JORF n°0198 du 27 août 2025

Avis divers n°2025-01

Saisie par la ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,

Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;

Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 29 avril 2025, relative à un manuscrit de textes d'Anne de France, Enseignements à sa fille, suivis de l'Histoire du siège de Brest, parchemin, 112 f. précédés et suivis d'un feuillet de garde, 20 miniatures dont 3 en pleine page, reliure de veau brun à décor et inscriptions dorées, vers 1505 ;

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Manuscrit d'Anne la Grande pour Suzanne

Résumé Ce manuscrit rare écrit par Anne la Grande pour sa fille raconte leurs enseignements et un siège historique ; il est considéré comme un trésor national et ne peut être exporté.
Mots-clés : Manuscript Renaissance French history

La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 16 juillet 2025,
Après en avoir délibéré :
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue l'unique manuscrit connu, et récemment réapparu, de deux textes écrits par Anne de France (1461-1522) pour sa fille et seule héritière, Suzanne de Bourbon (1491-1521), qui est de plus l'exemplaire personnel de celle-ci, probablement réalisé à la demande de sa mère, voire sous sa direction ; que les textes de cet ouvrage ont été rédigés par la fille aînée de Louis XI, devenue duchesse de Bourbon et d'Auvergne par son mariage avec Pierre de Beaujeu (1438-1503), qui a été une des femmes de pouvoir les plus influentes de la Renaissance, surnommée « Madame la Grande » et ayant exercé de fait la régence du royaume de France pendant la minorité de son frère Charles VIII entre 1483 et 1491 ; qu'au-delà de son action politique et culturelle, Anne de Beaujeu a joué un rôle également affirmé d'éducatrice, en supervisant la formation de son frère, des enfants princiers élevés à la Cour de France et de sa fille, à laquelle elle destina les Enseignements, qui contiennent des préceptes moraux exprimant son idéal nobiliaire fondé sur la piété, la vertu et l'apprentissage des lettres et de la vie de cour ; que l'œuvre complémentaire autour d'un épisode de la Guerre de Cent ans, le siège de Brest, connue par cet unique manuscrit, développe les préceptes du traité théorique sur un mode narratif et laisse apparaître les qualités littéraires d'Anne de France ; que cet exemplaire original, écrit sur parchemin, portant en tête les armes peintes de Suzanne de Bourbon et sur la garde supérieure son ex-libris, dont le texte des Enseignements s'ouvre sur une peinture à pleine page représentant la duchesse en vêtement de deuil avec sa fille et celui du Siège de Brest est illustré de 18 miniatures, traduisant son importance équivalente, revêt un grand intérêt historique ; qu'il présente une unicité du cycle iconographique, sans doute conçu en lien avec la commanditaire, témoignant des productions des ateliers d'enluminure lyonnais de l'époque et pouvant être attribué à un enlumineur désigné comme le Maître de l'Entrée de François Ier, actif dans la cité rhodanienne entre 1485 et 1515 ; que la reliure d'origine, frappée aux deux plats du prénom de la destinataire et de la devise des Bourbons, marquant une personnalisation rare pour l'époque, est ornée d'un décor doré, résultant d'une technique encore nouvelle en Europe et peu connue dans la production lyonnaise contemporaine si cette origine, déjà relevée pour les enluminures, se confirmait ; que le parcours de cet ouvrage est documenté à partir de sa provenance de la prestigieuse bibliothèque des ducs de Bourbon, saisie en grande partie en 1527 pour rejoindre la bibliothèque personnelle de François Ier, sans que ce volume n'en fasse partie, peut-être du fait de son caractère personnel ou de sa localisation ailleurs qu'à Moulins ; qu'il est passé dans la bibliothèque du chancelier Pierre Séguier (1588-1672) puis dans celle de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, avant d'en disparaître, probablement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, échappant ainsi aux nationalisations, avant de réapparaître dans la bibliothèque de Saint-Pétersbourg et d'être sans doute cédé à l'occasion des ventes par les autorités soviétiques dans les années 1930, ce qui semble avoir permis son retour en mains privées en France, où il a été conservé jusqu'à présent, à l'insu de tous les spécialistes qui l'ont longtemps considéré comme perdu ; que ce précieux témoin, resté, de manière très rare pour la période, dans son état d'origine, d'un précis d'éducation princière, le premier de la Renaissance, édité deux fois dès la première moitié du XVIe siècle, signe de son importance, et d'une nouvelle littéraire rédigés par une figure de premier plan de l'histoire de France, constitue un ouvrage d'une très haute qualité littéraire et artistique ainsi qu'une source historique capitale ;
Qu'en conséquence, ce bien présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considéré comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.

Pour la Commission :

Le président,

E. Honorat