JORF n°0147 du 26 juin 2025

Avis

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Protection des enfants migrants non accompagnés en France

Résumé Les enfants arrivant seuls en France sont souvent victimes de violence et discriminations ; ce texte explique leurs droits et les obstacles qu’ils rencontrent.
Mots-clés : Migration Enfance Droits humains

Assemblée plénière du 12 juin 2025 (adoption à l'unanimité)
Introduction

  1. Chaque année, de nombreux enfants arrivent sur le territoire français (1), souvent après un long parcours d'exil marqué par une exposition forte à la violence et doivent faire face, à leur arrivée, à une autre réalité tout aussi difficile : défis à faire reconnaître leurs droits, traitement discriminatoire par rapport aux autres enfants, vie à la rue, état de santé dégradé, risques d'exploitation par des réseaux criminels etc… Ce phénomène, qui n'est propre ni à la France ni aux seuls pays européens, n'est pas nouveau : les enfants ont toujours migré, accompagnés ou non. Reste qu'à partir des années 1980, dans un contexte de durcissement des politiques migratoires et de montée en puissance d'un cadrage sécuritaire de l'immigration, ces enfants deviennent des objets ciblés de l'action politique. C'est notamment à partir de cette époque que des mesures spécifiques sont élaborées à leur égard, surtout lorsqu'ils se retrouvent seuls sur le territoire (2). Dans cet esprit, la circulaire dite « Taubira » (3) a instauré, en 2013, un dispositif dérogatoire pour le premier accueil, l'évaluation et la répartition nationale de ces enfants, confiant l'accueil aux conseils départementaux ; dispositif que la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) avait analysé dans un avis en 2014 (4). Progressivement étoffé, ce cadre a été inscrit dans la loi du 4 mars 2016 relative à la protection de l'enfant (5) ; il a depuis fait l'objet de nombreuses adaptations et évolutions (6) jusqu'à la création d'une procédure aux frontières du droit des étrangers et de la protection de l'enfance, au risque de porter atteinte aux obligations internationales de la France en termes de protection des droits des enfants, en particulier au principe de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant.
  2. Souvent désignés par l'expression « mineurs non accompagnés » (MNA), terminologie employée initialement par le Conseil de l'Union européenne (7), ces enfants sont définis comme une « personne âgée de moins de dix-huit ans qui se trouve en dehors de son pays d'origine sans être accompagnée d'un titulaire ou d'une personne exerçant l'autorité parentale, c'est-à-dire sans quelqu'un pour la protéger et prendre les décisions importantes la concernant (8) ». Cette appellation ne correspond à aucune catégorie juridique précise ou éducative, et la désignation de ces enfants diffère selon les institutions et les acteurs. Ainsi, le droit français parle de mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille (9), le Comité des droits de l'enfant des Nations unies d'enfants demandeurs d'asile ou migrants (10), certains autres de mineurs isolés étrangers (11), terme retenu par la CNCDH en 2014 (12). La CNCDH parlera dans cet avis de « mineur non accompagné », expression qui correspond aujourd'hui davantage à la terminologie juridique en vigueur, afin d'aligner le vocabulaire sur celui utilisé dans d'autres Etats européens, sans que cela justifie, pour autant, de leur appliquer un droit dérogatoire au droit commun.
  3. Si l'élément d'extranéité ne devrait en aucun cas primer lorsqu'il s'agit d'enfants, pourtant, bien souvent, cet élément justifie une politique distincte, dérogatoire, qui les éloigne du droit commun applicable à tous les autres. Plutôt que d'être reconnus et protégés en tant qu'enfants en danger, ils sont perçus à travers le prisme migratoire qui se traduit par des pratiques inadaptées : suspicion sur l'âge réel, accès limité à un accompagnement éducatif, voire exclusion pure et simple des dispositifs de protection de l'enfance. Il en va de même au moment du passage à la majorité, lorsqu'il s'agit d'évaluer leur droit au séjour. Plutôt que d'être reconnus et protégés en tant qu'enfants en danger, ils sont perçus à travers le prisme migratoire, ce qui se traduit par des pratiques inadaptées : suspicion sur l'âge réel, accès limité à un accompagnement éducatif voire exclusion pure et simple des dispositifs de protection de l'enfance. L'extranéité agit comme un filtre institutionnel, déterminant leur situation non pas selon leur vulnérabilité mais selon leur origine. Il en résulte une forme de traitement discriminatoire, avec des mesures anti-migration qui priment sur les droits fondamentaux, en contradiction avec les principes de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Cette situation interroge quant à la capacité des institutions à garantir une protection équitable et universelle à tous les enfants, indépendamment de leur nationalité.
  4. L'isolement constitue un autre élément déterminant de la situation des mineurs non accompagnés. Au niveau international, la CIDE définit l'enfant isolé comme « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial » (art. 20). Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a précisé qu'il s'agit d'un enfant qui a été séparé de ses deux parents et d'autres membres proches de sa famille et n'est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume (13). Au niveau européen, la directive 2011/95/UE évoque tout mineur qui entre sur le territoire des Etats membres sans être accompagné d'un adulte responsable de lui en vertu du droit ou de la pratique en vigueur dans l'Etat membre concerné, et tant qu'il n'est pas effectivement pris en charge par une telle personne (14). En droit français, l'isolement a été consacré par la loi du 14 mars 2016 (15) et par l'article 1er al.2 de l'arrêté du 20 novembre 2019 (16) lequel considère une personne comme isolée « lorsque aucune personne majeure n'en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l'enfant, notamment en saisissant le juge compétent. ». La notion d'isolement renvoie à l'exercice de l'autorité parentale (17) et à l'absence de prise en charge effective par une personne majeure (18). C'est de cet isolement et de l'absence de représentation légale en France que découle l'obligation pour l'Etat de prendre en charge ces enfants, dans le cadre de la protection de l'enfance qui intervient subsidiairement par rapport à la famille. Or, cette prise en charge reste hétérogène selon les départements, malgré l'obligation d'égal accès à la protection pour tous les enfants en danger.
  5. La CNCDH tient à rappeler que certains mineurs français peuvent également se retrouver sans figure parentale, par exemple, ceux dont les parents ne peuvent plus exercer leur autorité pour des motifs divers (sans domicile fixe, en détention, hospitalisés…), ou encore ceux ayant perdu tout contact avec leurs parents. Ces enfants ne sont certes pas confrontés aux obstacles spécifiques à la reconnaissance de la minorité ou du droit au séjour, mais ils rencontrent les mêmes difficultés d'accès à une protection effective : manque de place dans les établissements, déficit de professionnels qualifiés, insuffisance de l'accompagnement éducatif en foyer ou dans les familles d'accueil. Ces obstacles sont le résultat de la crise structurelle que traverse le système de protection de l'enfance en France (19), dont les moyens insuffisants et l'insécurité des dispositifs de prise en charge affectent tous les enfants vulnérables, qu'ils soient français ou étrangers.
  6. Les mineurs non accompagnés sont caractérisés par une grande diversité de parcours et de trajectoires, souvent non linéaires. Les cinq catégories identifiées par Angelina Etiemble (20) présentées par la CNCDH en 2014 sont encore pour la plupart d'actualité mais ont connu des évolutions. Changement notable : de plus en plus de jeunes partent de leur propre initiative, souvent influencés par les réseaux sociaux qui vantent des parcours d'exil très réussis, bien que la réalité soit toute autre. La famille est souvent informée tardivement du départ, soit juste avant la traversée maritime, pour financer cette étape, soit au moment de l'évaluation de la minorité, pour faire parvenir des documents d'état civil par exemple. Beaucoup partent contre l'avis de leurs parents, ce qui contredit l'idée qu'ils seraient mandatés par leur famille. Les motifs de migration sont pluriels et le plus souvent entremêlés : conflits armés, dérèglement climatique, maltraitance, traite des êtres humains, migration solidaire, rupture avec une trajectoire de pauvreté ou de chômage, recherche de sécurité face à des discriminations systémiques liées au genre ou à l'orientation sexuelle. Ils incluent également des situations telles que les mariages forcés, les conflits liés à l'héritage foncier, ou encore le souhait de certains jeunes de construire un autre projet de vie - poursuivre des études, accéder à un emploi, ou simplement vivre ailleurs. Dans ce contexte, la migration devient l'unique option pour accéder à une forme d'émancipation dépassant la simple quête économique. On constate la même diversité dans les origines sociales. Beaucoup de parents concernés travaillent dans les sphères agricole et commerciale, mais on retrouve aussi des professions intermédiaires. La catégorie socio-professionnelle de la famille influence la socialisation de ces candidats à la migration, leur route migratoire et parfois même les résultats de l'évaluation de leur minorité, comme il sera exposé ultérieurement (21). Cette diversité des parcours est très importante à souligner car elle n'est pas suffisamment prise en compte lors de l'évaluation de leurs besoins et de leur prise en charge par la protection de l'enfance qui crée une catégorie générale « au rabais » pour l'ensemble des mineurs non accompagnés alors que ces besoins diffèrent énormément d'un parcours à l'autre et que chaque enfant doit bénéficier d'un accompagnement individualisé.
  7. Alors que les rapports parlementaires alarmistes se succèdent, que ce soit pour dénoncer leurs conditions de prise en charge (22) ou pour les associer à des problèmes de sécurité en France faisant encore trop souvent l'amalgame entre la situation des mineurs non accompagnés et la délinquance (23), un rapport récent d'avril 2025 sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance (24) alerte une fois encore sur la situation de ces enfants « qui font l'objet de politiques discriminantes par rapport aux autres enfants en danger, alimentant l'idée d'un droit d'exception qui leur serait applicable ». Les rapporteures de la commission d'enquête ajoutent : « Les “MNA” sont avant tout des enfants protégés et devraient être traités comme tels, sans discrimination. Pourtant, une suspicion est entretenue à leur encontre. Ils subissent trop souvent une prise en charge “low cost”. L'Etat et les départements se renvoient trop fréquemment la balle sur leurs responsabilités en la matière ». C'est dans le but de mieux comprendre la réalité de ces phénomènes et tous les défis auxquels les mineurs non accompagnés sont confrontés que des députés transpartisans ont saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) pour consultation. La CNCDH a donc mené de nombreuses auditions, rencontré des mineurs non accompagnés, filles et garçons, dans différents territoires, et échangé avec des acteurs de terrain qui ont confirmé une tendance préoccupante : ces mineurs sont de plus en plus traités sous le prisme de l'« extranéité » au détriment de leur statut d'enfant. Le plus souvent considérés dans les discours politiques et médiatiques comme des délinquants ou des étrangers qui chercheraient à profiter du système, ils font l'objet d'une suspicion généralisée qui renforce la logique sécuritaire de l'appréhension du phénomène. Plus de 10 ans après l'état des lieux qu'elle avait dressé, la CNCDH effectuera un constat général sur la situation et rappellera que ces enfants ont des droits, lesquels doivent être effectifs, tout au long de leur parcours. La CNCDH réaffirme ainsi que toute politique publique les concernant doit se fonder sur le respect inconditionnel des droits fondamentaux de l'enfant, sans discrimination fondée sur la nationalité ou le statut administratif.
  8. La CNCDH proposera dans cet avis un constat chiffré afin de tenter de mieux connaître les mineurs les non accompagnés (I), puis elle analysera dans un premier temps les étapes par lesquelles ils doivent passer pour être reconnus en tant que tels (II), elle rappellera ensuite les droits auxquels ils devraient avoir accès (III) et répertoriera enfin les dispositions existantes ayant pour objet de faciliter leur intégration (IV).