I. Le rôle de la Commission dans ce domaine
et les difficultés rencontrées pour son exercice
Aux termes de l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les partis ou groupements bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 :
- ont l'obligation de tenir une comptabilité qui doit retracer tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux des organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration, ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ;
- doivent arrêter leurs comptes chaque année au 31 décembre ;
- les faire certifier par deux commissaires au comptes ;
- les déposer avant le 30 juin de l'année suivante à la CNCCFP qui assure leur « publication sommaire » au Journal officiel.
Si la CNCCFP constate un manquement à ces obligations, le parti ou groupement perd pour l'année suivante le bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988 et notamment :
- le bénéfice de l'aide publique ;
- le bénéfice des privilèges le dispensant du contrôle de la Cour des comptes ou des règles concernant le contrôle des associations subventionnées ;
- le bénéfice du statut de parti politique l'autorisant à financer une campagne électorale sans se voir opposer l'interdiction du financement par des personnes morales.
La loi ne donne à la CNCCFP que des pouvoirs très limités en matière de contrôle des comptes des partis politiques.
En effet, le contrôle effectif des comptes d'ensemble d'un parti, est assuré par deux commissaires aux comptes. En application de leur norme professionnelle, ils doivent vérifier que les comptes sont établis « conformément aux dispositions légales et au référentiel comptable qui leur sont applicables ».
Eux seuls peuvent donc vérifier que le parti n'a pas perçu un don de personne morale prohibé par la loi.
1° Le contenu des comptes d'ensemble
Les comptes d'ensemble comprennent les comptes du centre national auxquels sont additionnés par agrégation les comptes des structures que le parti souhaite intégrer dans son périmètre comptable. Au sein de ces structures, la Commission demande aux partis politiques de donner la liste nominative des entités autorisées à participer au financement des campagnes électorales. Faute d'être ainsi identifiées, elles ne pourraient participer à ce financement qu'après avoir désigné leur propre mandataire et déposé leurs propres comptes certifiés.
Les participations en capital doivent être intégrées aux comptes d'ensemble par consolidation en appliquant les règles exposées dans la « méthodologie relative aux comptes consolidés » du plan comptable général.
2° La certification des comptes
Les comptes des partis doivent être accompagnés d'un rapport de certification établi par deux commissaires aux comptes issus de cabinets ou de sociétés professionnelles distincts et indépendants l'un de l'autre.
C'est ce rapport qui retrace la vérification effective de la régularité des comptes des partis puisque la CNCCFP n'a pas de pouvoir de contrôle direct des justificatifs comptables.
La CNCCFP a demandé en 2000 que la norme 43 des commissaires aux comptes soit expressément complétée sur deux points : d'une part, que le contrôle de l'absence de financement par des personnes morales soit effectué ; d'autre part, que la constatation éventuelle d'un non respect des interdictions légales dans ce domaine soit considérée comme révélant une irrégularité devant entraîner une mention, une réserve ou un refus de certification dans le rapport des commissaires aux comptes.
Une modification de la norme 43, devenue la norme 7-103, a été adoptée en ce sens par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes en juillet 2002.
Les commissaires aux comptes certifient donc désormais que les comptes sont établis conformément aux dispositions légales et au référentiel comptable qui leur sont applicables et signalent, le cas échéant, les irrégularités et inexactitudes relevées.
Le contrôle formel des dons de personnes physiques limités à 7 500 EUR par an par donateur et par formation politique ne pose pas de réelles difficultés, il n'en va pas de même lorsqu'il convient de s'assurer que les partis politiques ne reçoivent pas de dons de personnes morales. Les commissaires aux comptes exercent leur contrôle uniquement sur pièces ce qui entraîne des difficultés pour apprécier notamment si les prestations facturées au parti ont été sous évaluées par rapport aux prestations réellement fournies ou si le parti a bénéficié d'un concours en nature d'une personne morale. La norme précitée reconnaît d'ailleurs, au sujet des avantages pouvant être fournis par des personnes morales, que « la notion d'avantage direct ou indirect n'est pas précisée par les textes. En l'absence de critères objectifs, les commissaires aux comptes ne sont pas à même d'apprécier a priori leur existence. Toutefois les commissaires aux comptes peuvent faire preuve d'esprit critique lors de leur contrôle portant sur les charges engagées par la formation politique ». Le contrôle des commissaires aux comptes, ne permet donc qu'imparfaitement de s'assurer que le parti n'a pas reçu de don de personne morale.
3° La notion de parti politique
Faute de définition légale du parti politique, les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat considèrent qu'une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que :
- Si elle relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique (c'est-à-dire si elle a bénéficié de l'aide publique) ;
- Ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi (c'est-à-dire si elle a désigné un mandataire financier à la préfecture, ou obtenu l'agrément d'une association de financement auprès de la CNCCFP) ;
- Et si elle a déposé des comptes certifiés auprès de la CNCCFP.
La Commission considère que, pour éclairer les dispositions du législateur, elle doit prendre pour guide l'obligation qu'elle a de vérifier que l'interdiction légale de financement de la vie politique par des personnes morales est respectée et donc de s'assurer, par la voie de la certification de leurs comptes par des commissaires aux comptes, que les entités qui peuvent participer au financement des campagnes électorales ne sont pas elles-mêmes financées par des personnes morales.
La principale question qui se pose à cet égard concerne le financement par les structures territoriales des partis politiques considérées, par le Conseil constitutionnel, comme « les représentations locales des partis ».
Le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence en infirmant deux décisions de la Commission rejetant des comptes au motif que les candidats avaient été financés par des sections locales de partis n'ayant pas leurs comptes agrégés à ceux du parti. (décision n° 2002-2844 du 19 décembre 2002, AN Martinique 1re circonscription et décision n°s 2002-2651/2655/2887 du 30 janvier 2003, AN Seine-Saint-Denis 7e circonscription).
Toutefois, dans ses observations relatives aux élections législatives de juin 2002, le Conseil constitutionnel a précisé que « sur le fond même de cette question du financement des campagnes, (il) tient à appeler de nouveau l'attention du législateur sur les problèmes posés par l'aide apportée à un candidat par une représentation locale d'un parti politique qui ne peut être regardée elle-même comme un parti ou groupement politique au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. A défaut de dispositions le prohibant explicitement et à l'opposé de la position constante de la CNCCFP, le Conseil a admis qu'une représentation locale d'un parti politique relevant des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 puisse apporter une aide au candidat, alors même qu'elle n'était pas comprise dans le « périmètre comptable » de ce parti. Toutefois, pour ne pas ouvrir une brèche dans laquelle pourraient s'introduire des aides illicites, il serait souhaitable que le législateur intervienne de nouveau, soit en limitant aux fédérations départementales des partis nationaux la possibilité d'apporter une aide financière à leurs candidats, soit en imposant une stricte consolidation des comptes des différentes composantes d'une formation politique, soit en prévoyant des formalités permettant à la CNCCFP d'exercer sa surveillance sur toutes les structures d'un parti. »
Pour la Commission peuvent financer un campagne électorale :
- le siège national de l'association qui répond à l'une des définitions d'un parti ou groupement politique énoncée ci-dessus ;
- les structures territoriales dont les comptes sont intégrés dans le périmètre des comptes d'ensemble du parti qui ont fait l'objet de la certification (le parti doit alors donner la liste nominative complète de ces structures dans ses comptes d'ensemble. C'est en général la situation que connaissent les fédérations des partis.) ;
- les structures territoriales du parti qui désignent un mandataire financier ou font agréer une association de financement et qui déposent leurs propres comptes certifiés quand ces structures ne sont pas intégrées dans le périmètre comptable du parti.
II. Données statistiques générales sur les comptes
des partis en 2002
a) Nombre de formations politiques concernées
231 formations politiques au total étaient juridiquement, tenues de déposer leurs comptes avant le 30 juin 2003 au titre de l'exercice 2002.
- 44 en tant que bénéficiaires directs de l'aide budgétaire publique en 2002 (1) ;
- 187 non-bénéficiaires de l'aide publique directe en 2002, mais ayant disposé, avant le 31 décembre 2002 d'au moins une association de financement agréée par la CNCCFP ou d'au moins un mandataire financier (personne physique) déclaré à la préfecture.
b) Synthèse de la conformité des dépôts
Les 231 partis ou groupements concernés (2) ont été invités, comme les années antérieures, par circulaire détaillée, à produire leurs comptes avant le 30 juin 2003.
Sont publiés (3) les 197 comptes (soit 85 %) qui ont été adressés à la CNCCFP, dont 190 comptes (82 %) transmis dans le délai légal (87 % en 2001), 5 comptes déposés hors-délai et 2 comptes dont la certification n'est pas conforme.
Comptes conformes (190, soit 96,5 % des comptes déposés).
186 comptes certifiés sans réserves (cf. chapitre Ier) ;
4 comptes certifiés avec réserves (cf. chapitre II) :
- Centre national des indépendants et paysans ;
- Démocratie libérale ;
- Parti communiste martiniquais ;
- Priorité socialiste Réunion.
Comptes non conformes (7, soit 3,5 % des comptes déposés).
Ces comptes sont publiés au chapitre III :
5 pour dépôt hors délais :
- Association Les amis de Jacques Chirac ;
- Autrement Rassemblement citoyen pour la démocratie ;
- Energie France ;
- Mouvement des retraités de France - Convergences citoyennes ;
- Union et démocratie.
2 pour certification non conforme :
- Mouvman Parnouminm - Demokrasi Liberasyon Nasyonal -Démocratie libération nationale ;
- Union démocratique pour le progrès.
Comptes non déposés (34, soit 15 %) :
- A Gauche innover rassembler ;
- AIA API ;
- Act Up Group ;
- Association 13-Union ;
- Bureau national du parti blanc ;
- Combat ouvrier ;
- Confédération nationale Avenir France République ;
- Démocratie chrétienne française ;
- Démocratie sociale ;
- Energies démocrates ;
- Ensemble pour Paris ;
- Fédération nationale des élus républicains, indépendants et libéraux ;
- Forum Initiative et libertés ;
- Jean Jaurès aujourd'hui ;
- Les Républicains ;
- Liberté Kanak socialiste ;
- Mouvement démocratie lorraine ;
- Mouvement rouge vert d'Ille-et-Vilaine ;
- Nouvel Elan démocratique ;
- Organisation régionale et démocratique de réflexion éthique ;
- Parti des libertés individuelles ;
- Parti des socioprofessionnels ;
- Parti pour la libération de la Martinique ;
- Parti progressiste démocratique guadeloupéen ;
- Parti réformiste français ;
- Parti socialiste guadeloupéen ;
- Réagir avec Olivier de Chazeaux ;
- Renouveau marmandais ;
- Savoie première ;
- Union centriste ;
- Union des indépendants pour les régions, l'économie et l'environnement ;
- Union des Martiniquais démocrates ;
- Union pour une nouvelle majorité ;
- Union di u populu Corsu / Scelta Nova.
III. Informations complémentaires
Les précisions apportées par les partis politiques ainsi que les observations éventuelles des commissaires aux comptes sont publiées en regard des bilans et comptes de résultat simplifiés de chaque formation politique.
Il est à signaler le faible nombre de réserves formulées par les commissaires aux comptes. Ainsi, seules 4 formations ont fait l'objet de rapports de certification avec réserves :
- Centre national des indépendants et paysans : « Dans nos rapports des années précédentes, nous avions été amenés à formuler une réserve portant sur les écarts d'intégration ou de non-intégration des données comptables de certaines fédérations pourtant inscrites dans le périmètre de consolidation. Les dirigeants du parti avaient jugé opportun de constituer une provision pour dépréciation de 5 623,59 EUR en couverture de la dépréciation de l'actif net de ces fédérations dans l'ignorance du sort des éléments le composant. Au titre de l'exercice 2002, cette situation s'est reproduite, conduisant à la constitution d'une dépréciation nouvelle de 6 422,43 EUR et à une reprise de provision de 5 623,59 EUR. L'incidence de ces pratiques sur les comptes d'ensemble restant mineure, nous certifions que les comptes d'ensemble du parti, présentés en annexe au titre de l'année 2002, sont établis conformément aux dispositions légales et comptables qui leur sont applicables. »
- Démocratie libérale : « Le 8 octobre 2002, un protocole a été conclu dans lequel sont définis les termes, conditions et modalités d'entrée de Démocratie libérale (DL) dans l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Ce transfert s'est traduit par un déménagement dans des locaux communs et par l'absence de personnel propre à Démocratie libérale depuis le mois de septembre 2002. De ce fait, les procédures usuelles en vue de vérifier l'exhaustivité des opérations réalisées notamment en ce qui concerne les dépenses du siège n'ont pu être mises en oeuvre. De même, 16 fédérations et 10 circonscriptions n'ont pas transmis leurs comptes. Sans remettre en cause la sincérité des états financiers, ces constatations techniques génèrent un élément d'incertitude. Sous cette réserve, nous certifions que ces comptes d'ensemble du parti sont établis conformément aux dispositions légales et comptables qui leur sont applicables. »
- Parti communiste martiniquais : « Dans les frais de déplacement figure un reçu d'Air France d'un montant de 1 095,19 EUR pour un titre de transport. En l'absence de la souche du titre de transport, nous n'avons pu vérifier le bénéficiaire. »
- Priorité socialiste Réunion : « Nous n'avons pas été en mesure de nous assurer de la réalité et de l'exhaustivité des opérations financières relatives à la caisse, en raison de l'absence de justificatifs du solde à la clôture de l'exercice pour un total de 571 EUR. Nous n'avons pas pu vérifier la réalité de certaines dépenses en raison de l'absence de justificatifs, pour un montant total de 363 EUR. »
Données chiffrées brutes concernant les 190 formations ayant déposé des comptes certifiés.
En 2002, année d'élections législatives, la valeur médiane des dépenses engagées par ces partis politiques est de 21 764 EUR alors que la moyenne des dépenses engagées s'élève à 1 570 140 EUR. Cette diminution de la médiane de 12 % et cette augmentation de la moyenne de 46 % par rapport à l'exercice précédent illustrent l'augmentation significative du nombre de formations politiques et la concentration des moyens financiers dans quelques formations (17 formations représentent 90 % des dépenses engagées en 2002).
- 100 formations présentent des comptes déficitaires ;
- 86 formations présentent des comptes excédentaires ;
- 2 formations présentent des comptes équilibrés ;
- 2 formations présentent des comptes nuls.
En outre, le volume des dépenses totales, toutes formations confondues, s'élève à 298 326 669 EUR (soit une augmentation de 58 %) pour un montant en recettes de 271 269 159 EUR (soit une augmentation de 36 %) soit un solde déficitaire de 27 057 510 EUR.
Le déficit cumulé des 100 formations déficitaires s'élève à 36 729 494 EUR tandis que le solde cumulé des 86 partis excédentaires est de 9 671 984 EUR.
IV. Appréciations générales et perspectives
Les observations énoncées une nouvelle fois par la Commission demeurent pertinentes. La Commission va engager une réflexion approfondie sur les moyens d'obtenir davantage de transparence et d'explicitation des imputations comptables figurant dans les comptes des partis afin de mieux comprendre et fournir des éléments susceptibles d'être exploités dans des travaux d'analyse et de synthèse. Elle souhaite toutefois continuer à privilégier la voie consensuelle en développant la concertation avec les trésoriers des partis politiques et les représentants des commissaires aux comptes.
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