Cet article commence par réaffirmer, dans ce premier alinéa, le principe traditionnel de l'irresponsabilité.
Le caractère amphibologique de la préposition « dans », que l'article 68 actuel applique à l'exercice des fonctions, peut renvoyer indifféremment à la durée du mandat ou à la nature des actes accomplis, et l'on sait que cette incertitude a pu alimenter des interrogations. C'est pour les réduire qu'il est suggéré de viser les actes accomplis par le Président de la République « en cette qualité », ce qui peut certes laisser place à des interprétations mais qui dirige suffisamment celles-ci pour que, au moins, il n'y ait pas d'équivoque sur le sens général de la disposition et de l'intention qu'elle traduit.
Par ailleurs, cette irresponsabilité de principe connaît déjà une exception, celle qui résulte de l'article 53-2, par lequel la Constitution a accepté que soit reconnue la juridiction de la Cour pénale internationale, laquelle pourrait s'étendre au chef de l'Etat dans l'hypothèse où il aurait pu se rendre coupable de l'un des crimes spécifiques que cette juridiction a vocation à poursuivre et sanctionner. Dans le même esprit, il semble logique de prévoir également la réserve de l'article 68, car si l'objet de celui-ci est d'une tout autre nature, il n'en est pas moins vrai que la procédure qu'il prévoit pourrait s'appliquer aux situations les plus variées, y compris, donc, des actes accomplis par le chef de l'Etat en cette qualité (par exemple, une utilisation manifestement abusive de l'article 16).
« Art. 67 (deuxième alinéa). - Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative françaises, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Les conditions dans lesquelles ces procédures pourraient être engagées ou reprises après la cessation des fonctions sont fixées par une loi organique. »
Tandis que le premier alinéa traitait de l'irresponsabilité, le second est consacré à l'inviolabilité. La Commission, comme elle l'a déjà expliqué, a voulu ici poursuivre simultanément deux objectifs : d'une part, assurer une protection efficace au mandat présidentiel, d'autre part, garantir le retour au droit commun après l'expiration du mandat.
a) Cette protection est apportée dans la Constitution elle-même, par la première phrase du second alinéa de l'article 67, qui exclut expressément toute action, quels qu'en soient l'objet ou la finalité, devant toute juridiction, quelle qu'en soit la nature. A également été prévu le cas des autorités administratives puisque certaines (comme la Commission des opérations de bourse, par exemple) peuvent avoir un rôle très proche, dans les effets institutionnels ou politiques éventuels de leurs décisions, de celui d'une juridiction. Dans un cas comme dans l'autre, il a paru utile de préciser que cette inviolabilité ne concernait que les autorités françaises, afin que la Cour pénale internationale demeure exclue du champ d'application de cet article.
En ce qui concerne le témoignage, il ne peut être requis, mais cela laisse entière la possibilité d'un témoignage spontané que le chef de l'Etat voudrait apporter. Il peut également remettre de sa propre initiative des documents ou objets en sa possession, toute perquisition étant exclue.
b) Le retour au droit commun à l'expiration du mandat soulève des questions techniques complexes. Faute de vouloir les régler en détail dans la Constitution elle-même, la Commission propose de les renvoyer à la loi organique, non sans avoir indiqué leur objet : permettre que des procédures puissent normalement être engagées ou reprises après la fin du mandat, ce qui suppose que soient aménagées les règles de prescription ou de forclusion.
A cette fin, cette loi organique devrait mettre en oeuvre les orientations suivantes en matière pénale :
- pour les procédures déjà ouvertes ou engagées, la prescription est suspendue à l'égard du Président de la République et ne reprendra son cours qu'un mois après la cessation des fonctions ;
- pour les procédures relatives à des faits commis ou apparus après le début du mandat, la prescription ne commencera à courir à l'égard du Président de la République qu'un mois après la cessation des fonctions.
S'agissant d'éventuels dommages civils, les candidats à la Présidence de la République sont, comme tous leurs concitoyens, assujettis à souscrire des assurances obligatoires, lesquelles couvrent les dommages les plus nombreux, les plus variés, comme les plus plausibles. De ce fait, l'inviolabilité ne pourrait retarder le règlement que de dommages autres que ceux couverts par les assurances, lesquels sont a priori très rares. Il n'a donc pas paru déraisonnable à la Commission que leur indemnisation éventuelle soit renvoyée à l'issue du mandat.
Toutefois, il est des domaines dans lesquels un régime particulier mériterait d'être prévu. Il en va ainsi notamment du droit du travail. Il faut en effet éviter, par exemple, qu'un ancien employé du chef de l'Etat puisse se plaindre d'un licenciement abusif et ne puisse en obtenir indemnisation. Qu'une telle action soit fondée ou non, il serait très dommageable, soit pour le chef de l'Etat soit pour son ancien salarié, qu'elle ne puisse être exercée. Pour exclure radicalement ce type de problème, la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel pourrait être complétée (précisément au quatrième alinéa du I de son article 3) en prévoyant que tous les candidats, en même temps qu'ils souscrivent une déclaration de patrimoine et prennent l'engagement d'en souscrire une nouvelle en cas d'élection, prennent aussi l'engagement, dans le même cas, de transférer sans délai à un tiers tous les contrats de travail qu'ils ont pu signer en qualité d'employeur. De ce fait, tout contentieux ultérieur se déroulerait normalement, et sans que le chef de l'Etat puisse être directement concerné.
Au-delà, la loi organique prévue par l'article 67 pourrait disposer que, dans les matières autres que pénales, les instances déjà engagées sont interrompues de droit et donneront lieu aux formalités de la reprise d'instance après la cessation des fonctions. Pour les procédures susceptibles d'être engagées et soumises à un délai de prescription ou de forclusion, ce délai ne court qu'un mois après la cessation des fonctions.
« Art. 68 (premier alinéa). - Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. »
Cette première phrase pose, en termes négatifs, un principe, celui de la possibilité de destitution, mais il en limite l'hypothèse à une seule situation, qui n'est plus la haute trahison.
En ce qui concerne les faits, l'expression de « haute trahison » est trop incertaine, voire trompeuse puisqu'elle peut donner à penser qu'elle ne vise que le cas d'intelligence avec une puissance étrangère.
La présente rédaction, au contraire, se garde bien de définir le manquement par sa nature ou par sa gravité, le critère pertinent tenant exclusivement au fait que ce manquement serait incompatible avec la poursuite du mandat, c'est-à-dire avec la dignité de la fonction qui serait ainsi compromise. Si la Commission, après discussion, a tenu à ajouter l'adverbe « manifestement », c'est afin de souligner que la reconnaissance de cette incompatibilité doit transcender les clivages partisans habituels, s'imposer pratiquement à tous comme une évidence objective et non à quelques-uns comme une appréciation uniquement politique. Bref, il s'agit bien de ménager une issue à une situation exceptionnelle, et à cela seulement.
En ce qui concerne la sanction, la Commission a écarté le mélange des genres entre l'institutionnel et le juridictionnel. Le manquement est incompatible avec la poursuite du mandat, c'est cette incompatibilité, et elle seule, que la sanction doit résoudre par la destitution. S'il devait y avoir lieu à d'autres sanctions, en particulier pénales, elles relèveraient ensuite de la justice de droit commun et, concernant celui que la destitution aurait rendu au statut de justiciable comme les autres, elles ne concerneraient plus la marche des institutions.
Il va de soi que la destitution serait un cas de vacance entraînant l'organisation d'une élection présidentielle, conformément au cinquième alinéa de l'article 7. Cela, au demeurant, diminue encore l'hypothèse d'une utilisation partisane de la destitution, car celui qui en serait alors injustement frappé pourrait être candidat à sa propre succession, ce qui, en cas de réélection, infligerait à ses censeurs un désaveu qui ne resterait peut-être pas sans conséquences pour eux.
En ce qui concerne l'organe, la Commission a considéré, pour les raisons qui ont été explicitées, qu'il ne pouvait être composé que de représentants de la nation, principalement parce qu'il s'agit bien de retirer son mandat de représentant à celui qui l'a reçu du peuple lui-même.
Après avoir envisagé, par une référence à la IIIe République et au système américain, que la Haute Cour soit le Sénat, la commission y a renoncé. Il lui est apparu que la représentation nationale dans son ensemble devait être associée à une procédure qui la concerne tout entière. Comme, en outre, cet organe ne serait appelé qu'à émettre un seul vote, sur la destitution, un nombre élevé de membres ne présente aucun inconvénient. Ainsi s'est imposée la formule consistant à faire statuer le Parlement tout entier.
Comme l'exercice de cette attribution est spécial, il lui faut une autre dénomination que celle de Congrès, qui est utilisée à l'article 89. Mais comme la destitution n'a non plus rien à voir avec une procédure judiciaire, l'appellation de Haute Cour de Justice ne peut être conservée. Aussi a-t-il été fait le choix de dénommer cet organe « la Haute Cour ».
« Art. 68 (deuxième alinéa). - La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours. »
Ce deuxième alinéa détermine la procédure suivant laquelle la Haute Cour sera appelée à se réunir.
Il a paru souhaitable à la Commission qu'elle soit de bout en bout parlementaire, bicamérale, égalitaire.
Seule une assemblée peut prendre l'initiative, mais ce peut être indifféremment l'Assemblée nationale ou le Sénat. Dans un cas comme dans l'autre, la loi organique devra prévoir les conditions de dépôt et d'inscription à l'ordre du jour de la proposition de réunion de la Haute Cour.
Mais c'est le texte constitutionnel lui-même qui prévoit que cette proposition de réunion, si elle est adoptée par une assemblée, soit aussitôt transmise à l'autre qui doit, dans les quinze jours, l'adopter à son tour ou la rejeter. Le choix de cette formule - « réunion de la Haute Cour » - tend à éviter que les deux assemblées aient déjà adopté, à la majorité, le principe de la destitution avant même que la Haute Cour ne soit constituée et que le Président ait eu l'occasion de s'y exprimer. En refusant d'adopter la proposition de réunion, la seconde assemblée met fin à la procédure, mais, en l'approuvant, elle n'approuve pas du même coup la destitution ; elle considère seulement que, selon elle, le sujet mérite que la Haute Cour en soit saisie. De ce fait, un membre de la seconde assemblée (comme d'ailleurs de la première) pourrait très bien, sans manquer de cohérence, voter pour la réunion de la Haute Cour puis, le moment venu, voter contre la proposition de destitution sur laquelle il ne se sera jamais prononcé auparavant.
Par ailleurs, précisément parce que la situation créée doit être manifestement incompatible avec la poursuite du mandat, le délai prévu est suffisant pour apprécier ce caractère manifeste, qui seul peut justifier la poursuite de la procédure. Si la condition fait défaut, ce délai est suffisant pour que la seconde assemblée saisie refuse la réunion de la Haute Cour. Si la condition est présente, il y a urgence à ce que la procédure avance, quelle que doive être son issue.
Dans l'hypothèse où les deux assemblées prendraient la même initiative en même temps, c'est naturellement la proposition de réunion adoptée en premier qui serait transmise à l'autre assemblée.
En tout état de cause, et c'est sans doute le plus important, la procédure ne pourrait se poursuivre que si elle était approuvée par une assemblée et autorisée par l'autre, tandis que, dans le cas contraire, elle serait aussitôt interrompue, mais après que le débat aurait eu lieu et aurait été sanctionné par un ou deux scrutins.
« Art. 68 (troisième alinéa). - La décision de réunir la Haute Cour emporte empêchement du Président de la République dont les fonctions sont exercées dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article 7. Cet empêchement prend fin au plus tard à l'expiration du délai prévu à l'alinéa suivant. »
Si les deux assemblées, dans deux scrutins majoritaires convergents, décident de réunir la Haute Cour, il est clair que la situation est assez grave pour que, d'ores et déjà, l'autorité du Président de la République soit sérieusement atteinte. Il paraît donc nécessaire alors que s'appliquent les dispositions relatives à l'exercice de ses fonctions par le président du Sénat, comme pour toute autre situation d'empêchement.
En revanche, pour éviter que cette situation se prolonge abusivement et que la Haute Cour s'abstienne de se réunir, il est utile de prévoir que la situation d'empêchement doit prendre fin, au plus tard, à l'expiration du délai de deux mois imparti à la Haute Cour pour statuer.
Lorsque celle-ci se sera prononcée, soit la destitution est adoptée et « l'intérim » se prolonge jusqu'à l'élection d'un nouveau Président de la République, soit la destitution est rejetée et le titulaire de la fonction recouvre les pouvoirs qui sont les siens.
« Art. 68 (quatrième alinéa). - La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans les deux mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat. »
Lorsque la Haute Cour est saisie, le président du Sénat est appelé à exercer les fonctions de Président de la République. Indépendamment même de toute autre considération, il va donc de soi d'une part qu'il ne doit pas prendre part au vote de la Haute Cour, d'autre part que la présidence de la Haute Cour doit revenir au président de l'Assemblée nationale. C'est donc lui qui doit contribuer à faire en sorte que la Haute Cour respecte le délai prévu. Il est proposé de le fixer à deux mois au plus, ce qui permet à l'intéressé de se faire entendre et de se préparer à cela, tout en évitant que se prolonge l'incertitude sur les institutions.
Lorsque viendrait l'instant ultime et solennel où la Haute Cour aurait à statuer sur la destitution, il serait normal que les votants puissent faire ce choix décisif en leur âme et conscience, sans pression d'aucune sorte. C'est pourquoi il est précisé que la Haute Cour statue à bulletins secrets, ce qui signifie également, a contrario, que les scrutins antérieurs sont publics.
Si la destitution est décidée, celui qu'elle frappe ne saurait être maintenu en fonction un instant de plus.
« Art. 68 (cinquième alinéa). - Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution. »
Trois scrutins, au plus, sont possibles : l'adoption de la proposition de réunion de la Haute Cour par la première assemblée, puis par la seconde assemblée, enfin la décision sur la destitution par la Haute Cour. Dans les trois cas, l'engagement de la procédure, l'autorisation de sa poursuite et la destitution ne doivent pouvoir être acquis qu'à la majorité absolue. Celle-ci doit être calculée non par rapport au nombre des votants ou des présents, mais par rapport à celui, toujours plus élevé, des inscrits, c'est-à-dire à la majorité des membres composant l'organe concerné.
Rien ne serait plus fâcheux que la situation dans laquelle, à n'importe lequel des trois stades, cette majorité ne serait pas atteinte mais ferait cependant apparaître que les partisans de la destitution sont plus nombreux que ses adversaires (par exemple, devant la Haute Cour où la majorité absolue sera de 450 : 440 pour la destitution, 400 contre et 58 abstentions). Dans une telle situation, certes la procédure prendrait aussitôt fin et le chef de l'Etat ne serait pas destitué, mais son autorité serait à ce point entamée qu'il risquerait de ne plus pouvoir l'imposer normalement. C'est pourquoi, à l'instar de ce qui existe déjà, pour les mêmes raisons, en matière de motion de censure, il est proposé que seuls soient recensés les votes favorables à la proposition, à sa prise en considération, à la destitution, c'est-à-dire hostiles à la poursuite du mandat. Si, aux trois étapes, ces votes sont majoritaires, la destitution sera adoptée. Si, dans n'importe laquelle des trois étapes, cette majorité n'est pas atteinte, fût-ce à quelques voix seulement, force sera d'en déduire que l'incompatibilité du manquement avec la poursuite du mandat n'est pas apparue assez manifeste à l'un des trois organes saisis, et il est alors juste que la procédure prenne fin.
Enfin, les parlementaires qui proposeraient ou provoqueraient la saisine de la Haute Cour doivent assumer pleinement leur responsabilité propre, et donc agir publiquement.
Une procédure particulière devra être mise au point pour rendre matériellement compatibles le recensement des seuls votes favorables à la destitution et le vote à scrutin secret (par exemple, que tous les membres de la Haute Cour, après être passés par un isoloir, fassent l'objet d'un appel nominal, glissent dans l'urne une enveloppe contenant, ou non, un bulletin favorable à la destitution, le résultat du vote n'indiquant que le nombre de ces bulletins).
« Art. 68 (sixième et dernier alinéa). - Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article. »
Les dispositions qui précèdent appellent quelques compléments qui ressortissent à une nouvelle loi organique. La Commission propose de mettre en oeuvre les orientations suivantes :

  1. Aucune proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour n'est recevable si elle n'est motivée et signée par le dixième des membres de l'assemblée concernée. Un membre du Parlement ne peut être signataire que d'une seule proposition de réunion de la Haute Cour au cours du même mandat présidentiel.
    Ces dispositions, dont certaines figurent aujourd'hui dans les règlements des assemblées, ont plutôt leur place dans la loi organique afin de garantir qu'elles soient les mêmes pour l'une et l'autre chambres. Il paraît naturel que la proposition doive être motivée, à charge pour ses auteurs de donner à ces motifs le contenu de leur choix.
    De plus, pour éviter qu'il ne soit fait un usage abusif de la proposition de réunion de la Haute Cour, il semble raisonnable de prévoir que ses signataires ne puissent en présenter qu'une seule par mandat présidentiel. Si elle aboutit à la destitution, un nouveau mandat présidentiel débutera et les parlementaires recouvreront leur droit de signature. Si la motion initiale n'aboutit pas mais que des circonstances ultérieures justifient une nouvelle proposition de réunion, celle-ci restera possible, à condition d'être signée par d'autres que ceux qui avaient pris la première initiative infructueuse.
  2. Le vote d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour est inscrit de droit à l'ordre du jour de l'assemblée concernée au plus tard le quatorzième jour qui suit son dépôt.
    Lorsqu'une proposition sera ainsi déposée, son inscription obligatoire à l'ordre du jour devra intervenir dans un délai suffisamment impératif pour que la question soit tranchée, et suffisamment bref pour qu'elle le soit sans alourdir inutilement le climat institutionnel.
  3. En cas de saisine de la Haute Cour, le bureau de celle-ci se réunit aussitôt. Il est formé de la réunion des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, à l'exception du président de ce dernier. Il est présidé par le président de la Haute Cour.
    Le bureau a tout pouvoir pour organiser le débat et le vote, ainsi que pour prendre toute décision utile à l'accomplissement, par la Haute Cour, de la mission qui lui est confiée par l'article 68 de la Constitution, dans les délais et conditions prévus par celui-ci. Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours.
    Plutôt que d'élaborer un règlement de procédure, il semble préférable de s'en remettre à l'expérience considérable acquise par les bureaux des deux assemblées et d'instituer la réunion de ceux-ci en bureau de la Haute Cour, ce qui permet de confier à celui-ci le soin de pourvoir à toutes les décisions (convocation de la Haute Cour, organisation du débat, répartition des temps de parole, surveillance du scrutin...) ainsi, le cas échéant, que de régler tout différend.
  4. En cas de saisine de la Haute Cour, les vice-présidents des deux assemblées se réunissent en une commission qui élit son président et examine la proposition de résolution.
    La commission procède à tous les actes qu'elle juge utiles à l'accomplissement de sa mission. Elle peut exercer les mêmes prérogatives que celles reconnues aux commissions d'enquête. Elle entend, sur sa demande, le Président de la République. Il peut se faire assister ou représenter. Elle veille à achever sa tâche, présentée par un rapport écrit, dans des délais permettant à la Haute Cour de statuer dans les conditions prévues par l'article 68 de la Constitution.
    La Haute Cour peut avoir besoin de compléter son information. C'est le rôle qu'il est proposé de confier à une commission ad hoc. Afin d'éviter que la formation de celle-ci puisse être source de difficultés ou de retards, il est proposé qu'y siègent, de droit, les vice-présidents des deux assemblées, ce qui présente le double avantage, d'une part, de garantir le pluralisme politique de cette commission, d'autre part, de faire que ses membres aient été désignés indépendamment de leurs relations avec le Président de la République.
    Cette commission pourra, si elle le juge utile, procéder à des auditions. Le Président de la République pourra, seulement s'il le souhaite, être entendu par elle, seul ou accompagné, personnellement ou en se faisant représenter.
    Enfin, il appartiendra à la commission d'achever ses travaux, qui seront retracés dans un rapport écrit, dans le délai de deux mois maximum imparti à la Haute Cour pour statuer.
  5. Les débats de la Haute Cour sont publics. Seuls peuvent y prendre la parole le Président de la République ou son représentant, le Gouvernement et les membres de la Haute Cour. Le temps de parole est limité. Le Président de la République ou son représentant peut prendre ou reprendre la parole en dernier. Le vote doit commencer au plus tard quarante-huit heures après l'ouverture de la séance.
    Ces précisions tendent à affirmer les droits du principal intéressé, tout en assurant par ailleurs la dignité du débat et en garantissant son achèvement rapide par le vote prévu.
    Fait à Paris, le 10 décembre 2002.