L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), et notamment ses articles L. 1, L. 2, L. 5-2, R. 1, R. 1-1-10 et R. 1-1-13 ;
Vu l'avis n° 2011-0161 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 10 février 2011 sur les dossiers tarifaires de La Poste du 21 janvier 2011 relatifs aux offres d'envois de colis relevant du service universel ;
Vu la décision n° 2011-1451 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 20 décembre 2011 sur les caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal ;
Vu la liste des offres de La Poste relevant du service universel postal, telles que proposées par La Poste à la date du 1er janvier 2012 ;
Vu les dossiers tarifaires décrivant les évolutions tarifaires des offres métropole, outre-mer et internationales du colis relevant du service universel, transmis par La Poste le 13 janvier 2012 ;
Vu les informations complémentaires transmises par La Poste le 8 février 2012 ;
Après en avoir délibéré le 14 février 2012,
L'article L. 1 du CPCE dispose : « Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Les prix sont orientés sur les coûts et incitent à une prestation efficace, tout en tenant compte des caractéristiques des marchés sur lesquels ils s'appliquent. »
Le 3° de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'« Autorité ») « (...) est informée par La Poste, avant leur entrée en vigueur, des tarifs des prestations du service universel. Dans un délai d'un mois à compter de la transmission de ces tarifs, elle émet un avis public ».
L'article R. 1-1-13 du CPCE précise que « La Poste fournit à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes un mois au moins avant leur entrée en vigueur toute information utile sur les tarifs des services non réservés relevant du service universel ».
En application de ces dispositions, La Poste a présenté à l'Autorité, le 13 janvier 2012, un projet de modification des tarifs de ses offres d'envois de colis relevant du service universel.
I. ― Contexte
La Poste a présenté le 13 janvier 2012 un dossier tarifaire portant description des évolutions tarifaires des offres métropole, outre-mer et internationales du colis relevant du service universel pour une mise en œuvre au 1er mars 2012.
Les offres du colis relevant du service universel représentent 0,3 % des trafics et 4,0 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des produits soumis en 2012 à encadrement tarifaire (sur la base des données de 2010). Sur la période récente, les trafics du colis sont en diminution. Cette évolution est cependant contrastée selon les offres.
| |TRAFIC (MILLIONS D'OBJETS)|CA (MILLIONS D'EUROS)| | | | | |-----------------------------------|--------------------------|---------------------|---------|-----|-----|---------| |Colis relevant du service universel| 2009 | 2010 |Evolution|2009 |2010 |Evolution| | Offre métropole | 32,5 | 30,7 | ― 5,4 % |244,3|237,3| ― 2,9 % | | Offre outre-mer | 0,8 | 0,9 | 5,1 % |20,0 |19,0 | ― 4,7 % | | Offres internationales | 1,4 | 1,5 | 4,7 % |38,0 |44,3 | 16,5 % | | Total | 34,8 | 33,1 | ― 4,7 % |302,3|300,6| ― 0,6 % |
Source : La Poste. Calculs : ARCEP.
Ce service d'envois de marchandises, dont la dénomination commerciale est « Colissimo », s'étend jusqu'à 20 kg. L'offre métropole couvre les envois intra-métropole et ceux intérieurs à un même département d'outre-mer (ci-après « DOM »). L'offre outre-mer concerne les envois entre la métropole et les DOM, et au départ de ces deux zones à destination des collectivités d'outre-mer (ci-après « COM »). Les offres internationales correspondent aux services d'envois à destination de l'international au départ soit de la métropole, soit des DOM. Il existe en outre une possibilité de recommandation pour les offres métropole et outre-mer, dont la facturation s'ajoute à celle de l'offre de base. L'ensemble de ces offres peut être proposé selon deux canaux de commercialisation différents : affranchissement en point de contact de La Poste ou affranchissement en ligne (1).
II. ― Description des évolutions tarifaires
Au 1er mars 2012, La Poste envisage les augmentations des tarifs d'affranchissement présentées en annexe. Les hausses moyennes sont retracées dans le tableau ci-dessous.
|COLIS RELEVANT
du service universel|HAUSSE RÉALISÉE EN 2011
(année pleine)|HAUSSE ENVISAGÉE EN 2012
(année pleine)|
|-----------------------------------------|--------------------------------------------|---------------------------------------------|
| Offre métropole | 2,6 % | 2,5 % |
| Offre outre-mer | 0,3 % | 2,5 % |
| Offres internationales | 1,9 % | 5,0 % |
| Total | 2,3 % | 2,9 % |
En 2011, l'ARCEP avait rendu un avis favorable sur les évolutions tarifaires des offres métropole et internationales (avis n° 2011-0161 précité). Concernant l'offre outre-mer, l'Autorité avait souligné le caractère « inapproprié » des augmentations tarifaires en présence de taux de marge « élevés ». Postérieurement à l'adoption de l'avis, La Poste avait indiqué « renoncer aux évolutions tarifaires envisagées pour le 1er mars 2011 ». La hausse de 0,3 % dans le tableau ci-dessus s'explique par l'augmentation de 0,20 euro du droit de recommandation.
La hausse envisagée en 2012 est identique sur les offres métropole et outre-mer. Elle est comparable à la hausse enregistrée en 2011 pour le colis métropole. En revanche, sur les offres internationales, les hausses envisagées sont bien supérieures en 2012.
Concernant les options suivantes : droits de recommandation (de 2,50 à 7,00 euros selon le niveau choisi), avis de réception (1,30 euro) et supplément tarifaire (6,00 euros) pour les colis dits non standard (2), les tarifs en 2012 demeurent inchangés. L'affranchissement en ligne, quand il existe, octroie une remise de 5,0 %.
III. ― Analyse
- Analyse au regard de l'encadrement tarifaire
Les évolutions tarifaires faisant l'objet du présent avis sont compatibles avec le niveau retenu par l'Autorité pour l'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal dans sa décision n° 2011-1451 précitée. Elles contribuent pour l'année 2012 à hauteur de 0,09 % à l'augmentation des tarifs du service universel sur le périmètre de référence.
- Analyse économique de l'offre métropole
La marge brute, c'est-à-dire la marge rapportée aux coûts attribuables (3), s'élève à [...] % selon les comptes réglementaires 2010, ce qui n'appelle pas de commentaires au regard d'un taux de coûts non attribuables de l'ordre de [...] %. Les envois ordinaires (hors recommandés), représentant 71 % du chiffre d'affaires de l'offre métropole, exposent une marge brute faible. La Poste indique que ce produit est affecté par l'évolution à la hausse des coûts de transport, qui représentent [...] % de l'ensemble des coûts attribuables.
Les hausses envisagées permettront d'améliorer la couverture des coûts pour cette offre.
- Analyse économique de l'offre outre-mer
L'offre outre-mer, comme l'offre métropole, permet d'acheminer un colis d'un point du territoire national à un autre. Les coûts de transport constituent une justification objective de l'écart tarifaire entre ces offres. Ainsi, en ce qui concerne la première tranche de poids [0 ― 500 g], un envoi entre la métropole et les DOM est plus cher de 2,85 euros qu'un envoi intra-métropole (tarifs 2011). L'article L. 1 du CPCE dispose que le service universel « concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité (...) ». Eu égard à ces dispositions, il apparaîtrait souhaitable que les écarts tarifaires entre les offres métropole et outre-mer soient réduits.
Les tarifs des envois outre-mer sont identiques que l'envoi soit au départ de la métropole ou au départ des DOM. Cependant, l'option « affranchissement en ligne », qui donne droit à une remise de 5 % par rapport à l'affranchissement en point de contact, n'est disponible qu'au départ de la métropole. Mise en place depuis 2008, cette option est en phase de montée en charge. A titre d'exemple, la part des affranchissements en ligne de l'offre métropole (hors recommandé) est passée de 3 % en 2008 à 11 % en 2010. La possibilité de bénéficier d'une remise serait appréciable, s'agissant d'une offre dont le tarif unitaire est significativement plus élevé que celui de l'offre métropole. En outre, cette remise ne fait que refléter une partie des coûts évités par La Poste, notamment ceux du guichet.
Au regard des principes qui régissent le service universel postal, et notamment les principes d'abordabilité, d'égalité et d'adaptabilité, il serait souhaitable que La Poste ouvre la possibilité d'affranchissement en ligne pour les envois au départ des DOM.
Les dernières données fournies par La Poste font apparaître une forte diminution de la marge brute qui passe de [...] % à [...] % entre 2009 et 2010. D'après La Poste, cette évolution s'explique principalement par deux effets :
― d'une part, des évolutions objectives des charges et revenus de La Poste, en particulier l'augmentation des coûts de transport qui représentent une part significative des coûts attribuables ;
― d'autre part, une amélioration des allocations comptables à l'initiative de La Poste (meilleure identification des coûts de transport afférent à l'offre outre-mer, prise en compte plus fine des coûts induits par le poids moyen spécifique plus élevé de ces envois, meilleure affectation des quotes-parts (4) dans le cas des colis à destination des COM).
Sur ce second point, les efforts de La Poste visant à une meilleure allocation des coûts peuvent être salués. Pour autant, s'agissant d'une offre représentant un trafic limité, pour des destinations multiples, il est difficile d'estimer la répartition des trafics par tranche de poids avec la même précision que l'offre métropole, ce qui conduit à des incertitudes plus grandes dans les allocations comptables. Dès lors, les effets observés sur la marge brute mériteraient d'être confirmés lors de la production des comptes des exercices ultérieurs.
Au-delà de ces incertitudes, la marge brute de l'offre outre-mer reste élevée en 2010. L'Autorité constate en outre qu'elle demeure largement supérieure à celle de l'offre métropole (elle est près de 2,5 fois plus importante), même si les évolutions de charges et de prix (stabilité des tarifs en 2011) devraient réduire le différentiel de marge brute entre ces deux offres. Cet écart de marge apparaît donc inapproprié, d'autant qu'un écart important subsiste en ce qui concerne les tarifs des deux offres.
- Analyse économique des offres internationales
Il existe deux offres internationales du colis, l'une au départ de la métropole et l'autre de l'outre-mer. Si les conditions d'envoi sont globalement identiques, le découpage par zone de destination et les tarifs sont différents. En outre, l'option « affranchissement en ligne », qui ouvre droit à une remise de 5 % par rapport à l'affranchissement en point de contact, n'est pas disponible au départ de l'outre-mer.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l'offre outre-mer, il apparaîtrait approprié que La Poste propose cette option pour les envois internationaux au départ des DOM.
Concernant les envois internationaux au départ de la métropole, les données auditées relatives à l'exercice 2010 font apparaître une forte augmentation de la marge brute. Cette dernière a plus que doublé entre 2009 et 2010, passant de [...] % à [...] %.
D'après La Poste, cette évolution de la marge brute s'explique principalement par la forte baisse du coût du transport, qui représente une part très significative (de [...] % à [...] %) des coûts de cette offre. La Poste indique que les coûts du transport sont susceptibles de connaître des fluctuations importantes, au gré, notamment, du cours du pétrole ou de la renégociation des contrats avec des transporteurs.
Pour 2012, La Poste anticipe une augmentation de ses coûts, notamment en ce qui concerne les coûts de transport et de guichet (en lien avec la mise en place de nouvelles formalités douanières). La Poste indique que la hausse de 5,0 % envisagée des tarifs serait légèrement inférieure à la hausse prévue des coûts. En dépit des hausses que pourraient connaître ces offres, La Poste conserverait une marge brute très appréciable.
Dans ce contexte, La Poste semble en mesure d'absorber ces évolutions de coût, sans avoir à les répercuter comme elle l'envisage sur les tarifs des usagers.
IV. ― Conclusion
L'Autorité observe que les augmentations présentées sont conformes à l'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal.
Elle note que l'accès à l'option « affranchissement en ligne » pour les envois au départ des DOM pourrait utilement contribuer à l'égalité et à l'adaptabilité du service universel postal.
S'agissant de l'offre métropole, elle rend un avis favorable sur les évolutions tarifaires proposées.
S'agissant de l'offre outre-mer, l'Autorité prend note des évolutions constatées en ce qui concerne la marge brute, mais constate que cette dernière reste 2,5 fois supérieure à celle de l'offre métropole en 2010. Cet écart de marge brute apparaît d'autant plus inapproprié que les tarifs de l'offre outre-mer sont sensiblement plus élevés que ceux de l'offre métropole. Au regard des objectifs du service universel postal fixés par l'article L. 1 du CPCE, tels que la cohésion sociale, le développement équilibré du territoire et le caractère abordable des offres de service universel, l'Autorité estime qu'une stabilité des tarifs de l'offre outre-mer est souhaitable, dès lors qu'elle contribuerait à réduire l'écart entre les tarifs de l'offre outre-mer de ceux de l'offre métropole. L'Autorité rend donc un avis défavorable sur les évolutions tarifaires de l'offre outre-mer.
S'agissant des offres internationales, l'Autorité considère que le niveau significatif de la marge brute permet à La Poste de faire face aux hausses de coûts prévues en 2012 sans nécessiter de hausse tarifaire. Elle émet en conséquence un avis défavorable sur les évolutions tarifaires de l'offre internationale.
Le directeur général de l'Autorité est chargé de notifier le présent avis à La Poste.
Il sera rendu public, sous réserve des secrets protégés par la loi, et publié sur le site internet de l'Autorité et au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 14 février 2012.
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