JORF n°0225 du 28 septembre 2023

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Note de Conjoncture du Haut Conseil des Finances Publiques

Résumé Le Haut Conseil des Finances Publiques donne son analyse sur l'économie et les finances de la France pour 2023 et 2024. Il parle de la croissance, des impôts, des dépenses et des aides énergétiques.
  1. S'agissant du salaire moyen par tête, la prévision du Gouvernement apparaît plausible pour 2023 mais un peu basse pour 2024, nettement inférieure à celle des instituts auditionnés par le Haut Conseil. Elle semble ainsi sous-estimer les effets retardés de l'inflation sur les salaires.
  2. La prévision du Gouvernement s'appuie notamment sur l'hypothèse d'importants versements de la prime de partage de la valeur (PPV) au 2e semestre 2023, qui contribueraient à hauteur de 0,2 point à la dynamique du salaire moyen en 2023 et limiteraient ainsi à + 5,1 % la progression du salaire moyen soumis à cotisations sociales et impôt sur le revenu en 2023. Pour 2024, le Gouvernement anticipe un repli des versements de la prime, qui pèserait sur la dynamique du salaire moyen (- 0,3 point). En conséquence, le salaire moyen par tête hors PPV augmenterait plus rapidement (+ 3,4 %) en 2024.
  3. Les créations d'emplois salariés dans les branches marchandes non agricoles en 2023 ont été revues à la hausse par rapport au programme de stabilité pour atteindre + 1,3 % en moyenne annuelle, signe de gains de productivité une nouvelle fois plus faibles que prévu. Ce scénario traduit toutefois une légère reprise des gains de productivité au deuxième semestre 2023. En 2024, le Gouvernement fait l'hypothèse d'un retour à des gains de productivité élevés (+ 1,2 % en moyenne annuelle). Ainsi, en dépit d'une progression de la valeur ajoutée marchande de 1,6 %, l'emploi salarié marchand ne progresserait que de 0,5 % en moyenne annuelle en 2024.
  4. La croissance de l'emploi pour 2024 semble toutefois encore un peu haute. En effet, le caractère optimiste de la prévision de croissance affecte dans le même sens la prévision d'emploi. Même en supposant des gains de productivité deux fois plus faibles - une hypothèse plus réaliste au regard de la tendance atone de productivité enregistrée depuis trois ans, un phénomène par ailleurs quasi général en zone euro (cf. encadré) -, une croissance proche de celle du consensus (+ 0,8 % en 2024) impliquerait un emploi encore moins dynamique. Ainsi, la prévision de masse salariale du Gouvernement pourrait être atteinte, mais avec une croissance du salaire moyen plus haute et de l'emploi plus faible.

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  1. La prévision de masse salariale et d'emploi pour 2023 est plausible. La prévision de masse salariale pour 2024 est elle aussi plausible, le caractère optimiste de la prévision d'emploi étant compensé par une hypothèse de ralentissement du salaire par tête qui paraît trop marqué.

III. - Observations sur la cohérence de l'article liminaire des PLF et PLFSS, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques définies dans la LPFP, et le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS

  1. Après avoir présenté le scénario du Gouvernement (1), le Haut Conseil apprécie le réalisme des prévisions des recettes et des dépenses (2) puis la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (6) et de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques (3) et enfin examine les évolutions attendues de la dette publique (4).

  2. Le scénario du Gouvernement

  3. Selon la saisine du Gouvernement, « En 2023, le déficit public prévu s'établit à 4,9 % du PIB, contre 5,0 % prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, après 4,8 % en 2022. […] En 2024, le solde public s'améliorerait par rapport à 2023 et atteindrait - 4,4 % du PIB, comme inscrit dans le Programme de stabilité 2023-2027. »

  4. « Retraçant ces évolutions, après s'être établi à 45,6 % du PIB en 2022, le taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire s'établirait à 44,4 % en 2024, stable par rapport à 2023.

  5. Après 57,7 % en 2022, le ratio de dépense publique (hors crédits d'impôts) reculerait à 55,9 % du PIB en 2023 puis à 55,3 % en 2024. »

  6. « La croissance potentielle serait de 1,35 % en 2023 comme en 2024. L'écart de production estimé tient compte des effets de l'enchaînement de la crise Covid et des conséquences de l'invasion russe en Ukraine. »

  7. « Avec une croissance établie à 1,4 %, le solde conjoncturel serait quasi stable. L'amélioration du solde prévu s'explique donc par un redressement du solde structurel de 0,5 point de PIB en 2024, du fait principalement de la sortie progressive des mesures temporaires relatives à la hausse des prix de l'énergie, de relance, et de soutien. Cet effet serait partiellement compensé notamment par la hausse de la charge d'intérêt de la dette, matérialisant les effets de la hausse des taux. »

  8. Appréciation du réalisme des recettes et des dépenses

  9. Le Haut Conseil s'est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur la base des informations dont il dispose.

a) Les recettes

  1. En 2023, les prélèvements obligatoires augmenteraient, selon le Gouvernement, de 3,7 % pour atteindre 1 241,1 Md€. Cette prévision du PLF pour 2023 est légèrement révisée à la baisse par rapport au programme de stabilité (- 6,1 Md€) sous l'effet notamment de certaines rentrées fiscales moins élevées qu'anticipé en avril et de mesures nouvelles dont l'impact budgétaire, prévu légèrement favorable en avril (+ 0,3 Md€), est devenu nettement négatif (- 4,0 Md€), notamment en raison de gains de charges de service public de l'énergie (enregistrés en recettes) et de recettes de la contribution sur les rentes infra-marginales des producteurs d'électricité moins élevés que prévu (7).
  2. L'évolution des recettes de prélèvements obligatoires en 2023 refléterait une croissance spontanée (+ 4,0 %) sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur (+ 6,8 %), se traduisant par une élasticité des recettes nettement inférieure à l'unité (0,6), après deux années d'élasticité particulièrement élevée.
  3. L'analyse des principaux impôts ne fait pas ressortir de biais important pour 2023.
  4. La prévision de croissance spontanée des recettes de TVA pour 2023 est abaissée par rapport au programme de stabilité (+ 4,1 % contre + 5,8 %), soit une progression nettement en deçà de celle des emplois taxables (+ 5,8 %), étayée par les remontées comptables sur les sept premiers mois de l'année, l'écart pouvant être lié à des besoins de trésorerie accrus des entreprises dans un contexte de taux d'intérêt en hausse.
  5. La prévision de croissance des recettes d'impôt sur le revenu en 2023 (+ 1,9 %) marque un net ralentissement par rapport à 2022 (+ 13,1 %), dû à la fois à celui des revenus d'activité en 2023 soumis au prélèvement à la source, à des mesures de baisse de l'impôt d'un montant plus élevé qu'en 2022 et à l'impact sur le solde au titre de 2022 d'une revalorisation du barème sur l'inflation allant au-delà de la croissance des revenus moyens d'activité. Le ralentissement pourrait toutefois se révéler un peu moins marqué que prévu par le Gouvernement, du fait notamment du dynamisme des prélèvements à la source sur les revenus mobiliers.
  6. Le recul anticipé pour 2023 des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dans un contexte de recul des prix et surtout des volumes de transactions, a été nettement creusé par rapport au programme de stabilité (- 16,0 % contre - 6,0 %), mais pourrait être encore plus fort au vu des remontées comptables sur les sept premiers mois de l'année et de la dégradation en cours du marché immobilier.
  7. En revanche, la croissance spontanée des droits de mutations à titre gratuit (+ 6,6 %) apparaît en deçà de ce qui ressort des données sur le premier semestre et semble à ce titre un peu faible.
  8. En 2024, la prévision de prélèvements obligatoires (à 1 292,2 Md€, soit + 4,1 % par rapport à 2023) est très proche de celle du PIB en valeur (+ 4,0 %). Les mesures nouvelles viendraient amputer les recettes de prélèvements obligatoires à hauteur de 1,5 Md€.
  9. Cette prévision paraît haute du fait notamment d'une hypothèse de croissance de l'activité optimiste. Ce biais affecte plus particulièrement les prélèvements obligatoires dont les assiettes sont les plus corrélées au PIB, en particulier la TVA ainsi que l'impôt sur les sociétés via le versement du 5e acompte et la TICPE.
  10. La dynamique de la TVA (+ 4,8 %) paraît en outre un peu élevée en regard de la croissance des emplois taxables anticipée par le Gouvernement (+ 3,8 %). Elle repose sur une hypothèse optimiste de correction partielle de l'écart de sens inverse apparu en 2023. L'élasticité inférieure à 1 de la TVA à sa base taxable en 2023, intervenant après plusieurs années d'élasticité au contraire supérieure à 1, ne justifie en effet pas nécessairement un rattrapage en 2024.
  11. De surcroît, la stabilité des recettes prévues de DMTO paraît optimiste compte tenu de la tendance actuelle de baisse des prix et des volumes de transactions immobilières.
  12. La prévision de prélèvements sociaux sur les revenus d'activité et de remplacement et celle de l'impôt sur le revenu apparaissent cohérentes avec la prévision de la progression de la masse salariale retenue par le Gouvernement pour 2024, jugée plausible par le Haut Conseil (cf. supra). La prévision de cotisations sociales apparaît toutefois un peu élevée, car quasi identique à celle de la masse salariale alors que la revalorisation du SMIC devrait être encore importante en 2024 et pousser de ce fait les allègements de cotisations à la hausse.
  13. Pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont plausibles. Pour 2024, les recettes semblent un peu surestimées. Elles sont tirées vers le haut par la prévision de croissance élevée de l'activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux).

b) Les dépenses

  1. En 2023, les dépenses publiques hors crédits d'impôts augmenteraient de 3,4 % en valeur pour s'élever à 55,9 points de PIB (contre 57,7 points en 2022). En volume, corrigé par l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT), elles reflueraient de 1,3 % (8). Ce repli résulte de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire et de la baisse du coût des mesures liées à l'inflation et des dépenses de relance. Ainsi, une fois ces dépenses exclues, les dépenses publiques augmenteraient de 5,4 % en valeur et de 0,5 % en volume.
  2. Les dépenses publiques en 2023 seraient plus faibles qu'annoncé dans le programme de stabilité en avril 2023 : le coût des mesures liées à l'énergie est fortement revu à la baisse (9), ainsi que les crédits de ministères, ce qui fait plus que compenser la révision à la hausse de 3 Md€ de l'Ondam. Cette dernière provient de différentes mesures prises en cours d'année (hausse du point d'indice, revalorisations catégorielles à l'hôpital) et d'une dynamique spontanée plus forte que prévu des soins de ville.
  3. Les dépenses des collectivités locales progresseraient de 5,8 %, un chiffre cohérent avec les remontées comptables disponibles à fin août 2023 mais plus élevé que prévu précédemment : les collectivités locales ont été affectées par la hausse des coûts de l'énergie et par la hausse de 3,5 % du point d'indice mi-2022, qui joue donc en année pleine en 2023, ainsi que par la revalorisation intervenue au 1er juillet 2023, tandis que leur investissement est plus dynamique qu'usuellement au même point du cycle électoral communal.
  4. La prévision actualisée de dépenses publiques pour 2023 est plausible.

| Encadré : l'impact sur les finances publiques des mesures de soutien face à la crise énergétique | 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|Deux dispositifs liés à l'évolution des prix de l'électricité auront un impact potentiellement significatif sur les finances publiques en 2024 : le blocage tarifaire pour l'électricité et les charges de service public de l'énergie (CSPE).
Le blocage tarifaire pour l'électricité, comme le bouclier tarifaire pour le gaz, est une mesure de soutien aux consommateurs, limitant leur facture énergétique, adoptée en réaction à la crise énergétique à partir de l'hiver 2021/2022. L'Etat a pris en charge pour les clients concernés par ces mesures la différence de prix entre les tarifs réglementés qui auraient prévalu en l'absence de mesure (tarif dit « hors gel ») et les tarifs dits « gelés », i.e. payés par les consommateurs. Ces dispositifs présentent un coût important pour les finances publiques, à hauteur de 18,2 Md€ en 2023 selon le PLF 2024, montant essentiellement imputable au blocage des tarifs de l'électricité. Ce coût est par ailleurs difficile à évaluer ex ante du fait de la volatilité des prix de marché. Ainsi, il a été révisé à la baisse de moitié entre le PLFRSS présenté en janvier 2023 et le PLF.
Le blocage tarifaire pour l'électricité est prolongé jusque début 2025. Le tarif réglementé de vente de l'électricité (TRVE) hors gel dépend des prix de marché via deux composantes : l'approvisionnement sur le marché, lissé sur un ou deux ans d'une part, et au cours des deux derniers mois de l'année d'autre part. Ainsi, le TRVE hors gel fixé en février 2024 dépendra, s'agissant de ses deux composantes volatiles, des prix de marché des derniers mois de 2023. L'incertitude reste marquée s'agissant du coût du dispositif en 2024. Il dépendra à la fois du TRVE hors gel et du niveau retenu par le Gouvernement pour le TRVE « gelé ». Le coût de la mesure s'élèverait à environ 3 Md€ en 2024 si le prix pour une livraison en 2024 (produit base) diminuait d'ici la fin de l'année pour rapport au niveau d'août. Dans ce scénario, le coût de la mesure se concentrerait sur le seul mois de janvier 2024 puisque le tarif « hors gel » rejoindrait dès février le tarif « gelé ». A l'inverse, si un nouveau choc survenait sur ce marché (prix à 360 €/MWh en fin d'année 2023), le coût de la mesure atteindrait environ 13,5 Md€. L'estimation du coût de la mesure par le Gouvernement à 2,8 Md€ se situe ainsi dans le bas de la fourchette d'estimation. Le coût du bouclier électricité prévu par le Gouvernement semble de ce fait un peu bas.
Parallèlement, les CSPE sont les charges supportées par l'Etat dans le cadre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (EnR). Ces dispositifs visent à garantir la rentabilité de la production d'EnR, soit directement par des tarifs d'achat fixés à l'avance, soit indirectement en compensant aux producteurs la différence entre le prix de marché moyen et un tarif de référence. Les CSPE sont donc un dispositif préexistant à la crise énergétique récente mais dont le coût pour les finances publiques est fortement affecté par cette dernière. Les prix de marché sont devenus en 2022 et début 2023 nettement supérieurs aux tarifs garantis et ont donc entraîné des économies importantes par rapport au coût normal du dispositif, les mécanismes de soutien étant symétriques dans l'ensemble. Comme pour les boucliers, l'impact des CSPE sur les finances publiques a connu de fortes révisions. Évalué à hauteur de 23,8 Md€ dans le PLFRSS, le gain de CSPE en 2023 a été revu à la baisse dans le PLF pour 2024 à 8,6 Md€ compte tenu du repli des prix de marché par rapport au pic enregistré à l'été 2022. L'essentiel du gain de CSPE en 2023 est déjà déterminé par les prix passés : l'impact final sur les finances publiques devrait s'établir à un niveau proche de cette dernière évaluation.
L'incertitude apparaît en revanche marquée pour 2024. Dans le PLF pour 2024, le Gouvernement évalue les gains de CSPE à 6,7 Md€ en 2024, une prévision qui apparaît cohérente avec les prix à terme observés en août 2023 (autour de 160 €/MWh pour une livraison en 2024). Deux scénarios polaires d'évolution des prix fin 2023 (à 60 €/MWh ou à 360 €/MWh) conduiraient à une fourchette comprise entre un coût nul et un gain de 20 Md€.
Selon le PLF pour 2024, les finances publiques enregistreraient un gain net des deux mesures à hauteur de 3,9 Md€ en 2024 (après un coût de 7,3 Md€ en 2023) mais, compte tenu de l'évaluation un peu basse du coût du bouclier électricité, la prévision du Gouvernement apparaît un peu optimiste. Par ailleurs, selon l'évolution des prix de marché, l'impact sur les finances publiques pourrait aller d'un gain net de 6,5 Md€ à un coût net de 3 Md€.
Il existe toutefois d'autres mesures liées à la crise énergétique affectant négativement les finances publiques, comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), conduisant à un coût net toujours positif de l'ensemble des mesures de soutien selon le PLF.|

  1. En 2024, les dépenses augmenteraient (3,0 % en valeur, mais 0,5 % en volume). La progression serait encore plus sensible (4,8 % en valeur et 2,2 % en volume) une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien.

Graphique 5. - Evolution de la dépense publique en 2024
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JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : projet de loi de finances pour 2024.


Historique des versions

Version 1

34. S'agissant du salaire moyen par tête, la prévision du Gouvernement apparaît plausible pour 2023 mais un peu basse pour 2024, nettement inférieure à celle des instituts auditionnés par le Haut Conseil. Elle semble ainsi sous-estimer les effets retardés de l'inflation sur les salaires.

35. La prévision du Gouvernement s'appuie notamment sur l'hypothèse d'importants versements de la prime de partage de la valeur (PPV) au 2e semestre 2023, qui contribueraient à hauteur de 0,2 point à la dynamique du salaire moyen en 2023 et limiteraient ainsi à + 5,1 % la progression du salaire moyen soumis à cotisations sociales et impôt sur le revenu en 2023. Pour 2024, le Gouvernement anticipe un repli des versements de la prime, qui pèserait sur la dynamique du salaire moyen (- 0,3 point). En conséquence, le salaire moyen par tête hors PPV augmenterait plus rapidement (+ 3,4 %) en 2024.

36. Les créations d'emplois salariés dans les branches marchandes non agricoles en 2023 ont été revues à la hausse par rapport au programme de stabilité pour atteindre + 1,3 % en moyenne annuelle, signe de gains de productivité une nouvelle fois plus faibles que prévu. Ce scénario traduit toutefois une légère reprise des gains de productivité au deuxième semestre 2023. En 2024, le Gouvernement fait l'hypothèse d'un retour à des gains de productivité élevés (+ 1,2 % en moyenne annuelle). Ainsi, en dépit d'une progression de la valeur ajoutée marchande de 1,6 %, l'emploi salarié marchand ne progresserait que de 0,5 % en moyenne annuelle en 2024.

37. La croissance de l'emploi pour 2024 semble toutefois encore un peu haute. En effet, le caractère optimiste de la prévision de croissance affecte dans le même sens la prévision d'emploi. Même en supposant des gains de productivité deux fois plus faibles - une hypothèse plus réaliste au regard de la tendance atone de productivité enregistrée depuis trois ans, un phénomène par ailleurs quasi général en zone euro (cf. encadré) -, une croissance proche de celle du consensus (+ 0,8 % en 2024) impliquerait un emploi encore moins dynamique. Ainsi, la prévision de masse salariale du Gouvernement pourrait être atteinte, mais avec une croissance du salaire moyen plus haute et de l'emploi plus faible.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

38. La prévision de masse salariale et d'emploi pour 2023 est plausible. La prévision de masse salariale pour 2024 est elle aussi plausible, le caractère optimiste de la prévision d'emploi étant compensé par une hypothèse de ralentissement du salaire par tête qui paraît trop marqué.

III. - Observations sur la cohérence de l'article liminaire des PLF et PLFSS, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques définies dans la LPFP, et le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS

39. Après avoir présenté le scénario du Gouvernement (1), le Haut Conseil apprécie le réalisme des prévisions des recettes et des dépenses (2) puis la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (6) et de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques (3) et enfin examine les évolutions attendues de la dette publique (4).

1. Le scénario du Gouvernement

40. Selon la saisine du Gouvernement, « En 2023, le déficit public prévu s'établit à 4,9 % du PIB, contre 5,0 % prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, après 4,8 % en 2022. […] En 2024, le solde public s'améliorerait par rapport à 2023 et atteindrait - 4,4 % du PIB, comme inscrit dans le Programme de stabilité 2023-2027. »

41. « Retraçant ces évolutions, après s'être établi à 45,6 % du PIB en 2022, le taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire s'établirait à 44,4 % en 2024, stable par rapport à 2023.

42. Après 57,7 % en 2022, le ratio de dépense publique (hors crédits d'impôts) reculerait à 55,9 % du PIB en 2023 puis à 55,3 % en 2024. »

43. « La croissance potentielle serait de 1,35 % en 2023 comme en 2024. L'écart de production estimé tient compte des effets de l'enchaînement de la crise Covid et des conséquences de l'invasion russe en Ukraine. »

44. « Avec une croissance établie à 1,4 %, le solde conjoncturel serait quasi stable. L'amélioration du solde prévu s'explique donc par un redressement du solde structurel de 0,5 point de PIB en 2024, du fait principalement de la sortie progressive des mesures temporaires relatives à la hausse des prix de l'énergie, de relance, et de soutien. Cet effet serait partiellement compensé notamment par la hausse de la charge d'intérêt de la dette, matérialisant les effets de la hausse des taux. »

2. Appréciation du réalisme des recettes et des dépenses

45. Le Haut Conseil s'est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur la base des informations dont il dispose.

a) Les recettes

46. En 2023, les prélèvements obligatoires augmenteraient, selon le Gouvernement, de 3,7 % pour atteindre 1 241,1 Md€. Cette prévision du PLF pour 2023 est légèrement révisée à la baisse par rapport au programme de stabilité (- 6,1 Md€) sous l'effet notamment de certaines rentrées fiscales moins élevées qu'anticipé en avril et de mesures nouvelles dont l'impact budgétaire, prévu légèrement favorable en avril (+ 0,3 Md€), est devenu nettement négatif (- 4,0 Md€), notamment en raison de gains de charges de service public de l'énergie (enregistrés en recettes) et de recettes de la contribution sur les rentes infra-marginales des producteurs d'électricité moins élevés que prévu (7).

47. L'évolution des recettes de prélèvements obligatoires en 2023 refléterait une croissance spontanée (+ 4,0 %) sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur (+ 6,8 %), se traduisant par une élasticité des recettes nettement inférieure à l'unité (0,6), après deux années d'élasticité particulièrement élevée.

48. L'analyse des principaux impôts ne fait pas ressortir de biais important pour 2023.

49. La prévision de croissance spontanée des recettes de TVA pour 2023 est abaissée par rapport au programme de stabilité (+ 4,1 % contre + 5,8 %), soit une progression nettement en deçà de celle des emplois taxables (+ 5,8 %), étayée par les remontées comptables sur les sept premiers mois de l'année, l'écart pouvant être lié à des besoins de trésorerie accrus des entreprises dans un contexte de taux d'intérêt en hausse.

50. La prévision de croissance des recettes d'impôt sur le revenu en 2023 (+ 1,9 %) marque un net ralentissement par rapport à 2022 (+ 13,1 %), dû à la fois à celui des revenus d'activité en 2023 soumis au prélèvement à la source, à des mesures de baisse de l'impôt d'un montant plus élevé qu'en 2022 et à l'impact sur le solde au titre de 2022 d'une revalorisation du barème sur l'inflation allant au-delà de la croissance des revenus moyens d'activité. Le ralentissement pourrait toutefois se révéler un peu moins marqué que prévu par le Gouvernement, du fait notamment du dynamisme des prélèvements à la source sur les revenus mobiliers.

51. Le recul anticipé pour 2023 des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dans un contexte de recul des prix et surtout des volumes de transactions, a été nettement creusé par rapport au programme de stabilité (- 16,0 % contre - 6,0 %), mais pourrait être encore plus fort au vu des remontées comptables sur les sept premiers mois de l'année et de la dégradation en cours du marché immobilier.

52. En revanche, la croissance spontanée des droits de mutations à titre gratuit (+ 6,6 %) apparaît en deçà de ce qui ressort des données sur le premier semestre et semble à ce titre un peu faible.

53. En 2024, la prévision de prélèvements obligatoires (à 1 292,2 Md€, soit + 4,1 % par rapport à 2023) est très proche de celle du PIB en valeur (+ 4,0 %). Les mesures nouvelles viendraient amputer les recettes de prélèvements obligatoires à hauteur de 1,5 Md€.

54. Cette prévision paraît haute du fait notamment d'une hypothèse de croissance de l'activité optimiste. Ce biais affecte plus particulièrement les prélèvements obligatoires dont les assiettes sont les plus corrélées au PIB, en particulier la TVA ainsi que l'impôt sur les sociétés via le versement du 5e acompte et la TICPE.

55. La dynamique de la TVA (+ 4,8 %) paraît en outre un peu élevée en regard de la croissance des emplois taxables anticipée par le Gouvernement (+ 3,8 %). Elle repose sur une hypothèse optimiste de correction partielle de l'écart de sens inverse apparu en 2023. L'élasticité inférieure à 1 de la TVA à sa base taxable en 2023, intervenant après plusieurs années d'élasticité au contraire supérieure à 1, ne justifie en effet pas nécessairement un rattrapage en 2024.

56. De surcroît, la stabilité des recettes prévues de DMTO paraît optimiste compte tenu de la tendance actuelle de baisse des prix et des volumes de transactions immobilières.

57. La prévision de prélèvements sociaux sur les revenus d'activité et de remplacement et celle de l'impôt sur le revenu apparaissent cohérentes avec la prévision de la progression de la masse salariale retenue par le Gouvernement pour 2024, jugée plausible par le Haut Conseil (cf. supra). La prévision de cotisations sociales apparaît toutefois un peu élevée, car quasi identique à celle de la masse salariale alors que la revalorisation du SMIC devrait être encore importante en 2024 et pousser de ce fait les allègements de cotisations à la hausse.

58. Pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont plausibles. Pour 2024, les recettes semblent un peu surestimées. Elles sont tirées vers le haut par la prévision de croissance élevée de l'activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux).

b) Les dépenses

59. En 2023, les dépenses publiques hors crédits d'impôts augmenteraient de 3,4 % en valeur pour s'élever à 55,9 points de PIB (contre 57,7 points en 2022). En volume, corrigé par l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT), elles reflueraient de 1,3 % (8). Ce repli résulte de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire et de la baisse du coût des mesures liées à l'inflation et des dépenses de relance. Ainsi, une fois ces dépenses exclues, les dépenses publiques augmenteraient de 5,4 % en valeur et de 0,5 % en volume.

60. Les dépenses publiques en 2023 seraient plus faibles qu'annoncé dans le programme de stabilité en avril 2023 : le coût des mesures liées à l'énergie est fortement revu à la baisse (9), ainsi que les crédits de ministères, ce qui fait plus que compenser la révision à la hausse de 3 Md€ de l'Ondam. Cette dernière provient de différentes mesures prises en cours d'année (hausse du point d'indice, revalorisations catégorielles à l'hôpital) et d'une dynamique spontanée plus forte que prévu des soins de ville.

61. Les dépenses des collectivités locales progresseraient de 5,8 %, un chiffre cohérent avec les remontées comptables disponibles à fin août 2023 mais plus élevé que prévu précédemment : les collectivités locales ont été affectées par la hausse des coûts de l'énergie et par la hausse de 3,5 % du point d'indice mi-2022, qui joue donc en année pleine en 2023, ainsi que par la revalorisation intervenue au 1er juillet 2023, tandis que leur investissement est plus dynamique qu'usuellement au même point du cycle électoral communal.

62. La prévision actualisée de dépenses publiques pour 2023 est plausible.

Encadré : l'impact sur les finances publiques des mesures de soutien face à la crise énergétique

Deux dispositifs liés à l'évolution des prix de l'électricité auront un impact potentiellement significatif sur les finances publiques en 2024 : le blocage tarifaire pour l'électricité et les charges de service public de l'énergie (CSPE).

Le blocage tarifaire pour l'électricité, comme le bouclier tarifaire pour le gaz, est une mesure de soutien aux consommateurs, limitant leur facture énergétique, adoptée en réaction à la crise énergétique à partir de l'hiver 2021/2022. L'Etat a pris en charge pour les clients concernés par ces mesures la différence de prix entre les tarifs réglementés qui auraient prévalu en l'absence de mesure (tarif dit « hors gel ») et les tarifs dits « gelés », i.e. payés par les consommateurs. Ces dispositifs présentent un coût important pour les finances publiques, à hauteur de 18,2 Md€ en 2023 selon le PLF 2024, montant essentiellement imputable au blocage des tarifs de l'électricité. Ce coût est par ailleurs difficile à évaluer ex ante du fait de la volatilité des prix de marché. Ainsi, il a été révisé à la baisse de moitié entre le PLFRSS présenté en janvier 2023 et le PLF.

Le blocage tarifaire pour l'électricité est prolongé jusque début 2025. Le tarif réglementé de vente de l'électricité (TRVE) hors gel dépend des prix de marché via deux composantes : l'approvisionnement sur le marché, lissé sur un ou deux ans d'une part, et au cours des deux derniers mois de l'année d'autre part. Ainsi, le TRVE hors gel fixé en février 2024 dépendra, s'agissant de ses deux composantes volatiles, des prix de marché des derniers mois de 2023. L'incertitude reste marquée s'agissant du coût du dispositif en 2024. Il dépendra à la fois du TRVE hors gel et du niveau retenu par le Gouvernement pour le TRVE « gelé ». Le coût de la mesure s'élèverait à environ 3 Md€ en 2024 si le prix pour une livraison en 2024 (produit base) diminuait d'ici la fin de l'année pour rapport au niveau d'août. Dans ce scénario, le coût de la mesure se concentrerait sur le seul mois de janvier 2024 puisque le tarif « hors gel » rejoindrait dès février le tarif « gelé ». A l'inverse, si un nouveau choc survenait sur ce marché (prix à 360 €/MWh en fin d'année 2023), le coût de la mesure atteindrait environ 13,5 Md€. L'estimation du coût de la mesure par le Gouvernement à 2,8 Md€ se situe ainsi dans le bas de la fourchette d'estimation. Le coût du bouclier électricité prévu par le Gouvernement semble de ce fait un peu bas.

Parallèlement, les CSPE sont les charges supportées par l'Etat dans le cadre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (EnR). Ces dispositifs visent à garantir la rentabilité de la production d'EnR, soit directement par des tarifs d'achat fixés à l'avance, soit indirectement en compensant aux producteurs la différence entre le prix de marché moyen et un tarif de référence. Les CSPE sont donc un dispositif préexistant à la crise énergétique récente mais dont le coût pour les finances publiques est fortement affecté par cette dernière. Les prix de marché sont devenus en 2022 et début 2023 nettement supérieurs aux tarifs garantis et ont donc entraîné des économies importantes par rapport au coût normal du dispositif, les mécanismes de soutien étant symétriques dans l'ensemble. Comme pour les boucliers, l'impact des CSPE sur les finances publiques a connu de fortes révisions. Évalué à hauteur de 23,8 Md€ dans le PLFRSS, le gain de CSPE en 2023 a été revu à la baisse dans le PLF pour 2024 à 8,6 Md€ compte tenu du repli des prix de marché par rapport au pic enregistré à l'été 2022. L'essentiel du gain de CSPE en 2023 est déjà déterminé par les prix passés : l'impact final sur les finances publiques devrait s'établir à un niveau proche de cette dernière évaluation.

L'incertitude apparaît en revanche marquée pour 2024. Dans le PLF pour 2024, le Gouvernement évalue les gains de CSPE à 6,7 Md€ en 2024, une prévision qui apparaît cohérente avec les prix à terme observés en août 2023 (autour de 160 €/MWh pour une livraison en 2024). Deux scénarios polaires d'évolution des prix fin 2023 (à 60 €/MWh ou à 360 €/MWh) conduiraient à une fourchette comprise entre un coût nul et un gain de 20 Md€.

Selon le PLF pour 2024, les finances publiques enregistreraient un gain net des deux mesures à hauteur de 3,9 Md€ en 2024 (après un coût de 7,3 Md€ en 2023) mais, compte tenu de l'évaluation un peu basse du coût du bouclier électricité, la prévision du Gouvernement apparaît un peu optimiste. Par ailleurs, selon l'évolution des prix de marché, l'impact sur les finances publiques pourrait aller d'un gain net de 6,5 Md€ à un coût net de 3 Md€.

Il existe toutefois d'autres mesures liées à la crise énergétique affectant négativement les finances publiques, comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), conduisant à un coût net toujours positif de l'ensemble des mesures de soutien selon le PLF.

63. En 2024, les dépenses augmenteraient (3,0 % en valeur, mais 0,5 % en volume). La progression serait encore plus sensible (4,8 % en valeur et 2,2 % en volume) une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien.

Graphique 5. - Evolution de la dépense publique en 2024

Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du

JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : projet de loi de finances pour 2024.