JORF n°0038 du 14 février 2009

Avis n°2008-1218 du 6 novembre 2008

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu l'article 109 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu l'article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32, L. 33-1, L. 33-6, L. 33-7 et L. 36-6 ;

Vu l'article L. 111-5-1 du code de la construction et de l'habitation ;

Vu la saisine pour avis du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, en date du 20 octobre 2008 ;

Après en avoir délibéré le 6 novembre 2008 ;

L'Autorité note que le Gouvernement a soumis à consultation publique cinq projets de décrets entre le 2 et le 15 octobre 2008.

Il s'agit, d'une part, de quatre projets de décrets d'application de l'article 109 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui a mis en place un cadre juridique pour favoriser le déploiement des réseaux d'accès en fibre optique (FTTH) et posé le principe de la communication d'informations sur les réseaux et infrastructures de communications électroniques à l'Etat aux collectivité territoriales :

― un projet de décret relatif à la communication d'information à l'Etat et aux collectivités territoriales sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire (pris en application de l'article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques) ;

― un projet de décret relatif à la convention entre opérateurs et propriétaires sur les lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les immeubles et pris en application de l'article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques ;

― un projet de décret relatif à l'établissement d'un « droit au très haut débit » et pris en application du II de l'article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion ;

― un projet de décret relatif à l'installation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les bâtiments neufs (pris en application de l'article L. 111-5-1 du code de la construction et de l'habitation).

D'autre part, il s'agit d'un projet de décret relatif à la publication des informations sur la couverture du territoire par les services de communications électroniques, pris en application des articles L. 32 et L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).

C'est sur l'ensemble de ces projets de décrets que l'Autorité est appelée à rendre un avis conformément à l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques.

En préambule, l'Autorité se félicite de la volonté affichée par le Gouvernement d'adopter avant la fin de l'année 2008 l'ensemble de ces décrets, qui sont essentiels tant pour le déploiement des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH) que pour favoriser l'aménagement numérique du territoire.

L'Autorité note également qu'elle est consultée sur une version intermédiaire des projets de décrets, qui ne prend pas en compte les résultats de la consultation publique.

L'Autorité note enfin que la consultation publique évoquée ci-dessus portait également sur deux esquisses d'arrêtés d'application du projet de décret relatif à la communication d'information à l'Etat et aux collectivités territoriales sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire, ainsi que sur une esquisse d'arrêté d'application du projet de décret relatif à la publication des informations sur la couverture du territoire par les services de communications électroniques.L'Autorité a été saisie formellement pour avis sur les seuls projets de décrets. Elle considère toutefois qu'elle doit tenir compte de l'ensemble des textes publiés pour émettre un avis pertinent sur ces projets de décrets.C'est pourquoi elle a choisi de faire porter le présent avis sur la totalité des textes soumis à consultation publique. Elle sera naturellement appelée à se prononcer formellement sur les projets d'arrêtés lorsqu'ils lui seront transmis pour avis.

  1. Sur le projet de décret relatif à la communication d'information à l'Etat et aux collectivités territoriales
    sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire (décret « connaissance des réseaux »)

Les collectivités territoriales ont largement fait usage de la possibilité d'établir et d'exploiter des infrastructures et des réseaux de communications électroniques depuis l'inscription, en 2004, de l'article L. 1425-1 dans le code général des collectivités territoriales. Elles ont dans ce cadre fait la démonstration qu'une intervention publique locale pouvait avoir un effet bénéfique sur la concurrence et la couverture des territoires en réseaux et en services en agissant par effet de levier sur l'investissement privé.
Il est à cet égard bienvenu que la loi ait posé un principe d'accès des collectivités locales aux informations relatives aux infrastructures et aux réseaux présents sur leurs territoires.L'Autorité souligne l'importance de ce texte pour permettre aux collectivités territoriales de favoriser l'arrivée des opérateurs sur leur territoire et d'articuler au mieux leurs projets de réseaux avec les déploiements des opérateurs. Il s'agit de prendre acte du rôle structurant que jouent désormais les acteurs publics locaux dans le secteur des communications électroniques et de permettre que cette intervention se fasse dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi l'Autorité appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'éviter d'en retarder la mise en œuvre et d'en limiter significativement la portée, voire de rendre le texte inapplicable, en prévoyant des dispositions trop restrictives en matière de sécurité publique et de sécurité nationale. Il convient de rappeler à cet égard que le traitement des informations couvertes par les différents secrets protégés par la loi est déjà pleinement encadré par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

Sur les questions relatives à la sécurité

La principale difficulté de ce texte réside dans la rédaction des dispositions relatives aux informations exclues du champ d'application du décret en raison des impératifs de sécurité publique et de sécurité nationale. Quatre points méritent d'être soulignés.
Dans la rédaction du III de l'article 1er du décret, il est mentionné entre crochets que certaines informations sont exclues par arrêté du champ d'application du décret « notamment » pour des raisons de sécurité publique et de sécurité nationale. Ce « notamment » semble en première approche reprendre le texte de l'article L. 33-7 du CPCE. Cependant l'ajout de cet adverbe a pour effet de permettre d'élargir par arrêté de façon non limitative les motifs d'exclusion et d'étendre ainsi la liste des informations non communiquées, ce qui ne correspond pas au texte de la loi. Cette extension n'est donc pas justifiée et l'Autorité propose en conséquence la suppression de l'adverbe « notamment ».
L'esquisse d'arrêté « sécurité » propose une rédaction insuffisamment précise, en faisant référence aux sites et réseaux « particulièrement sensibles pour l'Etat », notion qui ne semble pas avoir de signification juridique précise et autorise donc des interprétations multiples et extensives, d'autant que les informations sur ces sites seront classifiées, donc par définition non connues des collectivités. Il serait préférable, afin d'exclure du champ d'application du décret les seules informations pertinente au regard des impératifs de sécurité, prévus notamment par le code de la défense, d'énumérer de façon exhaustive les catégories de sites et réseaux de sécurité concernés par la réglementation spécifique relative à la sécurité publique et à la sécurité nationale et de prévoir que seuls les réseaux « dédiés » à ces sites et réseaux soient exclus du champ d'application du décret.
S'agissant des sites « sensibles » pour l'Etat et des points et opérateurs d'importance vitale mentionnés par l'esquisse d'arrêté « sécurité », le principe d'un arbitrage par un représentant de l'Etat en cas de difficulté peut permettre d'éviter que l'opérateur oppose systématiquement un refus. Le choix du préfet comme arbitre pourrait être retenu dans tous les cas. En effet, le préfet exerce des compétences en matière de sécurité, en particulier dans la désignation des opérateurs et des points d'importance vitale. Il dispose en outre d'une bonne connaissance des acteurs et des projets territoriaux sur le territoire où il exerce ses compétences. Il est donc sans doute le mieux placé pour arbitrer des difficultés entre collectivités et opérateurs sur des enjeux de portée locale.
Enfin, il serait utile de préciser que l'ensemble des informations transmises par ailleurs à des opérateurs tiers, notamment dans le cadre de la régulation, ne peut en tout état de cause être exclu du champ d'application du décret. Cela concernerait au moins les répartiteurs et les sous-répartiteurs (dégroupage), la fibre sur la collecte (LFO) et les fourreaux (nouvelle offre de référence).

Sur la période transitoire

Au IV de l'article 1er, une période transitoire de trois ans apparaît démesurée et risquerait de bloquer les projets de certaines collectivités pendant la même période. Une durée maximale d'un an, jusqu'au 1er janvier 2010, paraît largement suffisante pour permettre aux opérateurs d'adapter et de compléter leurs systèmes d'information. Il faut souligner à cet égard que le fait, pour les collectivités territoriales, de disposer d'informations dans un format utilisable est essentiel. Cela conditionne l'application effective de l'article L. 33-7 du CPCE.

Sur les critères de désignation des opérateurs
entrant dans le champ d'application du décret

Afin d'éviter que les réseaux internes ouverts au public (type cafés et hôtels proposant du WI-Fi) soient soumis aux obligations prévues par le décret, il serait utile de préciser que les opérateurs de communications électroniques concernés sont les opérateurs de communications électroniques tenus d'effectuer une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques.

Sur la liste des informations à transmettre

Dans le premier alinéa du II de l'article 1er du décret, il conviendrait de compléter la liste des informations sur lesquelles peut porter la demande en y ajoutant les « galeries », le « tracé physique des infrastructures » et les « technologies disponibles » sur les sites d'émission. Ce dernier point se justifie par l'intérêt, pour les collectivités, de disposer d'informations sur les technologies radio disponibles depuis un site d'émission donné (GSM, 3G, HSPA, WIMAX, etc.) et donc sur les services et les débits disponibles.S'agissant de l'état d'occupation, information essentielle pour les collectivités mais non systématiquement connue des opérateurs, il serait souhaitable de prévoir que ces derniers fournissent « la meilleure information disponible sur l'état d'occupation » à l'instar de ce que prévoit l'obligation imposée à France Télécom dans le cadre de la régulation du génie civil.
En tout état de cause, il est essentiel que les collectivités puissent disposer des informations leur permettant de connaître avec précision la localisation et la zone arrière des répartiteurs et sous-répartiteurs, ainsi que les caractéristiques des lignes téléphoniques à la boucle et à la sous-boucle (longueur, affaiblissement, présence de multiplexeurs) afin de pouvoir déterminer leur éligibilité aux technologies DSL.

Sur les informations pouvant être communiquées à des tiers

S'agissant de la liste des informations pouvant être communiquées par les collectivités à des tiers (arrêté « sécurité »), il serait utile de favoriser l'établissement et la mise à disposition par les collectivités de Systèmes d'information géographique (SIG). Il convient donc de ne pas trop limiter la liste de ces informations, et en particulier d'y inclure, d'une part, les informations permettant de déterminer l'éligibilité des lignes téléphoniques au DSL, afin que les collectivités puissent connaître et résorber au mieux les zones blanches du haut débit, via un délégataire notamment et, d'autre part, le tracé des infrastructures de génie civil pour favoriser leur partage, particulièrement pour le déploiement de la fibre.
Sous réserve de la prise en compte des observations formulées ci-dessus, et plus particulièrement des remarques relatives à la sécurité et à la définition de la période transitoire, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
2. Sur le projet de décret relatif à la convention entre opérateurs et propriétaires sur les lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les immeubles et pris en application de l'article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques (décret « convention opérateur-propriétaire »)
A travers la définition de clauses types que devront respecter les conventions établies entre opérateurs et propriétaires, ce décret va largement encadrer les conditions d'installation et d'exploitation de la fibre optique dans les propriétés privées. Il s'agit donc d'un texte structurant compte tenu de la durée des conventions et de la difficulté à les modifier, mais aussi de la sensibilité des acteurs sur cette question et de la nécessaire confiance qu'il convient de favoriser entre les acteurs, notamment en termes de responsabilité des intervenants et d'assurance pour les habitants de pouvoir bénéficier de la concurrence.
A cet égard, l'Autorité estime que le décret doit :
― faire en sorte que le propriétaire puisse désigner un seul opérateur responsable de l'ensemble des opérations réalisées à l'intérieur des immeubles, afin de limiter les interventions et les nuisances pour le propriétaire et les habitants ;
― ne pas compromettre la mise en œuvre de la mutualisation entre opérateurs sans pour autant en fixer les modalités, qui relèvent d'accords entre opérateurs et de décisions adoptées par l'Autorité.
Dans le cadre de la préparation, en concertation avec les acteurs, d'une convention type entre opérateurs et propriétaires, l'Autorité a pu évaluer les difficultés qui pourraient résulter d'une rédaction insuffisamment précise ou ne permettant pas d'encadrer efficacement les relations complexes entre opérateurs et propriétaires.C'est ce qui motive l'étendue des remarques formulées ci-après.
Certaines de ces remarques ne sont pas purement rédactionnelles, mais apparaissent structurantes à deux points de vue. En premier lieu, l'Autorité estime que certaines formulations du projet de décret s'écartent sur plusieurs points de la rédaction de la loi. Ce faisant, elles ne s'articulent pas de manière pleinement satisfaisante avec le nouveau cadre instauré par loi. En second lieu, elle considère que certaines dispositions du projet de décret n'offrent pas la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de la régulation, en particulier pour permettre l'application par l'Autorité du nouvel article L. 34-8-3 du CPCE, relatif à la mutualisation.

Sur l'articulation du décret avec la loi de modernisation de l'économie

L'Autorité considère que le projet de décret qui lui est soumis pour avis ne s'articule pas sur plusieurs points de manière pleinement satisfaisante avec le nouveau cadre instauré par la loi, ce qui appelle les remarques suivantes :
Au II de l'article R. 9-2 :
Il est proposé de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa. En effet, en instituant une obligation de principe visant à ce que les emplacements et locaux mis à disposition de l'opérateur facilitent la mutualisation, cette mesure laisse penser que la mutualisation intervient au niveau des emplacements et des locaux mis à disposition par le propriétaire ou le syndicat de copropriété, c'est-à-dire des emplacements et des locaux situés dans les limites de la propriété. Or, l'article L. 34-8-3 pose le principe contraire en disposant que le point de mutualisation est « situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée ».A défaut de proposer une obligation plus nuancée, le projet de décret est susceptible de prêter à confusion s'agissant de la mise en œuvre du principe posé par la loi.
Dans la troisième phrase du premier alinéa, il est indispensable de prévoir, comme le dispose la loi, que « l'opérateur signataire prend en charge les opérations d'installation, de gestion, d'entretien ou de remplacement (...) ». Dans le cas contraire, on pourrait comprendre que le décret permet à l'opérateur d'immeuble de déployer de la fibre uniquement pour ses propres clients, ce qui ne doit pas être le cas pour que la mutualisation soit possible. Il convient par ailleurs de préciser que dans l'expression « l'opérateur signataire prend en charge » l'Autorité comprend que cet opérateur assure les opérations mentionnées soit lui-même, soit par le recours à la sous-traitance.
Sur l'article R. 9-3 du CPCE :
Au 5°, il convient de préciser qu'il s'agit des « conditions de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes, équipements et installations (...) » afin de rappeler que la gestion, l'entretien et le remplacement portent principalement sur les lignes de communications électroniques en fibre optique établies par l'opérateur d'immeuble, comme le prévoit la loi. Il est d'autant plus nécessaire de le préciser qu'il n'est pas évident de considérer en première analyse que la notion d'installation, qui n'est par ailleurs pas définie et dont c'est la première utilisation, englobe celle de ligne.
Sur l'article R. 9-4 du CPCE :
L'Autorité propose de rédiger comme suit la clause 4°, qui deviendrait la clause 5° (1) :
« 4° 5° Les opérations dea gestion, ld'entretien et lede remplacement des lignes en fibre optique se font assurés gratuitement par aux frais de l'opérateur signataire, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de la mutualisation des lignes prévue à l'article L. 34-8-3. »
Les modifications de rédaction proposées visent à adopter la rédaction la plus proche de celle de l'article L. 33-6 du CPCE, qui vise également les opérations d'installation et dispose que ces opérations « se font aux frais de l'opérateur ».
Par ailleurs, la présente clause ne concernant que les opérations de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes en fibres optiques, il est proposé d'insérer dans la clause 1° la précision selon laquelle les opérations d'installations de lignes en fibres optiques se font aux frais de l'opérateur signataire.

(1) Voir ci-dessous la proposition de modifier la numérotation des clauses types à l'article R. 9-4 afin qu'elle corresponde, dans un souci de lisibilité, à celle des clauses de l'article R. 9-3, qui en constituent le contenu.

Sur la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de la régulation

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a par ailleurs donné de nouvelles compétences à l'Autorité pour la mise en œuvre de l'article L. 34-8-3 du CPCE imposant à toute personne ayant établi dans un immeuble ou exploitant une ligne en fibre optique de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne.L'Autorité est en particulier compétente pour venir préciser les conditions techniques et tarifaires de cet accès.
L'expérience montre qu'en matière d'interconnexion et d'accès la détermination des conditions techniques et tarifaires précises appelle une nécessaire flexibilité pour tenir compte des choix technologiques et économiques des acteurs et de leurs évolutions. La régulation est un instrument qui permet cette flexibilité, à condition que les textes législatifs ou réglementaires n'y fassent pas obstacle.
C'est pourquoi l'Autorité appelle l'attention du Gouvernement sur différentes dispositions et formulations du projet de décret qui ne lui semblent pas offrir la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de l'article L. 34-8-3 précité.
Au III de l'article R. 9-2 :
L'article L. 33-6 du CPCE prévoit que le présent décret précise « les modalités d'information, par l'opérateur, du propriétaire ou du syndicat de copropriétaires et des autres opérateurs ».L'Autorité considère que la mise en œuvre de cette disposition doit viser à réduire au maximum le délai pour informer les opérateurs tiers afin d'éviter que l'opérateur d'immeuble ne profite de sa position de premier arrivé pour démarcher les clients en situation de monopole. Ainsi au premier alinéa du III, il conviendrait de prévoir de raccourcir le délai prévu d'un mois à quinze jours.
Par ailleurs, la fourniture d'informations détaillées entre les opérateurs doit pouvoir évoluer dans le temps au gré de la mise en œuvre opérationnelle de la régulation. Aussi et au-delà de la première liste d'éléments proposés dans le projet de décret, l'Autorité considère indispensable d'adopter une formulation ne présageant pas des modalités de fourniture des informations préalables dans le cadre de la mutualisation.A cet effet, l'Autorité propose que le premier alinéa du III de l'article R. 9-2 débute par les mots suivants : « Sans préjudice des informations transmises en application de l'article L. 34-8-3 ».
Sur la clause 1° de l'article R. 9-4 du CPCE :
L'Autorité propose de rédiger cette clause comme suit :
« 1° L'opérateur signataire dessert les logements et locaux à usage professionnel de l'immeuble prévus par la convention par un chemin continu en fibre optique partant du point de raccordement et allant jusqu'aboutissant à un dispositif de terminaison installé à la limite du logement ou du local à usage professionnel. La fin des travaux à effectuer doit intervenir dans les 6 mois après la date de signature de la convention. Le câblage d'étage raccordement effectif des logements ou locaux peut être réalisée ultérieurement après la date de fin des travaux, notamment pour répondre à une demande de raccordement émise par un occupant ou à une demande d'accès pour desservir un tel logement ou local émise par un opérateur au titre de l'article L. 34. 8-3.
Les opérations d'installation des lignes en fibre optique sont assurées aux frais de l'opérateur signataire. »
L'Autorité s'interroge fortement sur l'opportunité de préciser que le chemin continu en fibre optique aboutit à un dispositif de terminaison installé à la limite du logement ou du local à usage professionnel. Cette précision si elle devait imposer un point de coupure supplémentaire aux opérateurs multiplierait les risques d'anomalie et les cas d'interventions de maintenance. Cela engendrerait par ailleurs des coûts supplémentaires. Il importe donc de ne pas être prescriptif en la matière et de laisser le choix à l'opérateur qui, aux termes de la clause 3°, réalise en tout état de cause ses travaux d'installation à sa discrétion, sous réserve de respecter les normes applicables.
En outre, l'Autorité estime nécessaire de préciser dans cette clause, dont l'objet est de définir « la durée des travaux à effectuer », que les travaux d'installation des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans l'immeuble doivent être achevés dans un délai de six mois à compter de la signature de la convention. Cette précision est jusqu'à présent intégrée de manière inopportune au niveau de la clause 3° selon l'Autorité (cf. commentaires clause 3°).
Il apparaît également contradictoire de préciser d'un côté que les travaux de raccordement interviennent dans un délai de six mois à compter de la date de signature de la convention et de préciser de l'autre que ce même raccordement peut intervenir après ce délai. Les travaux menés par l'Autorité avec l'ensemble des acteurs depuis plus d'une année montrent que la question des travaux pouvant intervenir ultérieurement à la date de signature de la convention ne porte pas sur le raccordement en lui-même, mais sur les câblages d'étage, reliant la colonne montante aux paliers. Il apparaît plus juste de se référer à cette notion qui permettrait de prendre en compte concrètement les modalités de déploiement opérationnelles des opérateurs qui sont amenés à dissocier dans le temps l'équipement de la colonne montante de l'immeuble en fibre optique, d'une part, et les câblages d'étage intervenant, d'autre part, au fil des demandes des occupants de l'immeuble souhaitant être équipés en fibre optique.
Par ailleurs, il ne semble pas opportun d'établir un lien entre le délai de raccordement et la mise en œuvre du principe de mutualisation. Le raccordement doit être fait à la demande de l'occupant, que cette demande intervienne ou non par le jeu de la mutualisation. Dire en outre que le raccordement effectif intervient après le délai de six mois dans le cas d'une demande d'accès pour desservir un logement émise par un opérateur au titre de l'article L. 34. 8-3 laisse penser que la construction des lignes faisant l'objet d'une mutualisation ne peut pas être réalisée ab initio, ce qui n'est pas exact.L'Autorité souhaite rappeler que l'ensemble des lignes construites par l'opérateur signataire sont susceptibles d'être mutualisées.
Enfin, il apparait nécessaire d'ajouter une phrase précisant, conformément aux remarques de l'Autorité formulées sur la clause 5°, que les opérations d'installations de lignes en fibres optiques se font aux frais de l'opérateur signataire.
Sur la clause 2° de l'article R. 9-4 du CPCE :
L'Autorité propose de rédiger comme suit le premier alinéa de la clause 2°, qui deviendrait la clause 3° (2) :
« 3° 2° Les conditions d'exécution des travaux nécessaires aux modalités d'exécution des interventions ou travaux d'installation, de gestion, d'entretien ou de remplacement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans l'immeuble sont à la discrétion de l'opérateur. Celui-ci respecte le règlement intérieur de la propriété ainsi que les normes applicables et les règles de l'art. Les installations et chemins de câbles respectent l'intégrité esthétique des lieux. »
Le titre de la clause 3° figurant à l'article R. 9-3 porte spécifiquement sur les « conditions d'exécution des travaux » et non sur « les modalités d'exécution des interventions ou des travaux », formulation qui laisse penser que la présente clause traite des modalités d'exécution des interventions de gestion, d'entretien et de remplacement alors que les conditions de gestion, d'entretien et de remplacement sont traitées par la clause 5° de l'article R. 9-3.
En outre, au-delà du respect par l'opérateur du règlement intérieur de la propriété et des techniques applicables, il est souhaitable de préciser que les travaux qu'il réalise interviennent dans les règles de l'art, cette notion étant distincte juridiquement des deux précédentes.

(2) Cf. infra.

Sur la clause 3° de l'article R. 9-4 du CPCE :
L'Autorité propose de rédiger comme suit le premier alinéa de la clause 3°, qui deviendrait la clause 4° :
« 3° 4° L'opérateur signataire est responsable des dommages directs tant matériels que corporels causés par les travaux d'installation, de gestion, d'entretien ou de remplacement des lignes en fibre optique tant pour lui-même que pour ses sous-traitants éventuels et ce, tant à l'égard du propriétaire, de ses ayants droits et des que d'un tiers qui se trouveraient dans la propriété privée au moment des travaux. Il contracte au préalable les assurances nécessaires pour couvrir les éventuels dommages à hauteur d'un plafond déterminé entre les parties, sa responsabilité et les éventuels dommages directs, matériels et corporels, et s'engage à en justifier à la première demande du Propriétaire. matériels ou corporels. »
S'agissant du régime de responsabilité, l'Autorité souhaite préciser que le régime proposé ne correspond pas au régime traditionnellement mis en œuvre dans le cadre de relations de cette nature et semble excéder de beaucoup ce qui est juridiquement admis.
En principe, le régime de responsabilité couvre les dommages directs tant matériels que corporels à l'exclusion expresse de la réparation des dommages indirects et/ou immatériels. Les dommages indirects et/ou immatériels sont généralement ceux qui ne résultent pas directement du fait fautif de celui qui s'engage ou de celui de l'un des cocontractants en particulier, toute perte de chiffre d'affaires, de bénéfice, de profit, d'exploitation, de renommée ou de réputation, de clientèle, préjudice commercial, économique et autre perte de revenus. Aussi, il semble préférable de modifier le régime de responsabilité en ce sens.
Par ailleurs, un tel régime est généralement accompagné d'un système de plafonnement dont il revient aux parties de déterminer le montant.

Remarques incidentes

Au-delà de ces observations qu'elle estime fondamentales, au regard des principes établis par la loi, pour la bonne application du projet de décret, l'Autorité propose plusieurs modifications qui permettraient d'apporter des améliorations à la rédaction du texte.
Au II de l'article R. 9-2 :
Il est proposé de compléter la première phrase du premier alinéa comme suit : « Les conditions d'installations, de gestion, d'entretien et de remplacement desdites lignes prévues par la convention ne peuvent faire obstacle à et sont compatibles avec la mise en œuvre de la mutualisation des lignes prévue à l'article L. 34-8-3. » L'objectif est de se rapprocher du texte de la loi, qui mentionne explicitement les conditions d'installations, de gestion, d'entretien et de remplacement.
Le troisième alinéa s'apparente à une obligation de contenu pour les signataires de la convention dans la mesure où ils doivent rappeler que l'autorisation accordée par le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires à l'opérateur n'est assortie d'aucune contrepartie financière. En conséquence, l'Autorité propose de faire figurer cet élément parmi les clauses conformes prévues à l'article R. 9-4.
Sur l'article R. 9-3 du CPCE :
Au 1°, il convient de préciser que l'on parle de « la date de raccordement prévisionnelle » car cette date n'est pas connue avec certitude, et de supprimer les mots « des habitants » qui n'apportent rien et obscurcissent inutilement la phrase.
Au 7°, il convient de préciser que l'on vise les infrastructures d'accueil « mises à disposition par le propriétaire ou installées, éventuellement, par l'opérateur signataire ».
L'Autorité souhaite ainsi préciser que cette mise disposition d'infrastructures d'accueil de lignes de communications électroniques n'obère en rien l'obligation de l'opérateur de mettre en œuvre la mutualisation en cas de demande raisonnable d'accès à ses lignes de communications électroniques en fibre optique.
Par ailleurs, les modifications proposées visent à :
― faire en sorte que l'utilisation de ce type d'infrastructures puisse également porter sur les infrastructures d'accueil mises, le cas échéant, à disposition de l'opérateur signataire par le propriétaire ;
― se rapprocher du texte de l'article L. 33-6 du CPCE qui dispose que « la convention autorise l'utilisation par d'autres opérateurs de toute infrastructure d'accueil de câbles de communications électroniques éventuellement établie par l'opérateur ».
Sur l'article R. 9-4 du CPCE :
D'une manière générale, à l'article R. 9-4, il serait préférable, dans un souci de lisibilité, d'aligner la numérotation des rubriques sur celles des clauses de l'article R. 9-3, puisque les premières correspondent au contenu des secondes. Il convient de signaler que le 2° de l'article R. 9-3 ne fait pas l'objet d'une clause conforme et ne doit donc pas être repris dans l'article R. 9-4.
L'Autorité propose de supprimer le deuxième alinéa de la clause 2° (qui deviendrait la clause 3° pour les raisons de cohérences évoquées ci-dessus) et de rédiger comme suit le troisième alinéa :
« Le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires met à la disposition de l'opérateur signataire les infrastructures d'accueil ou l'espace nécessaires dans les locaux techniques de l'immeuble, pour permettre l'installation, la gestion, l'entretien ou le remplacement des lignes à très haut débit en fibre optique. Lorsque de telles infrastructures d'accueil ne sont pas disponibles, l'opérateur en installe dans le respect de la clause 1. Le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires informent l'opérateur signataire des contraintes physiques de l'immeuble, notamment celles liées à l'environnement, à la vétusté, à l'accès, à la fragilité et aux nuisances sonores. »
L'alinéa 2 de la clause précisant que « les travaux d'installation des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans l'immeuble doivent être achevés dans un délai de six mois à compter de la signature de la convention n'a pas vocation à intégrer la présente clause mais à être incorporé à la clause 1°, dont l'objet est de définir « la durée des travaux à effectuer ».
En outre les modifications proposées au dernier alinéa de la clause visent :
― d'une part, à ne pas limiter aux locaux techniques la mise à disposition d'espace nécessaire pour permettre l'installation, la gestion, l'entretien ou le remplacement des lignes à très haut débit en fibre optique. De tels locaux techniques peuvent d'abord ne pas exister. Ensuite, l'opérateur a besoin d'espace pour l'installation, la gestion, l'entretien ou le remplacement des lignes à très haut débit en fibre optique en dehors des locaux techniques ;
― d'autre part, à prévoir l'hypothèse, fort probable, où l'immeuble n'est pas pourvu d'infrastructures d'accueil existantes ou disponibles. Dans ce cas, il est proposé de préciser que l'opérateur signataire installe de telles infrastructures d'accueil dans les conditions de la clause 1°.
L'Autorité propose également que dans la clause 5° qui devient la clause 6°, il soit précisé que « l'opérateur informe le propriétaire ou le syndicat de copropriété des principales modifications apportées aux installations (...) » afin d'éviter des procédures d'informations trop lourdes et coûteuses pour des modifications mineures.
Enfin, l'Autorité propose deux modifications rédactionnelles permettant d'aligner la rédaction du décret sur celle de la loi. Ainsi, dans les articles R. 9-2 II § 1 et R. 9-4 (4°) du projet de décret, il faudrait remplacer le mot : « mutualisation » par le mot : « accès ».
En conclusion et compte tenu de ce qui précède et au-delà de ses remarques incidentes, l'Autorité estime, d'une part, que le projet de décret doit être modifié pour que son contenu se rapproche de la formulation de la loi afin qu'il s'articule de manière pleinement satisfaisante avec le nouveau cadre qu'elle instaure. L'Autorité estime, d'autre part, que le projet de décret doit être modifié afin d'offrir la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de la régulation et, en particulier, à la mise en œuvre par l'Autorité du nouvel article L. 34-8-3 du CPCE. Dans ces conditions, l'Autorité émet un avis favorable sous réserve de la prise en compte, a minima, de ces deux séries d'observations.

  1. Sur le projet de décret relatif à l'établissement d'un « droit au très haut débit » et pris en application du
    II de l'article 1erde la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 modifiée relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion (décret « droit à la fibre »)

L'Autorité estime tout d'abord que le projet de décret devrait être modifié sur deux points qui apparaissent essentiels :

Sur le délai accordé au propriétaire pour s'opposer
à la demande lorsque l'immeuble est déjà équipé

En premier lieu, au premier alinéa du I de l'article 2, l'Autorité propose de réduire de trois mois à quinze jours le délai accordé au propriétaire pour notifier son opposition au demandeur au motif que l'immeuble est déjà équipé.
En effet, il est essentiel pour les opérateurs, et notamment pour les opérateurs d'entreprises, de pouvoir répondre dans des délais très courts à leurs clients entreprises qui souhaiteraient être raccordés à très haut débit, car la rapidité de mise en œuvre du service est un critère essentiel de la qualité de services attendue par les professionnels. Il est donc important que l'opérateur puisse savoir très rapidement s'il devra déployer ou recourir à la mutualisation pour fournir le service.
Or, dans le cas où l'immeuble est déjà équipé, il n'est pas nécessaire que le propriétaire dispose d'un délai de trois mois, dans la mesure où il s'agit simplement pour lui d'informer l'opérateur qu'un réseau est déjà présent dans son immeuble. Il n'est donc pas nécessaire pour cela de réunir l'assemblée générale en cas de copropriété. Dans ces conditions, un délai de quinze jours paraît suffisant.

Sur la nécessité d'une décision de l'assemblée générale
de copropriété avant l'exécution des travaux

L'Autorité souligne par ailleurs que l'article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit que « L'assemblée générale est tenue de statuer sur toute proposition (...) » émanant d'un opérateur d'installer à ses frais des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique lorsque l'immeuble n'est pas équipé.
Il résulte de cette disposition que la réalisation de travaux de raccordement à un réseau à très haut débit en fibre optique doit être présentée et approuvée en assemblée générale des copropriétaires. Ainsi, même lorsque le projet de travaux présenté par l'un des copropriétaires devant l'assemblée générale a fait l'objet d'une résolution défavorable, le locataire reste tenu de présenter son projet de travaux de raccordement à l'assemblée générale, qui doit statuer sur ce projet.
Or, l'article 2 (II), alinéa 4, du projet de décret dispose que « si le projet [du propriétaire] a fait l'objet d'une résolution défavorable de l'assemblée générale des copropriétaires, le demandeur [qu'il soit locataire ou copropriétaire] peut procéder à l'exécution des travaux qui ont fait l'objet de la notification ».
L'Autorité constate que cette disposition est en contradiction avec la loi et devrait en conséquence être modifiée de façon à ce que l'exécution des travaux ne puisse avoir lieu qu'après la décision de l'assemblée générale.

Remarques incidentes

L'Autorité souhaite par ailleurs formuler plusieurs propositions d'amélioration du projet de décret :
En premier lieu, au deuxième alinéa du II de l'article 2, l'Autorité propose de préciser, par souci de clarté, que l'inscription du projet à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale constitue un motif d'opposition dès lors que cette assemblée générale intervient dans les six mois.
L'Autorité note également qu'au regard de l'article 1er de ce projet de décret les travaux de raccordement à un réseau à très haut débit en fibre optique sont constitués par l'installation, l'entretien et le remplacement de lignes de communications électroniques. Or à l'article 2 de ce projet de décret, la notion « d'installation » a disparu. En conséquence, dans un souci de cohérence, il serait utile de modifier l'article 2 en introduisant la notion « d'installation ».
L'Autorité note enfin que l'intitulé du projet de décret ne correspond pas au contenu du projet de décret. En effet, l'intitulé prévoit « l'établissement d'un droit au très haut débit ». On pourrait ainsi comprendre que ce texte instaure un droit susceptible d'être opposable aux collectivités publiques (comme c'est le cas, par exemple, pour le droit au logement). Or tel n'est pas le cas, l'objet de l'article 109 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie étant de préciser les conditions de raccordement des immeubles au très haut débit et de créer une faculté d'accès au très haut débit sur le modèle du « droit à l'antenne ». Pour éviter toute ambiguïté, l'Autorité suggère donc de reformuler le titre du projet de décret.
Sous réserve de ces observations, et plus particulièrement des deux premières, relatives, d'une part, au délai accordé au propriétaire pour s'opposer à l'installation d'un réseau lorsque l'immeuble est déjà équipé et, d'autre part, à la nécessité, inscrite dans la loi, que l'Assemblée générale se prononce sur la demande de raccordement avant l'exécution des travaux, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.

  1. Sur le projet de décret relatif à l'installation de lignes de communications électroniques
    à très haut débit en fibre optique dans les bâtiments neufs (décret « précâblage des immeubles neufs »)

L'Autorité estime que ce projet de décret est en l'état en partie contraire aux objectifs poursuivis par la loi en vue de la mutualisation des réseaux en fibre optique. En conséquence, il doit être modifié selon deux orientations.

Sur le raccordement des lignes à un boîtier

La rédaction actuelle, qui prévoit que les lignes sont raccordées à un boîtier en pied d'immeuble, risque de conduire à préempter les modalités de mise en œuvre du point de mutualisation (nature et localisation). Afin d'éviter cet effet, qui est contraire à l'esprit de la loi, il convient de remplacer au IV de l'article 1er et à l'article 2 le terme de « boîtier » par celui de « point de raccordement ».

Sur l'intérêt de préserver la possibilité d'une solution « multifibre »

Par ailleurs, le projet de décret précise que chaque logement ou local professionnel est équipé d'une ligne à très haut débit en fibre optique comprenant au moins une fibre dédiée. Or, il serait préférable de privilégier une solution qui n'interdise pas d'imposer l'équipement des logements et des locaux professionnels avec des solutions multifibre, et ce pour deux raisons : d'une part, le surcoût de la pose d'une ou plusieurs fibres supplémentaire lors de la construction de l'immeuble est beaucoup plus faible que le surcoût de l'ajout de fibres supplémentaires une fois l'immeuble construit ; d'autre part, une solution de type multifibre permet d'ouvrir les modalités de mutualisation entre opérateurs et d'apporter un éventail de choix plus large aux utilisateurs.
La question du nombre de fibres à poser selon les différents cas de figure n'étant pas à ce stade tranchée et la mesure d'équipement des immeubles neufs n'étant appelée à entrer en vigueur qu'en 2010, l'Autorité propose, au-delà de la disposition prévoyant d'équiper chaque logement et chaque local professionnel avec au moins une fibre dédiée, de renvoyer à un arrêté du Gouvernement le soin de fixer le nombre de fibres à installer selon les différents cas de figure qui pourront se présenter.
Sous réserve de la prise en compte de ces deux remarques de fond, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.

  1. Sur le projet de décret relatif à la publication des informations sur la couverture du territoire
    par les services de communications électroniques (décret « connaissance des services »)

L'Autorité se félicite de la volonté du Gouvernement d'adopter ce projet de décret, qu'elle juge particulièrement utile pour mettre en œuvre les objectifs d'aménagement numérique du territoire, ce qui l'a conduite par le passé à communiquer au ministre chargé des communications électroniques une proposition de rédaction d'un tel projet de décret. Elle estime cependant que des améliorations peuvent être apportées à ce texte sur plusieurs points.

Sur les critères de désignation des opérateurs entrant dans le champ d'application
du décret et les modalités d'application des obligations du décret

Comme pour le décret « connaissance des réseaux », l'Autorité propose de prévoir que seuls les opérateurs tenus d'effectuer une déclaration préalable au titre de l'article L. 33-1 du CPCE soient soumis aux obligations du décret. Une telle mesure serait pertinente pour exclure les réseaux internes ouverts au public (de type cafés et hôtels proposant du Wi-Fi) du champ d'application du décret.
En outre, l'esquisse d'arrêté d'application du décret prévoit des seuils de chiffre d'affaires et de nombre de clients en deçà desquels les opérateurs sont exclus du champ d'application du décret. Ces seuils étant relativement élevés, l'Autorité note que les collectivités territoriales n'auront pas accès à des informations de couverture détenus par certains opérateurs, alors même que ces informations sont importantes en termes d'aménagement numérique du territoire. Par ailleurs, certains des opérateurs qui seront exclus du champ d'application du décret sont déjà soumis à des obligations de transmission de ces informations. Toutefois, l'Autorité comprend que, pour des opérateurs de petite taille, l'obligation de publication de cartes de couverture soit lourde et coûteuse. C'est pourquoi elle propose de maintenir les seuils proposés tout en prévoyant que les opérateurs dont le chiffre d'affaires ou le nombre de clients est inférieur à ces seuils ne soient soumis qu'à l'obligation prévue au II de l'article D. 98-6-2, à savoir la communication des informations de couverture à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, dans un délai qui peut être prolongé à deux mois.

Sur la mise à jour des informations

Au même alinéa, il serait utile de préciser que les informations transmises sont « suffisamment précises et à jour pour répondre aux besoins des utilisateurs » afin de s'assurer que ces informations sont effectivement pertinentes.

Sur la gratuité de la transmission des informations

Aux deux alinéas suivants, il serait nécessaire de prévoir le principe de la gratuité de la transmission des informations, sur le modèle prévu par le décret « connaissance des réseaux », étant donné qu'il n'y a aucune raison de traiter différemment les informations sur les réseaux et infrastructures et celles sur la couverture des services. Dès lors que les premières sont transmises gratuitement, il convient d'étendre cette mesure aux secondes, d'autant qu'il existe des recoupements entre les deux catégories d'informations et que certains opérateurs sont déjà tenus de publier gratuitement leurs zones de couverture.
En outre, s'il peut être légitime que les coûts de traitement de l'information puissent être facturés, il conviendrait d'encadrer cette possibilité afin d'éviter toute surfacturation. C'est pourquoi il est proposé de prévoir que « seuls les coûts incrémentaux d'élaboration et d'assemblage des données (...) » sont susceptibles d'être facturés.

Sur la classification des services et les classes de débits

Dans l'esquisse d'arrêté, il conviendrait de modifier la classification prévue au II, en ne prévoyant que deux catégories :
― les offres d'accès à internet en position déterminée (fixe) ;
― les offres de service en situation nomade ou mobile.
En effet, il ne semble pas pertinent de séparer les offres d'accès à internet en situation de mobilité des offres de téléphonie mobile. Le service de base est la téléphonie ; les offres de services supérieures comprennent l'accès à internet. De plus, le reste de l'arrêté ne distingue que deux types de services : les offres en position déterminée et les offres nomades et mobiles. Il semble donc plus pertinent de prévoir le service téléphonique comme une première classe du service nomade/mobile (cf. ci-dessous).
Par ailleurs, s'agissant des offres en position déterminée prévues au a du II, il conviendrait d'établir une distinction entre les technologies filaires, pour lesquelles on peut parler de zone éligible, et les technologies radio, pour lesquelles il faut se référer à la notion de couverture.
Enfin, les propositions suivantes sur les classes de débit mobile pourraient être reprises au b du II, sans faire référence aux technologies employées :
« Les opérateurs publient des cartes de couverture en distinguant des zones en fonction des classes de débits descendants suivantes :
― pas de couverture mobile ;
― service téléphonique ;
― débit inférieur à 250 kbit/s ;
― débit entre 250 et 2 000 kbit/s ;
― débit supérieur à 2 000 kbit/s .»
Ces débits sont des débits maximaux théoriques accessibles dans la zone considérée.
Il apparaît en effet plus pertinent, dans un souci de neutralité, de se limiter à des classes de débit, sans parler de technologies. Rien ne dit en effet que les opérateurs déploieront toujours les mêmes technologies, a fortiori quand des autorisations seront délivrées à des opérateurs souhaitant déployer du WiMAX mobile.
Sous réserve de ces propositions d'améliorations, et notamment sur les critères d'application aux opérateurs des obligations du décret et sur la mise à jour des données transmises, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret.
Le présent avis et les propositions rédactionnelles annexées seront transmis au secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, et publiés au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 6 novembre 2008.

Le président,

P. Champsaur