JORF n°0029 du 3 février 2013

Avis n°2012-1406 du 13 novembre 2012

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), et notamment ses articles L. 5-2 (3°) et R. 1-1-13 ;

Vu la décision n° 2012-1353 du 6 novembre 2012 sur les caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal ;

Vu la liste des offres de La Poste relevant du service universel postal, telle que proposée par La Poste à la date du 1er juin 2012 ;

Vu le dossier présentant les évolutions tarifaires relatives à l'offre de courrier national relevant du service universel, transmis par La Poste le 18 octobre 2012 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par La Poste le 26 octobre 2012 ;

Après en avoir délibéré le 13 novembre 2012,

Le 3° de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l'Autorité ») « [...] est informée par La Poste, avant leur entrée en vigueur, des tarifs des prestations du service universel. Dans un délai d'un mois à compter de la transmission de ces tarifs, elle émet un avis public ».

L'article R. 1-1-13 du CPCE précise que « La Poste fournit à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes un mois au moins avant leur entrée en vigueur toute information utile sur les tarifs des services relevant du service universel ».

En application de ces dispositions, La Poste a présenté à l'Autorité, le 18 octobre 2012, un projet de modification des tarifs de ses offres de courrier national relevant du service universel.

Selon le projet de La Poste, la nouvelle tarification prendra effet au 1er janvier 2013. Elle constitue la première évolution tarifaire relevant du troisième encadrement pluriannuel des tarifs défini par la décision n° 2012-1353 de l'Autorité et portant sur la période 2013-2015. Sur cette période, une baisse des volumes de 4,1 % par an, plus marquée que par le passé, est anticipée. Cette évolution a conduit l'Autorité à fixer le plafond de l'évolution du prix moyen des prestations du service universel à l'inflation + 1 %, ce qui doit permettre à La Poste d'assurer l'équilibre financier du service universel, moyennant un effort d'adaptation de ses charges comparable à celui réalisé ces dernières années.

I. ― Les hausses prévues dans le dossier tarifaire

La Poste prévoit une augmentation moyenne des tarifs des prestations d'envoi de courrier national relevant du service universel, qui représentent 91 % du périmètre soumis à encadrement, de 2,9 %, ce qui conduira à une hausse du prix moyen du panier des offres du service universel de 2,6 % (1). Ce mouvement se décompose en une hausse tarifaire de 3,5 % sur les offres d'envoi de courrier égrené (59 % du chiffre d'affaires du périmètre soumis à encadrement) et de 1,9 % sur les offres d'envoi de courrier en nombre (32 % de ce même chiffre d'affaires).

I-1. Les offres d'envoi de courrier égrené

Le mouvement tarifaire concerne tant la gamme à usage des particuliers dite « timbre-poste » ou « TP » que celle à usage des entreprises dite « hors timbre-poste » ou « hors TP ». Ces hausses portent sur la Lettre prioritaire, la Lettre verte, l'Ecopli, la Lettre recommandée et la valeur déclarée (cf. tableau ci-dessous).

| |TARIF ACTUEL
[0 ― 20 g] (en euro)|TARIF AU 1er JANVIER
[0 ― 20 g] (en euro)|ÉVOLUTION MOYENNE 2013
[toutes tranches de poids]| |---------------------------------------------------------------------------------------------------------|---------------------------------------|-----------------------------------------------|-------------------------------------------------------| | Gamme « TP » à usage des particuliers | ― | ― | 3,8 % | | Lettre prioritaire | 0,60 | 0,63 | 5,1 % | | Lettre verte | 0,57 | 0,58 | 2,0 % | | Ecopli | 0,55 | 0,56 | 2,4 % | | Lettre recommandée | 3,38 | 3,41 | 2,1 % | | Valeur déclarée | 14,00 (*) | 15,00 (*) | 7,0 % | | Gamme « hors TP » à usage des entreprises | ― | ― | 3,3 % | | Lettre prioritaire | 0,58 | 0,61 | 5,3 % | | Lettre verte | 0,55 | 0,56 | 1,9 % | | Ecopli | 0,53 | 0,54 | 2,2 % | | Lettre recommandée | 3,36 | 3,39 | 2,1 % | | Valeur déclarée | 13,50 (*) | 14,45 (*) | 7,1 % | | Gamme égrenée « TP » et hors « TP » | ― | ― | 3,5 % | | (*) Les tarifs indiqués correspondent à la première tranche de poids de la valeur déclarée [0 ― 250 g].| | | |

Ce mouvement correspond à une augmentation de 3 centimes pour la première tranche de poids de la Lettre prioritaire et de 1 centime pour la Lettre verte et pour l'Ecopli, à la fois pour les gammes « TP » et « hors TP ». Sur la première tranche de poids, l'écart entre la Lettre prioritaire et la Lettre verte passe ainsi de 3 à 5 centimes, alors que l'écart entre la Lettre verte et l'Ecopli reste de 2 centimes.
Le tarif de la Lettre recommandée résulte de la composition du montant de l'affranchissement et d'un droit de recommandation. Le tarif de la Lettre recommandée augmente ainsi mécaniquement de 3 centimes. L'avis de réception passe, quant à lui, de 1,00 euro à 1,05 euro. Le droit de recommandation reste stable en 2013. La hausse tarifaire de 2,1 % se décompose en une hausse de 1,2 % pour la partie affranchissement et de 0,9 % pour la partie avis de réception.
Concernant la valeur déclarée, qui est un service d'envoi sécurisé de courrier et de colis avec remboursement de la valeur déclarée en cas de perte ou avarie, la hausse moyenne est de l'ordre de 7,0 %.

I-2. Les offres d'envoi de courrier en nombre

Sur ce segment, la hausse envisagée est de 1,9 %, correspondant à une augmentation plus élevée sur les envois de courrier relationnel (+ 2,1 %) que sur les envois de courrier publicitaire (+ 1,3 %).

II. ― Analyse économique
II-1. Au regard de l'équilibre du service universel

L'augmentation prévue des tarifs des prestations d'envoi de courrier national induit une augmentation du prix moyen du panier des offres du service universel de 2,6 %, ce qui devrait se traduire par un surcroît de recettes de l'ordre de [...] millions d'euros en 2013 (2) pour La Poste. Ce montant contribuera à l'équilibre économique du service universel.
La décision n° 2012-1353 relative à l'encadrement pluriannuel des tarifs a fixé le plafond d'augmentation accordé à La Poste à inflation plus 1 % en moyenne sur l'ensemble de la période 2013-2015, ce qui doit permettre à La Poste d'assurer le financement du service universel, en assurant une stabilité du taux de marge des prestations du service universel sur la période d'encadrement. Pour l'année 2013, le plafond indicatif est donc de 2,8 %, compte tenu de la prévision d'inflation de 1,8 % retenue comme hypothèse dans le projet de loi de finances 2013. En tenant compte de l'effet en 2013 des hausses intervenues dans le courant de l'année 2012 (0,02 point de pourcentage), la hausse moyenne du prix du service universel en 2013 est estimée, à ce jour, à 2,62 %, ce qui est inférieur au plafond indicatif.

II-2. Cas de la Lettre recommandée et de la valeur déclarée

La Lettre recommandée constitue une composante importante du service universel, à laquelle l'ARCEP est attentive.
C'est ainsi qu'à la suite d'une étude commandée au cabinet Ernst & Young en 2010 l'ARCEP a obtenu de La Poste qu'elle mène des travaux d'amélioration de la qualité des envois recommandés et de sa mesure. Dans l'attente des résultats de ces travaux, La Poste, à la demande de l'ARCEP, n'a pas augmenté le tarif de la première tranche de poids de la Lettre recommandée « TP » lors de la dernière évolution tarifaire des envois de courrier national, intervenue en juillet 2011. Pour ce faire, elle a baissé le tarif du droit de recommandation de 2 centimes, de manière à neutraliser la hausse de prix sur la partie affranchissement. Ce mouvement a conduit à une légère baisse de prix sur les offres à usage des entreprises (3). De ce fait, les tarifs de la Lettre recommandée sont demeurés pratiquement inchangés depuis juillet 2010. Appréciées sur une plus longue période, les évolutions tarifaires de la Lettre recommandée apparaissent modérées (0,5 % d'augmentation moyenne annuelle sur la période 2009-2012).
Les travaux menés par La Poste ont conduit à des améliorations significatives observées en 2012 :
― un flashage exhaustif en entrée et en sortie du réseau permettant une mesure fiable des délais d'acheminement et du taux de perte, conforme à la norme européenne EN 14137, a été mis en place depuis le début de l'année 2012 ;
― un suivi de « bout en bout » : toutes les offres de Lettres recommandées de La Poste comprennent un service de suivi qui permet à l'expéditeur d'être informé des différentes étapes d'acheminement de son envoi ; ce suivi est notamment disponible sur internet ;
― un plan d'amélioration de la qualité de service a été mis en place prévoyant, dans un premier temps, un suivi spécifique des sites en difficulté puis une mécanisation progressive du tri des Lettres recommandées.
Ces différentes actions ont permis une amélioration sensible du service fourni aux utilisateurs qui disposent désormais d'une meilleure information et d'une qualité accrue. Ainsi, le taux de distribution en J + 2 est passé de 88,7 % en 2009 à 92,5 % en 2011 et 94,7 % sur les deux premiers trimestres de 2012.
L'augmentation tarifaire de la Lettre recommandée résultant de la partie affranchissement, de 1,2 %, apparaît dès lors raisonnable, notamment du point de vue de l'équilibre des comptes du service universel.
En revanche, des améliorations sont attendues concernant les avis de réception. Il s'agit d'une prestation facturée à un niveau élevé qui permet à l'expéditeur de recevoir un document prouvant la remise de l'envoi à son destinataire, qui peut être indispensable dans le cadre de certaines procédures, notamment administratives ou contentieuses, et qui ne donne pas satisfaction : aucune mesure fiable du délai d'acheminement des avis de réception n'est aujourd'hui réalisée et aucune information sur les délais prévus pour le retour des avis de réception n'est fournie dans le catalogue du service universel ou les conditions spécifiques de vente de la Lettre recommandée.
La Poste a engagé, en concertation avec l'ARCEP, des travaux visant à y remédier par une mesure du délai d'acheminement sur une base statistique puis, dès le second semestre 2013, par la mise en place d'un programme de flashage individuel des avis de réception.
L'ARCEP considère que ces travaux doivent être confirmés et amplifiés :
― en vue d'un flashage exhaustif des avis de réception, de manière à disposer d'une mesure fiable ; et
― afin d'améliorer, intrinsèquement, le délai d'acheminement des avis de réception, dont La Poste devrait parallèlement préciser quel en est le délai normal de référence.
L'Autorité ne peut émettre un avis favorable sur ce point que si La Poste souscrit à de tels engagements de façon expresse.
Concernant la valeur déclarée, l'augmentation tarifaire envisagée est de 7,0 %, dans la continuité des hausses tarifaires significatives des années précédentes. Historiquement, ce produit était déficitaire, mais il a couvert ses coûts attribuables lors de l'exercice 2011. Si l'amélioration de la marge brute se confirme lors des exercices ultérieurs et assure une couverture satisfaisante des coûts communs, les évolutions tarifaires devront être plus modérées à l'avenir.

II-3. Au regard de l'objectif de déconnexion tarifaire entre les gammes « TP » et « hors TP »

Bien que la marge brute, qui correspond aux revenus rapportés aux coûts attribuables, soit globalement positive sur les offres d'envoi de courrier égrené, il existe une forte disparité historique entre celle relative à l'offre à usage des entreprises, positive, et celle relative à l'offre à usage des particuliers, négative.
A cet égard, les augmentations tarifaires identiques en valeur absolue sur la première tranche de poids pour les offres des gammes « TP » et « hors TP » ne contribuent pas à réduire le différentiel de marge entre ces gammes.
Dans le cas des envois ordinaires (Lettre prioritaire, Lettre verte et Ecopli), la décision n° 2012-1353 du 6 novembre 2012 a fixé l'objectif que l'évolution tarifaire, sur la période 2013-2015, des envois de la gamme « hors TP » soit inférieure de 1 point de pourcentage à celle des envois de la gamme « TP » (4). Le présent dossier tarifaire n'y contribue que de façon marginale, à hauteur de 0,1 %. Cette augmentation uniforme ne pourra donc pas se reproduire systématiquement à l'avenir.

II-4. Au regard de l'objectif de meilleure différenciation des offres Lettre prioritaire et Lettre verte

L'ARCEP considère qu'une meilleure différenciation des offres Lettre prioritaire, distribuée en J + 1, et Lettre verte, distribuée en J + 2, devrait être mise en œuvre, accompagnée naturellement de dispositions, en termes d'accessibilité et d'information, qui assurent au consommateur un choix libre et éclairé.
A cet égard, le dispositif d'encadrement pluriannuel des tarifs fixé par la décision n° 2012-1353 du 6 novembre 2012 a prévu qu'« à la fin du dispositif d'encadrement tarifaire, le tarif de la Lettre verte "TP” devra être d'au moins 5 centimes inférieur à celui de la Lettre prioritaire "TP” ».
L'ARCEP observe que les tarifs proposés respectent d'ores et déjà cette disposition. Il est rappelé que la possibilité d'augmenter l'écart tarifaire au-delà de ce niveau fera l'objet d'un examen à mi-période d'encadrement au regard de l'objectif d'équilibre financier du service universel.

II-5. Du point de vue des émetteurs de courrier en nombre

Pour 2013, la hausse de 1,9 % se rapproche de la moyenne observée (1,6 %) sur la période 2011-2012. Cependant, cette moyenne résulte, d'une part, d'une augmentation en juillet 2011 de 3,3 % (mesurés en année pleine), et, d'autre part, d'une stabilité des tarifs en 2012. Pour améliorer les prévisions économiques des émetteurs et des prestataires de service de routage, La Poste devrait retenir des évolutions tarifaires plus régulières.
Par ailleurs, il est à noter que La Poste n'augmente pas les tarifs de Destineo Utilité publique, offre d'envoi réservée aux associations reconnues d'utilité publique.

II-6. Du point de vue des préparateurs d'envois en nombre

Les offres industrielles se caractérisent par un tarif dégressif en fonction du degré de préparation des envois, notamment les niveaux de tri réalisé. Ainsi, des plis triés par code postal conduisent à un tarif inférieur de 3,6 centimes, soit 8 %, par rapport à des plis toute France pour l'offre Ecopli Grand Compte format mécanisable. Ce différentiel de tarif reflète en partie les coûts évités par La Poste, en raison du plus faible nombre d'opérations de tri nécessaires. Il permet également de rémunérer les travaux de préparation, qui peuvent être réalisés par des prestataires externes de service de routage.
Ces écarts de tarif entre les différents niveaux de préparation sont restés constants en valeur absolue entre 2006 et 2012. En revanche, l'année 2013 est caractérisée par des augmentations allant selon les cas de 0,1 à 0,3 centime de la rémunération des travaux de préparation pour les envois de courrier relationnel et des augmentations entre 0,1 et 1,5 centime pour les envois de courrier publicitaire, soit une augmentation relative de 5,8 %. Ce surcroît de rémunération, après une longue période de stabilité, va dans le sens d'une meilleure prise en compte des coûts évités par La Poste du fait des travaux de préparation et, en conséquence, incite à un recours plus efficace à des prestations de préparation des envois. La Poste est invitée à veiller, dans ses évolutions tarifaires à venir, à refléter les économies de coût qu'elle réalise, afin d'inciter les émetteurs à opérer les travaux préparatoires adaptés.

III. ― Conclusion

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, au regard des informations communiquées par La Poste et de l'analyse qui précède, rend un avis favorable à la mise en œuvre des évolutions tarifaires proposées sous la réserve indiquée en ce qui concerne l'avis de réception de la Lettre recommandée. Des engagements de La Poste sur un programme précis d'amélioration substantielle de la qualité de service de l'avis de réception et de la mesure correspondante seraient de nature à lever cette réserve.
Le directeur général de l'Autorité est chargé de notifier le présent avis à La Poste. Il sera rendu public, sous réserve des secrets protégés par la loi, et publié au Journal officiel de la République française et sur le site internet de l'Autorité.
Fait à Paris, le 13 novembre 2012.

Le président,

J.-L. Silicani

[...] passages relevant des secrets protégés par la loi.

(1) Conformément à la décision n° 2012-1353 du 6 novembre 2012 fixant les caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs, les évolutions de prix sont calculées à partir des volumes de l'année (n ― 1), soit 2012. Dans la mesure où ces derniers ne sont pas encore connus, les évaluations présentées s'appuient sur des volumes prévisionnels. (2) Montant estimé sur la base des trafics prévisionnels 2013. (3) Evolution des tarifs de la Lettre recommandée limitée à 0,3 % pour la gamme « TP » et de ― 0,05 % pour la gamme « hors TP ». Cf. avis n° 2011-0415 de l'Autorité. (4) La décision n° 2012-1353 fixant les caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal dispose que l'évolution du prix moyen des envois égrenés à usage des entreprises est inférieure de 1 point, sur l'ensemble de la période d'encadrement, à celle du prix moyen des envois égrenés à usage des particuliers, mesurée sur le panier des envois égrenés à usage des entreprises (Lettre prioritaire, Lettre verte et Ecopli). Cette contrainte sera confirmée au regard du bilan sur l'équilibre financier du service universel effectué à mi-période.