JORF n°0121 du 28 mai 2015

AVIS n°HCFP-2015-02 du 22 mai 2015

Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 18 mai 2015, en application de l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, afin de se prononcer sur le respect, en 2014, des objectifs pluriannuels de solde structurel. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 20 mai 2015, le présent avis.

Synthèse

Le solde effectif des administrations publiques s'établit à - 84,8 Md€ en 2014, soit - 4,0 % du PIB. Sa composante structurelle est estimée à - 2,1 % du PIB avec les conventions de calcul de la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014, qui sert désormais de référence au Haut Conseil.
Le Haut Conseil constate que le déficit structurel de 2014 est inférieur de 0,4 point de PIB à l'estimation retenue dans cette loi de programmation. Cet écart résulte en partie d'une moindre croissance de la dépense publique, notamment du fait d'un recul marqué de l'investissement local et de la poursuite de la baisse des charges d'intérêt.
Par rapport à 2013, l'amélioration du solde structurel s'est élevée à 0,6 point de PIB en 2014, contre 0,1 point de PIB dans la loi de programmation, soit un écart de 0,5 point de PIB. En cumulé sur les années 2013 et 2014, cet écart se limite à 0,2 point (amélioration de 1,4 point de PIB contre 1,2 point de PIB dans la loi de programmation).

Introduction

  1. Sur l'objet du présent avis.
    L'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 prévoit que le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, un « écart important » entre le solde structurel constaté et les orientations pluriannuelles présentées dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) en vigueur.
    Pour les deux années précédentes, 2012 et 2013, les écarts étaient appréciés par rapport à la loi de programmation 2012-2017 votée à la fin de 2012. Dans son avis sur le projet de loi de règlement pour l'année 2013, le Haut Conseil avait constaté un « écart important » de 1,5 point de PIB par rapport à cette trajectoire. Le Parlement a adopté le 29 décembre 2014 une nouvelle loi de programmation couvrant la période 2014-2019, dans laquelle l'estimation de la croissance potentielle a été revue à la baisse, et la trajectoire de finances publiques rebasée sur l'exécution 2013, plus dégradée que prévu dans la LPFP de 2012.
    La LPFP 2014-2019 sert désormais de référence : le Haut Conseil compare donc l'exécution 2014 à la trajectoire de solde structurel définie dans cette nouvelle loi (- 2,4 % du PIB en 2014 contre - 1,1 % dans la LPFP de décembre 2012).
  2. Sur les informations transmises et les délais.
    En réponse à un questionnaire adressé au préalable, le Haut Conseil a été destinataire le 15 mai 2015 d'informations concernant les résultats de l'exécution de l'année 2014. Ces premières informations ont été suivies de la saisine du Gouvernement le 18 mai et de l'audition des responsables de la direction générale du Trésor et de la direction du budget le 20 mai.
    Le Haut Conseil a analysé l'article liminaire du projet de loi de règlement et notamment son tableau de synthèse qui retrace le solde effectif et le solde structurel de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2014 (cf. annexe 1).

Observations relatives aux écarts à la programmation

  1. L'écart entre les soldes structurels constaté et prévu en 2014.
    Les étapes de l'estimation du solde structurel sont rappelées en annexe 2. Le Haut Conseil constate que la méthode de calcul du solde structurel figurant dans l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2014 et la trajectoire de PIB potentiel sont toutes deux conformes à celles de la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014.
    D'après les données des comptes nationaux publiées par l'INSEE le 13 mai 2015, le déficit public effectif s'établit à 84,8 Md€ en 2014, soit 4,0 % du PIB, après 4,1 % en 2013. Le déficit constaté en 2014 est inférieur de 1,6 Md€ à celui de 2013, et de 9 Md€ à celui prévu dans la loi de programmation de décembre 2014 (- 4,4 % du PIB).
    L'écart de 0,4 point de PIB par rapport à la LPFP sur le solde effectif de 2014 se retrouve intégralement sur le solde structurel. En effet :

- la composante conjoncturelle est identique à celle de la LPFP (1) (- 1,9 % du PIB) ;
- l'estimation des mesures ponctuelles et temporaires est inchangée à 0 % du PIB, même si leur montant est supérieur de 1 Md€ à celui prévu dans la LPFP (cf. encadré) ;

Le déficit structurel, calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires, est ainsi estimé à 2,1 % du PIB en 2014, soit 0,4 point de PIB de moins que celui prévu dans la loi de programmation. En sens inverse, le déficit structurel pour 2013 est révisé à la hausse de 0,1 point de PIB (- 2,6 % du PIB contre - 2,5 % dans la LPFP).

Tableau 1 : Ecarts par rapport à la loi de programmation 2014-2019 (% du PIB)

| | 2013 | 2014 | | | | | |------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|------------------------------------------|------|--------------------|------------------------------------------|------|---| | LPFP (décembre 2014) |Projet de loi de règlement 2014 (mai 2015)|Ecart |LPFP (décembre 2014)|Projet de loi de règlement 2014 (mai 2015)|Ecart | | | Solde effectif (1) | - 4,1 |- 4,1| 0,0 | - 4,4 |- 4,0|0,4| | Solde conjoncturel (2) | - 1,6 |-1,5 | 0,1 | - 1,9 |-1,9 |0,0| | Mesures ponctuelles et temporaires (3) | 0,0 | 0,0 | 0,0 | 0,0 | 0,0 |0,0| | Solde structurel (1) - (2) - (3) | - 2,5 |-2,6 | -0,1 | -2,4 |-2,1 |0,4| | Note : Les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations. | | | | | | | |Source : loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 29 décembre 2014 et projet de loi de règlement pour 2014.| | | | | | |

Le Haut Conseil constate que le déficit structurel en 2014 est inférieur de 0,4 point de PIB à la prévision retenue dans la loi de programmation du 29 décembre 2014.
Observation sur les mesures ponctuelles et temporaires.
En plus des contentieux fiscaux communautaires déjà inclus dans la LPFP, le Gouvernement a comptabilisé la moindre dépense résultant du budget rectificatif européen n° 6 (1,1 Md€) en mesures ponctuelles et temporaires. A la suite d'une décision d'Eurostat, cette opération a été enregistrée en 2014 en comptabilité nationale, alors que dans la LPFP, elle était prise en compte sur l'exercice 2015.
La décision du Gouvernement de traiter ce changement de calendrier en mesures ponctuelles et temporaires conduit à exclure la réduction de dépense découlant du budget rectificatif du calcul du solde structurel en 2014, ce qui le dégrade, et conduira symétriquement à améliorer le solde structurel en 2015. Le Gouvernement n'avait pourtant pas retenu ce traitement pour des mouvements similaires en 2012, comme indiqué dans les principes exposés en annexe de la LPFP de décembre 2014 (2).

(1) L'INSEE a révisé la croissance effective dans les comptes nationaux de 2012 de - 0,2 point, celle de 2013 de + 0,4 point, et celle de 2014 de -0,2 point. Ces révisions se compensent, si bien que le niveau du PIB (en volume) est inchangé en 2014. A PIB potentiel donné, l'écart de production est légèrement dégradé en 2012, amélioré en 2013 et inchangé en 2014. (2) Extrait de l'annexe 5 de la LPFP : « Bien qu'Eurostat ait changé le traitement comptable du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne en fin d'année 2012, le Gouvernement n'a pas proposé de le traiter en one-offs alors qu'il a augmenté le déficit 2012 (600 M€ en net). Même si leur caractère imprévisible pousserait à corriger les budgets rectificatifs en one-offs, le Gouvernement a fait le choix de ne pas le faire .»

  1. Les facteurs explicatifs de l'amélioration du solde structurel en 2014

En 2014, le solde structurel se redresse de 0,6 point de PIB par rapport à 2013 au lieu de 0,1 point prévu dans la LPFP. L'ajustement structurel est ainsi supérieur de 0,5 point à celui prévu dans la LPFP de décembre 2014, soit :
- 0,2 point en raison d'un effort structurel (3) plus important, qui résulte essentiellement d'une meilleure maîtrise de la dépense publique en 2014 (croissance de 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt, contre 1,4 % dans la LPFP), notamment du fait d'un recul plus marqué que prévu de l'investissement local et de la poursuite de la baisse des charges d'intérêt ;
- 0,25 point en raison d'une élasticité des recettes à la croissance plus élevée qu'attendu dans la LPFP (1,1 contre 0,7 [4]).

L'effort structurel, qui reflète l'impact des décisions des pouvoirs publics en matière de dépenses et de recettes, est égal à 0,5 % du PIB en 2014. Il s'explique à hauteur de :

- 0,35 point par l'évolution comparée de la dépense publique en volume (0,3 %) et du PIB potentiel (1,0 %) (5) ;
- 0,15 point du fait des mesures nouvelles en recettes (y compris crédits d'impôts).

Le Haut Conseil constate que l'amélioration du solde structurel s'est élevée à 0,6 point de PIB en 2014, contre 0,1 point de PIB dans la loi de programmation, soit un écart de 0,5 point de PIB. En cumulé sur les années 2013 et 2014, cet écart se limite à 0,2 point (amélioration de 1,4 point de PIB, contre 1,2 point de PIB dans la loi de programmation).
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014.

Fait à Paris, le 22 mai 2015.

Pour le Haut Conseil des finances publiques :

Le Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,

D. Migaud

(3) Par rapport à l'ajustement structurel, l'effort structurel exclut notamment les effets de l'élasticité des recettes. (4) La croissance des recettes est la même, mais la croissance du PIB en valeur a été plus faible que prévu. (5) Compte tenu du fait que les dépenses publiques représentent un peu plus de la moitié du PIB, l'effort en dépense est proche de la moitié de l'écart entre le taux de croissance en volume de la dépense publique et celui du PIB potentiel.