- Deux questions, non sans lien, mais distinctes, doivent être abordées : d'une part, celle des instructions générales, et du lien de subordination au garde des sceaux du ministère public ; d'autre part, celle des instructions individuelles du garde des sceaux au parquet.
II-1. Reconnaître une plus grande indépendance au parquet
- Dans la recommandation (2000)19, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a émis des vœux concernant le rôle du ministère public dans le système de justice pénale. Il a distingué différentes traditions juridiques, qui ont chacune des caractéristiques propres. Certains ministères publics sont indépendants ; d'autres sont soumis hiérarchiquement au ministre de la justice ; certains reçoivent des instructions individuelles, alors que d'autres ne peuvent en recevoir. Ces différentes traditions juridiques peuvent, si elles sont entourées de garanties suffisantes, être aussi protectrices des droits de l'homme les unes que les autres. Un parquet hiérarchiquement soumis au ministre de la justice devra avoir un pouvoir plus restreint qu'un parquet indépendant, et des droits importants devront être reconnus aux parties intéressées à l'affaire, notamment dans le déclenchement des poursuites. A l'inverse, un parquet indépendant du ministère de la justice nécessite que lui soit reconnu un véritable pouvoir propre de coordination de sa politique pénale.
- L'une des ambiguïtés (15) du statut du ministère public français (16), que les projets de loi examinés ne lèvent pas, tient au fait qu'il ne choisit pas entre ces différentes formes de traditions juridiques. A bien des égards, l'ambiguïté est constitutionnelle. Les magistrats du parquet font partie de l'autorité judiciaire (17), et sont, à cet égard, indépendants (18). Certains lisent dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel une reconnaissance du caractère constitutionnel du principe d'unité du corps (19). Le Conseil constitutionnel a également considéré « qu'en vertu de l'article 20 de la Constitution le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, notamment dans le domaine de l'action publique » ; et que le principe selon lequel « le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République » ne méconnaissait « ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle » (20).
(15) Jean-Paul Jean, « Le ministère public entre modèle jacobin et modèle européen », Revue de science criminelle 2005, p. 670. (16) Christine Lazerges, (dir) « Figures du parquet » ― les voies du droit ― PUF 2006. (17) « L'autorité judiciaire (...) comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet », Conseil constitutionnel, 11 août 1993, décision n° 93-326 DC. (18) Article 64 de la Constitution. (19) Guy Canivet, « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 16, juin 2004. (20) Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
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