ANNEXE
THÉMATIQUES DE R&D SUR LA GESTION OPTIMISÉE DES DÉCHETS DE DÉMANTÈLEMENT POUR L'ÉDITION 2014 DE L'APPEL À PROJETS (AXE 3 DE DÉVELOPPEMENT)
L'édition 2014 de l'appel à projets se décline autour de quatre grandes thématiques (1), dont une thématique transversale spécifique aux sciences humaines et sociales :
- caractérisation ;
- tri et traitement des déchets ;
- nouveaux matériaux pour le stockage ;
- innovation et société.
Ces thématiques se veulent cohérentes avec les recommandations formulées dans le rapport 2013 de l'OCDE « R&D and innovation needs for D&D », dans le recensement des « Technologies-clés 2015 » et dans le rapport « Des technologies compétitives au service du démantèlement durable » publié en 2012 par le comité d'analyse stratégique.
Beaucoup des axes ci-dessous peuvent trouver une application à la gestion des déchets radioactifs de manière globale sans viser strictement les seuls déchets de démantèlement.
Thématique 1 : caractérisation
La caractérisation est une première étape cruciale lors des opérations de démantèlement. Elle apporte en effet les données d'entrée indispensables à la définition des scénarios de démantèlement (protection des travailleurs, choix des techniques de tri, découpe, traitement, conditionnement des déchets radioactifs), avec des conséquentes directes sur le choix des filières (recyclage, stockage), la réduction du volume des déchets générés et des coûts de stockage associés.
La caractérisation s'entend aussi bien du point de vue radiologique (inventaire, spéciation et localisation des radionucléides dans les déchets), que du point de vue chimique (concentration et spéciation des métaux toxiques) et physique (fissuration/déformation des matériaux, dégazage éventuel). Ces données, primordiales pour les opérations de démantèlement, sont aussi exploitées pour les éventuelles phases ultérieures de décontamination, de recyclage et pour les études du comportement des déchets en stockage.
Enfin, même si la caractérisation concerne avant tout les installations en elle-même (ouvrages, équipements) et leur environnement proche (air, sols, végétaux), c'est également une étape essentielle lors d'opérations de reprise de déchets anciens avant leur stockage. Il s'agit alors souvent de déchets pré-conditionnés, dont la composition précise n'est plus connue ou dont la caractérisation disponible ne correspond plus aux spécifications actuelles.
A ce titre, la caractérisation repose sur la mise au point et l'optimisation de techniques de prélèvement et de mesure pouvant être mises en œuvre de manière aisée, rapide, fiable et avec un niveau d'incertitude acceptable. Les projets ciblés dans cette thématique devront prendre en compte ces différentes attentes dans leur analyse et expliquer les améliorations potentielles par rapport aux pratiques actuelles et aux recherches déjà en cours. Ils s'inscriront dans un ou plusieurs des axes de R&D suivants :
Echantillonnage et représentativité
La caractérisation passe notamment par la mise en place de prélèvements directement au sein des installations à démanteler et dans l'environnement associé, mais aussi aux niveaux des déchets et colis produits par le démantèlement. Dans ce cadre, l'objectif sera d'améliorer la représentativité des échantillonnages réalisés (densité de mesures nécessaires, gestion des hétérogénéités locales, quantité à prélever…) et d'optimiser les techniques d'échantillonnage et de prélèvement. On s'intéressera à titre d'exemple au développement de techniques de micro-carottage, d'outils géostatistiques et au couplage possible entre les forages et les outils analytiques.
Amélioration de la sensibilité et de la précision des mesures
Certains radionucléides ou certaines espèces chimiques sont très difficiles à détecter ou à mesurer avec précision. Ces difficultés peuvent être liées à des concentrations ou des émissions de rayonnements caractéristiques très faibles ou atténuées, mais aussi à un bruit de fond ambiant trop important. L'objectif de cette thématique sera donc d'améliorer la caractérisation chimique et radiologique en améliorant la sensibilité (limite de détection) ou la précision (incertitudes) des procédures et techniques analytiques utilisées.
Les projets proposés peuvent notamment inclure le développement de matériaux de référence (étalons analytiques), la mise en place de méthodologies d'analyses normées et leur implantation instrumentale en laboratoire ou in situ, l'amélioration des techniques analytiques actuelles (abaissement des limites de détection et du niveau d'incertitude) voire la mise au point de nouvelles procédures analytiques.
Techniques analytiques innovantes
Beaucoup de caractérisations radiologiques et chimiques reposent aujourd'hui sur des analyses destructives en laboratoire, mettant parfois en œuvre des procédures analytiques complexes, longues et couteuses. L'objectif de cette axe d'étude est donc de développer et d'améliorer les outils analytiques en termes de simplicité d'utilisation, d'automatisation, de résistance à l'irradiation (durcissement), de miniaturisation afin de pouvoir envisager une utilisation directement in situ ou sur des unités mobiles de caractérisation implantées à proximité immédiate des chantiers. Cet axe inclut le développement des technologies de diagnostic rapide et de capteurs dans un but de dépistage.
Caractérisation des ouvrages et des équipements
Les bétons et les matériaux métalliques sont très largement utilisés dans le domaine nucléaire et constituent à ce titre une part significative du volume des déchets de démantèlement. Leur caractérisation est une étape clef dans la préparation des scénarios de démantèlement :
- sur le plan mécanique, leur « état de santé » (fissuration, déformation, corrosion) doit être suivi et caractérisé ;
- sur le plan radiologique, il est nécessaire de connaître le plus précisément possible leur profil de contamination (profondeur de contamination et radionucléides associés).
On s'intéressera notamment au développement ou à l'optimisation de techniques non invasives, in situ, en temps réel, permettant de caractériser les matériaux d'ouvrage et les équipements. La possibilité de balayer de larges surfaces sur des durées raisonnables sera étudiée.
Thématique 2 : tri et traitement des déchets
Cette deuxième thématique vise à promouvoir le développement de procédés innovants de tri et traitement des déchets radioactifs afin de permettre ou de faciliter leur prise en charge en stockage, voire d'envisager des solutions de recyclage. A ce titre, les procédés développés devront répondre à un ou plusieurs des objectifs suivants :
- réduire le volume des déchets, afin d'optimiser l'utilisation des ressources de stockage ;
- transformer/stabiliser le déchet sous une forme physico-chimique la plus inerte possible par rapport aux besoins du stockage (limiter la production de gaz, la réactivité chimique, etc.) ;
- permettre la prise en charge en stockage de déchets ne pouvant pas y être acceptés en l'état.
Les projets proposés doivent prendre en compte une sécurité et une sureté maximales, une minimisation des déchets générés (résidus de traitement, rejets gazeux, déchets induits par le procédé) et leur stabilisation sous une forme adaptée en vue du stockage. Les contraintes liées à la nucléarisation du procédé devront être considérées.
Le périmètre de cette thématique recouvre les différents axes de R&D suivants :
Tri automatique des déchets
Le tri est une étape intermédiaire dont la fonction consiste à transformer un flux de déchets mélangés en plusieurs fractions de mono-déchets afin de faciliter les opérations de traitement, de conditionnement voire de recyclage. A l'heure actuelle, la gestion des déchets conventionnels voit une part croissante du tri manuel remplacé par des systèmes de tri automatique : tri magnétique des métaux ferreux, utilisation des courants de Foucault pour les métaux non ferreux, détection optique des matières plastiques… Ces systèmes de tri automatique ont permis d'envisager des applications à la séparation de déchets qui ne pouvait être réalisée manuellement. Dans le cas des déchets radioactifs, de tels systèmes pourraient permettre de limiter la dosimétrie pour le personnel, faciliter les opérations de traitement/conditionnement en aval (compactage, incinération) voire ouvrir la porte à des voies de recyclage. Un suivi radiologique en ligne pourrait également être couplé au système de tri.
Traitement des déchets sans filière d'élimination
Même si l'essentiel des déchets radioactifs disposent aujourd'hui d'une filière de stockage, certains déchets, de par leurs caractéristiques radiologiques et/ou physico-chimiques, ne peuvent pas être pris en charge en stockage ni dans aucune installation de traitement/conditionnement existante. Ces déchets « sans filière d'élimination » sont actuellement entreposés en l'attente d'une solution de gestion.
On s'intéressera donc au développement de solutions de traitement permettant d'envisager leur prise en charge en stockage. Ces déchets représentant généralement des volumes très limités (quelques litres à quelques dizaines de m3), on privilégie les solutions de traitement :
- offrant une certaine souplesse du point de vue de la gamme de composition des déchets pouvant être pris en charge ou des modalités de mise en œuvre afin d'envisager par exemple des regroupements ;
- adaptés au traitement de faible flux de déchets, à un coût raisonnable ;
- procédés de décontamination.
La mise au point et l'amélioration des procédés de décontamination doit permettre d'optimiser la répartition des déchets entre les filières de stockage, d'ouvrir la voie à des solutions de recyclage mais également de prolonger la durée de vie de certains éléments. Les améliorations recherchées peuvent notamment porter sur la géométrie des pièces contaminées (surfaces complexes, zones confinées), la cadence de traitement, le volume et la forme physico-chimique des déchets secondaires générés, le taux de décontamination atteint. Les recherches peuvent également s'orienter vers la décontamination de déchets hors normes (grands composants).
Nouveaux procédés et matrices d'immobilisation des déchets
Cet axe d'étude vise le développement de nouvelles matrices/procédés d'immobilisation des déchets radioactifs en vue du stockage. Les objectifs peuvent varier en fonction de la nature du déchet et de son exutoire, d'un simple blocage à des performances de confinement sur le long terme ou à une réduction de la réactivité (production de gaz par exemple). Dans tous les cas, les matrices mises en œuvre doivent limiter au maximum le volume des déchets générés et ne pas perturber le stockage.
Thématique 3 : nouveaux matériaux pour le stockage
Les solutions de stockage de déchets radioactifs actuellement en exploitation ou en développement s'appuient sur des matériaux bien connus (matériaux cimentaires, aciers) et des procédés robustes. Toutefois, certains déchets radioactifs ne seront pas stockés avant plusieurs dizaines d'années, laissant la porte ouverte à des développements prospectifs complémentaires, à la fois sur les matériaux mis en œuvre en stockage et sur la conception des colis.
Dans ce cadre, l'objectif de cette thématique est de développer la R&D, à différents niveaux de maturité, sur les matériaux utilisés en stockage (colis, ouvrage), leurs procédés d'élaboration et de mise en œuvre, leur comportement en stockage (durabilité, étanchéité), mais également sur les technologies permettant de contrôler les colis et ouvrages et de suivre dans le temps leur évolution.
Les projets proposés doivent inclure des essais sur prototype et rechercher dans la mesure du possible une adaptabilité à différents concepts de stockage (profondeur de stockage, type de roche hôte).
Les projets soutenus doivent ainsi s'inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants ; ils peuvent dépasser le cadre des déchets radioactifs de démantèlement.
Matériaux durables pour le stockage des déchets (2)
Cet axe d'étude vise à développer des nouveaux matériaux (composites, nanomatériaux/nanocomposites, matériaux biomimétiques…) particulièrement durables dans les conditions de stockage ou permettant d'améliorer la durabilité des matériaux de stockage (traitement de surface par exemple). Ces matériaux peuvent être envisagés pour tout ou partie des colis et ouvrages de stockage. Ils peuvent être conçus spécifiquement pour cette application (développement sur les constituants de base) ou s'inspirer d'applications existantes.
Les recherches intégreront, dans la mesure du possible, les différents niveaux d'étude suivants :
- procédés d'élaboration et de mise en forme (notamment traitement de surface, scellement/soudage…) ;
- compréhension et qualification des performances du matériau ;
- identification/développement de systèmes de contrôle non destructif adéquats pour cartographier et caractériser les défauts internes et externes ;
- vieillissement et durabilité de ces matériaux dans les conditions du stockage.
Matériaux intelligents pour l'auscultation du stockage
La notion de matériau « intelligent » repose sur des capacités particulières de sensibilité, d'adaptation et d'évolution du matériau face à des sollicitations externes ou l'instrumentation du matériau à une micro-échelle. On s'intéressera ainsi au développement de matériaux et de capteurs intégrés au sein des colis et des ouvrages permettant d'envisager un suivi de leur « état de santé » et de leur contenu mais également de simplifier les opérations de contrôle. Pour les opérations de suivi, les problématiques de durabilité et d'autonomie doivent être particulièrement prises en compte. Des travaux sur les systèmes de transduction, de transmission et de traitement du signal sont également visés.
Thématique 4 : innovation et société
L'innovation en matière de traitement et de conditionnement de matières et déchets radioactifs introduit des problématiques inédites dans ce domaine, qui ont trait notamment à l'imbrication des aspects industriels, sociaux, économiques, politiques, de sûreté et d'éthique vis-à-vis des générations présentes et futures. Elle prend place dans le cadre de la construction amont d'un nouveau marché au sein de la filière électronucléaire, dont l'organisation économique et la régulation politique sont à penser et à prévoir, et pour laquelle de multiples arbitrages devront être réalisés, aussi bien par les acteurs privés que les pouvoirs publics.
Des études pluridisciplinaires en sciences humaines et sociales (économie, politique, droit, géographie, sociologie, anthropologie, histoire, psychologie sociale…), et plus particulièrement issues du champ de recherche des sciences, technologies et innovations en société (STIS) peuvent être proposées pour aborder cette problématique générale en accord avec les axes suivants.
Organisation socio-économique et régulation politique en amont du stockage
La normalisation et le contrôle des échanges, de la qualification et des modes de circulation de matières et déchets radioactifs constituent des enjeux essentiels pour favoriser l'innovation technologique en amont du stockage. L'absence d'une législation homogène au niveau international sur le statut du déchet, et plus particulièrement le seuil de libération applicable aux produits recyclés issus du démantèlement des installations nucléaires, questionne de manière radicale, par exemple, l'actuel partage existant en France entre ce qui relève du domaine public, d'une part, et ce qui pourrait être laissé au marché global en voie de constitution, d'autre part. Toutefois, la modification des cadres d'action existants au niveau politique et réglementaire suppose également la réorganisation des cadres conceptuels, des rapports de confiance et des positionnements des acteurs, ainsi que des imaginaires sociotechniques qui les sous-tendent.
Les études proposées doivent explorer ces problématiques, en particulier sous l'angle de la gouvernance et de l'évaluation socio-économique, et porteront une attention particulière sur les prises de position et les interrogations de l'ensemble des parties impliquées. Elles pourront se fonder sur des méthodologies originales, et s'appuyer sur des analyses comparatives, notamment en relation avec l'Allemagne ou d'autres pays, ou avec d'autres domaines industriels, et aborder la problématique à différentes échelles territoriales. Des recherches sur les croyances, les représentations sociales et la confiance entre les acteurs impliqués pourraient être envisagées. Des recherches sur les imaginaires socio-techniques, inscrits dans les dispositifs d'évaluation, pourraient également être réalisées dans ce cadre.
Evaluation et mise à l'épreuve des choix scientifiques et techniques (études de cas)
Les choix concernant le recyclage des déchets radioactifs ainsi que les différentes modalités de traitement ou de stockage, font l'objet d'une mise à l'épreuve, fréquemment publique, qui se pose à chaque fois de façon spécifique. Ces choix nécessitent des évaluations et des arbitrages complexes, souvent controversés, entre dissémination et concentration de la radioactivité et sur les impacts environnementaux et socio-économiques, forcément inégaux et à différentes échelles spatiales et temporelles. L'étude approfondie de cas peut être proposée en vue d'éclairer la prise de décision concernant les différents choix possibles. Ces études de cas devront intégrer de préférence une réflexion méthodologique et un volet comparatif relatif à d'autres domaines industriels. Elles peuvent se référer à la sous-thématique précédente et en mobiliser les approches.
En effet, les avantages et inconvénients des procédés susceptibles de faciliter le stockage de déchets ou leur valorisation ne sont pas équivalents du point de vue technico-économique, dosimétrique, ou sociétal. Leur comparaison autour d'une problématique précise est d'autant plus complexe que les parties concernées et leurs territoires d'intervention sont souvent différents. A titre d'exemples : l'incinération, en concentrant la radioactivité, peut s'accompagner d'un changement de filière de gestion pour certains déchets ; la fusion de métaux peut ouvrir la possibilité d'une réutilisation dans le domaine nucléaire (seule possibilité en France, alors qu'un seuil de libération existe dans la plupart des autres pays) ; le reconditionnement et le stockage sur place de déchets radioactifs, et donc le changement de statut des installations correspondantes, peuvent s'avérer parfois intéressants d'un point de vue industriel, etc. Mais chaque configuration nouvelle suppose une recomposition de facteurs hétérogènes qui ont trait à la faisabilité technique, à la règlementation, à l'intérêt industriel ou politique, au transport, à la responsabilité, aux rejets (radioactifs ou pas), aux modèles économiques, à l'acceptabilité sociale, notamment.
(1) Les technologies liées au travail en milieu irradiant (robotique, procédés de découpe, téléopération) font déjà l'objet de nombreuses actions de R&D et ne sont donc pas visées par le présent appel à projets. (2) Sont exclus de l'appel à projets les projets de recherche fondamentale sur les nouveaux matériaux pour les surconteneurs de déchets HA traités dans le cadre l'appel à projets NEEDS-Déchets.
1 version