JORF n°0286 du 9 décembre 2008

Rapport relatif à l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008

Monsieur le Président,

La directive 2006/43/CE du 17 mai 2006, dite huitième directive sur le contrôle légal des comptes, a réformé au plan communautaire les règles gouvernant les conditions d'exercice des activités des commissaires aux comptes. Elle a procédé, à cette fin, à une modernisation de la directive 84/253/CEE en tirant les conséquences des scandales survenus au début des années 2000, qui ― telles les affaires Enron, Worldcom ou Parmalat ― ont mis en évidence des défaillances liées au manque d'indépendance de certains professionnels, dont l'intervention aurait dû permettre de prévenir les manquements observés ou à tout le moins de les détecter plus rapidement.

Afin de renforcer la crédibilité attachée à la fonction d'audit, la directive affirme des principes d'indépendance clairs, fondés sur la règle de séparation des fonctions d'audit et de conseil, et prévoit des exigences renforcées pour les professionnels intervenant auprès d'entités dites d'intérêt public ― c'est-à-dire auprès de personnes qui, de par la nature de leurs activités, présentent des risques plus importants au regard de la sécurité financière. Le texte impose par ailleurs la mise en place au sein de tous les Etats membres d'un cadre de supervision publique faisant intervenir une autorité dédiée. En plus des règles relatives à l'agrément, à la formation et à la reconnaissance mutuelle des qualifications, qui étaient déjà affirmées par le dispositif antérieur, il définit des principes communs en matière d'assurance de qualité, de normalisation et de coopération entre autorités compétentes, en tenant compte des dernières évolutions observées au plan international.

Le droit français est d'ores et déjà largement conforme à cet instrument du fait de la modernisation des règles gouvernant le contrôle légal des comptes par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière et par les textes pris pour son application. Le commissariat aux comptes a ainsi connu de profondes réformes, marquées par l'affirmation de règles d'indépendance protectrices et par la mise en place d'un Haut Conseil du commissariat aux comptes, autorité de supervision publique chargée d'assurer la surveillance de la profession et de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance de ses membres. Le décret n° 2007-179 du 9 février 2007 modifiant le décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation et au statut professionnel des commissaires aux comptes a en outre procédé à une première adaptation de notre cadre réglementaire afin d'y intégrer certaines prescriptions de la directive. Quelques adaptations n'en demeurent pas moins nécessaires pour parvenir à une complète transposition.

Prise sur le fondement de l'article 32 de la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, la présente ordonnance modifie le code de commerce pour y introduire les éléments législatifs nécessaires au parachèvement du processus de transposition.

L'

article 1er

annonce ces modifications.

L'

article 2

complète les attributions du Haut Conseil du commissariat aux comptes en matière de contrôles périodiques en affirmant la compétence du Haut Conseil pour mettre en œuvre ces contrôles et émettre des recommandations dans le cadre de leur suivi. La définition des conditions d'application de ces dispositions est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, ce qui permettra, en pratique, de désigner le secrétaire général du Haut Conseil pour l'accomplissement des actes nécessaires à ces attributions, afin de préserver l'impartialité du Haut Conseil dans sa fonction de jugement en matière disciplinaire.

L'

article 3

aménage les dispositions relatives à la présidence du Haut Conseil, afin de permettre à cette institution d'assurer pleinement les missions que la loi lui confie, conformément aux exigences posées par la directive. Il prévoit, pour ce faire, le principe d'une présidence exercée à temps complet (2°) et permet que cette fonction puisse être dévolue non seulement à un membre de la Cour de cassation en exercice, comme c'est le cas actuellement, mais encore à un ancien membre de cette Cour (1°). Cette dernière disposition introduira une souplesse dans le choix des candidats et garantira la continuité d'action de l'institution dans l'hypothèse où un président atteindrait au cours de son mandat la limite d'âge imposée pour ses fonctions de membre de la juridiction suprême.

L'

article 4

traite de la coopération internationale du Haut Conseil. Il met en œuvre les articles 36 et 47 de la directive. La loi française prévoyait déjà la possibilité pour le Haut Conseil de passer des accords de coopération avec ses homologues étrangers. Ce dispositif est complété afin de reconnaître à l'autorité de supervision la capacité de faire diligenter les mesures de contrôle qui lui permettront de répondre aux demandes adressées par ses homologues. La possibilité pour des agents d'une autorité compétente au sein d'un autre Etat membre de la Communauté européenne d'assister à ces opérations de contrôle est également introduite, mais encadrée, conformément à ce que prévoit le texte communautaire. Les conditions et modalités de mise en œuvre de cette coopération sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat, la partie réglementaire du code de commerce prévoyant déjà des dispositions d'application conformes à la directive, qui ont été introduites par le décret du 9 février 2007 précité.

Les articles 5 et 6 traitent des contrôles exercés sur les professionnels dans le cadre de la supervision publique. L'

article 5

modifie l'article L. 821-7 du code de commerce pour préciser, conformément à l'article 36 de la directive, que les personnes mettant en œuvre ces contrôles sont soumises au secret professionnel. L'

article 6

renforce le rôle du Haut Conseil du commissariat aux comptes dans la mise en œuvre de ces contrôles, conformément au principe selon lequel le système de supervision publique doit assurer la responsabilité finale des contrôles. Il prévoit à cette fin la création d'un corps de contrôleurs n'exerçant pas de fonctions de contrôle légal des comptes qui recevra ses instructions du seul Haut Conseil. Nécessaire pour assurer le respect des règles posées par la directive, cette organisation devrait en outre, dans ses modalités pratiques, rejoindre la recommandation sur l'assurance de qualité adoptée par la Commission européenne le 6 mai 2008.

En pratique, le corps de contrôleurs exercera les contrôles des professionnels intervenant auprès des entités dites d'intérêt public (EIP), dont l'activité est la plus sensible. Les contrôles effectués auprès des professionnels ne détenant pas de tels mandats seront assurés, dans les conditions et selon les modalités définies par le Haut Conseil, par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et les compagnies régionales (agissant sous la coordination de la Compagnie nationale), comme c'est le cas aujourd'hui ― cette répartition pouvant donner lieu à des aménagements afin de tenir compte de situations particulières pouvant justifier l'intervention du corps de contrôleurs en l'absence de mandat EIP ou, au contraire, une délégation des contrôles à la Compagnie en présence de mandats EIP isolés et de faible importance.

S'agissant de la conduite des missions par les professionnels, la directive prévoit la possibilité pour la Commission européenne d'harmoniser les pratiques en adoptant, dans le cadre de la procédure de comitologie, les normes internationales d'audit (ou ISA) élaborées par l'International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB). Elle offre toutefois la possibilité aux Etats membres de conserver des normes spécifiques, pour les champs non couverts par les ISA ayant fait l'objet d'une adoption communautaire, ainsi que des facultés d'adaptation leur permettant de tenir compte de spécificités nationales. L'

article 7

tire les conséquences de ce nouveau régime en complétant le dispositif d'homologation des normes d'exercice professionnel consacré en son temps par la loi de sécurité financière.

L'

article 8

transpose les articles 45 et 46 de la directive relatifs à la reconnaissance des auditeurs des pays tiers nommés par des sociétés qui, sans avoir leur siège dans un Etat membre de la Communauté européenne, émettent des titres sur un marché réglementé européen. Le texte communautaire pose le principe selon lequel les travaux réalisés par ces professionnels ne peuvent se voir reconnaître une valeur juridique que dans la mesure où les intéressés sont inscrits dans l'Etat membre de cotation et soumis à son système de supervision publique. Il permet toutefois de déroger à cette règle pour les professionnels exerçant dans des pays tiers dont le système a été reconnu par la Commission européenne comme équivalent aux exigences posées par la directive en matière d'assurance de qualité et de supervision publique. Pour répondre à ces exigences, l'ordonnance inscrit dans la loi le principe d'inscription des auditeurs des pays tiers, ainsi que sa dérogation. Les modalités de mise en œuvre de ces règles sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

L'

article 9

adapte les règles relatives à la composition du capital et des organes de direction des sociétés de commissaires aux comptes, afin de tenir compte des assouplissements introduits en la matière par le dispositif communautaire. Il prévoit l'ouverture du capital et des organes de direction aux professionnels inscrits dans d'autres Etats membres de la Communauté. La référence aux parts de capital est en outre remplacée par une référence aux droits de vote, critère retenu par la directive qui conduira à une certaine ouverture supplémentaire du capital. Un ratio de trois quarts de droits de vote devant être détenus par des professionnels inscrits est retenu, afin de préserver l'indépendance des praticiens exerçant dans la société et de tenir compte de la technicité des décisions devant être arrêtées par les organes concernés.

Les articles 11 et 12 complètent les règles relatives au secret professionnel. L'

article 11

soumet à cette obligation les professionnels intervenant pour la mise en œuvre d'une revue indépendante, dont l'existence est reconnue par la directive. L'

article 12

reconnaît quant à lui la possibilité d'une communication entre professionnels qui se succèdent pour l'exercice d'une mission auprès d'une même personne ou entité.

Les articles 10, 13 à 18 affinent les dispositions relatives aux entités d'intérêt public, qui font l'objet de règles d'indépendance plus rigoureuses en raison du caractère sensible de leur activité et de ses implications pour le public. La liste de ces entités est définie a minima par le texte communautaire, qui laisse aux Etats membres le soin d'en préciser les contours en tenant compte de leurs spécificités nationales. La France disposait déjà d'une législation protectrice en la matière. Ces dispositions sont donc complétées pour tenir compte des exigences supplémentaires prévues par le texte européen.

Dans un souci de clarification, le champ d'application des règles antérieures est précisé s'agissant des personnes faisant appel à la générosité publique, pour lesquelles la définition donnée par la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel public à l'épargne est retenue (

1° de l'article 10

).

La règle dite de rotation des mandats , selon laquelle un professionnel ne peut exercer ses fonctions plus de six années consécutives auprès d'une même personne, afin d'éviter que se crée une trop grande familiarité entre contrôleur et contrôlé, est complétée pour tenir compte de la consécration communautaire d'un délai de viduité en vertu duquel le professionnel intéressé ne peut prendre part à nouveau à la mission exercée auprès de la personne concernée avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la cessation de ses précédentes fonctions (

2° de l'article 10

).

Les articles 13 à 18 introduisent en droit français le comité d'audit qui sera chargé, sous la responsabilité exclusive et collective du conseil d'administration ou de surveillance, d'assurer le suivi des questions relatives à l'élaboration et au contrôle de l'information comptable et financière. L'

article 13

précise les obligations du contrôleur légal des comptes à l'égard du comité d'audit. L'

article 14

définit le rôle et la composition de ce comité. Il définit le champ d'application de l'obligation, en prévoyant des exceptions pour certaines entités d'intérêt public, afin de tenir compte des contraintes particulières à celles-ci ou de la nature de leur activité. Les

articles 15 à 18

modifient le code des assurances, le code monétaire et financier, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale afin d'adapter ces obligations aux mutuelles d'assurances, à certains établissements de crédit, à certaines mutuelles et à certains organismes de sécurité sociale. Quant à l'

article 21

, il prévoit des mesures transitoires pour ces obligations.

L'

article 20

prévoit enfin le principe d'une mise à disposition du corps de contrôleurs par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes au profit du Haut Conseil du commissariat aux comptes jusqu'à une date qui sera fixée par décret et, à compter de celle-ci, l'emploi de ce corps de contrôleurs directement par le Haut Conseil. Cet article prévoit, indépendamment du statut du corps de contrôleurs, que la direction de ce corps est assurée par un directeur employé par le Haut Conseil.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.